1971 |
"L'histoire du K.P.D. (...) n'est pas l'épopée en noir et blanc du combat mené par les justes contre les méchants, opportunistes de droite ou sectaires de gauche. (...) Elle représente un moment dans la lutte du mouvement ouvrier allemand pour sa conscience et son existence et ne peut être comprise en dehors de la crise de la social-démocratie, longtemps larvée et sous-jacente, manifeste et publique à partir de 1914." |
Révolution en Allemagne
Pierre Broué
De la conquête des masses à la défaite sans combat
Brandler quitte Moscou dans les derniers jours de septembre, pour aller diriger la bataille. Témoin de son départ, Ruth Fischer raconte :
« Comme je quittais le Kremlin, je vis Trotsky disant au revoir à Brandler qu'il avait accompagné de chez lui à l'intérieur du Kremlin jusqu'à la porte Troitski — geste inhabituel d'extrême politesse. Ils se tenaient là, dans la vive lumière de cet après-midi d'automne, l'épais Brandler dans son costume civil fripé, et l'élégant Trotsky dans son uniforme bien coupé de l'armée rouge. Après les derniers mots, Trotsky embrassa affectueusement Brandler sur les deux joues, à la russe. Connaissant bien les deux hommes, je pus voir que Trotsky était réellement ému : il avait conscience de souhaiter bonne chance au chef de la révolution allemande à la veille de grands événements » [1].
Personne ne peut en effet douter que l'Allemagne ne se trouve en cet automne à la veille de grands événements. La grande coalition est en crise, les populistes s'opposant à toute mesure contre la Bavière et les social-démocrates à toute atteinte officielle contre la journée de huit heures. La droite unanime réclame pourtant la démission de Hilferding qui, à la suite d'un remaniement ministériel, cédera la place à l'homme d'affaires Luther ; mais les social-démocrates ont reçu la promesse qu'on ne toucherait pas à la journée de huit heures et von Seeckt a arrêté les gens de la « Reichswehr noire » qui rêvaient de jouer aux « kappistes » et risquaient de mettre le feu aux poudres. Seule peut-être en effet la peur qu'inspirent les bruits d'armes en Bavière retient des réactions populaires. Il y avait à Berlin au début septembre 110 000 chômeurs, il y en a 160 000 à la fin octobre et 200 000 quelques semaines plus après — plus de 2 000 000 dans toute l'Allemagne [2]. Dans la semaine du 8 au 14 octobre, un métallo berlinois gagne 6 milliards et demi de marks, soit de 2 à 3 dollars, à peine le dixième de ce qu'il gagnait un an auparavant. Un œuf coûte le 16 octobre 110 000 000 de marks, soit le salaire horaire d'un mineur [3]. Le système d'indexation arraché en août avait contribué en septembre à freiner la baisse du pouvoir d'achat des salariés, mais le décalage dans le temps entre l'établissement de l'index du coût de la vie et sa publication le vide de tout sens. Le Worwärts lui-même s'en prend, le 11 octobre, aux syndicats et à ce qu'il appelle leur passivité, « au moment où la vague de misère et de désespoir s'enfle d'heure en heure » [4]. Le même jour se constitue un comité d'action des syndicats berlinois [5]. Les communistes n'ont guère d'illusions cependant quant à la volonté d'agir des dirigeants syndicaux, et Enderle écrit :
« Il dépendra de la combativité des masses et de l'influence communiste que les chefs syndicalistes suivent ou non les masses dans leur combat » [6].
Près de Potsdam, un tribunal acquitte le hobereau von Kaehne, accusé d'avoir tué un ouvrier qui ramassait du bois sur ses terres. L'accusé avait déclaré qu'il n'avait « pas peur de tirer sur la canaille » [7]. Dans les villes, on a faim ; le chroniqueur raconte :
« La rue grise, au matin. Devant les crèmeries, ces lamentables attroupements de pauvres femmes. Elles s'installent, elles apportent des pliants, une chaise, un ouvrage. (...) II fait froid, l'humidité transperce les vieux vêtements de misère. Elles sont là pendant des journées entières, pour acheter un peu de margarine. Devant elles, l'inévitable policier vert, hargneux et triste d'avoir honte de son métier. Un camion passe, chargé de pommes de terre. Des deux trottoirs, ce n'est qu'une ruée convergente. Des gosses s'agrippent à l'arrière de la lourde voiture, jettent sur la chaussée, à pleines brassées, les précieux tubercules, aussitôt ramassés. Le chauffeur donne de la vitesse. Un agent de police s'égosille en vain. Je vois un monsieur bien mis, petit employé sans doute, ramasser tranquillement quelques patates et les fourrer dans ses poches. Je vois une vieille femme grisonnante et courbée qui s'essouffle pour accroître sa part... La rue a faim. La rue a des visages de désespoir, de colère et de haine. ( ... ) Un témoin oculaire m'a raconté un de ces pillages. II était émerveillé de l'esprit d'ordre de ces affamés. Pillage méthodique, sans casse ni bousculade inutile. On ne prenait pas d'articles de luxe. On prenait du pain, des graisses, des chaussures. Brusquement haussés à la conscience primitive de leur droit à la vie, des hommes condamnés à mourir de faim prenaient de quoi vivre, Il fallait l'intervention de la police pour que l'expropriation dégénérât en émeute » [8].
Silencieux et ramassés, les communistes attendent :
« Losschlagen, écrit Albert, losschlagen veut dire porter le coup que l'on retenait, déclencher l'action. Ce mot est sur toutes les lèvres, de ce côté-ci de la barricade. (...) En Thuringe, au sortir des réunions à demi-clandestines où un militant communiste a parlé, des ouvriers — qu'il ne connaît pas — se campent devant lui. Un cheminot lui demande sans préambule : « Quand frapperons-nous ? Quand ? » (...) Octobre est froid. Bruines, pluies, rues grises où l'on stationne longuement dans les faubourgs ouvriers. Des chauffeurs, des ménagères, des sans-travail — qui sont aussi sans chemise et sans pardessus — discutent. (...) Dans ces groupes énervés, tassés aux carrefours sombres, loin des places illuminées où la police veille au bien-être, j'entends souvent obstinément parler de la Russie ... Je songe qu'au ciel noir de ces pauvres gens, une étoile au moins s'est levée. (...) Brumes, bruines, pluies, premiers froids d'octobre. Logis sans feu ni pain. Boutiques gardées par les policiers verts, assiégées de l'aube à la nuit tombée par de mornes foules de femmes ; course précipitée des policiers, la courte carabine en bandoulière, par les artères populaires ; brusques passages de camions automobiles, hérissés de fusils et de shakos luisants ; maigres faces hargneuses, à toutes les portes, dans le soir fébrile, nouvelles des journaux « Sept morts à Beuthen, … douze morts à Sorau, quinze morts à Düsseldorf … , six morts à Cologne ». (...) La police a peur. Elle a faim aussi. Mais elle n'est pas faite pour donner du pain » [9].
C'est dans les tout derniers jours de septembre que les dirigeants communistes décident à Moscou l'entrée de représentants du K.P.D. dans les gouvernements de Saxe et de Thuringe. Il s'agit en effet maintenant d'occuper des positions stratégiques dans le conflit qui approche. Radek résumera ainsi le plan adopté :
« Le prolétariat prend l'initiative en Saxe, à partir de la défense du gouvernement ouvrier dans lequel nous entrons, et il va tenter en Saxe d'utiliser le pouvoir d'Etat pour s'armer et pour construire, dans cette petite province prolétarienne d'Allemagne centrale, un mur entre la contre-révolution bavaroise et le fascisme du nord. En même temps, dans tout le Reich, le parti s'emploie à mobiliser les masses » [10].
Ce plan est discuté depuis plusieurs semaines, et Brandler l'a vivement combattu. Les social-démocrates de gauche de Saxe sont certes pleins de bonne volonté, mais ils ne sont pas sûrs. Au cours de l'été se sont produits en Saxe beaucoup d'incidents entre les centuries prolétariennes et la police du social-démocrate Liebman : en septembre, plusieurs dizaines d'ouvriers ont ainsi été tués à Leipzig. C'est sur les conseils de l'exécutif lui-même que le parti communiste a plusieurs fois refusé de participer au gouvernement Zeigner tant que ce dernier ne reconnaissait pas le rôle politique des conseils d'usine. L'entrée des communistes dans le gouvernement saxon serait aujourd'hui trop soudaine, inexplicable pour les militants et les sympathisants, en contradiction avec les explications données pour les refus antérieurs. Une telle décision devrait être expliquée, préparée, devrait être le résultat et le couronnement d'une campagne, une victoire de la volonté unitaire des masses en lutte, et non un événement extérieur à elles, né de négociations à sommet [11]. Mais Brandler est apparemment seul de son avis. Pour les autres responsables qui siègent à Moscou, la situation évolue si vite que, si demain les communistes ne parviennent pas à galvaniser la résistance des masses en Saxe et ne provoquent pas, par là, une explosion générale dans toute l'Allemagne, c'est le chef de la Reichswehr en Saxe, le général Müller, maître du pouvoir exécutif, qui prendra l'initiative — et les social-démocrates de gauche sont incapables de se préparer seuls à lui tenir tête. Il faut, avant qu'il ne frappe, faire de la Saxe un bastion prolétarien et y équiper les 50 à 60 000 hommes que Brandler estime qu'il serait possible d'armer en une semaine [12].
