1971 |
"L'histoire du K.P.D. (...) n'est pas l'épopée en noir et blanc du combat mené par les justes contre les méchants, opportunistes de droite ou sectaires de gauche. (...) Elle représente un moment dans la lutte du mouvement ouvrier allemand pour sa conscience et son existence et ne peut être comprise en dehors de la crise de la social-démocratie, longtemps larvée et sous-jacente, manifeste et publique à partir de 1914." |
Révolution en Allemagne
Pierre Broué
Essai de définition du rôle d'un parti communiste
L'année 1920 marque à la fois la fin de la guerre civile et la constitution en Allemagne d'un parti communiste de masse. Mais l'année 1921 est pour le communisme mondial celle de l'insurrection de Cronstadt, de la première crise grave à l'intérieur de la révolution, celle du tournant, l'abandon du communisme de guerre, l'adoption de la Nep. Depuis la fin de la guerre civile à l'automne, les communistes russes sont plongés dans leurs dissensions, la discussion syndicale au cours de laquelle s'exprime le désarroi d'hommes voyant sous leurs yeux se décomposer le pays qui, pendant deux ans, a été le champ d'une féroce bataille. Fascinés par leurs propres problèmes, ils ne comprendront pas sur le moment que la situation internationale s'est, elle aussi, modifiée ; le temps est révolu des assauts convulsifs d'un prolétariat enragé de souffrance qui sent le pouvoir à portée de ses mains ; il faut admettre que le capitalisme s'est « stabilisé », qu'il a survécu à la crise révolutionnaire d'après guerre et qu'il s'est découvert de nouvelles ressources, une nouvelle capacité de durer.
La prise de conscience de ces conditions nouvelles, leur acceptation, ne se font pas en une fois, mais par à-coups : elles constituent l'enjeu de luttes passionnées. La révolte contre la réalité qui dissipe les « illusions de l'enfance », selon le mot de Boukharine [1], prend des formes tragiquement puériles : des militants, des dirigeants communistes cherchent à forcer les ouvriers au combat, brisent, dans leur impatience, la mécanique parce qu'elle ne fonctionne plus comme autrefois, agissent comme si incantations et imprécations suffisaient à produire des miracles, comme s'il suffisait de vouloir la révolution pour quelle soit ...
Résumant, au début de 1921, dans un débat à huis clos, les problèmes politiques posés au cours de l'année 1920, Radek devait décrire en ces termes les grandes espérances de cet été l'exaltation :
« Pendant la guerre contre la Pologne, l'exécutif croyait que les mouvements révolutionnaires étaient en train de mûrir en Europe occidentale, que, dans la marche vers l'ouest, le but n'était pas d'imposer le bolchevisme à la pointe des baïonnettes, mais seulement de briser la croûte de la puissance militaire des classes dirigeantes, dans la mesure où il existait déjà des forces internes suffisantes déclenchées en Allemagne pour conserver le contrôle de tout. La seconde pierre angulaire de la politique de l'exécutif était son appréciation de la situation allemande concrète. L'exécutif pensait qu'en Allemagne les choses étaient déjà en train de mûrir pour la prise du pouvoir politique. Nous pensions que, si nous tenions Varsovie, il ne serait pas nécessaire de poursuivre juqu'au bout notre avance vers l'Allemagne » [2].
Le « schéma allemand » n'était pourtant pas le seul. Radek précise :
« Il y avait une autre école de pensée dans le comité exécutif, celle qu'on appelle la tendance du Sud-Est, qui soutenait qu'il fallait tenter la percée non en Allemagne, mais quelque part ailleurs, dans les pays à la structure agraire explosive, Galicie orientale, Roumanie, Hongrie, et qui était convaincue que, si nous étions arrivés à la Drave et la Save, la révolution serait accélérée dans les Etats balkaniques et serait créé l'arrière-pays agricole nécessaire pour la révolution italienne. Car la création d'un arrière-pays agricole est aussi cruciale pour la révolution italienne que pour la révolution allemande » [3].
Cependant, la masse des militants, et sans doute des cadres, était restée très en dessous de ces nuances et avait cru en la proche victoire de la révolution en Europe.
C'est au mois de juillet 1921 que l'Internationale communiste opère le tournant que lui dicte la reconnaissance d'une situation nouvelle où la prise du pouvoir n'est pas à l'ordre du jour immédiat. Mais la nouvelle situation a pris forme dès 1920. L'offensive de l'été menée par l'armée rouge de Toukhatchevski n'a été qu'un mirage. Sa foudroyante contre-attaque avait sonné pour la plupart des communistes le glas du capitalisme en Europe, le tocsin de l'insurrection, et Boukharine, dans un article retentissant pour une « politique d'offensive révolutionnaire », avait soutenu qu'on pouvait et devait exporter la révolution à la pointe des baïonnettes [4]. Un « gouvernement provisoire » formé de vétérans communistes polonais attendait, prêt à se mettre à la tête des prolétaires polonais, dont le soulèvement était attendu à l'arrivée de leurs « libérateurs ».
