1935

Source: "Notre ami Marcel Valière" / Henri Féraud & Henri Vidalenche (supplément au n°8 de l'Ecole émancipée, février 1975).

Téléchargement fichier winzip (compressé) : cliquer sur le format de contenu désiré

Format MS Word/RTF Format Acrobat/PDF

Intervention au congrès de la C.G.T.U.

Marcel Valière

27 septembre 1935


Camarades,

C'est au nom de la F.U. de l'E., cette petite secte rageuse et impuissante si l'on en croit Frachon, que j'interviendrai ici.

Vous savez que nous sommes a minorité ” dans la C.G.T.U. ; aussi tenons-nous à faire entendre notre voix sur des questions importantes comme celles de l'unité et de la lutte contre la guerre, et les sommations d'Hénaff étaient pour le moins superflues.

J'ai laissé à notre ami Margaillan le soin d'exposer à cette tribune notre conception de l'unité syndicale.

Notre déclaration sur la question de la guerre que nous voulons très nette sera aussi une réponse aux affirmations tendancieuses et même aux calomnies d'Hénaff et de Frachon.

C'est parce que nous nous sommes dressés contre le pacte franco-russe et la déclaration de Staline que la direction confédérale nous présente aujourd'hui comme des contre-révolutionnaires.

Nous protestons énergiquement contre une accusation aussi calomnieuse, et nous nous croyons particulièrement qualifiés pour le faire puisque notre organisation a toujours donné l'exemple de l'internationalisme prolétarien et du défaitisme révolutionnaire, et qu'elle est la seule qui, au cours des années de 1914 à 1919, a osé dans sa revue de l'Ecole Emancipée mener l'action énergique qui s'imposait contre la guerre alors que Jouhaux et d'autres, qui prétendent aujourd'hui nous donner des leçons, se vautraient dans le chauvinisme le plus sanglant.

Et notre position sur cette question de la guerre est si solide qu'on a pas osé - même ici - nous attaquer sur ce terrain, c'est-à-dire sur le fond même de la question.

La majorité confédérale (qui est minorité dans notre Fédération) n'a eu d'autre argument, lorsque nous nous sommes insurgés contre la déclaration de Staline, que celui de nous accuser de sortir du cadre syndicaliste pour faire de la politique.

La majorité confédérale aurait-elle lancé la même accusation si notre direction fédérale et notre congrès d'Angers avaient approuvé au lieu de condamner la déclaration de Staline ?Une telle approbation aurait été aussi de la politique.

Même si ça a été de la politique, nous sommes fiers d'être restés dans la tradition révolutionnaire de notre vieille Fédération.

Et si j'avais besoin de justifier notre attitude, je rappellerais qu'à tous nos congrès la question de la guerre a été posée e! étudiée;

Que de tous nos congrès sont sorties des résolutions approuvant notre conception de la lutte contre toutes les guerres impérialistes;

Qu'au lendemain de la déclaration de Staline, en marquant notre indignation et notre volonté de lutter contre, nous n'avons fait que respecter les décisions de nos congrès souverains - et je dirai même mieux - que nous conformer aux mots d'ordre antérieurs de la C. G. T. U. : mots d'ordre que Monmousseau, parlant au nom de la C.G.T.U., faisait acclamer à notre congrès de Montpellier, au mois d'août 1934.

C'est lui qui, alors que nous manifestons, non pas notre méfiance vis-à-vis de l'U.R.S.S., mais notre angoisse devant la politique extérieure de ses gouvernants, a déclaré, nettement et clairement, devant ce congrès. ceci :

“L'U.R.S.S. a-t-elle conclu, ou va-t-elle conclure, ou peut-elle conclure une alliance militaire avec un état capitaliste ? Je ne parle pas de la France, je pose la question en général, et je la pose ai en particulier pour la France ensuite. Je réponds : non. Mais ce n'est pas tout. II faut prouver. Ne me demandez pas des textes par lesquels l'U.R.S.S. s'y refuse : on ne signe pas des textes de non alliance. L'U.R.S.S. ne peut pas signer et ne signera jamais des textes d'alliance militaire avec un état capitaliste, pourquoi ? Parce que l'U.R.S.S. est le pays du socialisme.
La deuxième raison : est-ce que l'U.R.S.S. peut signer une alliance militaire, et au terme de l'alliance se joindre en cas de guerre à un groupe impérialiste contre l'autre ? Elle ne le peut pas. Pourquoi ? Parce que l'U.R.S.S. veut la paix...
Enfin, le dernier argument : si, ayant signé un pacte avec l'impérialisme français, nous qui ne pouvons pas et ne voulons pas détacher notre activité révolutionnaire de masse du destin du prolétariat révolutionnaire de ce pays, nous qui voulons défendre l'U.R.S.S. comme nos yeux (le sentiment n'a rien à faire ici), à quoi nous entraînerait une telle politique? Les camarades avaient raison ; en supposant la possibilité que nous adoptions dans un cas ou dans I'autre cette politique, nous aboutirions à prendre position aux côtés de notre impérialisme et à réaliser l'union sacrée. Mais dites-moi, que mériteraient - je parle sérieusement - des militants qui au raient une telle pensée dans la cervelle, dans la période même où la guerre est proche de nous - vous le savez tous - qui viendraient faire dans le pays une propagande pour l'unité d'action et pour l'unité syndicale avec la pensée qua nous allons entraîner les masses derrière notre état impérialiste ? Je vous le dis, ce serait cent fois pire que la trahison de 14, parce qu'elle serait concertée. En effet, alors que nous sommes convaincus que dans la trahison des chefs il y a deux parts, l'une de capitulation, l'autre d'erreur idéologique, celle-ci ne pourrait absolument pas être excusée par nous. Je veux vous laisser libres d'émettre le jugement que vous voudrez contre les militants qui oseraient présenter l'unité comme une telle trahison, qui, en effet, piétinerait tout ce que nous avons dit et fait contre la guerre, mais aussi tout ce qu'a dit LENINE et tout ce qu'a dit et répété l'Internationale ; mais aussi tout ce qu'a dit et répété STALINE. Ce serait répudier tout l'enseignement de la lutte des classes, à savoir que dans l'état capitaliste, quelle que soit la forme du pouvoir bourgeois, la guerre est un acte contre la classe ouvrière, et participer à la défense nationale, c'est trahir ”.

