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Source : numéro 24 du Bulletin communiste (deuxième année), 9 juin 1921. |
La crise du Parti Communiste Allemand
10 mai 1921
Lorsqu'en décembre dernier la Ligue des Spartakistes, avec ses 100 000 membres, opéra sa fusion avec les Indépendants de gauche, amenant ainsi à l'Internationale Communiste environ quatre cent mille ouvriers de ce parti, il fut clair pour toute personne connaissant la situation en Allemagne que le nouveau Parti Communiste unifié traverserait encore plusieurs crises avant de devenir un véritable parti communiste. Sous la pression des masses ouvrières de chaque centre, un nombre important d'organisateurs, de directeurs de journaux, etc., avait adhéré après de longues hésitations au programme et à la tactique de la 3e Internationale. Ces hésitations, on le comprend bien, ne se terminèrent pas par la simple signature des 21 conditions.
En outre des problèmes nouveaux se posaient devant le parti. Un parti d'un demi-million de membres et exerçant son influence sur un million et demi d'ouvriers organisés, ne peut plus se borner à la propagande et à l'agitation. Il doit prendre part aux grandes luttes qui deviennent fatales dès que ce parti veut remplir son devoir et répondre aux coups de la bourgeoisie par des contre-attaques du prolétariat. Or il se manifesta, dès l'équipée du Kornilov allemand et même parmi les anciens leaders spartakistes, une certaine tendance vers la droite. Échaudés dans les combats inconsidérés de 1919, ils voyaient dans toute action révolutionnaire d'une minorité, entraînât-elle plusieurs centaines de milliers d'hommes, une effusion de sang sans résultat. Le passage de la propagande à l'action devait nécessairement susciter dans le parti des conflits et des dissensions. C'est seulement après leur solution que pouvait se constituer un véritable Parti Communiste bâti pour la lutte. L'histoire des six premiers mois d'existence du Parti Communiste unifié d'Allemagne est l'histoire de ce processus, inévitable.
Le conflit s'engagea lorsque les deux présidents du Parti, l'ancien spartakiste Paul Levi et l'ancien indépendant de gauche Daumig, se prononcèrent contre l'admission dans l'Internationale du Parti Communiste ouvrier d'Allemagne, à titre de membre sympathisant. Ce Parti est composé de communistes « de gauche » qui se sont séparés des spartakistes parce qu'ils n'admettaient pas la propagande à l'intérieur des anciens syndicats ni l'utilisation du parlementarisme dans un but d'agitation et d'organisation révolutionnaires. Comme on le sait, le second Congrès de l'Internationale approuvait entièrement le point de vue des spartakistes d'après lequel les communistes n'ont pas le droit de s'isoler des organisations groupant les masses ouvrières et doivent utiliser pour la propagande communiste tous les moyens mis à leur disposition par l'Etat bourgeois. Néanmoins tout en approuvant ce point de vue du Spartakus, le Comité Exécutif ne pouvait ignorer que le Parti Communiste Ouvrier reflétait la mentalité insurrectionnelle des masses ouvrières sans travail et les plus déshéritées. C'est pourquoi il accepta provisoirement ce Parti a titre de sympathisant afin de conserver ses relations avec lui et par là d'exercer sur lui son influence morale et de faciliter au parti unifié sa fusion avec ce groupe de gauche et les éléments révolutionnaires qui le suivent. Les plaintes hystériques de Paul Levi contre cette décision expriment seulement son incapacité à trouver le chemin du cœur et de l'esprit de ce prolétariat dans lequel la désagrégation du capitalisme suscite une mentalité de révolte désespérée. Cette incapacité est déjà par elle-même une tendance de droite, car celui qui veut véritablement la révolution doit comprendre qu'aucune campagne révolutionnaire n'est possible si on écarte de soi les éléments prolétariens les plus mécontents du capitalisme. Cette tendance de droite ainsi manifestée par Levi reflétait ce simple fait qu'une partie des organisateurs et des chefs redoute les actes désordonnés, mais en tout cas révolutionnaires des éléments prolétariens sans travail et autres semblables.