Les délégués du 2° congrès mondial de l'Internationale avaient partagé ces espoirs. On y considérait d'un œil soupçonneux Levi qui demeurait sceptique quant au désir des ouvriers allemands de se soulever à l'arrivée des cavaliers de Boudienny. Le passé récent revêtait à la lumière des opérations militaires des couleurs nouvelles riches de promesses : Jean Brécot — pseudonyme de Gaston Monmousseau — écrivait que la grève des cheminots français au mois de mai avait marqué « le réveil de la conscience prolétarienne» en France, « le premier pas du prolétariat français vers l'action révolutionnaire internationale » [5].
D'ailleurs le mouvement révolutionnaire semblait s'étendre bien au-delà des frontières de la vieille Europe, dont l'encerclement et les contradictions internes annonçaient l'irrémédiable transformation. Le 1° septembre s'était tenu à Bakou le premier « congrès des peuples de l'Orient » ; des délégués indiens, chinois, turcs, iraniens, kurdes, acclamaient la révolution mondiale contre l'impérialisme dont Zinoviev, flanqué de Radek et de Béla Kun, leur montrait le chemin. L'Internationale s'étendait au Proche et à l'Extrême-Orient.
Pendant que Zinoviev écourtait en Allemagne sa tournée triomphale, les événements semblaient se précipiter. Au début de septembre 1920, le prolétariat de l'Italie du Nord avait déclenché le grand mouvement d'occupation des usines sous la direction de ses conseils de fabrique et l'inspiration du petit noyau des communistes turinois groupés autour de l'Ordine Nuovo et d'Antonio Gramsci. De grands combats de classe s'annonçaient en Tchécoslovaquie, où l'Etat prenait la défense des vieux dirigeants de la social-démocratie contre les communistes qui voulaient leur arracher le contrôle du parti. L'adhésion à l'Internationale des indépendants allemands, celle, probable et proche, de la majorité du parti socialiste français, paraissaient démontrer le caractère irrésistible de l'élan qui, dans tous les pays, transportait vers la III° Internationale et son programme de révolution prolétarienne les masses ouvrières.
Or le bilan de l'année 1920 se révélait bientôt négatif. Les adversaires de la marche sur Varsovie, Trotsky, Radek, et une partie des communistes polonais, sceptiques quant aux possibilités de l'exportation de la révolution les armes à la main, avaient eu raison contre Lénine. Non seulement les ouvriers et les paysans pauvres polonais ne s'étaient pas soulevés, mais encore ils avaient lutté, derrière leurs généraux et leurs magnats, avec les conseillers de l'Entente, pour leur « indépendance », contre les soldats rouges. L'avance victorieuse de l'armée rouge avait fait place à une retraite précipitée, laquelle avait conduit à l'armistice. Le « comité d'action » contre l'intervention en Pologne, en qui Lénine avait salué « le soviet de Londres » n'avait pas survécu à la fin des combats. La grève des cheminots français n'avait été que le sommet de la vague. En Italie, le refus des éléments social-démocrates de droite et des dirigeants syndicaux de s'engager dans la bataille provoquait chez les travailleurs scepticisme et découragement, le début d'un reflux sur lequel le fascisme commençait à mordre, fort de la grande peur de la bourgeoisie. Les grévistes de Tchécoslovaquie étaient battus en décembre les armes à la main.
Lénine notait dès décembre le « ralentissement du rythme » de la révolution européenne [6]. Mais Zinoviev écrivait aux socialistes italiens que la révolution prolétarienne frappait à leur porte [7]. Peut-être était-il convaincu que seule une victoire révolutionnaire de l'Internationale pourrait faire faire à la Russie l'économie d'un tournant en préparation, qu'il n'acceptait qu'à contre-cœur après l'avoir vigoureusement combattu dans les discussions au bureau politique [8]. Il appliquait en tout cas, ce faisant, les résolutions du 2° congrès de l'Internationale. Autour de lui, l'appareil de celle-ci, les hommes de l'exécutif, rescapés de la révolution hongroise, émigrés rouges de Moscou, plénipotentiaires à l'expérience courte, mais à l'autorité considérable, demeuraient convaincus que rien d'essentiel ne s'était produit depuis août 1920 et surtout que la tâche des partis communistes qu'ils avaient pour mission d'aider à se transformer, de social-démocrates de gauche qu'ils étaient, en bolcheviks authentiques, était plus que jamais de travailler à accélérer une révolution qui grondait.
Des désaccords sur l'appréciation de la situation internationale sous-tendaient les réticences de Levi au cours du 2° congrès de l'Internationale, tant au sujet des conditions d'admission que des tâches immédiates des partis communistes. De ce point de vue, il avait incontestablement eu raison contre Lénine. Mais il n'était pas besoin de ce motif supplémentaire pour nourrir la méfiance à son égard des membres russes de l'exécutif. Meyer s'en explique sans ambages devant le congrès du K.P.D. : les dirigeants russes — Zinoviev en particulier — ressentent comme une véritable défiance à leur égard la « réserve » des Allemands. Ils redoutent — sans doute à la suite de Radek — que l'antiputschisme de Levi et de la centrale ne se soit transformé en hostilité et en résistance à toute action. C'est pourquoi ils désirent, maintenant plus qu'auparavant, la fusion avec le K.A.P.D. qui permettrait selon eux « d'ajouter ainsi à la ligne sûre et correcte du parti allemand un peu de l'élan révolutionnaire qui (…) se trouve dans une proportion plus importante au sein du K.A.P.D. » [9].