Je ne vous ai pas apporté ici notre interprétation de la déclaration de Monmousseau, mais le sténogramme même de celle-ci.


Voilà quelle était en août 1934, c'est-à-dire il y a un an à peine, la pensée officielle de notre centrale avec laquelle - alors - nous étions complètement d'accord.

Depuis, et subitement, changement complet à, la C.G.T.U. !

Laval et Staline signent un pacte d'assistance mutuelle !

Staline “comprend et approuve pleinement les mesures prises par la France pour maintenir sa force armée au niveau de sa sécurité”.

Et, pour préparer les esprits, Gitton, parlant au nom de la C.G.T.U., ne se déclarait-il pas partisan du “soutien inconditionné de l'U.R.S.S.”

C'était donner ainsi un encouragement au gouvernement des décrets-lois de misère qui dépossèdent odieusement les masses laborieuses au seul profit du budget de la guerre.

Eh bien, camarades, et nous avons le devoir de le déclarer nettement et publiquement, nous nous refusons catégoriquement à être les complices d'une telle politique.

Nous restons fidèles à notre attachement, à la révolution d'octobre que notre Fédération fut la première à saluer dès sa naissance et à soutenir ;

Nous restons fidèles au prolétariat et à la paysannerie russes;

Mais, pour nous le "soutien inconditionné de l'U.R.S.S." ne doit pas conduire à l'écrasement d'un autre prolétariat, en la circonstance : le prolétariat allemand.

Nous restons persuadés que pour reprendre l'excellente formule de Monmousseau - “dans l'état capitaliste, quelle que soit la forme du pouvoir bourgeois, la guerre est un acte contre la classe ouvrière, et participer à la défense nationale, c'est “ trahir”.


Et pour nous, la moindre concession dans la lutte contre la guerre ne peut trouver justification et conduit fatalement à l'union sacrée que se prépare sous le couvert du front populaire.

Nous ne nous laissons pas illusionner par la formule du “front populaire au pouvoir” parce qu'actuellement le front populaire tel qu'il nous est donné,

Avec les éléments qui le composent,

Avec les Daladier et Frot que l'on veut porter au pouvoir et qui restent les mêmes que ceux qui se dégonflèrent le 6 février.

Ne peut que nous amener à un gouvernement de la bourgeoisie de gauche qui a montré si souvent son impuissance et à un nouvel effondrement d'un bloc des gauches élargi.

Ce front populaire-là ne peut que préparer l'avènement du fascisme par suite de la désillusion profonde qui s'emparera des masses lorsque le gouvernement qu'il aura porté au pouvoir sombrera dans l'impuissance et la faillite.


Certes, beaucoup d'entre nous militent dans le front populaire. Ils y vont avec toute leur foi révolutionnaire et nous nous garderons de les condamner parce que partout où il y a des travailleurs, nous devons être. Mais non pour les duper, non pour entretenir leurs illusions ou même - comme actuellement - pour ressusciter la confiance qu'ils avaient perdue en les chefs radicaux;

Mais pour dénoncer avec eux au contraire cette politique confusionniste et électoraliste.

Pour nous, la petite secte dont parlait dédaigneusement Frachon, le front populaire que nous voulons,saura, par la pratique de l'action directe en vue de la grève générale, lutter efficacement :

Celui pour lequel nous luttons et que nous soutiendrons sans réserve, c'est celui qui, se plaçant sur le terrain de la lutte de classe, entraînant les classes moyennes derrière la classe ouvrière - seule classe réellement révolutionnaire - et non la classe ouvrière derrière les classes moyennes.


Le temps de parole m'étant limité, il est évident que je n'ai pu me borner qu'à vous donner les lignes générales de notre position ;

En conclusion, voici la résolution que nous déposons, résolution qui est aussi présentée et défendue au congrès de la C.G.T. et que nous vous demandons d'adopter.

Résolution adoptée par les minoritaires des deux C.G.T. le 23 septembre 1935

Au bout d'un an de vicissitudes, l'unité syndicale désirée par les masses étant sur le point de se réaliser, les camarades minoritaires de la C.G.T. et de la C.G.T.U., réunis à l'occasion des Congrès confédéraux de 1935, affirment leur accord complet sur les points suivants :


Archives M. Valière
Sommaire Début de page
Archive Trotsky