Cette incapacité de comprendre la partie insurrectionnelle du prolétariat se joignait dans le groupe qui se constitua autour de Levi à une certaine tendance qui prétendait attirer au Parti et à l'Internationale Communiste les milieux retardataires du prolétariat par une propagande modérée et correcte, c'est-à-dire en réalité par un renoncement à l'activité nettement révolutionnaire et par un refus de rompre avec les éléments centristes. Cette tendance se manifesta le jour où Levi, revenant du Congrès italien de Livourne, se mit à critiquer le Comité Exécutif de l'Internationale, sous prétexte qu'il aurait épouvanté Serrati, suscité une scission artificielle et automatique dans le Parti Italien, et aspirerait à créer des partis communistes purs mais peu nombreux. Levi a lancé contre le Comité Exécutif un reproche qui jusqu'à présent a été l'arme principale des centristes contre l'Internationale Communiste, le reproche de sectarisme. Il semblait à plusieurs que cette accusation venait de désaccords ayant leur source dans un défaut d'information sur la situation italienne et sur les intentions du Comité Exécutif. Mais les dirigeants du Parti comprirent qu'ils avaient affaire à une déviation centriste et que Levi, tout en se séparant en paroles de Serrati, soutenait en réalité ce révolutionnaire branlant contre les communistes italiens. Lorsque le Conseil Central du Parti, composé du Comité Central et des représentants des provinces, adopta une résolution repoussant nettement et fermement le point de vue de Levi, ce dernier se démit de ses fonctions de président et avec lui abandonnèrent le Comité Central Clara Zetkin et quatre anciens indépendants. Cet événement a prouvé non seulement la formation dans le Parti d'une aile droite, mais encore le mépris de cette aile droite, à l'exemple de tous les groupements opportunistes, pour la discipline révolutionnaire. Dans un parti qui exige des ouvriers qu'ils marchent au premier appel du Comité Central à la lutte armée contre les blancs, un mandat est un poste qu'il est interdit de quitter sans ordre. Le Congrès avait confié à Levi et à ses partisans des postes importants dans le Parti. En les abandonnant sans autorisation, ils ont montré qu'ils prétendent être au-dessus du Parti et lui dicter leurs conditions, comme l'ont toujours fait les groupes intellectuels dans le mouvement ouvrier.
Levi et ses partisans ont déclaré qu'ils serviraient le Parti comme simples soldats, sans accepter la responsabilité de sa direction politique. Les journées de mars ont pu convaincre le Parti que c'étaient là des mots, et que les camarades qui se sont montrés incapables de remplir leur devoir comme commandants ne peuvent pas le remplir comme simples soldats. Les combats de mars ont été témoins non seulement du sabotage des partisans de Levi, mais de la trahison ouverte de l'ancien président du Parti Levi, qui pour cette trahison a été exclu du Parti Communiste d'Allemagne et de l'Internationale Communiste.
Lorsque les ouvriers de l'Allemagne centrale ont engagé la lutte contre les détachements de Hörsing1 envahissant leurs provinces, toute la presse bourgeoise, indépendante et social-démocrate poussa les hauts cris contre le putsch, contre la saignée commandée par les communistes n'hésitant devant aucune aventure pour sauver la Russie soviétiste en danger. Le mouvement ne faisait encore que débuter, on ne savait pas encore s'il se développerait ou non, lorsque l'ancien président du Parti, le renégat actuel Paul Levi le jugea de cette façon. Inutile de dire que le gouvernement soviétiste et même le Comité Exécutif de l'Internationale n'ont appris le mouvement de mars qu'après que les radios de Berlin l'eurent annoncé à tout l'univers. La meilleure preuve en est un article de la Pravda du 25 mars, dans lequel j'essayais d'en découvrir les sources et d'en prédire très prudemment le cours vraisemblable. De son côté le Comité Central du Parti Allemand a souligné plusieurs fois que la décision prise par lui le 17 mars de renforcer son caractère combattif avait été suscitée par les circonstances intérieures et extérieures, sans aucune invitation ni du Comité Exécutif de l'Internationale ni de son représentant. Le mouvement qui le déclencha peu de jours après ne fut qu'une réaction contre l'offensive gouvernementale à l'égard de la région ouvrière, des mines du centre. Nous sommes obligés d'indiquer ce fait parce qu'il découvre indirectement le caractère centriste du groupe de Levi le renégat, car pour nous communistes, depuis quand interdisons-nous à l'Internationale le droit de donner aux partis adhérents des conseils sur leur action ? Jusqu'ici les Hilferding et les Crispien seuls avaient osé crier contre la dictature de Moscou. Si les communistes allemands, dans la conviction que l'existence de la Russie soviétiste est le gage de la victoire de la révolution mondiale, avaient commis l'erreur de forcer les événements pour soutenir la Russie, cette erreur certaine, car il n'est pas permis de hâter artificiellement la révolution, aurait cependant été une preuve d'internationalisme révolutionnaire, qualité indispensable à tout prolétariat pour triompher. Le centrisme et la trahison de Levi et ses pareils ressort donc déjà de leurs plaintes contre la dictature de Moscou et contre la prétendue intention du Comité Central allemand de soutenir la Russie en encourageant le dernier mouvement.