Les adversaires de Levi le guettent au tournant sur cette question du K.A.P.D. Dès septembre 1920, Maslow, un jeune intellectuel d'origine russe qui s'efforce de reconstruire une tendance « gauche » à Berlin dans le K.P.D., pose dans Kommunismus la question de l'unification des forces prolétariennes en Allemagne sous cet angle, critique explicite de l'attitude de Levi [10]. Quelques semaines plus tard, dans la même revue, le Hongrois Lukacs souligne les dangers que comporte pour la révolution allemande l'unification entre communistes et indépendants, sans le K.A.P.D. Affirmant que « l'organisation révolutionnaire des masses n'est possible que dans le cours de la révolution elle-même », il se demande si les dirigeants du nouveau parti unifié ont réellement la volonté de réaliser la mobilisation révolutionnaire du prolétariat allemand [11]. Ces attaques ouvertes coïncident avec les efforts de Radek en direction d'indépendants de gauche comme Curt Geyer ou Herzog pour assurer à l'exécutif d'éventuels points d'appui dans une lutte contre Levi, présenté comme « opportuniste » et « communiste de droite » [12]. Au cours d'une session de l'exécutif de l'Internationale, le parti allemand est vivement critiqué pour n'avoir pas cherché à élargir et généraliser la grève des ouvriers électriciens de Berlin que dirigeait l'un des siens, Wilhelm Sült [13]. Au congrès du K.P.D. précédant l'unification, un vif incident éclate, Radek accusant Levi de « ne rien vouloir faire d'autre que de former des communistes jusqu'à ce que le parti ait des cheveux blancs sur sa tête super-intelligente » [14]. Urbahns, délégué de Hambourg, présente une résolution qui critique l'activité du groupe parlementaire, évidemment dirigée contre Levi [15]. Elle est repoussée, mais, au congrès d'unification, le projet de manifeste rédigé par Levi et approuvé par la centrale provisoire est écarté dans des conditions obscures [16] au profit d'un texte de Radek introduit au dernier moment, qui affirme notamment :
« Alors qu'un parti qui n'a que l'audience de dizaines de milliers d'hommes recrute ses adhérents avant tout par la propagande, un parti dont l'organisation regroupe des centaines de milliers et qui a l'audience de millions doit recruter avant tout par l'action. Le V.K.P.D. a suffisamment de force pour passer tout seul à l'action là où les événements le permettent et l'exigent » [17].
De son côté, Levi, dans l'article qu'il consacre au congrès d'unification, maintient son point de vue en écrivant :
« L'instauration du communisme par la voie de la dictature prolétarienne est la plus grande tâche qui ait jamais incombé dans l'histoire à une classe. Elle ne peut être celle d'une petite partie de cette classe ou d'un seul parti, isolé, elle ne peut être que celle des larges masses du prolétariat, de la classe en tant que telle. Les communistes, en tant que fraction la plus avancée du prolétariat, n'ont pas seulement à diriger et à formuler le plus nettement possible les lutte, contre la bourgeoisie, ils doivent aussi avoir conscience qu'ils ne constituent qu'une fraction de la classe prolétarienne. (...) La tâche des communistes (...) est de conquérir les cœurs et les cerveaux de la classe prolétarienne et de tous ses organes, qui, aujourd'hui, retiennent à la bourgeoisie des fractions de la classe ouvrière » [18].
Cette polémique indirecte et feutrée va bientôt tourner à la crise ouverte.
Depuis Halle — occasion de discussion entre Zinoviev et les dirigeants berlinois du K.A.P.D. —, les relations ont repris, nettement améliorées, entre l'exécutif et le parti gauchiste allemand. Du côté du K.A.P.D., on croit possible, avec Gorter, une entrée au sein de l'Internationale qui permettrait au K.A.P.D. d'y constituer, contre la tendance « révolutionnaire-opportuniste » prédominante, une tendance « révolutionnaire-marxiste » [19]. L'objet de la mission des trois délégués du K.A.P.D., qui se rendent illégalement en Russie en novembre, est d'obtenir pour leur parti le statut de parti sympathisant, lequel leur procurerait aide matérielle et contacts internationaux sans pour autant les obliger à une révision de leur programme [20].
