La propriété, au dire des économistes, est un phénomène social soustrait à la loi d'évolution qui gouverne le monde matériel et intellectuel. Ne lui reconnaissant qu'une forme unique et immuable, la forme capital [1], ces défenseurs patentés des iniquités sociales affirment que le capital est de toute éternité, et, afin de bien établir son immortalité, ils s'évertuent à prouver qu'il existe depuis que le monde est monde, et concluent triomphalement que, n'ayant pas eu de commencement, il ne saurait avoir de fin. Pour soutenir cette étonnante assertion, les manuels d'économie politique répètent, comme des perroquets, l'histoire du sauvage qui prête son arc à un confrère en sauvagerie, sous condition de partager sa chasse. Non satisfaits de cette origine préhistorique, des économistes font remonter la propriété capitaliste par delà l'espèce humaine; ils la découvrent chez les invertébrés, parce que la prévoyante fourmi amasse des provisions : c'est pitié qu'ils se soient arrêtés en si beau chemin et n'aient pas compris que cet insecte n'emmagasine que pour vendre et réaliser des profits par la circulation des marchandises.
Il y a une lacune dans cette peu réjouissante théorie du capital éternel : on a négligé de démontrer que le mot capital est lui aussi de toute éternité. Toute corde dans un navire, à l'exception de celle de la cloche, a un nom; il est impossible d'admettre que l'homme n'aurait pas eu la même richesse linguistique dans le monde économique et aurait poussé la négligence jusqu'à ne pas donner de nom à une chose aussi utile que le capital : cependant il est certain que le mot capital, dans le sens spécial usité de nos jours, ne date que du XVIIIe siècle, ainsi que le mot philanthropie, qui désigne une des formes d'hypocrisie propre au régime capitaliste, car c'est à cette époque que la forme capital delà propriété commence à marquer sa prépondérance dans la société [2], Cette prédominance sociale de la forme capital sur la forme féodale de la propriété amena la révolution française, qui, si elle est un des plus considérables événements de l'histoire moderne, n'est en définitive qu'une révolution faite dans le seul intérêt de la classe capitaliste, avec toutes les réclames libertaires, fraternitaires, égalitaires, justiciardes et patriotardes, que l'on devait reproduire dans les prospectus et les programmes des lanceurs de spéculations financières et politiques [3].
La forme de propriété correspondant au mot capital ne commence à prendre une importance sociale qu'à la suite de la production marchande, qui fut le couronnement du mouvement économique et politique dont était travaillée l'Europe depuis le XIIe siècle et que hâtèrent la découverte de l'Amérique et de la route des Indes par le doublement du cap de Bonne-Espérance, l'importation des métaux précieux du nouveau monde, l'invention de la poudre à canon, de l'imprimerie et de la boussole, la prise de Constantinople, les alliances des familles souveraines, l'organisation des grands Etats européens et la pacification relative et générale qui en fut la conséquence... Toutes ces causes réunies, et d'autres de moindre influence, développèrent le Capital, la forme la plus perfectionnée de la propriété privée, et, peut-on ajouter, la dernière.
L'apparition relativement récente de la forme capital est la meilleure preuve que la propriété n'est pas restée immuable, toujours identique à elle-même, mais qu'au contraire, de même que tous les phénomènes d'ordre matériel et intellectuel, elle évolue, et elle passe par une série de formes différentes, découlant les unes des autres.
La propriété est si peu identique à elle-même que dans la société contemporaine elle affecte diverses formes et sous-formes.