Mais, comme nous venons de le montrer, ce reproche est pure invention. La décision du 17 mars provenait uniquement des circonstances objectives et répondait aux intérêts du mouvement communiste en Allemagne. Le véritable auteur du mouvement de mars a été le gouvernement prussien. Le social-démocrate Severing, ministre de l'Intérieur en Prusse, a reconnu avec le cynisme propre aux laquais de la bourgeoisie que, remarquant l'activité croissante du Parti Communiste, il avait décidé de le provoquer prématurément au combat. On peut critiquer le Comité Central du Parti d'avoir accepté ce combat à un moment défavorable, mais non pas d'avoir suscité volontairement une saignée.
Le putschisme porte dans la terminologie marxiste un nom bien déterminé : c'est une tentative d'accaparement du pouvoir par une minorité révolutionnaire insignifiante. Le Comité central du Parti allemand ne se proposait rien de semblable. Si c'était là le reproche fait par Levi à son Parti, il aurait néanmoins quelque sens. Tous les lecteurs de sa brochure ont été convaincus que c'était bien là son reproche, ils ont donc réclamé de lui la preuve que le mouvement de mars visait à prendre le pouvoir. Mais dans sa préface Levi déclare qu'il n'a jamais eu l'intention de lancer cette accusation : il a voulu dire seulement que le mouvement a été tramé par la tête incapable représentant l'Internationale Communiste2 et sans aucun doute. Mais dans le corps de la brochure il reconnaît qu'en Allemagne centrale les villes se soulevaient les unes après les autres, les centres ouvriers les uns après les autres, et que les ouvriers luttaient héroïquement, et mouraient avec dévouement. Il ajoute que tout cela s'est fait sur l'ordre du Comité Central du Parti. Or qui pourra croire que des centaines de milliers d'ouvriers marchent au combat sans savoir pourquoi, uniquement sur un ordre du Comité Central d'un parti jeune qui n'a pas encore grande autorité et qui a été sérieusement affaibli par le départ de camarades connus. Il faut avoir tout l'orgueil d'un intellectuel n'ayant rien de commun avec le mouvement ouvrier pour énoncer pareille absurdité. Si les ouvriers de l'Allemagne centrale se sont battus héroïquement, c'est qu'ils ont admirablement compris le sens des événements, et qu'il s'agissait de se défendre contre les blancs, contre une nouvelle offensive du capital contre le prolétariat
Parler de putschisme, c'est seulement couvrir de phrases sonores un simple reniement à la tactique offensive du communisme, et même à la défense active. Et Levi ne dit pas ce qu'il aurait fallu faire au moment où Hörsing lançait ses bandes contre l'Allemagne centrale : le Parti Communiste devait-il se taire, ou bien prier Levi de prononcer au Parlement un beau discours de protestation ?
Par sa sortie contre le Parti au moment même où sévissent les cours martiales, Levi s'est retranché de l'Internationale Communiste. Mais même s'il n'y avait pas là de trahison, même alors la position prise par lui serait un reniement du communisme, puisqu'elle équivaut à une tactique d'inaction et d'attente alors que toute la situation réclame l'action.