La décision est finalement prise, alors que Brandler est déjà sur le chemin du retour en Allemagne. Le 1° octobre, au nom de l'exécutif, Zinoviev télégraphie à la centrale :
« Comme nous estimons que la situation est telle que le moment décisif va venir dans quatre, cinq ou six semaines, nous jugeons nécessaire d'occuper tout de suite toute position immédiatement utilisable. Cette situation nous oblige à poser sous un angle pratique la question de notre entrée dans le gouvernement saxon. A la condition que les gens de Zeigner soient réellement prêts à défendre la Saxe contre la Bavière et les fascistes, nous devons y entrer. Réaliser tout de suite l'armement de 50 à 60 000 hommes. Ignorer le général Müller, Pareil en Thuringe » [13].
Les négociations commencent immédiatement entre les communistes et les dirigeants social-démocrates de gauche de Saxe. La presse communiste est presque partout interdite ou suspendue. Un tract des conseils d'usine, intitulé « Mobilisation », est diffusé le 7 octobre : il appelle les travailleurs à préparer la grève générale, qui doit constituer la riposte à toute tentative contre-révolutionnaire, en constituant des comités d'action et des groupes d'autodéfense, en organisant des assemblées quotidiennes dans les usines et sur les lieux de travail [14]. Le 8 octobre, Brandler est de retour en Allemagne ; le même jour, à la tribune du Reichstag, Remmele prononce un véritable discours de guerre civile :
« Nous le savons très bien : la dictature blanche qui règne sur l'Allemagne aujourd'hui ne peut être détruite que par la dictature rouge. (...) Les classes laborieuses n'ont pas d'autre choix que de reconnaître que le règne de la force ne peut être aboli que par les moyens et les méthodes que vous employez vous-mêmes. (...) Et quand vous faites prendre conscience aux ouvriers que les grenades et les mitrailleuses sont des armes meilleures que tous les discours au Parlement, que les armes de la dictature blanche sont plus efficaces que des bulletins de vote, alors, vous ne faites que créer vous-même les conditions de votre propre liquidation! » [15].
Il lance, comme un défi, aux députés, l'intention des communistes d'entrer dans les gouvernements de Saxe et de Thuringe [16]. Le 9 octobre, les représentants de la centrale, où Brandler a repris sa place, présentent un projet de programme gouvernemental pour la Saxe, en vingt points, comprenant l'armement des ouvriers, le désarmement des formations bourgeoises, le contrôle ouvrier sur la production, des mesures d'urgence pour le ravitaillement, un appel à la constitution d'un gouvernement ouvrier pour l'ensemble du Reich [17] : les social-démocrates saxons l'acceptent. Le 10 octobre, le gouvernement Zeigner est formé. Il comprend trois ministres communistes, Böttcher, ministre des finances, Fritz Heckert, ministre de l'économie, et Brandler qui, ayant vainement réclamé le portefeuille de l'intérieur, est Ministerialdirektor, chef de la chancellerie d'Etat, ce qui lui donne néanmoins un droit de regard sur la police [18].
Une déclaration de la centrale explique cette décision :
« La centrale du parti communiste allemand a autorisé trois de ses membres, les camarades Brandler, Böttcher et Heckert, à entrer dans le gouvernement saxon. La population laborieuse est face à face avec le bloc des grands capitalistes, des grands propriétaires et des généraux monarchistes. La dictature des militaires et des grands capitalistes se prépare à étrangler la classe ouvrière. (...) La constitution en Saxe d'un gouvernement de défense prolétarienne est un signal pour toute la classe ouvrière allemande. ( ... ) Ce premier essai pour former à l'heure la plus grave, avec les social·démocrates de gauche, un gouvernement commun de défense prolétarienne sera couronné de succès si le parti mobilise, avec le même objectif, toute la classe ouvrière du Reich » [19].
Le même jour, Die Rote Fahne, qui reparaît pour quarante- huit heures seulement avant d'être suspendue sine die, publie une lettre de Staline, secrétaire général du parti russe, adressée à Thalheimer :
« La révolution qui approche en Allemagne est l'événement mondial le plus important de notre temps. La victoire de la révolution allemande aura plus d'importance encore pour le prolétariat d'Europe et d'Amérique que la victoire de la révolution russe il y a six ans. La victoire de la révolution allemande fera passer de Moscou à Berlin le centre de la révolution allemande » [20].
Les dirigeants communistes allemands partagent-ils la foi exprimée ici par Staline ? On peut légitimement en douter à la lecture des commentaires d'Ernst Meyer :
« La classe ouvrière est morcelée et paralysée par la politique de coalition du parti social·démocrate et la politique de collaboration de classe de la bureaucratie syndicale. Désarmé, plusieurs fois vaincu depuis novembre 1918, le prolétariat allemand hésite. Les ouvriers allemands sont devenus méfiants à l'égard des dirigeants de toutes les organisations. (...) Ils n'ont plus confiance. Aujourd'hui pourtant, il leur faut ou céder sans combat, comme la social·démocratie le leur recommande, ou accomplir, pour secouer leurs chaînes devenues si pesantes, un suprême effort, difficile et coûteux » [21].
Mais c'est précisément en raison de cet état de fait qu'Ernst Meyer salue comme une victoire importante l'entrée des communistes dans le gouvernement saxon :
« Le moindre succès prolétarien consolide le front unique prolétarien et sape la politique de coalition avec la bourgeoisie des social-démocrates. C'est en ce sens que l'on conçoit l'immense importance de la constitution d'un gouvernement ouvrier en Allemagne centrale » [22].
Le 13 octobre, trois députés communistes, Neubauer, Tenner et Karl Korsch, entrent dans le gouvernement de Thuringe, que préside le social-démocrate Fröhlich [23]. Ernst Meyer commente :
« Le parti communiste allemand a assumé de grandes responsabilité, en faisant de l'Allemagne centrale le pivot des luttes révolutionnaires prochaines. Le prolétariat allemand ne peut plus supporter de déception. Mais nous sommes convaincus que la Saxe et la Thuringe rouge ranimeront, fortifieront et développeront ses énergies révolutionnaires. Notre parti montrera ce dont un gouvernement ouvrier est capable » [24].
Pourtant, le rapport présenté le 12 à la centrale par Brandler laisse déjà sourdre bien des inquiétudes :
« Les social-démocrates de Saxe se sont décidés sous la pression des masses à former un gouvernement de coalition avec nous. Notre entrée dans le gouvernement saxon nous permet de nous regrouper, de nous préparer à la guerre civile. (...) Les tâches militaires et d'organisation fixées par notre programme sont réalisées (...) (mais) la question de l'armement est catastrophique. (...) Notre devoir est de temporiser et de ne pas prendre part à des luttes isolées » [25].
L'entrée des communistes dans les gouvernements de Saxe et de Thuringe était en partie une conséquence des outrances de la Reichswehr. Le 27 septembre, le général Müller, commandant du Wehrkreis III, avait fait connaître, par une proclamation, qu'il exerçait dorénavant en Saxe tous les pouvoirs et que ses troupes avaient mission d'y assurer l'ordre public. Dans l'immédiat, il annonce que réunions et publications sont soumises à l'autorisation préalable des autorités militaires, interdit toute manifestation de rue et proclame l'interdiction des grèves dans tous les secteurs qu'il juge « nécessaires à la vie publique » [26]. Cependant la Saxe rouge n'obéit pas, et le général va continuer de proférer ses menaces sans pour autant faire sortir ses troupes de leurs casernes. Le 29 septembre, il proclame l'état de siège renforcé, et, le 5 octobre, interdit toutes les publications communistes [27].
