1936

« Staline défend non pas des idées progressives, mais les privilèges de caste de la nouvelle couche sociale, de la bureaucratie soviétique, qui, depuis longtemps déjà, est devenue un frein au développement socialiste de l'U.R.S.S. Il est impossible de défendre ces privilèges par les méthodes de la démocratie prolétarienne ; on ne peut les défendre qu'à l'aide de falsifications, de calomnies et d'une sanglante répression. »

Lev Sedov

Le livre rouge du procès de Moscou

Pourquoi Staline avait-il besoin de ce procès ?

Il est hors de doute que Staline devait avoir des raisons bien impérieuses pour en venir à pareille extrémité, pour perpétrer ces assassinats. Des raisons de divers ordres, situées sur différents plans, mais toutes étroitement liées. Staline voyait certainement dans ce procès une machination suprêmement habile destinée à marquer très clairement aux yeux de tous les début d'une nouvelle période, celle d'un renforcement encore plus grand de la puissance de la bureaucratie staliniste et de la destruction définitive de l'opposition. Quand Trotsky se trouvait encore en U.R.S.S., c'est-à-dire aux mains de la clique thermidorienne, Staline avait alors pensé qu'une opération minutieusement préparée et se terminant par l'exil était le meilleur moyen de se débarrasser d'un bolchévik irréductible. Il s'est trompé et il n'est pas besoin d'être particulièrement perspicace pour comprendre combien cette erreur le hante. Aujourd'hui, devant cette opposition toujours renaissante et grandissante, il fait froidement fusiller des bolchéviks, anciens dirigeants du parti et de l'Internationale communiste, des héros de la guerre civile. Mais cette fois encore il se trompe, comme il devra dans un avenir prochain le constater. Ce crime effroyable, accompli de sang-froid, retombera sur la tête de son auteur !

Les raisons de politique intérieure

Le socialisme est édifié, les classes sont abolies, proclame la doctrine officielle du stalinisme. « Le socialisme est édifié », et jamais encore l'Union soviétique n'a connu une telle inégalité, actuellement, presque vingt ans après la révolution d'Octobre : des salaires de 100 roubles et des salaires de 8 à 10 000 roubles. Les uns vivent dans de misérables baraques, ils ont des souliers éculés ; d'autres ont des automobiles somptueuses et vivent dans des appartements magnifiques. Les uns luttent pour se nourrir, eux et leur famille ; d'autres ont leur voiture, des domestiques, une maison de campagne dans la banlieue de Moscou, une villa au Caucase, etc. « Les classes sont abolies », mais quoi de commun entre la vie d'un directeur de trust et celle d'un manœuvre ? Celle d'un maréchal et celle d'un kolkhozien ? Certes, même actuellement, une certaine inégalité serait encore inévitable, mais, et c'est là toute la question, cette inégalité s'accentue d'année en année, prenant les proportions les plus monstrueuses, et l'on fait passer cela... pour le socialisme.

Dans les domaines les plus divers, l'héritage de la révolution d'Octobre est en train d'être liquidé. L'internationalisme révolutionnaire fait place au culte de la patrie dans le sens le plus étroit. Et patrie signifie avant tout autorités. On réintroduit les grades, les décorations, les titres. On rétablit la caste des officiers avec les maréchaux en tête. Les vieux ouvriers communistes sont rejetés à l'arrière-plan ; la classe ouvrière est scindée en couches différentes ; la bureaucratie mise sur le « bolchévik sans-parti », sur le stakhanoviste, c'est-à-dire sur l'aristocratie ouvrière, sur le contremaitre et, avant tout, sur le spécialiste et l'administrateur. On rétablit l'ancienne famille petite-bourgeoise, qu'on idéalise de la façon la plus conventionnelle ; malgré les protestations générales, on interdit l'avortement, ce qui, dans les conditions matérielles difficiles, dans l'état primitif de la culture et de l'hygiène, signifie l'esclavage de la femme, le retour aux temps d'avant la révolution. On a abrogé le décret de la révolution d'Octobre sur l'école nouvelle. L'école est réformée sur le modèle de la Russie tzariste : on réintroduit l'uniforme pour les élèves, non seulement pour enchaîner leur indépendance, mais aussi pour faciliter la surveillance hors de l'école. Pour apprécier un élève, on se base sur ses notes de conduite, on s'oriente vers l'élève soumis et docile, et non pas vers l'écolier vivant et indépendant. La vertu fondamentale de la jeunesse, c'est aujourd'hui le « respect des aînés », à côté du « respect de l'uniforme ». On a créé toutes sortes d'inspecteurs pour surveiller la conduite et les mœurs de la jeunesse. On a dissous l'Asssociation des vieux bolchéviks et celle des anciens forçats politiques. Ils rappelaient trop le « maudit » passé révolutionnaire.