Pour détourner ce reproche, Levi accepte la tactique des manifestations locales, pourvu qu'on ait pour soi dans chaque localité la majorité des ouvriers. Mais le progrès fait par le mouvement communiste allemand cette année consiste précisément en ce qu'après des dizaines d'insuccès locaux il a opéré la réunion de tout le prolétariat allemand et permis de cette façon d'engager le combat sur toute la ligne. Sentant la faiblesse de sa position, Levi renvoie dans la préface de la seconde édition de sa brochure à un mémoire remis par lui à son Comité Central le 10 mars. Le plan qui y était exposé montre seulement que Levi est un doctrinaire qui se perd dans les songes pour échapper à la réalité. En quoi en effet consiste ce plan ? La bourgeoisie allemande est dans un état lamentable : l'Entente lui impose des exigences mortelles, qui suscitent l'indignation générale. Néanmoins la bourgeoisie allemande est incapable de résister à l'Entente sans s'allier à la Russie soviétiste. D'autre part cette alliance peut engager la question de la lutte pour la possession du pouvoir. Le plan pêche seulement par cet endroit que, s'il est impossible d'amener les ouvriers scheidemanniens à se battre pour leurs intérêts les plus immédiats, il serait cependant possible d'après lui de les faire battre pour détourner les conséquences futures des exigences de l'Entente. En réalité les ouvriers scheidemanniens sont bien convaincus qu'on ne peut leur enlever que ce qu'ils ont et même espèrent que l'Entente les ravitaillera. Ils se trompent sans doute, mais ils ne reconnaîtront leur erreur qu'après l'occupation de l'Allemagne par les alliés. Le plan de Levi est donc un projet de fantaisiste qui fuit le combat réel d'aujourd'hui pour combattre héroïquement demain dans les nuages de son imagination. Levi, comme son père Hamlet, parle de poignards afin de ne pas s'en servir. Si Zetkin, Brass, Gayer, prétendent que le point de vue de Levi répond aux principes et à la tactique de l'Internationale, c'est une mauvaise plaisanterie. Dès son premier jour, l'Internationale a dit aux ouvriers de tout l'univers que la victoire finale ne leur tombera pas tout faite du ciel, qu'elle se forge dans les combats partiels pour les intérêts actuels du prolétariat, combats que le Parti Communiste doit élargir et approfondir. Renoncer à ces combats, sous prétexte qu'ils peuvent aboutir actuellement à un échec, c'est renoncer à la lutte et faire du Parti Communiste un simple cercle de propagande. Levi, en reprochant à l'Internationale de rechercher le secret du communisme pur, est prêt tout le premier à changer le Parti en une secte, si par malheur il suivait ses conseils. Mais en rejetant la position de Levi, le Parti a prouvé sa vitalité. Cette preuve est d'autant plus précieuse qu'il l'a faite en dépit de l'insuccès et des erreurs des journées de mars.
Le V. K. P. D. a commis en mars plusieurs erreurs. La principale a été de passer sans transition de la propagande à la lutte active. Cette erreur a ses racines dans le passé. La responsabilité en retombe avant tout sur l'aile droite du Parti Levi et Daumig, anciens présidents du Parti, qui n'ont pas su préparer ses organisations aux combats inévitables. Pour cette raison, le moment venu de défendre les mineurs de l'Allemagne centrale, il était fatal que cette action, nécessaire, aboutisse cependant à une défaite.
La seconde erreur a été que le Comité Central n'ait pas tenu en mains les ouvriers armés, qu'il leur ait permis d'agir alors que le caractère du mouvement n'était pas déterminé et qu'on ne voyait pas clairement s'il ne valait pas mieux se borner à une grève. Cette erreur est due également au camarade de droite dont il dépendait de ne pas la commettre. Le Comité Central dans son ensemble n'avait pas à être au courant de ces choses particulièrement conspiratives.
Le reproche qu'on peut faire au Comité Central de gauche existant actuellement, c'est de n'avoir pas su dès le premier moment donner une forme politique nette et distincte au mouvement et même aujourd'hui, après la lutte, de tolérer de nombreuses erreurs sur son vrai caractère. Le mouvement de mars est ce qu'on appelle en langage militaire de la défensive offensive. Au lieu de souligner son caractère défensif, le Parti a parlé d'offensive, et par là il a permis à ses adversaires de faire croire à une partie du prolétariat que le mouvement était suscité artificiellement par les communistes. En outre certains camarades dirigeants fondent aujourd'hui une théorie d'après laquelle le Parti doit s'orienter vers l'offensive : c'est là un excès qui ne tient pas compte des circonstances. Le Parti doit et devra se conformer à la situation concrète. Il ne doit prendre l'offensive que si les circonstances l'exigent. Sa politique ne dépend pas d'une théorie, mais des faits objectifs. L'esprit d'activité qui se remarque aujourd'hui dans les rangs du Parti, et dont l'Internationale Communiste ne peut que se louer, doit avoir pour premier résultat d'accentuer la propagande révolutionnaire offensive, la vie légale et illégale du Parti, la préparation constante à la lutte. Une fois pénétré de cet esprit dans toute sa pratique quotidienne, le Parti sera à la hauteur une fois le moment venu d'agir.
L'adoption d'une politique militante par le V. K. P. D. est un fait d'une énorme importance internationale. Ce qui manque au mouvement occidental, c'est précisément des partis qui puissent et qui veuillent véritablement engager le combat, et non plus se borner à la discussion théorique ou à la propagande.