Schröder, Rasch et Gorter ont à Moscou plusieurs discussions avec Lénine, Zinoviev, Trotsky, Boukharine, et prennent part à deux sessions de l'exécutif, élargi pour la circonstance. Le 24 novembre, c'est Gorter qui présente le rapport [21], et Trotsky, au nom de l'exécutif, le contre-rapport, véritable réquisitoire. Pour lui, l'attitude des gauchistes n'est pas seulement « puérile », mais aussi « provinciale », « idéaliste », « pessimiste », reflétant leur propre impuissance, particulièrement celle des communistes hollandais, réduits depuis des années à l'état de secte. Les gauchistes en général et Gorter en particulier confondent la minorité — aristocratie et bureaucratie ouvrière, notamment dans les syndicats — avec la majorité, les millions de prolétaires prisonniers des appareils qu'ils prétendent « embourgeoisés » mais qu'en réalité ils se refusent à émanciper. Les communistes doivent savoir « percer la croûte » : si la classe ouvrière occidentale était réellement embourgeoisée, cela signifierait la fin des espoirs des révolutionnaires. Gorter, après Pannekoek, reprend la démarche intellectuelle de Bernstein scrutant la situation mondiale à l'intérieur des pays avancés sans tenir compte de la situation mondiale. Affirmer, comme il le fait, que le prolétariat anglais est « isolé », c'est négliger le fait que la révolution mondiale revêt le double caractère de révolution prolétarienne en Occident, agraire et nationale en Orient. La révolution dans un seul pays n'est pas concevable sur une longue course et c'est de la révolution mondiale qu'il s'agit. Trotsky conclut en affirmant une fois de plus, contre Gorter, que l'expérience bolchevique du parti de masse doit être complètement assimilée dans le mouvement communiste mondial sur la base d'une analyse au plan mondial [22].
A une écrasante majorité, au terme de cette discussion, l'exécutif décide l'admission à titre provisoire du K.A.P.D. comme « parti sympathisant » avec « voix consultative » au sein de l'Internationale. Zinoviev, dans son discours de clôture, souligne :
« Il n'y a en toute logique que deux issues à cette situation. A la longue, il est impossible d'avoir deux partis dans un seul pays. Ou bien le K.A.P.D. se transformera réellement en un parti communiste d'Allemagne, ou bien il cessera de faire parti des nôtres même comme sympathisant seulement » [23].
La résolution d'admission ouvre la perspective de la conquête des « meilleurs éléments du K.A.P.D. », réaffirme la fausseté des positions « kapistes » sur les parlements et les syndicats, et la nécessité de la fusion du K.A.P.D. avec le futur parti unifié [24]. Le K.A.P.D., dont le 3° congrès, en février 1921, approuvera l'admission comme « parti sympathisant », appelle cependant, dès la session de décembre de son comité central, à une « lutte irréconciliable contre toute forme d'opportunisme» dans l'Internationale, mais accepte évidemment l'aide financière importante offerte par le comité exécutif et la constitution d'un « collectif d'action » avec le K.P.D. [25].
Or ce dernier réagit vivement, malgré le télégramme de l'exécutif qui lui promet que des explications publiques vont être données à la classe ouvrière allemande sur les raisons de cette admission [26]. La centrale est unanime à protester, et Levi écrit en son nom dans Die Rote Fahne un article intitulé : « Une Situation intenable » [27] évoquant l'attitude du K.A.P.D. vis-à-vis des syndicats, il affirme :
« La situation désormais créée par le comité exécutif de l'Internationale communiste n'est tolérable ni pour nous ni pour le K.A.P.D.. et, pour l'Internationale communiste, elle est au plus haut point funeste. (...)
Nous sommes pour une discipline internationale rigoureuse et pour que l'exécutif dispose de tous les pouvoirs que lui confèrent les statuts de l'Internationale communiste. Mais aucune des dispositions des statuts de l'Internationale communiste ne nous oblige à reconnaître comme des coups de génie toutes les décisions de l'exécutif de l'Internationale communiste, et nous disons ouvertement : la décision concernant le K.A.P.D. n'a pas été un coup de génie, mais bien le contraire » [28].
Radek, à son tour, réplique vertement, avec une perfide allusion à « la vieille aversion social-démocrate, profondément enracinée, contre les travailleurs qui ne sont pas tout à fait clairement révolutionnaire » [29].
Levi tente alors de porter le débat au niveau de ce qu'il appelle les « questions de tactique ». Au centre de sa démonstration, il place l'idée que le passage de la propagande à l'action, rendu possible par l'unification, doit se dérouler en Allemagne selon une ligne et en fonction de conditions que la révolution russe n'a pas connues. Le parti est certes un parti de masses, mais « ce fait à lui seul ne lui permet pas pour autant de disposer souverainement, et sans égard pour d'autres couches prolétariennes, du destin de la révolution allemande ». Il doit donc s'efforcer de gagner les masses non seulement par la propagande, mais en les entraînant dans des actions qui leur permettent de « saisir dans la lutte leur intérêt ». C'est cela même que les bolcheviks ont réalisé dans les soviets en 1917 ; faute de conseils, les communistes allemands doivent y parvenir par le travail au sein des syndicats, où se trouvent rassemblés la grande masse des travailleurs :
« II n'est absolument pas correct de traiter les masses prolétariennes qui sont encore aujourd'hui à notre droite avec moins d'application et de patience que nous n'en avons pour les camarades prolétaires de notre classe qui croient être à notre gauche » [30].