C'est comme en réponse à ces menaces que s'est constitué le gouvernement ouvrier officiellement intitulé « de défense républicaine et prolétarienne » [28]. Le 12 octobre, devant le Landtag, Zeigner fait connaître son intention de procéder au désarmement des formations bourgeoises et au renforcement des centuries prolétariennes [29]. Le général Müller réplique aussitôt en décrétant, le 13, la dissolution des centuries « et autres organisations semblables », et en les sommant de remettre dans es trois jours leurs armes à Reichswehr [30]. Son interdiction l'étend aux comités d'action qui sont en train de se constituer dans toute la Saxe avec la participation de militants des partis et syndicats ouvriers. Le gouvernement Zeigner proteste vigoureusement contre l'interdiction des centuries prolétariennes dont il garantit la loyauté à la Constitution [31]. Le congrès des centuries de Saxe, prévu pour le 14 octobre, est avancé : regroupant les délégués de 155 unités, il se tient, malgré l'interdiction du général, dans la banlieue de Chemnitz les 13 et 14 octobre [32]. C'est également en territoire saxon, à Plauen, que se réunissent le 14 les 150 délégués du congrès des conseils d'usine de Bavière [33]. Les ordres du général sont ainsi ouvertement défiés .
Dans les jours qui suivent, social-démocrates de gauche et communistes multiplient les meetings de masse et appellent les ouvriers à résister aux menaces et tentatives d'intimidation du général Müller, à poursuivre l'organisation des centuries et à ignorer ses ordres. Pourtant le gouvernement Zeigner ne prend aucune mesure concrète pour armer les centuries. Pendant que le gouvernement du Reich hésite entre les pressions contradictoires de Gessler — et de son conseiller le major von Schleicher — et des social-démocrates, le général Müller continue à avancer ses pions. Ses hommes sont toujours consignés, mais, le 16, il informe le gouvernement de Zeigner qu'il a donné à la police ordre de se placer directement sous les ordres des chefs de la Reichswehr — donc de ne plus obéir ni au ministre de l'intérieur saxon ni à Zeigner lui-même ! Il commence à rappeler les réservistes en Saxe même [34]. Le même jour, au cours d'un grand meeting qui se déroule à Leipzig, le ministre communiste de l'économie, Paul Böttcher, incite les ouvriers saxons à défier la dictature militaire et à exiger de leur gouvernement l'armement immédiat et complet des centuries prolétariennes renforcées [35]. La Saxe rouge tient bon.
L'attitude de la social-démocratie paraît au premier abord incohérente. Ses dirigeants ont accepté sans trop de difficultés le remplacement de Hilferding par Luther dans le gouvernement du Reich. La grande coalition continue donc, et c'est à un ministère comprenant des social-démocrates que Stinnes, Borsig, Thyssen demandent, le 8 octobre, de prolonger la durée de la journée de travail, d'alléger les charges sociales du patronat, de supprimer les subventions sur le pain, de céder les chemins de fer à des compagnies privées [36]. Le 13, Stresemann obtient du Reichstag les pleins pouvoirs — avec l'assentiment des députés social-démocrates. Mais, le 14, l'éditorial du Vorwärts est consacré à un réquisitoire contre l'état de siège, dont il affirme qu'il est « intolérable », puisque, justifié par les nécessités de la lutte contre les réactionnaires, il a servi seulement à engager la lutte contre le mouvement ouvrier et, dans le cas de la Saxe, contre un gouvernement constitutionnel présidé par un social-démocrate [37].
Le même jour, le Polburo de la centrale du K.P.D. adopte un projet de programme d'action à soumettre à la conférence des conseils d'usine de Saxe convoquée pour le 21 octobre à Chemnitz par les ministres saxons Böttcher, Heckert et Graupe. et qui doit être une importante étape dans la préparation du congrès allemand des conseils d'usine que le comité des quinze vient de convoquer pour le 9 novembre — date symbolique [38]. De son côté, un texte signé de la centrale appelle les travailleurs à lutter « pour un gouvernement ouvrier en Allemagne et ailleurs » [39]. Die Rote Fahne est de nouveau suspendu. Rote Sturmfahne, clandestin, mais ouvertement diffusé, sort à sa place. A Mannheim, le 16, les syndicats proclament une grève générale de vingt-quatre heures. La Reichswehr intervient pour empêcher une manifestation de rues : et il y a sept morts et deux cent cinquante blessés. Le 17, les autorités militaires font arrêter les membres du comité d'action des chômeurs d'Altona [40]. Au Landtag saxon, le député communiste Arthur Lieberasch semble sonner la charge :
« Contre l'interdiction des centuries, (...) des comites d'action, le retrait du soutien de la police au gouvernement saxon, la classe ouvrière saxonne ne doit plus mettre ses espoirs dans de quelconques mesures de son gouvernement (...), mais elle doit maintenant dire, pas seulement en Saxe, mais dans l'Allemagne entière : Tous dans ces formations de défense ! Les armes dans les mains de la classe ouvrière ! Construction de comités d'action sur toute la ligne ! Et ensuite, dans toute l'Allemagne, appeler à la grève générale et la tenir jusqu'à ce que les organisations fascistes aient été chassées au diable sans trêve ni repos. Quinze à vingt millions de travailleurs allemands sont une autre puissance que les 500 000 hommes de la Reichswehr et les fascistes. Les armes peuvent aussi partir toutes seules par derrière si les soldats de la Reichswehr, qui sont insuffisamment payés, prennent conscience qu'ils appartiennent aussi à la classe ouvrière » [41].
Le même jour pourtant, ayant assuré son emprise sur la police et ainsi réduit un peu plus l'autorité du gouvernement Zeigner, le général Müller effectue un nouveau pas en avant en s'en prenant directement à lui. Il écrit à Zeigner qu'il a agi jusque-là avec la conviction de leur accord réel, mais que le discours de Böttcher à Leipzig constitue un élément nouveau :
« Je vous prie, monsieur le ministre-président, de bien vouloir commenter les déclarations du ministre Böttcher et me faire connaître sans équivoque pour le 18 octobre à 11 heures si le ministère dans son ensemble est d'accord avec l'esprit et la lettre des déclarations du ministre Böttcher et s'il entend poursuivre la conduite des affaires gouvernementales sur ces lignes, ou bien s'il désire agir conformément à mes instructions. Si cette dernière hypothèse était le cas, je dois, afin de clarifier la situation, exiger que le gouvernement saxon publie sur ce point une déclaration dans la presse. Je demande en outre à être informé des mesures que le gouvernement envisage de prendre afin d'empêcher à l'avenir la répétition de nouveaux égarements tels que celui du ministre Böttcher en constitue sans aucun doute un » [42].
Le lendemain, Vorwärts proteste une fois de plus contre les initiatives du général Müller [43] et, le soir, une assemblée des délégués des syndicats de Berlin décide par 1 500 voix contre 50 de déclencher la grève générale au cas où la Reichswehr passerait à l'attaque contre la Saxe [44]. Les dirigeants du gouvernement prussien eux-mêmes, les social-démocrates Otto Braun et Severing, font part à Ebert de leur inquiétude au sujet du comportement de la Reichswehr en Saxe [45] et demandent qu'on ne laisse pas aux généraux la bride sur le cou.
La guerre civile qui menace d'éclater en Saxe va-t-elle, aussitôt déclenchée, s'étendre à l'Allemagne entière par le biais d'une grève générale de protestation ? Les industriels saxons déclarent leur sécurité en danger et réclament l'intervention de la Reichswehr pour assurer leur protection [46]. Paul Böttcher, ministre de l'économie du gouvernement Zeigner, demande aux banques de Dresde l'ouverture d'un crédit de 150 milliards de marks-or qui lui permettrait d'effectuer les achats les plus urgents pour ravitailler les couches les plus déshéritées : il s'entend répondre que la somme réclamée sera versée... au général Müller [47]. Le Vorwärts s'indigne toujours. La Bavière interdit toute vente de produits laitiers à la Saxe [48].
Devant le Landtag saxon, Erich Zeigner se déclare décidé à tenir. Il rejette catégoriquement les prétentions du général Müller et dit qu'il ne l'honorera même pas d'une réponse. Puis il fait une fois de plus le procès de la Reichswehr et de son ministre Gessler [49]. Il exige du gouvernement du Reich qu'il mette fin aux initiatives anticonstitutionnelles du général Müller, protégé par son ministre, contre le gouvernement constitutionnel de la Saxe. Il prononce un violent réquisitoire contre la Reichswehr et particulièrement son ministère Gessler, rappelant l'attitude de l'armée pendant le putsch de Kapp, le refus obstiné de ses chefs à consentir une démocratisation promise pourtant par tous les gouvernements depuis 1920. Il fait également le procès de la politique militaire des gouvernements successifs, dénonce la pratique qui a conduit à la constitution d'unités de type « Reichswehr noire », la réduction de la durée de formation technique des hommes, qui permet de disposer de troupes sans grande valeur dans un conflit contre une puissance européenne, mais suffisamment efficaces contre les ouvriers. Il souligne le rôle politique et les ambitions de ces formations semi clandestines que le gouvernement protège en même temps qu'il émet la prétention d'interdire en Saxe les centuries prolétariennes [50].
