1920

Source : num�ro 44/45 du Bulletin communiste (premi�re ann�e), 25 novembre 1920.


Le Parti Communiste Allemand pendant l'aventure de Kapp

Essai critique

Karl Radek


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I. � Inaction

Le Parti Communiste allemand n'est pas seulement un parti de critique, � celui d'une critique qui a pour objet de montrer la d�sagr�gation de la soci�t� bourgeoise, la servilit� des social-patriotes qui la soutiennent, l'action de la social-d�mocratie allemande ind�pendante qui trompe et d�moralise des ouvriers et enfin celle du Parti Ouvrier Communiste allemand (K.A.P.D.) qui tente de tourner les difficult�s � force d'�loquence. Ce n'est pas assez : le Parti Communiste allemand doit �galement �tre un parti sachant se critiquer lui-m�me, � d'autant plus s�v�rement que, malgr� toutes les fautes qu'il a commises, il reste seul le centre du mouvement ouvrier en Allemagne.

Et pr�cis�ment parce qu'il n'y a pas d'autre axe de cristallisation au mouvement ouvrier en Allemagne que le noyau form� par le Parti Communiste ; parce que dans le mouvement ouvrier allemand, � part le K.P.D. il n'y a pas de centre spirituel qui puisse �tudier objectivement les besoins du mouvement et tirer de cette �tude des d�ductions pratiques, � pr�cis�ment pour toutes ces raisons le Parti doit analyser impitoyablement ses propres erreurs et en d�couvrir la source. La discussion commenc�e dans le Parti apr�s l'aventure de Kapp ne peut �tre consid�r�e comme close depuis que le Congr�s du Parti a dit son mot sur � l'opposition loyale ï¿½ du Comit� Central.

Il est indispensable de continuer cette discussion pour d�couvrir la source des erreurs commises et t�cher de les �viter � l'avenir. Quant � moi, bien que je reconnaisse qu'une certaine responsabilit� m'incombe dans la ligne politique du K.P.D., � je n'ai pourtant pas donn� jusqu'� pr�sent d'avis sur les questions sujettes � controverse, n'�tant pas assez renseign� pour �mettre un avis. Mais � pr�sent, je ne crois plus possible de m'abstenir, ayant � ma disposition toute la presse bourgeoise, social-patriotique, ind�pendante et communiste du moment, plus les avis des camarades Zetkin, Levi, Braun et Meyer. Je commence par dire que la conduite du Comit� Central pendant les jours de l'aventure de Kapp fut marqu�e par une erreur impardonnable.

L'aventure de Kapp fut une tentative en vue de r�tablir le rogne des junkers et du militarisme. La coalition des social-d�mocrates avec la bourgeoisie donnait aux officiers d'humeur belliqueuse, trop de pouvoir, � ce qui a rendu le coup de main possible. Mais la tentative m�me a d�montr� que les junkers ne sont gu�re satisfaits de l'�tat de choses actuel, du r�gne des Erzberger1 et des Noske. Tenter de r�tablir la r�action des junkers signifiait tenter de liquider tout ce qui fut fait par l'Allemagne depuis le mois de novembre 1918, �poque o� la direction de l'Etat passa dans les mains du capitalisme industriel et commercial. Comme le gouvernement des capitalistes est impossible chez nous sans l'appui des social-d�mocrates, l'existence de ce gouvernement veut dire l'usure de la social-d�mocratie, dernier rempart du capitalisme, dont la d�composition entra�nera la chute du pouvoir du capital. Le retour de la politique allemande du r�gne des junkers et du militarisme permettrait � la social-d�mocratie, apr�s toute sa trahison, de s'affubler du masque de l'opposition : elle lui donnerait la possibilit� de tromper de nouveau les masses. Cette derni�re appr�ciation de la situation d�montre que le Parti Communiste avait le devoir d'appeler le prol�tariat � la lutte contre Kapp et L�ttwitz. Ce devoir �tait d'autant plus clair que la lutte avec Kapp-L�ttwitz men�e �nergiquement et sans piti�, pouvait avoir un autre r�sultat que le r�tablissement du pouvoir d'Ebert et de Noske.

Elle devait entra�ner un changement de forces, un coup de barre � gauche pour tous les spectateurs passifs des �v�nements du 13 mars. Toute la difficult� de la tactique communiste en 1919 consistait justement en ce que, gr�ce au pouvoir de MM. Noske et L�ttwitz, les ouvriers ne voyaient pas que chaque manifestation du Parti Communiste ne mobiliserait qu'une partie de la masse ouvri�re... Au moment, o� les syndicats et la social-d�mocratie �taient forc�s, pour leur propre salut, d'appeler les ouvriers � une gr�ve g�n�rale, � � ce moment, sans doute, le Parti Communiste devait se confier aux vagues de la lutte pour l'approfondir, la mener plus loin, que ne voulaient les Ebert et les Scheidemann. Il est vrai qu'il y avait chez nous diverses opinions. Wolffheim et Laufenberg, en d�cembre 1919, quand on sentait de plus en plus l'imminence du coup d'Etat militaire �crivaient dans le Journal Communiste Ouvrier, qu'ils ne feraient que sourire � en voyant Ludendorff casser la figure � Scheidemann et vice versa ï¿½.