Dans le domaine de l'économie, c'est une marche à vive allure vers la droite, on rétablit le marché, le système de l'équilibre financier des entreprises, le travail aux pièces. Après l'abolition administrative des classes, la direction staliniste en est venue à miser sur les gens aisés ; c'est sous ce signe que s'effectue la différenciation entre les kolkhozes et à l'intérieur des kolkhozes.

« Le socialisme est édifié »... Mais il y a dans le pays un nombre immense de prostituées, et la prostitution croît. Or, la prostituée est le plus souvent une ouvrière ou une employée mal payée, ou encore une ancienne kolkhozienne chassée de son village par la faim. La plaie des enfants abandonnés est loin d'être fermée.

« Le socialisme est édifié », c'est dire que l'Etat doit dépérir et qu'une tout cas le rôle de la contrainte doit diminuer de plus en plus. C'est le contraire qui se passe. Jamais encore la répression n'a eu un caractère aussi général et aussi rigoureux, et cette répression, dirigée dans le passé contre les ennemis de classe du prolétariat, est dirigée maintenant contre le prolétariat lui-même, car c'est contre lui que la nouvelle couche sociale dominante, la bureaucratie, défend ses privilèges matériels. Par tous les moyens, la bureaucratie s'approprie une part énorme du revenu national. Elle a quelque chose à défendre ! La bureaucratie soviétique, qui s'engraisse et prospère, défend avec rage ses privilèges, sa vie « aisée et heureuse », contre les masses privées de droits.

Mais en même temps, la situation matérielle des masses s'améliore, quoique à une extrême lenteur, bien moins rapidement que croît l'inégalité. Cela leur donne une confiance de plus en plus grande en elles-mêmes, cela conduit non pas au renforcement mais à l'affaiblissement des positions politiques de la bureaucratie. L'ouvrier qui, il y a quelques années, était entièrement occupé à gagner son pain quotidien, en travaillant souvent 14 et même 16 heures par jour, en deux équipes, s'efforçait avant tout d'apaiser sa faim et de nourrir sa famille. L'amélioration de la situation économique lui a donné la possibilité de respirer ; ses exigences se sont accrues il veut d'abord s'habiller mieux, avoir un pardessus, aller au cinéma. Mais ce n'est qu'un commencement. Chez l'ouvrier se manifeste ensuite le besoin de lire, d'atteindre à la culture : il commence à penser à participer consciemment au processus de la production, à défendre ses intérêts et bientôt — quel crime ! — il veut prendre une part active à la politique. Cela, Staline ne saurait l'admettre. C'est ce qu'il craint mortellement.

Le mécontentement de l'ouvrier, son aspiration à la vie politique active, ses protestations « oppositionnelles » contre l'inégalité sociale, tout ce complexe de contradictions violentes qui déchirent l'Etat soviétique, Staline veut le surmonter par la répression policière ! Et pour donner à la répression un caractère encore plus impitoyable, Staline a besoin du « terrorisme ». En étourdissant la masse, en l'effrayant, Staline rend encore plus aisée sa répression sanglante. Voici ce qui vous attend, dit Staline en montrant les cadavres de Zinoviev et de Kamenev, si vous vous permettez de douter de mon infaillibilité, si vous ne consentez pas à devenir les muets esclaves de la bureaucratie.

Si dans le passé chaque mécontentement, chaque protestation étaient qualifiés de « trotskisme », Staline a, par les assassinats de Moscou identifié « trotskisme » et « terrorisme ». Quiconque est mécontent ou montre simplement un attitude critique est un « trotskiste ». Cela signifie désormais un « terroriste ». Ce n'est pas le camp de concentration ni la prison qui le menacent, mais la fusillade immédiate.

Staline est définitivement entré dans la voie de l'extermination de tous ceux qui expriment leur mécontentement et, en premier lieu, des oppositionnels de gauche. Pionniers de la lutte contre la bureaucratie, seuls révolutionnaires prolétariens qui aient des racines dans les masses, les bolchéviks-léninistes sont le plus grand danger pour Staline. Dans les camps de concentration et es isolateurs, on les déclarera « terroristes », c'est-à-dire passibles de la fusillade. Dans l'U.R.S.S. Entière il y a sans aucun doute, actuellement, des « jugements » et des fusillades auxquels le procès de Moscou a servi de signal. Terrible et effrayante réalité...

