1918 |
Programma kommunistov (bol’ševikov), publié à
Moscou et dans de nombreux lieux en 1918 [ W. Hedeler 218].
D'après le biographe de Boukharine Ignat Efimovitch Gorelov,
l'édition russe avait paru en mai 1918. |
Le programme des Communistes (Bolcheviks)
Conclusion (Pourquoi sommes-nous communistes ?)
Notre parti s’appelait jusqu'au dernier congrès, parti socialiste (social-démocrate), Le parti de la classe ouvrière était ainsi nommé dans le monde entier. La guerre provoqua une scission considérable dans les partis socialistes et trois grandes tendances se manifestèrent dans ces partis : l'extrême droite, le centre et l'extrême gauche.
Les socialistes de droite se montrèrent les vrais traîtres de la classe ouvrière. Ils léchèrent (et lèchent encore) les bottes des généraux couvertes du sang des ouvriers, ils soutinrent toutes les infamies et les crimes de leurs gouvernements. Il suffit de rappeler que le socialiste allemand Scheidemann soutint la politique exterminatrice des généraux allemands. Renaudel. Henderson et Bissolati, les leaders du socialisme français, anglais et italien, firent de même. Ce sont les vrais bourreaux de la révolution ouvrière.
Quand les ouvriers allemands vaincront, ils feraient bien de pendre Scheidemann et Guillaume à la même potence. Il y a aussi beaucoup de tels cocos en France, en Angleterre et dans les autres pays. Ils trompent les ouvriers par des phrases sur la défense de la patrie (de la bourgeoisie, de Guillaume !) étranglent la révolution ouvrière chez eux et la punissent en Russie par les baïonnettes de leurs gouvernements, en soutenant ces gouvernements.
La seconde tendance est le centre. Cette tendance murmure contre son gouvernement, mais elle est incapable d’une lutte révolutionnaire. Elle n'ose pas appeler les ouvriers sur la rue. Elle redoute comme le feu une insurrection armée, qui seule pourrait solutionner la question. Les leaders de cette tendance sont : Haase, Kautsky, en Allemagne ; Longuet, en France ; Turati, en Italie ; Mac Donald, en Angleterre.
Enfin, la troisième tendance — l’extrême gauche : En Allemagne : Liebknecht et ses camarades ; en France : Loriot ; en Italie : Serrati ; en Angleterre : Mac Lean, Ce sont les bolchéviks étrangers. Leur tactique, leurs opinions, sont les opinions des bolcheviks.
Voyez maintenant quel embrouillamini se produit, quand tous ces groupes se nomment du même nom. Le socialiste Liebknecht et le socialiste Scheidemann ! qu'ont-ils de commun ? Le bourreau de la révolution, le vulgaire traître et le courageux lutteur de la classe ouvrière — peut-on se représenter une plus grande différence ? !
En Russie où la lutte révolutionnaire et le développement de la révolution d’octobre posa au premier plan la question du socialisme et du renversement du pouvoir bourgeois, la dispute entre les traîtres et les partisans du socialisme se liquida les armes à la main. Les socialistes-révolutionnaires de droite et une partie des menchéviki étaient avec toute la canaille contre-révolutionnaire de l'autre côté de la barricade ; les bolchéviki étaient de ce côté avec les ouvriers et les soldats. Le sang creusa un sillon entre nous. Cela ne s'oublie pas et ne s’oubliera jamais.
Nous devions donc donner à notre parti un autre nom qui nous distinguât des traîtres du socialisme. La distance entre eux et nous était trop grande, nos voies étaient trop différentes.
Devant l'État bourgeois, nous, communistes, ne connaissons qu'un devoir —- le faire sauter, détruire cette association criminelle. Les socialistes prêchaient dans la sauce de la défense nationale, la défense de cette association de capitalistes.
Après la victoire de la classe ouvrière, devant le pouvoir ouvrier des soviets, nous nous sommes prononcés pour sa sauvegarde et sa défense contre ses pires ennemis, contre les impérialistes du monde entier.
Eux, se sont donnés pour tâche, en vrais traîtres des intérêts ouvriers, de faire sauter le pouvoir ouvrier et les soviets. Et pour s’efforcer de remplir leur tâche ils marchent la main dans la main avec la bourgeoisie.