D�s lors, dans un article qui fut reproduit par toute la presse communiste, je d�clarais que seuls les simples d'esprit pouvaient tenir ce langage ; que nous ne lutterions certes pas pour MM. Noske et Ebert, mais que nous combattrions pourtant les Ludendorff de toutes nos forces.

Les camarades qui sont � la t�te du K. P. D. partageaient mon opinion. Comment se peut-il que le Comit� Central, bien qu'affaibli par les arrestations et l'absence des militants les plus actifs, ait encore trouv� indispensable de d�clarer que l'heure de la lutte n'avait pas encore sonn� ?

Dans la brochure2 du camarade Braun nous lisons que cette altitude �tait due � la faiblesse de l'organisation berlinoise, incapable alors d'entrer dans la lutte.

Mais les ouvriers berlinois sont autrement nombreux que l'organisation berlinoise du K. P. D. et il est certain que tout membre du Comit� Central doit bien comprendre qu'il ne s'agissait pas d'enflammer l'organisation berlinoise du Parti Communiste mais d'indiquer le but du mouvement au prol�tariat berlinois, de lui donner le mot d'ordre qui le ferait passer les limites trac�es par MM. Legien et consorts.

On voit par l'appel du Comit� Central les causes, non-seulement de l'inaction du Comit�, mais aussi de son attitude, contre toute manifestation... Dans la lutte contre le � putschisme ï¿½ nous n'avons pas cess� pendant 6 mois d'indiquer, que dans l'�tat de choses actuel en Allemagne, le terrain n'est pas encore assez pr�par� pour la conqu�te du pouvoir par le prol�tariat. Bien que le capitalisme ayant rempli sa mission �conomique soit en voie de d�sagr�gation, la majorit� de l� classe ouvri�re n'�prouve encore le d�sir de la r�volution que trop faiblement pour pouvoir conqu�rir et retenir le pouvoir dans la lutte contre le capitalisme admirablement organis�.

Notre opinion est tout � fait fond�e et les camarades s'en souvinrent quand ils publi�rent leur appel.

Leur d�sapprobation du coup d'Etat, servit de terrain de d�veloppement � une sorte de qui�tisme ; de l'impossibilit� de conqu�rir le pouvoir politique en Allemagne, � impossibilit� d�j� �tablie empiriquement en 1919, � en mars 1920 ils ont conclu � l'impossibilit� d'une manifestation r�volutionnaire en g�n�ral, conclusion qui �tait d�j� inexacte pour l'ann�e derni�re, et, au moment de l'aventure de Kapp, �tait non seulement inexacte, mais objectivement pr�judiciable au mouvement r�volutionnaire.

Si en 1919 nous n'�tions pas de force � �tablir la dictature du prol�tariat, nous �tions pourtant de force � organiser une manifestation active contre la dictature du capital.

Et au moment, o� nous �tions menac�s d'un affermissement ouvert du r�gime des junkers (ce qui for�ait m�me les ouvriers social-d�mocrates � prendre part � la lutte), la position du Comit� Central fut une manifestation de cr�tinisme complet.

Si Braun d�clare dans sa brochure que le 13 mars, l'appel � la lutte �tait psychologiquement impossible, car les ouvriers se r�jouissaient du renversement de Noske, � il se montre mauvais observateur ; comment expliquer autrement la gr�ve g�n�rale qui, 24 heures plus tard, �clatait � Berlin. On ne peut accuser les masses d'inactivit� ; seuls sont fautifs les membres du Comit� Central qui �taient alors � Berlin et se plac�rent � un point de vue tout � fait faux.

Avant mon d�part de Berlin, je voyais clairement, que l'antiputschisme mena�ait de faire reculer les communistes jusque dans les mar�cages d'une tactique d'expectative et j'ai manifest� cette appr�hension dans ma lettre au Congr�s du Parti autrichien, en faisant remarquer que la Rote Fahne de Vienne adoptait une position de critique et d'observation dans la lutte sociale prol�tarienne. Je n'ai jamais cru que les chefs du prol�tariat allemand, �lev�s dans les combats, pussent atteindre dans leur opposition au � putsch ï¿½ � des absurdit�s telles que l'appel du Comit� Central du 13 mars.

Apr�s l'exp�rience des �v�nements de mars, le devoir des camarades luttant contre le � Putschisme ï¿½, consistait non pas � emp�cher la manifestation du prol�tariat, mais � lui aplanir le chemin, en �cartant tous les d�tracteurs, tous les phraseurs r�volutionnaires du � putschisme ï¿½ qui emp�chent le prol�tariat de saisir le moment favorable pour la r�volution ; le devoir de ces camarades �tait de crier au Parti Communiste, que bien que nous soyons en minorit�, nous sommes le Parti de l'action, et non le Parti de la propagande, que la passivit� est un crime � un moment o� les �v�nements appellent � la lutte non seulement l'avant-garde du prol�tariat, mais le prol�tariat tout entier.