De son côté, Böttcher présente un rapport très documenté sur la situation économique et sociale : selon lui, 700 000 personnes, soit un habitant de la Saxe sur sept, se trouvent dans un dénuement total et ont besoin d'être secourues d'urgence. Or les greniers du Reich majorent leurs prix de 41 % et c'est un véritable blocus qui s'organise autour de la Saxe rouge. Il rend compte des négociations entamées avec le secours ouvrier international qui a promis l'envoi immédiat de 2 000 tonnes de blé et étudie la possibilité d'en envoyer 200 000 [51]. Le Landtag repousse l'ultimatum du général et réclame à Berlin la démission de Gessler, qui couvre de son autorité les activités « illégales » des généraux. Une délégation d'élus social-démocrates se rend à Berlin pour y rencontrer le président de la République.
Mais à 11 heures, le même jour, le délai accordé à Zeigner ayant expiré, le général Müller lui adresse une lettre plus menaçante encore :
« Puisque vous n'avez pas jugé convenable de répondre à ma communication du 17 octobre 1923, je vous informe respectueusement que j'ai saisi de cette affaire, en vue de la poursuite de l'action, le ministère de la défense du Reich. Avec l'assurance de ma très haute estime. Müller, Lieutenant-général » [52].
Le lendemain 19 octobre, au cours du conseil de cabinet, le chancelier Stresemann informe brièvement ses ministres que des unités de la Reichswehr ont reçu l'ordre de se porter en Saxe et en Thuringe où elles seront concentrées afin d'« intimider les éléments extrémistes et de restaurer ordre public et sécurité » [53]. Le même jour, un message d'origine gouvernementale donne à Zeigner l'assurance que les troupes sont envoyées en Saxe afin de la protéger d'attaques éventuelles de la part des extrémistes bavarois de droite [54]. Le même jour, Die Rote Fahne est autorisée à reparaître à Berlin. Dans une correspondance pour Inprekorr, le député communiste Bartz est rassurant : les bruits les plus divers, écrit-il, courent sur les intentions du gouvernement, mais tout ce qui concerne une offensive prochaine contre la Saxe est fortement « exagéré ». En fait, il est vraisemblable, selon lui, que le gouvernement n'a encore arrêté aucune décision. Dans les rangs des travailleurs il y a également ce qu'il appelle « des hauts et des bas » [55].
En fait, à cette date, l'offensive contre la Saxe est décidée. Le général Müller fait parvenir à Zeigner une lettre dans laquelle il l'informe — avec toujours la même politesse — qu'il a reçu des instructions pour « rétablir et maintenir les conditions de l'ordre constitutionnel dans l'Etat libre de Saxe » et qu'il communiquera directement à la population les raisons de cette intervention [56], ce qu'il fait immédiatement par voie d'affiche. L'heure a sonné.
Quelques jours plus tard, un autre dirigeant communiste, Emil Höllein en annonce encore la venue :
« Le prolétariat de Saxe, de Thuringe et d'Allemagne centrale est gravement, sinon mortellement menacé ; l'immensité du danger peut provoquer à chaque instant le déclenchement spontané d'une grande bataille révolutionnaire. Il dépendra de l'élargissement et de la généralisation de cette bataille que la révolution allemande soit ou vaincue ou victorieuse. »
Les social-démocrates de gauche sont à la charnière :
« Ils auront à choisir entre le combat et la trahison. »
Pour leur part, les communistes ont confiance :
« Ce ne sont pas seulement les armes qui décident de la victoire ou de la défaite, c'est l'état d'esprit des combattants. La réaction a l'esprit étroit, le mépris des pauvres, le désir de perpétuer l'exploitation de l'homme par l'homme, l'automatisme militaire, tandis que le prolétariat a l'esprit enthousiaste des porteurs de la révolution sociale et de l'émancipation humaine. (...) Dans toutes les régions de l'Allemagne, on se sent étouffé par la lourdeur angoissante de l'atmosphère avant la tempête. La foudre purificatrice, la foudre qui allume l'incendie peut tomber d'un instant à l'autre. Alors, malheur aux vaincus! » [57].
L'homme qui écrit ces lignes ignore qu'à ce moment même les siens sont précisément vaincus, et sans s'être battus. Zinoviev l'ignore aussi, qui poursuit dans la Pravda la série de ses articles décrivant les lendemains de l'Octobre allemand victorieux.
Rote Sturmfahne des 15 et 17 octobre rend compte des négociations qui se déroulent depuis déjà plus d'une semaine à Berlin en vue de la constitution d'un comité d'action entre les organisations de la capitale du parti social-démocrate, du parti communiste et des syndicats [58]. A Moscou, Zinoviev écrit qu'il espère recevoir d'une minute à l'autre la nouvelle que cet accord est conclu : il aurait évidemment une portée et une signification nationales [59]. Dans Die Rote Fahne reparu, Brandler assure que les travailleurs allemands ne « laisseront pas frapper le prolétariat saxon ». Il conclut : « Maintenant, tout est prêt! » [60]. En fait, c'est pourtant la Reichswehr qui vient de déterminer la date que le dirigeant communiste s'était refusé à fixer lui-même, celle de l'affrontement décisif. Ainsi que le note E. H. Carr, « elle avait fixé la date à laquelle les communistes devraient agir ou reconnaître leur impuissance » [61].
Le 20 octobre, le Revkom, le comité révolutionnaire, se réunit clandestinement à Dresde. Malgré l'information qu'il vient de recevoir sur la découverte, à Berlin, des principaux dépôts d'armes, il ne juge pas la situation mauvaise. Tout est prêt pour que l'insurrection se développe comme prévu à partir du 23. Il est cependant nécessaire que, d'ici là, le prolétariat saxon ait appelé à son secours l'ensemble des travailleurs allemands. On décide que le soulèvement armé sera déclenché dans tout le pays à partir de la grève générale à laquelle, sur proposition des communistes, va appeler la conférence des conseils d'usine convoquée le lendemain, 21 octobre, à Chemnitz, pour discuter de la situation économique et des problèmes sociaux [62].
Le lendemain, au petit matin, les secrétaires de district de l'ensemble du pays se réunissent autour de Brandler, Böttcher et Heckert. Les représentants du Revkom exposent le plan. Tout à l'heure, sur proposition de Brandler, la conférence des conseils d'usine va lancer un appel à la grève générale pour la défense de la Saxe prolétarienne et de son gouvernement ouvrier contre la Reichswehr. Lundi, il y aura, partout, grève générale. Mardi, les détachements spéciaux, les troupes de choc et les centuries prolétariennes exécuteront les mouvements prévus, attaqueront casernes et postes de police, occuperont les nœuds de communication, les gares, les postes et les bâtiments administratifs. Tous les responsables communistes se croient à quelques heures de l'insurrection. La commission désignée par l'exécutif, avec Radek et Piatakov, est en route pour Dresde [63].
Les centuries prolétariennes ont monté la garde toute la nuit aux portes de Chemnitz dans l'éventualité d'une attaque par surprise de la Reichswehr [64]. Mais rien ne s'est produit. Les jeunes gens des troupes de choc des centuries, en tenue de sport avec brassard et étoile rouge à cinq branches, gardent les portes de la salle de réunion et patrouillent dans les rues de la grande cité ouvrière [65]. Les délégués sont là, 498 au total, 140 envoyés par des conseils d'usine, 102 délégués de syndicats divers, 20 envoyés par la direction saxonne de l'A,D.G.B., 79 désignés par des comités de contrôle, 26 représentants des coopératives ouvrières, 15 des comités d'action, 16 des comités de chômeurs, des organisations du parti communiste, ï des organisations social-démocrates et un indépendant [66]. La conférence commence par des rapports présentés par trois ministres, Graupe, le ministre social-démocrate du travail, et les communistes Böttcher et Heckert. Tous trois insistent sur les problèmes très préoccupants du ravitaillement, la gravité de la crise financière, le chômage qui atteint des dimensions catastrophiques [67]. Dans la discussion, la presque totalité des orateurs ne s'en tient pas au cadre fixé par l'ordre du jour. De nombreux délégués interviennent sur la situation politique en Saxe, se prononcent pour l'organisation immédiate de la lutte contre la dictature militaire, et plusieurs réclament pour l'immédiat une prise de position du gouvernement, la décision de lancer le mot d'ordre de grève générale contre l'état de siège et les préparatifs des militaires,
Brandler, alors, prend la parole. Peut-être a-t-il le sentiment, d'après le déroulement de la discussion, que sa proposition va être adoptée d'enthousiasme. Il dit brièvement que la Saxe ouvrière menacée doit appeler à son secours tous les prolétaires allemands. Tourné vers les social-démocrates de gauche, il les adjure de renoncer à l'espoir désormais vain d'un accord avec le gouvernement du Reich qui protégerait la Saxe. Pour briser le fer qui menace les prolétaires saxons, il faut lancer immédiatement un appel à la grève générale qui constituera le mot d'ordre de combat de toute la classe ouvrière : soulignant la nécessité d'un accord unanime, il insiste pour que la conférence passe au vote sans plus tarder [68].