Par les assassinats de Moscou, Staline se dresse aussi contre son propre appareil, surtout contre la mince couche de celui-ci qui se compose encore de vieux bolchéviks, car dans cette partie de l'appareil existe un mécontentement largement répandu, quoique dissimulé. Devenu l'exécuteur aveugle des ordres des sommets stalinistes, l'ancien révolutionnaire perd toute perspective ; ses droits sont réduits au droit d'être en extase devant le « père du peuple » et il connaît, mieux que d'autres, Staline, usurpateur perfide, assassin impassible, fossoyeur de la révolution. Et pour tenir en main son propre appareil, au moins la partie de celui-ci encore liée par quelque chose à la révolution d'Octobre, il ne reste aujourd'hui à Staline rien d'autre qu'à le terroriser toujours davantage.

Par les assassinats de Moscou, Staline veut aussi tuer politiquement l'opposition de gauche et Trotsky personnellement, contre qui est surtout dirigé le procès. Trotsky est le principal accusé, quoiqu'il ne se soit pas trouvé sur le banc des inculpés. C'est lui que Staline s'efforce de couvrir de boue et de sang. Les ressources de l'injure et de la calomnie journalistiques sont épuisées. Avec les cadavres des fusillés, Staline veut donner un nouveau poids à la calomnie la plus empoisonnée, la plus fangeuse, la plus vile. S'il n'avait pas fusillé Zinoviev, Kamenev et les autres, le procès serait apparu comme une pitoyable comédie, et non pas comme une tragédie effroyable. C'est seulement soulignées par les assassinats que les calomnies du procès de Moscou prenaient une nouvelle force et pouvaient secouer l'opinion publique mondiale.

Par ses fusillades, Staline montre, et veut montrer, que la bureaucratie bonapartiste ne s'arrêtera devant rien dans sa lutte pour garder le pouvoir usurpé par elle et pour maintenir ses privilèges. La classe ouvrière doit bien s'en souvenir.

Mais ces assassinats montrent aussi combien est précaire la situation de la bureaucratie. Ce n'est pas par excès de force que l'on en vient à une extrémité aussi sanglante. Pour affermir sa position, la bureaucratie — Staline — doit mener le pays, déjà complètement terrorisé, à de nouvelles formes encore inconnues d'arbitraire monstrueux et de répression féroce. Mais c'est une impasse. Une issue, — dans la mesure où cela dépend de la bureaucratie, — ne peut être trouvée que dans la voie d'une nouvelle réaction, encore plus profonde. Par la tentative de tuer politique Trotsky et par l'assassinat de vieux bolchéviks, Staline veut s'ouvrir plus sûrement les voies qui mènent à la réaction.

Le danger de guerre ne fait qu'accentuer le caractère bonapartiste du stalinisme. Ce n'est pas sur l'initiative et le courage de la classe ouvrière en lutte pour l'idéal communiste que compte Staline en cas de guerre prochaine, mais sur la caste privilégiée des officiers, sur la soumission aux « supérieurs » tout-puissants des « inférieurs » privés de tout droit, poussés par la peur.

La fusillade des vieux bolchéviks, quel prélude à la « constitution la plus démocratique du monde » ! Que ceux qui ont des illusions sachent, — signifie par là Staline, — que la démocratie de la constitution consiste à donner le droit aux électeurs et aux congrès de voter pour moi. Et qui ne vote pas pour Staline, c'est-à-dire pour la bureaucratie et ses privilèges, est un trotskiste, donc un terroriste que nous fusillerons dans les 24 heures. La constitution staliniste est un mensonge destiné à couvrir le régime plébiscitaire.

Une raison a peut-être encore poussé Staline à l'assassinat de vieux bolchéviks. C'est la peur de la bureaucratie devant le terrorisme, non pas le terrorisme organisé, comme on a voulu nous le représenter au procès de Moscou, — il n'existe rien de tel en U.R.S.S., — mais devant les terroristes isolés qui sortent de la jeunesse désespérée et privée de perspectives. Ces tendances terroristes sont vraisemblablement peu développées en U.R.S.S. Pendant les dix années de la domination bureaucratique, il a été accompli un assassinat politique dirigé par un de ces jeunes communistes désespérés contres les sommets stalinistes, l'assassinat de Kirov. Il est beaucoup plus vraisemblable que la bureaucratie gonfle ce danger, avec le but de justifier et de faciliter sa répression contre les hérétiques et les mécontents.