I. — Formes communes de la propriété. |
{ | a) — Propriété commune d'origine antique : biens communaux, domaniaux, etc., qui depuis des siècles subissent l'assaut des convoitises de la noblesse et de la bourgeoisie. |
b ) — Propriété commune d'origine moderne, administrée par l'État sous le nom de services publics : postes, chemins de fer, musées, Bibliothèques nationales, etc. | ||
II. — Formes privées de la propriété. |
{ | c) — Propriété d'appropriation individuelle. |
d) — Propriété-instrument du travail. | ||
e) — Propriété-capital. |
La propriété d'appropriation personnelle ou individuelle est la plus primitive forme de propriété ; elle a toujours existé et existera toujours, car elle est la condition même de la vie : susceptible d'une grande extension, elle commence aux aliments que l'homme prend pour réparer ses forces et s'étend jusqu'aux bijoux dont il se pare. La maison était autrefois comprise dans ce genre de propriété; l'homme possédait sa demeure, comme la tortue sa carapace. Si, par l'application des machines à l'industrie, la civilisation peut mettre à la portée des petites bourses nombre d'objets de luxe que les riches seuls pouvaient autrefois se procurer, elle a dépouillé la grande majorité des citoyens de leur maison, les a obligés à vivre dans des appartements loués et des chambres meublées; et, au milieu d'une abondance sans précédent, elle réduit le producteur au plus strict minimum de propriété d'appropriation personnelle.
La civilisation capitaliste condamne le prolétaire à végéter dans des conditions de vie inférieures à celles des sauvages. Laissant de côté le fait capital que le sauvage ne travaille pas pour enrichir des parasites, pour ne considérer que sa nourriture, il est indiscutable que les barbares qui peuplaient l'Europe dans les premiers siècles de notre ère, possédant de nombreux troupeaux de porcs et d'autres bestiaux et ayant la précieuse ressource de la chasse dans des forêts giboyeuses et de la pêche dans des rivières poissonneuses, s'ils étaient imparfaitement couverts de peaux de bêtes et de sayons grossièrement tissés, consommaient plus de nourriture animale que les prolétaires de la civilisation, dont les vêtements de cotons et de laines falsifiés, supérieurement tissés par des machines perfectionnées, les garantissent très imparfaitement contre l'intempérie des saisons. La situation du prolétaire est d'autant plus inférieure que son organisme n'est ni aussi robuste ni aussi endurci aux inclémences de l'atmosphère que le corps dm barbare.
Le bourgeois croit qu'il réalise l'idéal de l'humanité ; ses philosophes, libres penseurs et religieux, s'entendent pour représenter cet être étriqué ou empâté de graisse malsaine et accablé de plus de maux encore que de vices, comme le dernier effort de l'évolution humaine [4] ; mais tout observateur impartial doit reconnaître l'infériorité corporelle et intellectuelle des civilisés, en tenant compte des exceptions bien entendu, et la nécessité d'une éducation savante, commencée dès le berceau, prolongée la vie durant et poursuivie pendant plusieurs générations pour redoter l'être humain de la vigueur des muscles et de la perfection des sens des barbares [5].
Le producteur moderne n'est réduit au minimum d'objets d'appropriation personnelle, strictement nécessaire à la satisfaction de ses besoins les plus impérieux, que parce que les capitalistes en possèdent de quoi rassasier leurs plus excessives fantaisies. Ils auraient cinquante têtes et cent pieds, comme les Hécatonchires de la mythologie grecque, qu'ils ne suffiraient pas à remplir les chapeaux et les souliers qui encombrent leurs garderobes; les riches se désespèrent de ne pouvoir élargir leur capacité stomacale pour engloutonner les victuailles qui surchargent leurs tables : ils ressemblent à ces sultans écervelés qui peuplent leur sérail comme s'ils avaient la force d'une dizaine d'Hercules pour en jouir. Si les prolétaires souffrent du manque de propriété d'appropriation personnelle, les capitalistes finissent par être les martyrs de son abondance. L'ennui qui les accable et les maladies qui les torturent, abâtardissant et éteignant leur race décadente, sont les inévitables conséquences de la surabondance dans laquelle ils vivent. Les moralistes emploieraient mieux leur temps à prêcher aux bourgeois les vertus de l'abstinence, que de rabâcher aux prolétaires les préceptes de leur triste morale de l'épargne.
L'homme, selon l'expression de Franklin, est un tool-making animal, — un animal fabriquant des outils : — en effet, l'outil le distingue des animaux, ses ancêtres. Des singes se servent de bâtons et de pierres, mais l'homme est le seul animal qui ait travaillé le silex pour s'en faire une arme et un outil : aussi la découverte d'une pierre taillée dans une caverne ou dans une couche géologique, révèle la présence de l'homme aussi certainement que des ossements humains.