Nous, communistes, allons de l'avant ; quelles que soient les difficultés que nous rencontrons, nous allons au communisme par la dictature du prolétariat. Les traîtres du socialisme haïssent, comme de mauvais bourgeois, cette dictature de tout leur cœur, la décrie à tous les coins de rue et lancent le mot d'ordre : Arrière au capitalisme !
Nous, communistes, disons à la classe ouvrière : Il y a beaucoup d’épines sur notre voie, mais nous devons la poursuivre sans perdre contenance. La grande révolution qui met le monde sans dessus-dessous ne peut progresser facilement ; on ne peut pas la faire en gants blancs, elle sera enfantée dans les douleurs. On doit supporter ces douleurs, passer par ce purgatoire pour se libérer finalement de l’étau de fer, de l'esclavage capitaliste
Les menchéviki, les socialistes-révolutionnaires. les social-démocrates regardent de côté en spectateurs, remarquent les erreurs et les fautes et en tirent la conclusion : retournons en arrière, rendons tout à la bourgeoisie, nous revendiquerons déjà des portions frugales dans notre écurie capitaliste !
Non, nous ne suivons pas le même chemin qu'eux. Ces malheureux nous effraient avec la guerre civile. Pensez-vous que dans les autres pays développés la révolution socialiste se fera toute seule, sans guerre civile ? L'expérience de la Finlande le prouve. Des milliers de camarades finlandais fusillés prouvent assez que la guerre civile sera encore plus exaspérée, plus violente et plus cruelle dans les pays capitalistes développés. On peut prévoir par exemple qu'en Allemagne la guerre de classe sera extraordinairement violente. Déjà maintenant, les officiers allemands fusillent par centaines les soldats et les matelots pour la moindre tentative de révolte.
On ne peut arriver à la production communiste-coopérative que par la guerre civile et une dictature ouvrière de fer.
Défense de l’État bourgeois, aucun pas vers le communisme ! — Tel est le programme du parti socialiste (de la social-démocratie).
Destruction de l’État bourgeois, dictature ouvrière, expropriation des capitalistes, organisation de la production par la classe ouvrière, route libre vers le communisme ! Tel est le programme du parti communiste.
Quand nous nous appelons communistes, nous ne nous isolons pas seulement des social-traitres : les menchéviki, les socialistes-révolutionnaires, les Scheidemänner et autres agents de la bourgeoisie ; nous retournons aussi à l’ancienne appellation du parti révolutionnaire à la tète duquel était Karl Marx. C était le parti communiste, Et l'évangile de la révolution actuelle est jusqu'à nos jours le manifeste communiste de Marx et Engels, Le vieil Engels, une année et demie avant sa mort, protestait contre l’appellation social-démocrate (socialiste). « Elle n’est,— disait-il, — absolument pas appropriée à un parti qui tend au communisme, qui finalement détruit tout État, y compris l’État démocratique ». Que diraient ces nobles vieillards qui brûlaient de haine contre la machine d’État bourgeoise si on leur montrait des socialistes tels que Dan, Tseretelli, Scheidemann ? Ils les stigmatiseraient de mépris comme ils ont toujours stigmatisé les « démocrates » qui, dans les moments révolutionnaires, tragiques et difficiles, tournaient le canon du revolver contre la classe ouvrière.
Beaucoup d’obstacles nous barrent la route. Il y a aussi beaucoup de mauvais dans nos propres rangs ; car beaucoup d'hommes étrangers se sont glissés parmi nous, qui se vendent pour de l'argent et pour pêcher en eau trouble. La classe ouvrière est jeune et inexpérimentée. De tous côtés les pires ennemis assiègent la jeune république des soviets. Nous, communistes, savons cependant que la classe ouvrière s’éduque par ses propres fautes. Nous savons qu'elle purifie ses rangs de toutes les canailles malpropres qui s’y sont glissées. Nous savons qu'un allié fidèle et désiré s'approche : le prolétariat international. Notre parti ne se laissera pas troubler par les plaintes et les cris hystériques de vieilles femmes. Il a écrit sur sa bannière ces paroles d'or que Marx écrivait dans le manifeste communiste :
Aux classes dirigeantes à trembler devant une révolution communiste ! Les prolétaires n'ont rien à y perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à y gagner. Prolétaires de tous les pays unissez-vous !
Mai 1918.