Ceci à l'intérieur du pays, mais au dehors ?

Les raisons de politique extérieure

Staline ne rompt pas seulement de façon sanglante avec le bolchévisme, avec toutes ses traditions et son passé, il s'efforce aussi de traîner le bolchévisme et la révolution d'Octobre dans la boue. Et il le fait dans l'intérêt de la réaction mondiale et intérieure. Les cadavres de Zinoviev et de Kamenev doivent montrer à la bourgeoisie mondiale que Staline a rompu avec la révolution, doivent témoigner qu'elle compter sur lui, qu'il est mûr pour diriger un Etat national. Les cadavres des vieux bolchéviks doivent montrer à la bourgeoisie mondiale que Staline a bien en réalité changé radicalement de politique, que les hommes qui sont entrés dans l'histoire comme les chefs du bolchévisme révolutionnaire, les ennemis de la bourgeoisie, sont aussi ses ennemis : Trotsky, dont le nom est indissolublement lié au nom de Lénine comme chef de la révolution d'Octobre, Trotsky, créateur de l'Armée rouge et organisateur de la victoire, Zinoviev et Kamenev, les plus proches disciples de Lénine, l'un président de l'Internationale communiste, l'autre adjoint de Lénine et membre du bureau politiques, Smirnov, l'un des plus vieux bolchévik, vainqueur de Koltchak. Pour ceux-ci, c'est aujourd'hui le passage par les armes, et la bourgeoisie mondiale doit y voir le symbole de temps nouveaux. C'est la fin de la révolution, dit Staline, comme avec un allié sérieux, comme avec le chef d'un Etat national1.

Tel est le but fondamental du procès dans le domaine de la politique extérieure. Mais ce n'est pas tout, c'est loin d'être tout. Les fascistes allemands, qui crient que la lutte contre le communisme est leur mission historique, se trouvent, dans ces derniers temps, dans une position manifestement difficile. Staline a abandonné depuis longtemps la marche à la révolution mondiale. Il mène une politique nationale « raisonnable », les mesures thermidoriennes surgissent l'une après l'autre. Il devient de plus en plus difficile aux fascistes et aux autres ennemis les plus acharnés du communisme de représenter Staline, avec sa IIIe Internationale nationaliste, comme la source d'un danger et de secousses révolutionnaires. Aussi lancent-ils avec d'autant plus d'insistance la calomnie que la IVe Internationale n'est rien d'autre qu'une filiale de la IIIe, sur la base de la division du travail. Les uns épaulent la politique thermidorienne de Staline en U.R.S.S., les autres (la IVe Internationale) attisent la révolution en Occident : se présentant comme les ennemis de Staline, ils ne sont en fait que ses auxiliaires2.

Ces mensonges donnent à Staline un argument supplémentaire pour accomplir ses assassinats et condamner en fait Trotsky à être passé par les armes : il faut prouver sans cesse que Staline n'a rien de commun ni avec la révolution, ni avec la IVe Internationale révolutionnaire.

Au lieu de la révolution internationale, la Société des Nations, le bloc avec la bourgeoisie. Vive la Pologne de Pilsudski ! Staline pactiserait sans hésiter même avec Hitler, sur le dos de la classe ouvrière allemande et internationale. Mais voilà, cela dépend de Hitler ! Toute cette politique internationale du stalinisme éloigne et éloignera de plus en plus la classe ouvrière des partis qui, on se demande pourquoi, se dénomment encore communistes. Dans la classe ouvrière européenne, et en particulier parmi les ouvriers communistes, la défiance et le mécontentement augmentent envers la politique staliniste. Le fait en lui-même ne troublerait pas beaucoup Staline, s'il ne craignait que les ouvriers révolutionnaires ne trouvent la voie de la IVe Internationale : Staline comprend très bien qu'une telle orientation constituerait un grand danger pour sa politique en U.R.S.S. Même. (Sous ce rapport, soit dit entre parenthèses, il est plus perspicace que les critiques bornés qui jugent les trotskistes comme des « sectaires » sans perspective). C'est pourquoi Staline s'efforce de discréditer la IVe Internationale, de tuer Trotsky politiquement, en l'accusant de terrorisme et de liaison avec la Gestapo et en rendant ces accusations « probantes » par la fusillade de vieux bolchéviks... Avec du sang et de la boue, Staline veut barrer aux ouvriers avancés la voie de la IVe Internationale. Tel est encore un des buts de procès de Moscou.

