1918 |
« Le programme du parti communiste n'est pas seulement le programme de la libération du prolétariat d'un pays. C'est le programme de la libération du prolétariat du monde entier. Car c'est le programme de la révolution internationale. » |
Le programme des Communistes (Bolcheviks)
I. La domination du capital, la classe ouvrière
et les couches populaires pauvres de la campagne
Dans tous les pays — la Russie exceptée après la Révolution d’octobre, mais jusqu'en octobre aussi en Russie — le capital possède le pouvoir et la domination. — Prenons n’importe quel pays — la Prusse à moitié autocratique, la France républicaine, ou la soi-disant démocratique Amérique — partout le gros capital tient en mains tout le pouvoir. Un petit nombre de gens – gros banquiers, propriétaires fonciers et fabricants – tient en esclavage et en servitude des millions et des centaines de millions d'ouvriers et de pauvres paysans ; ils les obligent à travailler en dépensant toutes leurs forces et les chassent sur la rue quand ils ne sont plus utiles, épuisés par le travail écrasant, quand ils ont perdu leurs forces et ne peuvent plus apporter aucun profit au capital.
Cette effroyable puissance sur des millions d'ouvriers laborieux, donne la richesse aux banquiers et aux fabricants. Pourquoi le pauvre est-il obligé de mourir de faim quand il est chassé sur la rue ? Parce qu'il ne possède rien qu’une paire de mains et de pieds qu'il peut vendre au capitaliste quand ce capitaliste en a besoin ! Pourquoi le riche banquier ou l'industriel peut-il passer ses jours dans l’inaction et emmagasiner un revenu certain, vivre dans le superflu et amasser du profit chaque jour, à chaque heure, à chaque instant ? Parce qu’il ne possède pas seulement une paire de mains et de pieds, mais les moyens de production sans lesquels on ne peut travailler : Fabriques, machines, chemins de fer, mines, le sol et la terre, les bateaux à voiles et à vapeur, tous les appareils possibles et les différents instruments. Cette richesse amassée par l'humanité n'appartient, dans le monde entier — à l'exception de la Russie actuelle — qu'aux capitalistes et aux propriétaires fonciers qui se sont aussi mués en capitalistes. Devant une telle situation il n’a y a rien d’étonnant qu'une petite troupe de gens qui tient en mains tout le nécessaire, les objets les plus utiles, règne sur les autres qui ne possèdent rien. Le pauvre vient de la campagne à la ville pour chercher du travail. Chez qui ? Chez le capitaliste. Chez celui qui possédé une fabrique ou une usine. Mais le capitaliste a le droit de vie et de mort. Quand ses fidèles serviteurs — les directeurs et les comptables — ont calculé qu’on peut gagner de l'or avec plus de profit à l aide de nouveaux ouvriers, il donne du travail ». Si ce n’est pas le cas, il lui dit : « Va ton chemin ! » Le capitaliste est Empereur et Dieu dans sa fabrique. Tous se subordonnent à lui et obéissent à ses ordres. A son commandement la fabrique sera agrandie ou restreinte. A son commandement les chefs et la direction renvoient ou embauchent les ouvriers. Il fixe ce que les ouvriers doivent produire et le salaire qu’ils doivent recevoir. Tout cela arrive parce que la fabrique est sa fabrique, l'usine, son usine, parce qu'elle lui appartient, parce qu'elle est sa propriété privée. Ce droit de propriété privée sur les moyens de production est précisément la cause de cette puissance effrayante qui est aux mains du capital.
Le même phénomène se produit aussi en ce qui concerne le sol et la terre. Prenons les très libres et très démocratiques États-Unis d’Amérique, dont la bourgeoisie nous a rempli les oreilles. Des milliers d’ouvriers travaillent du sol étranger, le sol des gros propriétaires fonciers, des capitalistes. Tout y est organisé comme dans une immense fabrique : des dizaines et des centaines de charrues, de faneuses, de moissonneuses, de lieuses électriques, auprès desquelles des salariés travaillent du bon matin jusque tard le soir. Comme dans la fabrique, ils ne travaillent pas pour eux, mais pour les propriétaires, parce que le sol, la terre, les semences et les machines — en un mot, tout excepté la main-d’œuvre — est la propriété privée du capitaliste-propriétaire.
Il est ici maître absolu. Il ordonne et conduit l'affaire pour que la sueur et le sang se transforment toujours plus en métal jaune et sonnant. On lui obéit, on grogne quelquefois, mais on continue de produire de l'argent pour le propriétaire parce qu'il a tout — l'ouvrier, le pauvre paysan ne possède rien !
Il arrive quelquefois cependant que le propriétaire foncier ne loue aucun ouvrier. Mais il loue, il afferme son sol et sa terre. Chez nous, en Russie, par exemple, les paysans, avec leurs petites parcelles où on pouvait à peine laisser paître une poule, étaient obligés de louer du terrain aux propriétaires fonciers. Ils y travaillaient avec leurs chevaux, leurs charrues et leurs herses. Mais ils y étaient aussi exploités impitoyablement. Plus grande était la misère à la campagne, plus gros était le prix de location réclamé par le propriétaire foncier, obligeant les pauvres paysans à un véritable esclavage. Pourquoi pouvait-il faire cela ? Parce que le sol et la terre lui appartenaient, à lui, le propriétaire foncier, parce que le sol et la terre étaient la propriété privée de la classe des propriétaires fonciers.
