1931 |
Octobre 1931 : un nouveau projet éditorial, la crise de la section française de l'Opposition de Gauche, l'intervention en Allemagne. Le combat de Trotsky au jour le jour. |
Œuvres - Octobre 1931
Lettre à L. Sedov
Mon cher Ljova,
Ce n'est qu'aujourd'hui que j'ai pu lire ton article, Il est bon et sera sans aucun doute très utile. Frankel en est très content. Il y a un endroit qui ne me semble pas assez précis du point de vue de la formulation, c'est quand il est dit qu'en Allemagne, la différenciation entre droite et gauche est si nette qu'elle ne laisse guère de place à nos ombres portées, Cette formulation peut prêter à critique. Les ombres qui disparaissent dans toute différenciation marquée ne sont pas vitales. En réalité, on caractériserait mieux la situation en disant : du fait de la fausse politique de l'I.C. la crise aiguë a largement débordé du parti et de la classe ouvrière par conséquent. La différenciation est non seulement aiguë, mais aussi au plus haut degré "sommaire", chaotique, politiquement inorganisée. C'est précisément parce que des cadres marxistes n'ont pas été formés à temps, que l'élaboration des questions de stratégie et tactique n'avance pas autant que cette différenciation sommaire ( "spontanée" dit-on en Russie). Nous prévoyons et analysons la perspective, en un mot, nous menons une politique à long terme. En posant la question, il est essentiel d'établir les événements de façon empirique; mais aujourd'hui l'appareil empêche que le procès de différenciation soit fertilisé par nos idées. C'est une situation unique, produite par le passé du P.C. tout entier. Mais nous ne sommes pas du tout une "nuance" à côté des autres dans l'I.C. Nous sommes une prévision marxiste, une politique marxiste, opposée à la différenciation spontanée et à la stupidité bureaucratique.
L'article souligne justement qu'il est impossible de se précipiter pour se mêler de toutes les questions grandes et petites. J'ai très peur que la Ligue française ait pris et ainsi ouvert un vaste champ aux improvisations de Molinier, Treint, etc. Leur résolution d'organisation me remplit d'inquiétude. Écris à ce sujet à Frank si tu en as l'occasion, mais sur une base personnelle, pas pour être diffusée.
Le secrétariat semble avoir posé une question de convenance parlementaire (je n'ai pas eu le temps de lire leurs documents). Frank peut-il vraiment avoir soutenu avec Mill ce monument de stupidité ? Le secrétariat n'est nullement un cabinet parlementaire responsable dirigé par un Premier ministre sous la forme d'un secrétaire parlementaire. Le secrétariat est un organisme administratif essentiellement basé sur des délégués de sections nationales. Le principe du centralisme démocratique signifie que les sections nationales peuvent remplacer les gens du secrétariat non seulement dans son ensemble, mais aussi le compléter, l'élargir, etc. La formulation collective d'un vote de confiance, c'est du jargon parlementaire - et rien de plus. Le comportement de Frank dans cette question est tout à fait incompréhensible : d'un côté, Molinier et lui se plaignent de Mill, et quand on essaie de les aider à sortir d'un cul-de-sac, ils commencent à agiter bras et jambes. Communique, s'il te plaît, cette opinion de moi à Frank.
Ces petites intrigues qui visent Seipold, indépendamment de ce qu'il est, me semblent tout à fait mauvaises. Il lui reste encore plusieurs mois comme député. Cette fois, il faut l'utiliser de façon parlementaire en l'obligeant à faire deux ou trois discours programmatiques. En ce moment, il faut qu'il fasse un discours sur le front uni avec les ouvriers communistes et social-démocrates contre le fascisme et la façon dont seuls les traîtres et les bons à rien dans la classe ouvrière peuvent parler de laisser au fascisme une chance de venir au pouvoir sans combattre. S'il existe une possibilité de faire un tel discours, j'en ferai un brouillon.
Après la dissolution du Landtag prussien, il faudra que Seipold rentre dans le rang, et la question le concernant perdra son importance. Mais en ce moment précisément où il occupe un poste exceptionnellement responsable, seuls de petits bureaucrates peuvent pousser les choses avec lui jusqu'au point de la scission sans penser même aux conséquences : on n'arrivera pas à rééduquer Seipold, quoi qu'il arrive. Il n'est plus jeune, et il est malade; il faut le prendre comme il est. Politiquement il est entièrement avec nous et cela suffit. Grylewicz et autres doivent être fermement redressés sur cette question et il est vital que tu redoubles de compréhension avec Seipold puisqu'il se plaint aussi de toi. Je le répète, c'est une question de quelques mois et il faut adapter notre politique à lui.
J'ai eu une lettre d'Erwin sur les affaires françaises, montrant qu'il sait observer, penser et formuler. C'est incontestablement un homme de valeur. Entre autres choses, il écrit qu'il n'a pas encore reçu mon dialogue "sur la dualité de pouvoir" etc.
Pourquoi ne le lui at-on pas envoyé ? Il faut l'envoyer au secrétariat et aux français et l'imprimer pour les allemands dans le Bulletin intérieur ou dans la Permanente.