L'essentiel, pour le parti communiste allemand, est, selon Levi, d'entraîner les masses dans des actions communes sans renoncer à rien de ce qui compose le visage d'un communiste, mais sans non plus effrayer inutilement — notamment par des alliances avec des éléments anarchisants — ces masses prolétariennes à la droite du parti qui constituent son champ de recrutement.
La première initiative importante dans le sens de la politique esquissée par Levi va venir de la base [31]. A Stuttgart, le parti communiste a conquis de solides positions dans le syndicat des métallos, que préside l'un des siens, Melcher, et dans le cartel local. Sensibles aux revendications qui se font jour dans les rangs des travailleurs non communistes et surtout leur aspiration à l'unité, ils font prendre aux organismes syndicaux qu'ils animent l'initiative de demander aux directions nationales du D.M.V. et de l'A.D.G.B. d'entreprendre immédiatement une lutte d'ensemble pour l'amélioration concrète du sort des travailleurs. Après une assemblée au cours de laquelle Melcher et ses camarades réussissent à mettre en minorité Robert Dissmann en personne, ils réclament, au nom des 26 000 métallos syndiqués de Stuttgart, l'organisation, dans l'unité, d'un combat de classe pour les cinq revendications ouvrières qu'ils jugent essentielles : baisse des prix des produits alimentaires, inventaire de la production et augmentation des allocations de chômage, diminution des impôts sur les salaires et imposition des grosses fortunes, contrôle par les ouvriers des fournitures de matières premières et de ravitaillement, ainsi que de leur répartition, désarmement des bandes réactionnaires et armement du prolétariat. La centrale, qui approuve cette initiative, publie l'appel des métallos de Stuttgart [32] et incite en outre à l'organisation, dans toutes les localités et entreprises, d'assemblées ouvrières qui auraient à formuler ainsi les revendications communes et à décider des moyens à engager pour les arracher.
Une nouvelle tactique prend forme, dont les linéaments se cherchaient depuis 1919 dans les écrits de Levi, Brandler, Radek Thalheimer. Radek pense qu'il faut reprendre au compte du parti cette initiative des métallos de Stuttgart [33]. Levi est immédiatement convaincu, mais la centrale manifeste beaucoup de réticences [34]. Pourtant, comme les secrétaires de district, consultés, sont unanimement favorables à ce projet [35], la centrale, le 7 janvier, adopte le texte d'une « lettre ouverte » qu'elle va adresser à toutes les organisations ouvrières, partis et syndicats, où elle leur propose d'organiser en commun une action sur des points précis à propos desquels l'accord est possible entre elles. La lettre ouverte, publiée le 8 janvier 1921, mentionne la défense du niveau de vie des travailleurs, l'organisation de l'autodéfense ouvrière armée contre les groupes de droite, la campagne pour la libération des détenus politiques ouvriers, la reprise des relations commerciales avec la Russie soviétique. Elle précise :
« En proposant cette base d'action, nous ne dissimulons pas un instant, ni à nous-mêmes ni aux masses, que les revendications que nous avons énumérées ne peuvent venir à bout de leur misère. Sans renoncer, fût-ce un instant, à continuer de propager dans les masses ouvrières l'idée de la lutte pour la dictature, unique voie de salut. sans renoncer à appeler et à diriger les masses dans la lutte pour la dictature à chaque moment propice, le parti communiste allemand unifié est prêt à l'action commune avec les partis qui s'appuient sur le prolétariat pour réaliser les revendications mentionnées plus haut.
Nous ne dissimulons pas ce qui nous sépare des autres partie et qui nous oppose à eux. Au contraire, nous déclarons : nous ne voulons pas, de la part des organisations auxquelles nous nous adressons, une adhésion du bout des lèvres aux bases de l'action que nous proposons, mais l'action pour les revendications que nous avons énumérées.
Nous leur demandons : êtes-vous prêts à entamer sans délai, en commun avec nous, la lutte la plus impitoyable pour ces revendications ?
A cette question claire et sans ambiguïté, nous attendons une réponse tout aussi claire et sans équivoque : la situation exige une réponse rapide. C'esr pourquoi nous attendrons une réponse jusqu'au 13 janvier 1921.
Si les partis et syndicats auxquels nous nous adressons devaient se refuser à entamer la lutte, le parti communiste allemand unifié s'estimerait alors contraint de la mener seul, et il est convaincu que les masses le suivraient. Dès aujourd'hui, le parti communiste allemand unifié s'adresse à toutes les organisations prolétariennes du Reich et aux masses groupées autour d'elles en les appelant à proclamer dans des assemblées leur volonté de se défendre ensemble contre le capitalisme et la réaction, de défendre en commun leurs intérêts » [36].