La société capitaliste est divisée en deux camps : Ceux qui travaillent beaucoup et qui mangent peu et mal, et ceux qui travaillent peu ou point, mais qui n'en mangent que davantage et mieux, Cela ne correspond pas tout à fait à la « Sainte Écriture » qui dit : « Qui travaille doit manger. » Cette situation n’empêche cependant pas les prêtres de toutes les confessions d’estimer le régime capitaliste, parce que les prêtres reçoivent partout, (excepté dans la République des Soviets) du capital, des salaires sonnants.
Une deuxième question se pose ici : Comment un petit nombre de parasites peut-il conserver le droit de propriété privée sur les moyens de production les plus nécessaires ? Comment cette propriété privée des parasites s est-elle maintenue jusqu’à présent ? Où en sont les causes ?
Cette cause est cachée dans la merveilleuse organisation des ennemis du peuple ouvrier. A l'heure actuelle, dans aucun pays capitaliste les capitalistes n'agissent individuellement. Au contraire, chacun d'eux est bon membre des associations de capitalistes.
Ces organisations de capitalistes tiennent tout en mains, elles ont des dizaines de milliers d’agents fidèles qui leur sont dévoués non par crainte mais consciemment. Toute la vie économique et sociale des pays capitalistes est complètement à la merci d’organisations spéciales de capitalistes : syndicats, trusts, unions de banques. Ces associations dominent et disposent de tout.
Mais la plus importante association d’employeurs est l’État bourgeois. Cette organisation de capitalistes tient en mains tous les fils du gouvernement et du pouvoir. Ici tout est pesé et compté, considéré et préparé pour étouffer dans l’œuf toute tentative de la classe ouvrière de s’élever contre la domination du capital. Au service de l’État se trouve la force matérielle grossière : Espions, policiers, tribunaux, bourreaux, soldats drillés et sans âme, et la force spirituelle qui, insensiblement, corrompt moralement les ouvriers et les pauvres gens et les éduque dans de fausses conceptions. Dans ce but, l’État bourgeois a des écoles et des églises auxquelles s'ajoute encore la presse bourgeoise. On sait que les éleveurs de porcs peuvent élever des porcs tels qu’ils ne peuvent plus marcher, tant ils sont gras ; ils n’en sont que meilleurs pour la boucherie. De tels porcs sont élevés artificiellement, on leur donne, jour après jour, une nourriture spéciale qui doit les engraisser. La bourgeoisie agit de même envers la classe ouvrière. Il est vrai qu’elle ne lui donne que très peu de vraie nourriture, on n'en peut pas devenir bien gras ! Mais jour après jour elle sert aux ouvriers une nourriture spirituelle spéciale qui « engraisse » le cerveau de la classe ouvrière et l'empêche de travailler. La bourgeoisie veut transformer la classe ouvrière en un troupeau de porcs, obéissant et bon pour l’abattoir, qui ne pense pas et perpétuellement se soumet. C'est pourquoi la bourgeoisie, par l'école et l’Eglise, inocule aux enfants la pensée que l’on doit obéir à l’autorité parce qu’elle est instituée par Dieu. (Seuls les Bolcheviks sont dignes d'être au ban de l’Église au lieu d'en recevoir les prières, parce qu'ils se sont refusés de payer, de la caisse d’État, les imposteurs qui portent le froc de moine.) C'est pourquoi aussi la bourgeoisie soigne la large diffusion de sa presse mensongère.
La bonne organisation de la classe bourgeoise lui permet de conserver la propriété privée. Il y a peu de millionnaires, mais à côté d’eux se trouve une quantité respectable de leurs serviteurs les plus fidèles, les plus dévoués et richement payés : ministres, directeurs de fabriques, directeurs de banques, etc. A côté de ces derniers il y a un plus grand nombre encore de leurs aides, qui reçoivent moins, mais qui dépendent complètement d’eux ; leur esprit est éduqué ainsi ; ils cherchent eux-mêmes à recevoir de telles places et à monter en grade s’ils le peuvent. Ils sont suivis eux-mêmes de fonctionnaires et d'agents du capital encore plus petits, etc. Ils se suivent tous en rang, ils sont liés par l’organisation unifiée de l’Etat bourgeois et des autres associations de capitalistes. Ces organisations couvrent chaque pays comme un filet, dans lequel la classe ouvrière se débat en vain...
Chaque État capitaliste se transforme, en réalité, en une énorme fédération de capitalistes : Les ouvriers travaillent, les capitalistes jouissent ; les ouvriers exécutent, les capitalistes ordonnent ; les ouvriers sont trompés, les capitalistes trompent. C'est là l’ordre qu’on appelle « l’ordre capitaliste » et auquel voudraient qu’on se soumette, messieurs les capitalistes et leurs serviteurs : les prêtres, les intellectuels, les mencheviki, les socialistes révolutionnaires et autres bien connus des ouvriers et des paysans.