Or les social-démocrates de gauche hésitent. Aux protestations de Zeigner contre les arrivées de troupes et le rappel de réservistes, le gouvernement du Reich a répondu par écrit et donné des assurances que ces mesures étaient dirigées contre la Bavière de von Kahr et Hitler. La menace que le général Müller fait peser sur la Saxe n'est pas nouvelle, mais il s'est jusqu'à maintenant contenté de menacer. Cela peut signifier que les social-démocrates du gouvernement du Reich ont obtenu que l'on s'en prenne aux Bavarois plutôt qu'aux Saxons. Accepter de voter la résolution de Brandler n'aurait de sens que si le général Müller avait reçu ou allait recevoir carte blanche, ce qui ne leur paraît pas être le cas. Dans ces conditions, ils estiment que lancer brutalement, à partir d'une conférence semblable, le mot d'ordre de grève générale, serait se précipiter tête première dans l'aventure et provoquer, par peur, un adversaire dont on ignore encore aussi bien les intentions exactes que les possibilités. Ce serait également placer le gouvernement de Saxe sous l'autorité des conseils d'usine, renoncer par conséquent au thème de la « constitutionnalité », et donner consistance aux accusations selon lesquelles ils « font le jeu des communistes ». D'ailleurs les social-démocrates de gauche savent très bien que les dirigeants communistes eux-mêmes — leur presse en témoigne — ne sont certains, ni que le général Müller va passer à l'attaque, ni que les ouvriers allemands sont prêts à riposter et à suivre l'ordre de grève générale. En outre, la situation en Saxe est telle qu'ils sont à peu près sûrs que les communistes ne se décideront pas à agir seuls. Tout repose donc en définitive sur l'attitude des seuls social-démocrates de gauche présents à Chemnitz.
C'est le ministre du travail, Georg Graupe, un autre vétéran du mouvement syndical, qui répond en leur nom à Brandler [69]. Le problème de la défense de la Saxe ouvrière, comme celui les violations répétées de la Constitution par le gouvernement et les chefs de la Reichswehr se pose en effet, mais il estime qu'il n'appartient pas à une conférence, aussi représentative soit-elle, des organisations ouvrières de Saxe, de décider seule de la riposte. La Saxe a son gouvernement de « défense républicaine et prolétarienne », qu'il s'agit précisément en l'occurrence de défendre ; ce gouvernement est responsable devant un Landtag élu, dans lequel les deux grands partis ouvriers sont représentés, et Brandler lui-même en est membre. C'est donc, selon Graupe, au gouvernement, et à lui seul, qu'il appartient pour le moment d'envisager les moyens d'action à définir, sur la base des informations dont il est seul à disposer. Ce serait le discréditer que de passer ici par-dessus sa tête. Graupe est donc aussi ferme que catégorique : si les communistes maintiennent la proposition émise par Brandler, il quittera la conférence avec ses camarades de parti, et laissera les communistes prendre seuls une telle responsabilité. Comme il a cependant conscience de la gravité de la situation, il ajoute qu'il propose pour sa part d'élire immédiatement une commission paritaire de militants des deux partis qui aura pour charge d'étudier cette question de la grève générale et de rapporter devant la conférence avant sa clôture. Brandler accepte alors de retirer sa motion et de se rallier à celle de Graupe, qui est adoptée à l'unanimité [70].
La commission désignée se met aussitôt au travail. En fait, tout le plan communiste se trouve bloqué : l'élection d'une commission exclut l'appel immédiat de la conférence à la grève générale, et il est vraisemblable qu'aucune décision d'action immédiate ne va sortir de Chemnitz. Surtout les communistes sont profondément désorientés : la réaction des délégués social-démocrates de gauche semble indiquer que la classe ouvrière n'est pas prête au combat [71]. Comme il n'existe aucun plan de rechange, les représentants du parti communiste n'ont plus qu'à suivre le courant. La commission ad hoc présente, avec leur accord, des propositions qui constituent, comme l'écrira Thalheimer, un « enterrement de première classe » [72] : désireuse de voir lancer l'appel à la grève générale qui lui semble nécessaire, elle propose l'élection d'un comité d'action paritaire — cinq communistes, cinq social-démocrates — chargé de prendre tout de suite contact avec les directions des partis et syndicats et avec le gouvernement, afin d'étudier et de mettre au point avec eux les modalités de l'appel à celte grève générale. Au cas où le gouvernement et les syndicats refuseraient de prendre l'initiative, mais en ce cas seulement, le comité d'action serait habilité à le faire [73].
La conférence de Chemnitz se termine donc sans décision d'action. Avant même d'être entré en application, le plan communiste se trouve enrayé et, surtout, les conditions dans lesquelles il l'a été remettent en question l'ensemble de l'analyse qui le justifiait.
La centrale se réunit le soir même, sur place, à Chemnitz, en présence de responsables militaires et de « conseillers », mais en l'absence de Radek et de ses compagnons qui, venus par Varsovie et Prague, sont à Dresde [74]. Elle tire les conséquences de son échec dans la conférence et de l'éclatement du front unique en Saxe en décidant d'abandonner le plan d'insurrection [75].
Le lendemain, les préparatifs des militaires prennent forme : les hommes du général Müller sortent des casernes, cependant que des trains spéciaux amènent des renforts. Quand Brandler et ses camarades rencontrent Piatakov, Radek et les leurs, c'est dans une capitale saxonne investie par les troupes. Le dirigeant allemand expose la situation, donne les raisons de la décision prise, ajoute cependant qu'il n'est pas trop tard pour faire marche arrière si les représentants de l'exécutif ne sent pas d'accord et pensent qu'il faut maintenir l'insurrection prévue [76].
Mais Radek pense également qu'il faut maintenant reculer. Il ne saurait être question pour lui, après la défection des social-démocrates de gauche, d'appliquer un plan qui supposait leur accord. L'armement des centuries prolétariennes en Saxe —11 000 fusils — était déjà dérisoire, mais celui dont dispose le parti à lui seul — 800 fusils — l'est bien plus [77] : il faut reconnaître que le gouvernement Zeigner, malgré la présence de trois ministres communistes, n'a rien fait pour armer les ouvriers. Les communistes ne sauraient donc envisager d'appeler seuls à l'insurrection armée, avec un prolétariat divisé et sans armes. Sur ce point, les représentants de l'exécutif approuvent donc Brandler, qui leur fait remarquer qu'ils partagent désormais ensemble la responsabilité de la décision, devant l'exécutif et l'Internationale tout entière.
Radek pense cependant que tout n'est pas encore perdu. S'il est vrai que les communistes seuls n'ont pas la force de conduire victorieusement une insurrection armée, ils en ont suffisamment pour mener un combat défensif. Il propose donc de lancer le mot d'ordre de grève générale en renonçant à le transformer en insurrection armée [78]. Mais cette proposition fait l'unanimité contre elle : tous les Allemands, pour qui insurrection est synonyme de grève générale, affirment que, si l'on renonce à l'une, il faut aussi renoncer à l'autre [79]. Le lendemain, le débat reprend, à Berlin cette fois, où se réunit la centrale. Radek réitère sa proposition de grève générale sans perspective d'insurrection. Ruth Fischer propose de déclencher la grève générale à Berlin, et d'envisager dans un délai de deux à trois jours sa transformation en insurrection armée, notamment à travers des initiatives prises à Kiel et dans d'autres villes. Brandler s'oppose aux deux résolutions, vote avec Ruth Fischer contre celle de Radek [80]. Pratiquement, le K.P.D. n'a aucune proposition d'action à faire au prolétariat allemand au moment où les troupes du général Müller passent à l'action contre le gouvernement Zeigner.