La « douce vengeance »

Outre les raisons politiques de l'affaire, il existe une raison purement personnelle : l'insatiable soif de vengeance de Staline. Elle entre comme partie constituante dans tous ses actes. Elle n'a pas joué un faible rôle dans la création du dernier complot.

Dans une des dernières lettres qu'il a écrites avant son internement en Norvège, L. Trotsky raconte l'épisode suivant :

« En l'année 1924, Staline, Dzerjinski et Kamenev étaient assis par un soir d'été autour d'une bouteille de vin (je ne sais pas si c'était la première) et bavardaient sur n'importe quoi, quand on en vint, dans la conversation à se demander ce que chacun d'eux aimait le mieux dans la vie. Je ne me souviens pas de ce que dirent Dzerjinski et Kamenev, de qui je tiens cette histoire. Mais Staline dit : Ce qu'il y a de meiller dans la vie, c'est de choisir sa victime, de bien préparer le coup, de se venger sans pitié, et puis d'aller se coucher. »

Dans la même lettre, Trotsky rapporte, d'après les paroles de Kroupskaïa, une déclaration de Lénine sur Staline, qui n'a jamais été publiée :

« En l'automne 1926, Kroupskaïa me dit en présence de Zinoviev et de Kamenev : « Wolodia (c'est ainsi qu'elle appelait Wladimir Lénine) disait de Staline : Il lui manque l'honnêteté la plus élémentaire. » Et elle répétait : « Comprenez-vous ? L'honnêteté humaine la plus élémentaire ! » Je n'ai jamais encore publié ces paroles, car je ne voulais causer aucun tort à Kroupskaïa. Mais maintenant qu'elle est définitivement emportée dans le courant officiel et qu'elle n'élève pas la moindre voix de protestation contre le crime infâme de la clique dirigeante, je me juge en droit de livrer à la publicité ces paroles de Lénine. »

(Trotsky ne connaissait pas alors l'article misérable et aussi odieux, si pénible que cela soit à dire, de Kroupskaïa sur le procès.)

Rappelons encore quelques autres déclarations de Lénine sur Staline. En mars 1923, Lénine se préparait à la lutte contre Staline au XIIe congrès du parti ; par l'intermédiaire de sa secrétaire Fotieva, il fit dire ceci à Trotsky : Ne pas entrer en pourparlers avec Staline, car « Staline conclura un compromis pourri et trompera ».

C'est un compromis de cette espèce que Staline avait conclu avant le procès avec Zinoviev, Kamenev et les autres ; pour prix de leurs aveux, ils auraient la vie sauve. Et il es a trompés ! Et de quelle horrible façon !

Déjà auparavant, Lénine avait dit de Staline : « Ce cuisinier ne nous préparera que des plats trop épicés. » Lénine, quoique pressentant de façon juste les tendances de Staline, ne pouvait cependant pas s'imaginer jusqu'où irait ce César Borgia de nos jours.

La brutalité et la déloyauté, la perfidie et l'absence de scrupules, voilà les traits des plus caractéristiques de Staline. Ces traits personnels du « chef » sont devenus les traits de la clique bonapartiste dirigeante. Et c'est cet homme que la Pravda déclare « limpide, pur comme le cristal » ! Il n'y a pas de limites à la bassesse humaine.

Staline, qui, dans les milieux de l'appareil, a la réputation de bien savoir doser, commence à perdre le contrôle de lui-même.

Il accélère par là la liquidation de son absolutisme. La montée du mouvement ouvrier en Occident, et de là en U.R.S.S., mettra fin au régime corrompu de la clique bonapartiste.

Notes

1 Otto Bauer est saisi d'effroi devant l'impression que la fusillade de Moscou peut produire sur les amis sincères de l'U.R.S.S., libéraux et socialistes. C'est pour Staline une étape passée. Ces amis-là lui sont maintenant de peu d'utilité. Il recherche des amis plus « sérieux », des alliés en cas de guerre, la bourgeoisie française, anglaise, américaine, etc.

2 C'est avec ce but que les fascistes allemands, par exemple, ont lancé récemment le bruit d'une conférence commune de la IIIe et de la Ive Internationales à Bréda, en Hollande, du financement de la IVe par Staline et autres absurdités.

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