Que cette lettre ait été rédigé par Levi seul ou en collaboration avec Radek, ou par Radek, avec ou sans la collaboration de Levi, il est certain qu'elle exprime la ligne politique défendue par Levi depuis plusieurs mois. De son côté, Radek, qui rédige, pour Die Internationale, sous le pseudonyme de Paul Bremer, un article sur « La Construction du front unique prolétarien de lutte » [37], la défend avec énergie et conviction. Il la justifie par l'analyse de la conjoncture politique générale :
« Les ouvriers social-démocrates sont pleins d'illusions démocratiques. Ils espèrent encore pouvoir améliorer leur situation dans le cadre de la société capitaliste et considèrent les communistes comme des scissionnistes conscients du mouvement ouvrier. Si les communistes, disent-ils, n'avaient pas organisé la scission de la classe ouvrière, et si le prolétariat était resté uni, il aurait eu la majorité au Reichstag et tout aurait bien marché. (...) Il est clair que, dans cette situation, nous ne pouvons compter sur des mouvements spontanés et non organisés en Allemagne, à moins que les masses ne soient remuées par des événements extérieurs. Dix millions d'ouvriers sont membres des syndicats. Ils ont les yeux fixés sur leurs chefs et attendent des mots d'ordre. (...) La stratégie communiste doit être de convaincre ces larges masses de travailleurs que la bureaucratie syndicale et le parti social-démocrate, non seulement refusent de lutter pour une dictature ouvrière, mais encore ne luttent pas pour les intérêts quotidiens les plus fondamentaux de la classe ouvrière » [38].
Partis et syndicats refusent de répondre ou opposent une fin de non-recevoir. Mais l'écho rencontré — quoi qu'en aient dit les historiens occidentaux — est grand, tant du côté des ouvriers que de la bureaucratie syndicale. L'exécutif de l'A.D.G.B. accuse les communistes de chercher, par des initiatives fractionnelles et antisyndicales, à « détruire les syndicats » [39] et menace d'exclusion les organisations locales qui reprendraient à leur compte la lettre ouverte [40]. Les dirigeants du syndicat du bâtiment excluent Heckert et Brandler, ainsi que Bachmann, le président de l'union locale de Chemnitz [41], organisent à Halle une union locale scissionniste [42]. La centrale du K.P.D. riposte par un « Appel à tout le prolétariat allemand [43] », dans lequel elle invite les ouvriers à organiser des assemblées démocratiques afin d'imposer à leurs dirigeants leurs revendications et leur volonté de mener au combat d'ensemble pour leur satisfaction. De telles assemblées se tiennent effectivement et les propositions des communistes y sont approuvées par des travailleurs inorganisés ou membres de l'un ou l'autre des partis social-démocrates. Ainsi, le 11 janvier, celle des délégués des chantiers navals Vulkan, de Stettin [44], le 17 celle des ouvriers et employés de Siemens à Berlin, qui se déroule au cirque Busch, le 19, celle des cheminots de Munich, et, dans les jours qui suivent, celles des métallos de Dantzig, Leipzig, Halle, Essen, des cheminots de Leipzig, Schwerin, Brandebourg et Berlin, le congrès national des selliers et tapissiers, l'assemblée des mineurs de Dorstfeld et une grande assemblée ouvrière à Iéna donnent toute leur approbation à la lettre ouverte et se prononcent pour l'organisation de la lutte sur le programme qu'elle propose [45]. Les élections syndicales ou aux conseils d'usine qui se déroulent à ce moment montrent l'écho rencontré par les communistes, expliquent la volonté de répression des dirigeants syndicaux : aux élections dans le syndicat du bois de Berlin, 6 586 voix pour les candidats communistes, 5 783 pour les indépendants, 500 pour les social-démocrates ; à l'organisation locale des métallos de Essen, 6 019 pour les communistes, 3 940 pour la liste commune de leurs adversaires [46]. Et c'est finalement un succès pour le K.P.D. et sa lettre ouverte que la remise au gouvernement, le 26 février, des dix revendications des syndicats allemands dans la lutte contre le chômage [47] qui permettra l'organisation de grèves, de manifestations, et l'entrée dans l'action de secteurs importants.
Cependant, la lettre ouverte fait l'objet de nombreuses attaques au sein du mouvement communiste lui-même. Qualifiée d' « opportuniste, démagogique et génératrice d'illusions » par le K.A.P.D. [48], elle est aussi l'objet des sarcasmes de la nouvelle gauche berlinoise en train de se constituer autour de jeunes intellectuels, Ruth Fischer [49], Arkadi Maslow [50] et Ernst Friesland, et la cible des attaques de Kommunismus [51]. Elle est surtout vivement critiquée par Zinoviev et Boukharine qui, contre Radek, obtiennent sa condamnation par le « petit bureau » de l'exécutif le 21 février 1921. Lénine intervient auprès de l'exécutif pour que soit révisé ce jugement hâtif : sur son insistance, la question est finalement mise au nombre de celles qui devront être discutées dans le cadre de la préparation du 3° congrès de l'Internationale [52].