Le plan bâti autour de la « Saxe rouge » s'était ainsi effondré en quelques jours, et avec lui les espoirs de victoire de la révolution prolétarienne en Allemagne en octobre 1923. Le mécanisme va pourtant fonctionner dans la seule ville de Hambourg [81]. L'origine du soulèvement des communistes de Hambourg n'est pas encore éclaircie [82] : départ prématuré de Chemnitz de Remmele, ignorant encore le report de l'insurrection ? Tentative de la gauche de « déborder » la centrale pour forcer quand même l'insurrection, prévue d'abord à Kiel, puis « repliée » sur Hambourg ? Initiatives dans l'indiscipline ou résultat de malentendus et d'insuffisances dans les transmissions ? En tout cas, le Polleiter du district, Hugo Urbahns, ne revient que dans la nuit du 22 au 23 de la conférence de Chemnitz, à un moment où l'insurrection locale est à quelques heures de son déclenchement. Il sera lui-même pris au dépourvu. Le mécanisme de l'insurrection armée se déroule en effet conformément au plan établi, dans le cadre du soulèvement général prévu, par le M.P.-Oberleiter Nordwest Albert Schreiner et le responsable local Hans Kippenberger, dans une atmosphère de tension extrême.
Le 22 octobre en effet, sur proposition des responsables de l'A.D.G.B., les dockers ont réclamé, au cours d'un meeting de masse, que les organisations ouvrières, partis et syndicats, lancent l'ordre de grève générale en cas d'attaque de la Reichswehr en Saxe. Dans la nuit, à partir de deux heures, des détachements de communistes armés commencent à abattre les arbres, à sectionner les fils téléphoniques pour interrompre les communications. A cinq heures, les groupes de choc des centuries prolétariennes lancent l'attaque contre les commissariats de police des banlieues, afin d'y récupérer des armes, et en enlèvent une dizaine sans trop de peine. Face à plusieurs centaines de militants pauvrement armés, il n'y a d'abord que les forces de la police locale, puis des détachements de la marine. Mais la masse ouvrière ne bronche pas, même pas les dockers qui sont pourtant en grève ; le travail est simplement ralenti dans les entreprises. La nouvelle étant rapidement confirmée que l'insurrection générale a été décommandée, les dirigeants locaux, comprenant qu'ils sont seuls, organisent la retraite et les combats s'éteignent peu à peu pour prendre fin le 24 dans le faubourg de Bambeck. Le principal dirigeant militaire, Hans Kippenberger, a impeccablement réussi cette opération militaire de repli, qui permettra à la quasi-totalité des rescapés d'échapper à la répression [83]. Les insurgés ont pourtant vingt et un morts, cent soixante-quinze blessés, et finalement cent deux prisonniers, dont Urbahns lui-même, qui endossera devant ses juges la responsabilité pleine et entière du soulèvement et sera célébré dans toute l'Internationale pour son comportement exemplaire devant le tribunal [84].
L'insurrection de Hambourg, célébrée dans les semaines suivantes par un admirable reportage dû à la jeune compagne de Radek, la journaliste communiste russe Larissa Reissner [85], constituera plus tard l'un des fondements de la légende d'Ernst Thaelmann, qui n'y joua apparemment pas un rôle déterminant. Sur le moment, elle apparaît pour ce qu'elle est en réalité, une bourde ou une méprise, qui eût pu être tragique mais qui s'arrange aux moindres frais, compte tenu de la situation d'ensemble. Elle est aussi, pour la centrale, la preuve que la décision prise à Chemnitz de battre en retraite était correcte : une partie seulement des communistes se sont en effet battus, et ils se sont battus seuls, les grandes masses demeurant, sinon indifférentes, du moins passives : le seul combat armé de la révolution d'octobre 1923 se réduit à une « action de mars » dans une seule ville ...
La centrale du K.P.D., dans sa réunion du 23, a désigné une commission de sept membres pour préparer une résolution sur la situation et les tâches qui est adoptée à l'unanimité le 25 [86]. Elle déclare :
« 1. Les antagonismes sociaux et politiques deviennent de plus en plus aigus tous les jours. Chaque jour peut amener des luttes décisives entre révolution et contre-révolution.
2. L'avant-garde de la classe ouvrière ( les communistes et une partie des ouvriers social-démocrates) pousse pour l'engagement dans le combat; mais la classe ouvrière dans son ensemble, en dépit de son immense amertume et de sa misère, n'est pas prête au combat.
3. C'est pourquoi il faut par une agitation résolue, élever les réserves du prolétariat plus près de son avant-garde. Il faut que les couches du prolétariat qui se sont montrées disposées au combat (métallos, mineurs, cheminots, ouvriers agricoles et employés) soient touchées par un travail particulier du parti. Il faut poursuivre les préparatifs techniques avec une énergie particulière. Afin de réaliser l'unification du prolétariat dans la lutte, il faut commencer immédiatement des discussions avec la social-démocratie centralement et localement, afin, soit d'obliger les social-démocrates à se battre, soit de séparer les ouvriers social·démocrates de leurs dirigeants traîtres.
4. En fonction de ces circonstances, il est nécessaire que le parti retienne, autant que possible, les camarades à l'écart de la lutte armée, afin de gagner du temps pour la préparation. Si cependant devaient éclater spontanément de grands combats de la classe ouvrière, le parti les soutiendrait avec tous les moyens à sa disposition. Le parti doit aussi parer les coups de la contre-révolution au moyen de luttes de masses (manifestations, grèves politiques). Il faut autant que possible éviter la lutte armée à l'occasion de ces combats.
5. Contre l'ultimatum de Stresemann, le parti, dans l'ensemble du Reich, doit appeler à la grève de protestation au travers de laquelle il est exclu d'aller à l'insurrection armée. Si le parti social-démocrate, en Saxe, n'entreprend pas la lutte contre l'ultimatum de Stresemann, nos camarades du gouvernement saxon devront rompre avec lui et engager le combat contre lui » [87].
En quelques jours de discussions, Radek était ainsi parvenu à convaincre la centrale : le K.P.D. se retrouvait à quelques détails près sur la ligne qui avait été la sienne au moment de la grève Cuno, et, mettant entre parenthèses ses préparatifs insurrectionnels, il axait sa politique sur un front unique défensif. Mais la situation n'était en réalité plus la même. Le 26, en vertu de l'état de siège, le général von Seeckt interdit toute grève à Berlin [88]. Au conseil des ministres du gouvernement du Reich du 27 octobre, le ministre de la Reichswehr, Gessler, et Stresemann plaident avec force pour l'intervention armée contre la Saxe qu'ils justifient par la situation intenable des troupes et la nécessité de démontrer qu'un gouvernement comprenant des communistes est incompatible avec l'esprit de la Constitution [89]. Les ministres social-démocrates s'inclinent, et le même jour, Stresemann adresse un ultimatum à Zeigner :
« L'esprit de rébellion et de violence manifesté par le parti communiste a été démontré par les déclarations que le chef de votre chancellerie d'Etat, monsieur le directeur ministériel (Herr Ministerialdirektor) a faites à Chemnitz le 21 octobre, dans lesquelles il a publiquement appelé à une opposition ouverte à la Reichswehr. (...) Au nom du gouvernement fédéral, je vous demande donc de prendre des dispositions pour la démission du gouvernement de l'Etat saxon, dans la mesure où, compte tenu des événements récents, la participation de membres communistes est devenue incompatible avec les dispositions constitutionnelles » [90].