Le Comité Central du Parti allemand, chose plus essentielle encore, les masses ouvrières et les organisations locales ont prouvé leur volonté d'action révolutionnaire. La dislocation de la bourgeoisie allemande s'accentuant de jour en jour, l'apparition dans ce pays d'un parti prêt à se battre nous assure la présence du facteur le plus essentiel de la révolution. C'est ce qui jusqu'à présent manquait le plus à la victoire définitive du prolétariat en Allemagne.
Les derniers événements ont encore montré autre chose : le changement d'attitude du Parti s'est accompli contre des gens que nous considérions comme communistes et qui appartenaient depuis de longues années, ou depuis le dernier Congrès, à l'Internationale Communiste. Autour d'eux se groupent de nombreux organisateurs, littérateurs, et leaders de l'ancienne fraction des indépendants de gauche. Cela montre que nous avons affaire non pas à l'erreur d'une ou deux personnes, mais à la politique d'une souche bureaucratique qui, tout en acceptant la théorie communiste, redoute de combattre pour elle. Ce sont les frères cadets des Dittmann et des Dissmann qui eux ont redouté jusqu'à la théorie. L'attitude de Levi et de ses partisans a montré que les bureaucrates du Parti sont même capables de contrevenir à la discipline, si le Parti décide contre leur volonté. le V. K. P. D. saura mettre à la raison ces éléments. Il ne permettra pas aux 17 membres de la fraction parlementaire de se moquer de ses décisions. Il ne laissera pas ses membres publier des revues en collaboration avec des gens exclus du Parti pour trahison. Et en cela il jouira du soutien absolu de l'Internationale Communiste, pour laquelle ce qui se passe en Allemagne n'est qu'une continuation de la lutte contre les centristes. L'Internationale, en ouvrant largement ses portes aux masses ouvrières adhérant à ses principes, ne s'est jamais dissimulé le danger : elle a prévu que beaucoup d'éléments différant seulement en paroles des Hilferding et des Crispien entreraient dans ses rangs. C'est pourquoi le second Congrès a pris contre eux des mesures de précautions. Il a obligé les Partis adhérents à faire de temps en temps des révisions générales de leurs effectifs. Beaucoup ont cru cette exigence inutile. Les événements d'Allemagne prouvent le contraire. Le prolétariat est obligé de mener campagne dans des conditions si difficiles qu'il n'y a rien d'étonnant à ce que beaucoup de ses chefs, en particulier les intellectuels ou les bureaucrates des temps anciens, s'effraient et se mettent à reculer. L'avant-garde ouvrière, comme l'ont prouvé les décisions de toutes les organisations locales sans exception, voit les difficultés et apprécie comme il convient les erreurs, mais uniquement afin de les dépasser et de marcher de l'avant. Volà quel est l'enseignement international des événements de mars en Allemagne.
Notes
1
« L'Oberpräsident de Saxe prussienne, le social-démocrate
Hörsing, vient de publier un manifeste annonçant son intention de faire
occuper par la police plusieurs zones industrielles, dont le secteur
minier de Mansfeld-Eisleben, afin d'y « assainir » la
situation. Les entrepreneurs de ces régions se
plaignent de vols fréquents et la police doit parfois soutenir de
véritables batailles rangées contre les « pillards » : il
s'agit officiellement d'en finir avec la multiplication de délits de
droit commun allant du vol au sabotage, et aux agressions contre le
personnel de surveillance des usines. Il ne fait cependant aucun doute
que l'objectif réel poursuivi par Horsing est de désarmer les ouvriers —
qui ont conservé leurs armes après le putsch de Kapp — et, du même coup,
de démanteler un bastion communiste. (…) Ce jeudi 24 mars, les
communistes vont tenter par tous les moyens, y compris la force, de
déclencher la grève générale. Des détachements de militants essaient
d'occuper les usines par surprise afin d'en interdire l'entrée à ceux
qu'ils appellent les « jaunes », l'énorme masse des travailleurs
non communistes. Ailleurs, ce sont des groupes de chômeurs qui s'en
prennent aux ouvriers au travail ou s'y rendant. Des incidents se produisent à Berlin, dans
plusieurs grandes entreprises, dans la Ruhr et à Hambourg, où chômeurs
et dockers qui ont occupé les quais en sont chassés après une vive
fusillade. Le bilan d'ensemble est mince : 200 000
grévistes selon les pessimistes, un demi-million suivant les optimistes. »
(Pierre Broué, Révolution en Allemagne, chapitre 26)