Les divergences au sein de la centrale allemande et de l'exécutif sur la question allemande tournent désormais autour de deux axes différents : d'une part, les Russes — au premier chef Zinoviev — considèrent Levi avec une méfiance croissante, et Radek semble occupé à saper son autorité à l'intérieur du parti; d'autre part, les Allemands de la centrale semblent d'accord avec Radek sur les questions capitales de tactique du moment, et s'opposent sur ce terrain à Zinoviev. Dans la discussion qui semblait sur le point de s'ouvrir à propos du « front Unique prolétarien » en tant qu'arme essentielle et objectif de lutte des communistes, Levi et Radek devaient se trouver dans le même camp, cibles des mêmes attaques. Mais cette discussion n'aura pas lieu dans l'immédiat. Dans les semaines qui suivent la publication de la lettre ouverte, une série de circonstances vont au contraire amener Levi et Radek à se ranger dans deux camps opposés.
Notes
[1] Bolchevik, n° 2, avril 1924, p. 1.
[2] Compte rendu du comité central du K.P.D. en date du 28 janvier 1921. Archives Levi, p. 50/a 5 reproduit dans Tbe Comintern : Historical Highlights, p. 285. Radek expose ici des idées qu'il a personnellement combattues.
[3] Ibidem, p. 286.
[4] « O natupitel'noj taktike », Kommunistitcheskii Internasional, n° 15, 1920, col. 3073-3075. Uber die Offensivtaktik », Die Kommunistitche Internationale, n° 15, 1920, pp. 67-71 ; en français « De la tactique offensive », Bulletin communiste, n° 14, 7 anil 1921, pp. 219-220.
[5] Revue communiste, n° 6, août 1920. pp. 504-505.
[6] «Discours à l'assemblée des militants de Moscou », 6 décembre 1920, Œuvres, t. XXXI, p. 460.
[7] Message au congrès de Livourne du P.S.I. cité par R. Paris, Histoire du fascisme en Italie, t. I, p. 202.
[8] Voir la discussion prudente sur ce point de E. H. Carr, op. cit., pp. 337-338.
[9] E. Meyer, Bericht über den V. Parteitag, p. 27.
[10] A. Maslow, « Die Proletarische Parteien Deutschlands und ihre Politik in der gengenwärtige Krise », daté du 5 septembre 1920, Kommunismus, n° 36-37, pp. 1298-1317
[11] G. Lukacs, « Der Parteitag der K.P.D. », ibidem, n° 44, pp. 1562-1564.
[12] Herzog, « Russisches Tagebuch ». Forum, V, 7 avril 1921, pp. 275, 278 ; C. Geyer, « Zur Vorgeschichte des III. Weltkongresses », Sowjet, n°8/9, août 1921, p. 241. Curt Geyer avait été délégué aussitôt après le congrès d'unification comme représentant du V.K.P.D. à l'exécutif.
[13] Geyer, op. cit. La grève des électriciens de Berlin, décidée pour le 7 novembre par 1 800 voix contre 60, s'était terminée le 12 par un vote acquis par 704 voix contre 600. Elle avait par ses conséquences pratiques créé dans la capitale une atmosphère de « grand soir » et fait l'objet de très violentes attaques de la presse et du gouvernement. L'organisation de briseurs de grève « Technisches Nothilfe » était intervenue, provoquant de nombreux incidents. Finalement, campagne de presse, menaces de licenciement et de répression étaient venues à bout du mouvement. Les éléments de gauche reprochaient à la centrale de n'avoir pas lancé le mot d'ordre de grève générale, qu'elle jugeait pour sa part aventuriste (Levi, « Die Lehren des Elektrizitätsstreiks », Die Rote Fahne, 12 novembre 1920). R. Fischer, op. cit., p. 119, écrit que le communiste Wilhelm Sült, « homme tranquille et discret ouvrier intelligent et hautement qualifié », « voulait recourir au sabotage -— même faire sauter les centrales ». Dans un compte rendu de débat devant les délégués des conseils d'usine de Berlin paru dans Die Rote Fahne, 12 novembre 1920, l'intervention de Sült fait apparaître son opposition résolue à tout recours au sabotage mais aussi sa détermination d'opposer la violence ouvrière à celle des « jaunes ». Sült devait être exclu par les instances supérieures de son syndicat (Die Rote Fahne. 7 décembre 1920).
[14] Bericht 5 ... , p. 41.
[15] Ibidem, p. 107.
[16] Friesland, Zur Krise unserer Partei, p. 21.
[17] Bericht über den Vereinigungsparteitag, p. 232.
[18] P. Levi, « Die Vereinigungsparteitag », Die Rote Pabne, 4 décembre 1920.
[19] H. Gorter, « Die K.A.P.D., und die 3. Internationale », KAZ, n° 162, 1920, d'après Bock, op. cit., p. 257.
[20] Ibidem, p. 257.
[21] Ce rapport ne paraît pas avoir été publié par le K.A.P.D. (Bock, op. cit., p. 258, n. 37). D'après la réponse de Trotsky, il semble avoir suivi de près l'analyse faite par Pannekoek dans « Révolution mondiale et tactique communiste ». Rosmer (op. cit., pp. 139-140) fait le récit de cette séance de l'exécutif à laquelle il prit part.