L'instrument de travail — couteau de silex du sauvage, varlope du charpentier, microscope du physiologiste, ou champ du paysan — est une annexe aux organes de l'homme pour lui faciliter la satisfaction de ses besoins matériels et intellectuels.
Tant que dure la petite industrie manuelle, le producteur libre possède son instrument de travail : au moyen âge, le compagnon voyageait avec son sac d'outils, comme de nos jours le chirurgien avec sa trousse. Le paysan, avant même la constitution de la propriété privée du sol, possédait temporairement le lot de terres qui lui était échu lors des partages agraires ; durant les temps féodaux, le serf était si étroitement attaché au champ qu'il cultivait, qu'il n'en pouvait être détaché.
Il existe encore des traces nombreuses de cette propriété personnelle de l'instrument de travail, mais elle est en train de disparaître rapidement : dans toutes les industries touchées par la mécanique, l'outil est arraché des mains de l'artisan pour être incorporé à la machine, qui n'est plus un instrument individuel, mais un instrument collectif, et qui par conséquent ne peut plus appartenir individuellement au producteur. La civilisation capitaliste dépossède l'homme de son annexe instrumentale, et cette dépossession a débuté historiquement par l'expropriation du premier instrument perfectionné, par l'enlèvement des armes. Le sauvage possède son arc et ses flèches, qui sont en même temps ses armes et ses outils, le soldat est le premier prolétaire qui ait été dépouillé de ses armes, qui sont ses outils, lesquels appartiennent à l'État qui l'enrégimente.
La civilisation capitaliste a réduit au plus strict minimum la propriété d'appropriation personnelle; elle ne peut guère aller au delà sans mettre en péril la vie du producteur, sa poule aux œufs d'or; elle tend à le déposséder absolument de la propriété-instrument de travail : pour une partie delà classe ouvrière d'Europe, cette dépossession est déjà un fait accompli.
Le capital est la forme de propriété caractéristique de la société moderne ; il n'a existé dans aucune autre société, du moins à l'état de fait général et dominant.
La condition essentielle de cette forme de propriété est l'exploitation du producteur libre, dépouillé quotidiennement d'une partie des valeurs qu'il crée : Karl Marx l'a démontré d'une manière irréfutable. L'existence du capital repose sur la production marchande, sur une forme de production dans laquelle le travailvailleur produit non en vue de sa consommation ou de celle de son seigneur féodal et de son maître esclavagiste, mais en vue du marché. Dans d'autres sociétés on a vendu et acheté, mais ce n'était que le surplus de la consommation qui était échangé ; dans ces sociétés on exploitait le producteur, serf ou esclave, mais le propriétaire était tenu à de certains devoirs envers lui : ainsi le maître d'esclave nourrissait sa bête de somme humaine, alors même qu'elle chômait; le capitaliste est débarrassé de cette charge, portée au compte du producteur libre. Le bon cœur de Plutarque s'indigne contre Gaton, l'affreux moraliste, parce qu'il vendait les esclaves vieillis à son service ; que dirait-il de ce qui se passe de nos jours? Il n'y a pas de capitaliste, chrétien, libre penseur, antisémite ou philanthrope, qui n'envoie crever de faim dans la rue le prolétaire qui l'a emmillionné: La bourgeoisie, bien qu'elle se pose bruyamment en champion de la liberté humaine, pour avoir affranchi le serf et l'esclave, ne cherche pas à atteindre l'émancipation du producteur, mais à libérer le capitaliste de toute obligation envers le travailleur. C'est seulement quand la forme capital de la propriété se réalise, que le propriétaire peut exercer dans toute sa rigueur le droit d'user et d'abuser.
Telles sont les formes de propriété existantes dans la société contemporaine : une observation même superficielle montre que ces formes ne sont pas immuables, mais qu'au contraire elles sont dans un état de transformation continuelle. Par exemple, tandis que la propriété commune d'origine antique disparaît devant les envahissements dé la propriété privée, la propriété privée capitaliste se transforme en propriété commune sous l'administration de l'Ëtat; mais avant de parvenir à cette forme ultime, le capital exproprie le producteur de son outil individuel et crée l'instrument de travail collectif, Après avoir constaté dans le présent cette évolution des formes de la propriété, c'est faire bon marché de son intelligence que d'affirmer que dans le passé la propriété est toujours restée identique à elle-même et qu'elle n'a pas traversé une série de formes avant de revêtir celle du capital, destinée à son tour à disparaître et à être remplacée par de nouvelles formes.