Le chancelier informe Zeigner qu'il dispose de vingt-quatre heures pour démissionner et que, dans le cas où un nouveau gouvernement sans communistes ne serait pas immédiatement formé, il nommerait un commissaire du Reich pour la Saxe [91]. Radek écrit à Böttcher et Heckert, leur demandant de tout faire pour ne pas céder sans résistance et de recourir à la grève [92]. La centrale l'approuve. Le 28, le général Müller informe Zeigner qu'il a reçu l'ordre de le destituer, et le Landtag saxon qu'il lui interdit de siéger en vertu de l'article 48 [93]. Le même jour les directions du parti social-démocrate et du parti communiste de Chemnitz et de l'Erzgebirge-Vogtland demandent ensemble au gouvernement saxon de résister, lancent un appel aux travailleurs saxons pour qu'ils se tiennent prêts à déclencher la grève générale, aux travailleurs allemands pour qu'ils soutiennent les travailleurs saxons [94]. Le 29, Ebert, en vertu de l'article 48, donne au chancelier pouvoir de « priver de leurs fonctions les membres du gouvernement de l'Etat libre de Saxe, ainsi que ceux des administrations municipales ou d'Etat » [95]. Le gouvernement désigne un député populiste, le Dr Heinze, comme commissaire du Reich [96]. Une vive discussion s'élève entre les ministres pour savoir si la Reichswehr doit ou non entrer musique en tête dans les villes de Saxe [97]... Devant le refus des ministres saxons de céder, la Reichswehr, le 29 octobre à 14 heures, procède à leur expulsion manu militari : Paul Böttcher, qui fait de la résistance passive, est traîné de force sur les marches de son ministère avant d'être relâché dans la rue [98]. Par sa bouche, le gouvernement proclame vainement qu'il est, comme auparavant, l'unique autorité légale, et demande aux travailleurs de le soutenir [99]. Les partis socialiste, communiste, l'A.D.G.B. et un certain nombre d'autres organisations ouvrières lancent un appel pour une grève générale de protestation de trois jours [100]. Dans la plupart des localités ouvrières se produisent des heurts entre les hommes de la Reichswehr et ceux des centuries prolétariennes ou des ouvriers qui manifestent : l'affaire la plus grave semble s'être produite à Freiberg, où il y aurait eu vingt-sept morts [101]. Le 30, la direction du parti social-démocrate saxon se réunit avec les ministres et, vraisemblablement, l'ensemble des députés ; Zeigner se résigne à donner sa démission pour permettre la formation d'un gouvernement purement social-démocrate [102]. Le même jour, le général Müller autorise le Landtag à siéger, le président lit la demande de démission de Zeigner et un nouveau gouvernement est constitué sous le social-démocrate Fellisch, nouveau ministre-président [103]. La grève générale, déjà essouflée après vingt-quatre heures, meurt au bout des trois jours prévus.
Dans le reste de l'Allemagne, Francfort-sur-le-Main a fait grève trois jours, à l'appel de toutes les organisations ouvrières [104]. A Berlin, au cours des réunions de la centrale, Radek a vainement tenté d'arracher la décision d'organiser des manifestations sous la protection des centuries armées : il s'est heurté à l'opposition résolue de Ruth Fischer, pour qui les masses sont trop écœurées par les événements de Saxe et de Hambourg pour soutenir quelque initiative communiste que ce soit [105]. Il n'y aura pas de révolution allemande.
Personne mieux qu'Albert ne pouvait en quelques lignes indiquer comment les militants communistes ressentent cette défaite sans combat. Sous le titre « Cinquante jours de veillée d'armes », il écrit :
« On vient de vivre en Allemagne, en septembre, octobre et novembre, une profonde expérience révolutionnaire, encore peu connue et souvent peu comprise. Nous ayons été au seuil d'une révolution. La veillée d'armes a été longue, l'heure H n'a pas sonné ... Drame silencieux, presque invraisemblable. Un million de révolutionnaires, prêts, attendant le signal pour monter à l'assaut : derrière eux, des millions de sans-travail, d'affamés, de meurtris, de désespérés, tout un peuple douloureux, murmurant : « Nous aussi ! nous aussi ! ». Les muscles de cette foule déjà prêts, les poings déjà serrés sur les mausers qu'on allait opposer aux autos blindées de la Reichswehr... Et rien ne s'est passé, que la sanglante bouffonnerie de Dresde, un caporal suivi de quelques réîtres chassant de leurs ministères les ministres ouvriers qui faisaient trembler l'Allemagne bourgeoise, quelques flaques de sang — soixante morts au total — sur le pavé des cités industrielles de Saxe ; la jubilation d'une social-démocratie banqueroutière sortie de l'aventure massive et passive, pesamment fidèle à ses vieux reniements » [106].
Pendant quelques jours encore des remous agitent le parti social-démocrate : les fonctionnaires de Berlin, au cours d'une assemblée générale, réclament symboliquement l'exclusion du parti du président Ebert [107]. Mais les grandes espérances célébrées par Zinoviev sont bel et bien enterrées. L'Allemagne bourgeoise, ayant ressaisi solidement les rênes, tourne le dos à l'aventure de « l'année inhumaine » et prépare une nouvelle stabilisation. Il lui faut pour cela liquider les dissidents de droite, et c'est la Reichswehr qui va s'en charger. L'aventure bavaroise, qui a joué dans la période décisive son rôle d'épouvantail et fixé l'attention des militants social-démocrates, est liquidée en quelques heures, Hitler et ses complices arrêtés. Le futur dictateur va rédiger Mein Kampf en prison. Bientôt l'économie allemande renaît avec l'afflux de capitaux américains dans un contexte favorable au profit, « assaini » par l'inflation. Aucun problème fondamental n'est pour autant réglé : avec la crise mondiale de 1929 et les retraits massifs des capitaux sauveurs, elle connaîtra une seconde catastrophe économique et sociale qui, cette fois, portera pour de bon Hitler au pouvoir.
Mais, à cette époque, le parti communiste allemand aura beaucoup changé : le fiasco de 1923, joint à la crise interne du parti bolchevique et à la lutte politique que les historiens ont considérée comme la bataille pour la succession de Lénine, marque en effet la fin d'une époque de son histoire. Sa politique, désormais, s'écrit presque tout entière à Moscou, et en russe.
Notes
[1] Ruth Fischer, op. cit., p. 323.
[2] Corr. int., n° 83, 19 octobre 1923, p. 630.
[3] Ibidem, p. 631.
[4] Vorwärts, 11 octobre 1923.
[5] Ibidem, 12 octobre 1923.
[6] Corr. int., n° 86, 30 octobre 1923, p. 655.
[7] Cité par Albert, Bulletin communiste, n° 42, 18 octobre 1923.
[8] Corr. int., n° 84, 25 octobre 1923, p. 641.
[9] Clarté, n° 52, l° février 1924.
[10] Die Lehren .... p. 5.
[11] Ibidem, p, 25.
[12] Ibidem, pp, 60-61.
[13] Ibidem, p, 60-61. Ruth Fischer (op cit, p, 335) reproduit ce télégramme sans en indiquer la date. Comme elle l'introduit au cours d'un récit qui a commencé par l'entrée des communistes dans le gouvernement Zeigner et s'est poursuivi par la décision du président Ebert de nommer en Saxe un exécutif du Reich à la place du gouvernement — décision prise à la mi-octobre —, le lecteur non averti a le sentiment que ce télégramme a été envoyé immédiatement à la veille de l'entrée en Saxe des troupes de la Reichswehr, dans la troisième semaine d'octobre, et que, comme l'affirme par ailleurs Ruth Fischer (ibidem, p. 335), Zinoviev prescrivait dans ce télégramme d'opposer « une résistance armée résolue à l'invasion de la Reichswehr » ...
[14] I.M.L.-Z.P.A., 12-42, p. 65, cité par Habedank, op. cit., p. 72.
[15] Stenographisches Bericht, vol. 361, p. 12004.
[16] Ibidem, p. 12005.
[17] Protokoll des Fünftes Kongresses der K.I., p. 475.
[18] En dehors du Dr Erich Zeigner, ministre-président, les ministres social-démocrates sont Ney, Fleissner, Graupe et Liebmann (Sächsische Staatszeitung, 11 octobre 1923).
[19] Bericht über X ... , p. 276.
[20] Die Rote Fahne, 10 octobre 1923, avec fac-similé du manuscrit original.
[21] Corr. int., n° 82, 16 octobre 1923, p. 624.
[22] Ibidem.
[23] Allgemeine Thüringische Landeszeitung, 17 octobre 1923.
[24] Bulletin communiste, n° 43, 25 octobre 1923, p. 779.
[25] . Procès-verbal de la réunion de la centrale du 12 octobre 1923, I.M.L.-Z.P.A., 3/3, pp. 96-98, cité par Véra Mujbegović, op. cit., p. 401, n. 93.
[26] Cité par Davidovitch, op. cit., p. 142.
[27] Davidovitch, op. cit., p. 142.
[28] Verhandlungen des Sächsischen Landtages, 1923, II, p. 1622.
[29] Ibidem, p. 1578. Déjà, le 23 mars, sur proposition du même Zeigner, le Landtag saxon avait voté un crédit de 68 millions de marks pour l'armement des centuries prolétariennes (Véra Mujbegović, op. cit., p. 383).
[30] Schulthess 1923, p. 192.
[31] Ibidem, p. 193.
[32] Angress, op. cit., pp. 432-433 ; Gast, op. cit., pp. 461-462 ; Habedank. op. cit., p. 67; Davidovitch, op. cit., p. 147, et Vossische Zeitung, 18 octobre 1923. « Aufruf des 1. Kongresses der sächsischen Abwehrorganisationen vom 13. Oktober 1923 in Ravenstein bei Chemnitz an die Werktätigen zum Eintritt in die Hundertschaften ». Dok. u. Mat., VII/2, pp. 460-461.
