1948 |
Bulletin du SYNDICAT DEMOCRATIQUE RENAULT – Numéro 14 |
BULLETIN du S.D.R. n° 14
14 septembre 1948
Les uns après les autres de nombreux débrayages ont lieu tant en province que dans la région parisienne. Sur l'ordre des dirigeants syndicaux, deux débrayages partiels ont déjà eu lieu dans notre usine : le 31 août grève d'une demi-heure, le jeudi 9 septembre arrêt du travail à 4 h.1/2 et manifestation qui s'est heurtée en cours de route au barrage de la police. Ces démonstrations n'ont pas donné aux ouvriers le sentiment d'une action bien menée et d'un coup porté au patronat, mais bien plutôt d'un coup de sabre dans l'eau.
1°) Quel était l'objectif de la grève du jeudi 9 ? Ni préparés, ni consultés, ni prévenus, les ouvriers se sont trouvés devant les moteurs arrêtés. Etait-ce pour les 3.000 frs. (ancienne revendication de "l'entente" syndicale), pour l'échelle mobile, ou, tout simplement pour que les ministres P.C.F. participent au gouvernement ?
2°) Pourquoi des grèves d'une demi-heure par-ci, d'une demi-heure par-là, alors que la situation est si grave ?
3°) Quelles conclusions les dirigeants syndicaux tirent-ils du fait que la répression policière s'exerce contre les ouvriers dans de simples manifestations ?
A toutes ces questions les ouvriers seraient bien en peine de répondre ; car tout se passe par-dessus leur tête.
La conséquence de cela, c'est que les ouvriers n'ont aucune confiance dans les actions qu'on leur fait mener. Dans le débrayage du jeudi 9 septembre, une partie des ouvriers est restée aux machines ; une minorité seulement a suivi la manifestation, et encore moins sont restés pour se heurter à la police. Et pourtant l'heure est grave. Reynaud est parti, mais son programme reste, avec le gouvernement Queuille (salaires bloqués, impôts excessifs, montée des prix). A la politique de concessions trompeuses succédera de plus en plus celle de la trique. Ou les ouvriers capitulent dans la misère, ou ils doivent se préparer à une lutte sérieuse. Cela ils le savent.
Mais ce n'est pas ainsi qu'envisagent la situation les dirigeants bureaucrates qui manoeuvrent pour leurs propres intérêts. C'est pour cela que les ouvriers n'ont pas confiance en eux et que ne peut se réaliser sous leur direction le front uni des ouvriers.
Tout ce à quoi on aboutit avec eux, c'est, de nouveau, à des mouvements fractionnés ; avec quelles perspectives ? Les ouvriers ont le choix : ou se laisser guider par les dirigeants qui les ont trompés et aller à une défaite certaine, ou prendre leur sort entre leurs mains, élaborer eux-mêmes leurs revendications et leurs moyens d'action.
Si une manifestation comme celle du jeudi 9, au lieu d'être menée par des dirigeants discrédités, avait été, le cas échéant, décidée par des Comités d'usine élus par tous les ouvriers, qu'elle n'aurait pas été son ampleur ! D'autre part une direction surgie du sein de la classe ouvrière saura mieux que les vieux bureaucrates pourris lui assigner des tâches claires dans la lutte.
L'organisation des ouvriers par eux-mêmes est urgente en raison des tâches qui se posent devant eux : il faut opposer aux plans du patronat et du gouvernement des revendications qui soient des solutions ; il faut en même temps organiser notre défense contre la politique de force que veulent introduire les capitalistes.
Si la classe ouvrière sait pourquoi elle lutte et qu'elle est unie sa force sera mille fois plus grande.
Les travailleurs Vietnamiens qui, pendant notre grève de mai 1947, malgré les conditions extrêmement pénibles dans lesquelles ils vivent dans les camps, avaient souscrit pour les grévistes plus de 10.000 frs., subissent actuellement une répression éhontée. Le S.D.R. appelle les ouvriers de chez Renault à les aider en signant la pétition de la "Délégation des Travailleurs Vietnamiens" et en souscrivant pour eux.