Je crois utile, avant d'aborder la description dés formes d'évolution de la propriété, de dire quelques mots sur la méthode employée dans cet essai de reconstitution historique.
Tous les hommes, sans distinction de race, traversent, de leur naissance à leur mort, les mêmes phases d'évolution ; ils subissent, à des âges variant dans d'étroites limites selon les climats, les mêmes crises de dentition, de nubilité, de croissance et de décroissance : les sociétés humaine» passent également par les mêmes formes familiales et par les mêmes institutions sociales, religieuses et politiques, et par les mœurs et les idées philosophiques correspondantes. Vico, qui a été appelé « le père de la philosophie de l'histoire », le premier entrevit cette grande loi de l'évolution historique : dans sa Scienza nuova, il parle « d'une histoire idéale, éternelle, que parcourent dans le temps les histoires de toutes les nations, de quelque état de sauvagerie, de férocité et de bestialité que partent les hommes pour se domestiquer [6]. » Karl Marx, qui, en reliant les phénomènes du monde politique et du monde intellectuel aux phénomènes du monde économique, a renouvelé la conception de l'histoire, confirme la loi de Vico, quand il dit, dans la préface du Capital, que « le pays le plus développé industriellement ne fait que montrer à ceux qui le suivent sur l'échelle industrielle l'image de leur propre avenir ».
Si on connaissait l'histoire d'un peuple de l'état sauvage à l'état civilisé, on posséderait cette histoire type de tous les peuples qui ont habité la terre ; mais il est impossible de suivre successivement toutes les étapes parcourues par une nation quelconque. Si on ne peut tailler cette histoire toute d'une pièce dans la vie d'un peuple ou d'une race, on peut la bâtir en rapportant et en cousant ensemble les faits connus sur les différents peuples du globe [7]. En procédant de la sorte, l'humanité, à mesure qu'elle vieillit, parvient à connaître son enfance.
Les mœurs des ancêtres des peuples civilisés revivent dans celles des peuples sauvages que la civilisation n'a pas encore détruits. Les coutumes, les institutions sociales et politiques, les religions et les idées des sauvages et des barbares permettent à l'historien d'évoquer un passé que l'on croyait absolument enseveli dans l'oubli. En s'adressant aux peuples primitifs, on peut retrouver les origines de la propriété ; en glanant des faits dans le globe entier, on arrive à suivre les phases d'évolution de la propriété.
Notes
[1]. Les philosophes de l'école cartésienne recommandaient de commencer toute discussion par la définition des termes du débat ; avant donc d'aller plus loin, fixons le sens exact du mot capital.
Par capital on entend toute propriété qui rapporte intérêts, rentes, bénéfices ou profits. Est capital une somme d'argent prêtée à intérêt ; est également capital un instrument de travail quelconque (terre, métier à tisser, usine métallurgique, navire, etc.), mis en valeur non par son propriétaire, mais par des salariés. Mais le champ que cultive le paysan propriétaire avec l'aide de sa famille, le fusil du braconnier, la banque du pêcheur, le rabot du menuisier, le bistouri du chirurgien, la plume de l'écrivain, etc., bien qu'ils soient des propriétés, ne sont pas du capital, ou des propriétés à forme capitaliste, parce que leurs possesseurs les utilisent eux-mêmes, au lieu de les employer à faire travailler d'autres personnes.
Qui dit capital dit propriété mise en valeur par des salariés, produisant des marchandises et rapportant des profits au propriétaire. L'idée de profits sans travail est collée au mot capital, comme un robe de Nessus.