[22] Le texte intégral du contre-rapport de Trotsky est reproduit dans Pjat'let Kominterna (éd. angl., The First Five Years of the Communist International, t. I, pp. 137-152).
[23] Protokoll der III ... der K.I., p. 186.
[24] Résolution du 28 novembre 1920 : Komunistitcheskii Internatsional, n° 15, décembre 1920, col. 3 368. Degras, op. cit., I, p. 206.
[25] Bock, op. cit., pp. 258-259.
[26] Levi, le 2 février, dira au C.C. que ce document n'est pas encore parvenu, Archives Levi, P 64/3, f. 11.
[27] « Eine unhaltbare Situation », Die Rote Fahne, 24 décembre 1920.
[28] Ibidem.
[29] Die Rote Fahne, 29 décembre 1920.
[30] Levi, « Taktische Fragen », Die Rote Fahne, 4 janvier 1921.
[31] Encore que ce point soit contesté par Robert Dissmann, qui écrit dans Freiheit du 26 janvier 1921 que l'idée a été soufflée à Melcher, de Berlin, par le communiste Oskar Rusch.
[32] Die Rote Fahne, 2 et 10 décembre 1920.
[33] II s'écrie devant la centrale le 28 février : « Si j'avais été à Moscou, l'idée ne me serait même pas venue » (Archives Levi, P 50/a 5, reproduit dans The Comintern : Historical Highlights, p. 292). Il dira dans Soll die V.K.P.D ... , p. 24, que la proposition fut faite à la centrale par « le représentant de l'exécutif ».
[34] Radek, ibidem, dit que les oppositions venaient d' « une partie des camarades qui étaient des anciens indépendants de gauche ».
[35] Radek, ibidem.
[36] Die Rote Fahne, 8 janvier 1921.
[37] Die Internationale, 1921, n° 1, pp. 1-4, n° 2, pp. 10-16.
[38] Soll die V.K.P.D... , pp. 21-23.
[39] Correspondenzblatt, n° 8, 19 février 1921, p. 110.
[40] Die Rote Fahne, 16 février 1921.
[41] Ibidem, 19 janvier 1921.
[42] W. Raase, Zur Geschichte der deutschen Gewerkschaftsbewegung, 1919-1923, p. 90.
[43] Die Rote Fahne, 21 janvier 1921.
[44] Die Rote Fahne, 15 janvier 1921.
[45] Die Rote Fahne, passim; Raase, op. cit., pp. 89 sq.; Die Märzrkümpfe (F. Knittel), pp. 17.
[46] Graphischer Block, n° 75, 15 février 1921.
[47] Raase, op. cit., p. 91.
[48] Kommunistische Arbeiter Zeitung, n° 61, d'après Freiheit, 15 janvier 1921.
[49] Elfriede Friedländer avait quitté Vienne avec la réputation d'un élément droitier. Tomann avait prévenu Radek qu'elle était « le Martov autrichien » (Radek, November ... , p. 156). C'est sans doute sous l'influence de Maslow qu'elle devint gauchiste. Clara Zetkin, qui lui manifesta de tout temps une grande hostilité - que l'autre lui rendait bien -, allait dire à propos de ses avatars que « ses positions politiques variaient avec les vicissitudes de sa vie sexuelle » (cité par H. Weber, Die Wandlung, II, p. 118). C'est vers cette époque qu'elle adopta le pseudonyme de Ruth Fischer, du nom de jeune fille de sa mère : c'est seulement plus d'un an après qu'elle devait acquérir la nationalité allemande, par le biais d'un mariage à Berlin, avec un militant du nom de Golke (ibidem).
[50] Isaac Tchéréminski, qui devait pour militer prendre le nom de Maslow, n'avait eu jusqu'à l'âge de vingt-six ans aucun lien avec le mouvement ouvrier. Il avait été gagné au communisme en 1919, à la suite de sa rencontre avec Paul Levi et Ruth Fischer.
[51] Selon V. Mujbegović, op. cit., p. 260, n. 7, qui a pu consulter le compte rendu de la séance du comité central du 27 janvier 1921 (I.M.L.-Z.P.A .. 2/2, « Protokoll der Sitzung des Zentralausschusses »), des critiques de gauche y avaient été élevées contre la lettre ouverte, jugée « opportuniste ».
[52] Rapport de Curt Geyer. représentent du V.K.P.D. auprès de l'executif, à la centrale (I.M.L.-Z.P.A.. Archiv, Akte 10/14. if. 292·323) cité par Reisberg, « Die Leninsche Politik der Aktionseinheit ». BzG, n° 1. 1963, p. 62. Geyer mentionna en 1921 la prise de position du petit bureau et l'intervention de Lénine contre elle dans Sowjet n° 8/9, août 1921, p. 242, et l'événement était assez connu pour que des allusions y furent faites tant au 3° qu'au 4° et au 5° congrès de l'Internationale par les principaux intéressés.