[33] Corr. int., n° 83, 19 octobre 1923, p. 630.
[34] Verhandlungell des Sächsischen Landtages, 1923, II, pp. 1606-1607.
[35] Frankfurter Zeitung, 18 octobre 1923 ; Habedank, op. cit., p. 79. Angress date par erreur ce discours du 13.
[36] Stresemann, Vermächtnis, l, p. 116.
[37] Vorwärts, 14 octobre 1923.
[38] Eberhard Zeissig, « Der Entwurf eines Aktionsprogramms für die Chemnitzer Komerenz vom 21. Oktober 1923 », BzG, n° 6, 1964, pp. 1060-1065.
[39] Angress, op. cit., p. 433.
[40] Corr. int., n° 84, 25 octobre 1923, p. 641.
[41] Verhandlungen des Sächsischen Landtages, 1923, II, pp. 1627-1628.
[42] Ibidem, p. 1622.
[43] .Vorwärts, 18 octobre 1923 ;Corr. int., n° 83, 19 octobre 1923, p.631.
[44] Die Rote Fahne, 20 octobre 1923 ; Dok. u. Mat., VII/2, pp. 462-463.
[45] Otto Braun, Von Veimar zu Hitler, p. 113.
[46] Verband Sächsischer Industrieller, Denkeschrift über den Terror der Arbeiter zur Erwingung von Lebensmitteln oder Lohnerhöhungen (Dresde, 1923) cité par R. Fischer, op. cit., p. 333.
[47] Stresemann, Vermächtnis, 1, p. 167.
[48] Corr. int., n° 84, 25 octobre 1923, p. 640.
[49] En septembre déjà, il avait accusé le gouvernement Cuno d'avoir cherché à le faire arrêter, et réclamé la démission de Gessler, compromis avec les généraux qu'il couvrait de son autorité.
[50] Verhandlungen des Sächsischen Landtages, 1923, II, pp. 1624 sq.
[51] Ibidem, pp. 1647-1649. Voir à ce sujet le projet d'accord économique entre l'Etat libre de Saxe et l'Union soviétique signé le 19 octobre par Böttcher et l'attaché commercial russe Stomoniakov (Hans Hübsch, « Der Entwurf eines Handelsvertrages zwischen der Sowjetunion und dem Freistaat Sachsen vom 19 Oktober 1923 », BzG, numéro spécial 1965, pp. 135-139).
[52] Verhandlungell des Sächsischen Landtages, 1923, II, p. 1724.
[53] Stresemann, Vermächtnis, l, p. 171, ainsi que le protocole du conseil cité par Angress, op. cit., p. 439.
[54] Verhandlungen des ... , p. 1760
[55] Corr. Int., n° 85, 26 octobre 1923, p. 642.
[56] Die Rote Fahne, 21 octobre 1923, Habedank, p. 81.
[57] Article daté du 24 octobre 1923, Corr. int., n° 85, 26 octobre 1923, p.648.
[58] Rote Sturmfahne, 15 et 17 octobre 1923.
[59] Zinoviev, Probleme ... , p. 72.
[60] Die Rote Fahne, 20 octobre 1923.
[61] E. H. Carr, The Interregnum, p. 221.
[62] Die Lehren ... , p. 42. La centrale avait préparé le 18 octobre un projet de «programme de combat » pour la conférence (Dok. u. Mat., VII/2, pp. 463-466) et un tract appelant à lutter pour des gouvernements d'ouvriers et paysans travailleurs, qui paraîtra daté du 21 octobre (Ibidem, pp. 466-467).
[63] Habedank, op, cit., p. 85.
[64] Davidovitch, op, cit., p. 160.
[66] Vorwärts, 23 octobre 1923, qui constitue l'un des rares comptes rendus des débats de la conférence.
[67] Davidovitch, op., cit., p, 159, d'après la brochure Gegen die Säbeldiktatur ! Das Rote Sachsen ruft das deutsche Proleteriat ! Drei Reden von Fritz Heckert, Paul Böttcher und Georg Graupe gehalten auf der Chemnitzer Konferenz am 21. Oktober 1923.
[68] L'historien est-allemand Habedank (op. cit., p. 86) affirme que Brandler a présenté l'unanimité dans le vote comme une condition sine qua non de la grève générale. En réalité, aucun document connu ne permet de confirmer cette interprétation.
[69] Vorwärts, 23 octobre 1923.
[70] Ibidem.
[71] C'est cet aspect de la question que souligne Thalheimer dans son plaidoyer a posteriori, op. cit., p. 26.
[72] Thalheimer, op. cit., p. 26.
[73] Vorwärts, 23 octobre 1923.
[74] Die Lehren ... , p. 5.
[75] Ibidem, pp. 5-6.
[76] Ibidem, p. 6.
[77] Ibidem.
[78] Ibidem, p. 6.
[79] Ibidem, pp. 6-7.
[80] Ibidem.
[81] Voir notamment le livre de l'ancien chef de la police de Hambourg en 1923, Lothar Danner, Ordnungspolizei Hamburg : Betrachtuligen zu ihrer Geschichte 1918 bis 1933, ainsi que les ouvrages cités de Habedank, Davidovitch, etc.
[82] .Voir Angress, op. cit., pp. 444-446, n. 57.
[83] Le rapport de Kippenberger à l'exécutif sur l'insurrection de Hambourg figure dans A. Neuberg, L'Insurrection armée, réimpr., 1970, pp. 83 à 99.
[84] Corr. int., n° 12, 18 février 1925, p. 100, sous le titre « Paroles d'un insurgé », avec en sous-titre « Mieux vaut brûler dans le feu de la révolution que de pourrir sur le fumier de la démocratie », sont publiés des extraits de sa dernière déclaration. Son préfacier, Erich Wollenberg, op. cit., p. IX, précise qu'Urbahns reçut une lettre personnelle marquant la reconnaissance de Staline. Son rôle dans l'insurrection devait être ensuite intégralement effacé de l'histoire officielle après son exclusion du K.P.D.
[85] Arrivée en Allemagne en septembre 1923, Larissa Reissner était à Dresde le 21 octobre, avec Radek ; elle gagna Hambourg dès qu'elle apprit le déclenchement de l'insurrection. Quelques semaines plus tard, elle regagnait la Russie soviétique avec le manuscrit de son ouvrage Hamburg auf den Barrikaden (Radek, préface de L. Reissner, Oktober,pp. XVIII. XIX, XXIV).
[86] Die Lehren ... , p. 7.
[87] Ibidem, pp. 7-8.
[88] Stresemann, op. cit., pp. 171-184.
[89] Protocole du Cabinet du Reich, cité par Angress, op. cit., p. 454.
[90] Stresemann, Vermächtnis, I, pp. 186-187.
[91] Ibidem.
[92] Die Lehren ... , p. 8.
[93] Sachsische Staatszeitung, 29 octobre 1923.
[94] Schulthess 1923, p. 207.
[95] Der Kampfer, 29 octobre 1923 ; Dok. u. Mat, VII/2, pp. 469-471.
[96] Verhandlungen ... , p. 1862.
[97] Ce détail est cité par Harold J. Gordon, « Die Reichswehr und Sachsen 1923 », Wehrwissenschaftliche Rundschau, n° 12, décembre 1961, p.686, n° 27.
[98] Böttcher a fait à Davidovitch le récit de son expulsion (op. cit., pp. 276-277) : il explique qu'il avait voulu suivre l'exemple du « révolutionnaire français Mirabeau ».
[99] Verhandlungen, p. 1845.
[100] Verhandlungen ... , pp. 1845-1846 ; cet appel sera publié dans la presse le 31 octobre.
[101] Corr. int., n° 87, 2 novembre 1923, p. 663 ; E. Schneller « Die Lehren des Oktober 1923 », Oktober, n° 2, 1926, p. 31.
[102] Harold J. Gordon, op. cit., p. 687. Dittmann et Wels étaient allés à Dresde prendre l'affaire en main.
[103] Verhandlungen ... , p. 1841.
[104] Raimund Wagner, « Die revolutionäre Bewegung in den Bezirken Hessen-Frankfurt und Baden im Herbst 1923 », op. cit., p. 88.
[105] Die Lehren ... , p. 10. Selon Angress, op. cit., pp. 251-252. Ruth Fischer finit par se laisser fléchir. Le 27 novembre, trois à quatre mille manifestants se rassemblèrent au Lustgarten , pour se disperser avant l'arrivée de la police.
[106] Albert. « Cinquante jours de veillée d'armes ». Clarté, n° 52. l° février 1924. p. 66.
[107] Die Volksstimme, 2 novembre 1923, cité par Davidovitch. op. cit, p.233.