[2]. La Curne de Sainte-Palaye mentionne le mot capital comme adjectif servant à qualifier certaines tailles; comme substantif on l'emploie pour désigner des parties d'un bâtiment et d'un costume. (Dictionnaire de l'ancien langage françois depuis son origine jusqu'à Louis XIV.) Littré le rencontre comme adjectif dans des textes du XIIe siècle ; sa citation la plus ancienne, où il figure comme substantif, remonte au XVIe siècle. Dans le Dictionnaire de Richelet (1728), le mot est cité comme adjectif et n'a que deux ou trois emplois comme substantif; il en est de même dans le Dictionnaire de Trévoux (1771). Il faut arrivera à l'Encyclopédie de Diderot pour lui trouver une valeur économique : « Capital se dit de la somme' qu'on doit rembourser indépendamment des intérêts. — Se dit aussi du fonds d'une compagnie. »
[3]. A l'époque de la Révolution, le capitaliste était un animal d'élevage social encore si récent, que Sébastien Mercier, dans pou dictionnaire de mots nouvellement introduits, paru en 1802, accompagnait le mot capitaliste de cette curieuse définition :
« Capitaliste: ce n'est guère connu qu'à Paris. Il désigne un monstre de fortune, un homme au cœur d'airain, qui n'a que des affections métalliques. Parle-t-on de l'impôt territorial, il s'en moque : il ne possède pas un pouce de terre ; comment le taxera-t-on ? Ainsi, que les Arabes du désert qui viennent de piller une caravane, enterrent leur or de peur que d'autres ne surviennent, c'est ainsi que les capitalistes ont enfoui notre argent. »
[4]. Un évolutionniste américain, concluant de la quantité et de la précocité de têtes sans cheveux et de bouches sans dents observées dans la classe bourgeoise, qui, d'après la théorie darwinienne, est la classe perfectionnée par la concurrence, vitale, prédit une humanité chauve et édentéé : cela arriverait si la civilisation capitaliste durait.
[5]. César, à qui les admirateurs extravagants de la civilisation capitaliste ne sauraient refuser quelque talent d'observation, ne se lassait d'admirer la force et l'habileté aux exercices militaires de ces barbares germains, qui combattaient ses soldats cuirassés et casqués, la tête et le corps nus et qu'il n'osait poursuivre après les avoir vaincus. — Durant la septième campagne, la seule glorieuse pour l'armée romaine, d'après Napoléon Ier, afin de vaincre la résistance héroïque des Gaulois commandés par Vercingétorix, il envoya recruter des guerriers au delà du Rhin, et il lit mettre à pied des officiers et même des chevaliers pour leur donner des chevaux : bien lui en prit. Deux fois, devant Novidionum et Alesia, la cavalerie germaine, lors que les cohortes romaines lâchaient pied, rétablit le combat et culbuta les Gaulois. Plus d'un siècle plus tard, Civilis, pour exciter les Gaulois et les Germains à la révolte, leur rappelait que César n'avait pu vaincre la Gaule qu'avec l'aide des guerriers germains.
Morgan, un des rares anthropologistes qui ne partagent pas l'imbécile mépris du philistin pour les peuples non civilisés, considère « que les progrès réalisés pendant la période sauvage et barbare sont peut-être supérieurs en importance à ceux accomplis pendant la civilisation ».
Les sauvages et les barbares transplantés dans la civilisation capitaliste font triste figure : ils perdent leurs quatités et contractent avec une effrayante facilité les vices des civilisés; mais l'histoire des Égyptiens et des Grecs montre à quel merveilleux degré de développement matériel et intellectuel peut parvenir un peuple barbare placé dans de bonnes conditions et évoluant librement.
[6]. « Una istoria ideal, eterna, sopra la quale corrono in tempo le storie di tutti le nazioni : ch'ovumque da tempi selvaggi, feroci é fieri comminciàno gli uomini ad addimesticarsi. » (Principi di Scienza nuova; De principi; lib. II, sect. v; Milano, 1837.)
[7]. Dans les pages qui suivent, le lecteur trouvera des faits recueillis dans l'ancien et le nouveau monde et réunis dans l'intention de prouver que les mêmes phénomènes se reproduisent chez tous les peuples, quels que soient la diversité deleur origine et le degré de leur culture ultérieure.
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