Il est temps que les communistes allemands comprennent que nous n'en sommes plus au 6e ou au 9e mois de la r�volution allemande ; voici dix-huit mois que l'Allemagne est en r�volution. Pendant ces mois le processus de d�sagr�gation du capitalisme a progress� � pas de g�ant ; pendant cette ann�e et demie, les dissensions de l'Entente n'ont pas cess� d'augmenter en gravit� et le peuple comprend apr�s l'aventure de Kapp que la soi-disant d�mocratie le m�ne � la domination des g�n�raux. D'apr�s la mani�re dont la presse contre-r�volutionnaire allemande d�crit la chute imminente de la garde-blanche polonaise, on voit que si l'arm�e rouge russe vient � bout de la Pologne contre-r�volutionnaire, la contre-r�volution allemande se tournera contre le prol�tariat allemand, pour mettre un frein � la r�volution mondiale qui commence en Occident. La conf�rence de San Remo et de Hythe et la conf�rence qui doit avoir lieu � Spa prouvent que l'Entente est entr�e dans la voie des compromis avec la contre-r�volution allemande. La raison qui a fait na�tre cette nouvelle tendance, il ne la faut pas seulement chercher dans la conscience grandissante de l'in�luctabilit� du naufrage du capitalisme allemand, auquel sont �troitement rattach�s les int�r�ts les plus grands de l'Entente elle-m�me, mais �galement dans la conscience, que la chute de la contre-r�volution polonaise priverait l'Entente de la possibilit� de se soumettre d�finitivement l'Allemagne et forcerait l'Entente � prendre la d�fense de la contre-r�volution allemande et du capital allemand, qui leur servirait d�sormais de tampon contre la r�volution mondiale. Dans ces conditions, le renforcement de l'activit� politique du communisme allemand devient la question vitale de l'Internationale.

Le Parti ne peut d'ann�e en ann�e ruminer les � v�rit�s ï¿½ anti-putschistes qui deviennent des erreurs par suite de l'irr�sistible croissance de la r�volution dans l'avant-garde du prol�tariat allemand.

Il est impossible de donner de Moscou des directives concr�tes au Parti Communiste allemand, et nous consid�rons toujours que sa t�che consiste � se cr�er lui-m�me sa ligne de conduite. Mais de m�me que le comit� ex�cutif de Moscou comprit bien l'ann�e pass�e que, dans le mouvement politique allemand, ceux qui luttaient avec les � putschistes ï¿½ avaient raison, il lui devient aujourd'hui �vident que la propagande doctrinaire antiputschiste n'est plus qu'un frein au mouvement, l'heure venant pour le parti de faire de grandes choses. Les erreurs du 13 mars ne doivent pas �tre amoindries, elles doivent �tre appr�ci�es historiquement comme le retour aux tendances de 1919.

L'activit� montr�e dans tout le pays par le Parti Communiste allemand, malgr� l'absence de soutien de la part du Comit� Central, dans les �v�nements du 13 mars, est une preuve de sa maturit�. Une autre preuve de sa maturit� c'est que le Parti, r�uni en Congr�s, a ouvertement condamn� les erreurs du Comit� Central.

II.� L'opposition loyale

Apr�s que le poing de fer de la gr�ve des masses ouvri�res de Berlin eut fait rentrer sous terre les bandes de Kapp, les travailleurs se trouv�rent devant cette situation : Kapp avait disparu, mais les soldats de Kapp �taient rest�s. � Berlin et dans les environs ils �taient 10 000 hommes de troupes. Et il y avait mieux : ce qu'on appelait les troupes gouvernementales en province n'�taient rien autre que la m�me garde blanche. Cette situation cr�ait tout le probl�me � r�soudre efficacement : combattre les blancs, les combattre pour les d�sarmer et pour armer le prol�tariat. Le reste n'�tait que sornettes pr�sentant quelque int�r�t dans certaines coulisses, mais qui ne pouvaient modifier la corr�lation des forces. Pour la classe ouvri�re allemande toute la question �tait de savoir si elle pourrait concentrer suffisamment la lutte dans tous les centres pour que le gouvernement d�sar�onn� de Noske et d'Ebert ne p�t, de ces centres m�mes, faire son pauvre de r�action et pour que les �l�ments militaires de la contre-r�volution priv�s de leurs chefs par la disparition du groupe de Kapp ne pussent pas servir d'appareils de r�pression.

Et c'est dans cette situation que les social-d�mocrates dirig�s par le saltimbanque le plus impudent Legien, jettent l'app�t aux Ind�pendants. Ils traitent avec eux de la rupture de la coalition avec la bourgeoisie, ni plus ni moins, et de l'�tablissement d'un gouvernement socialiste auquel devaient participer les paladins ind�pendants et... d�pendants. Que ce n'�tait l� qu'une man�uvre de filous, que Legien ne fut qu'un droitier � et d'ailleurs vendu � de la social-d�mocratie allemande, la chose ne pouvait �tre perdue de vue � Berlin � l'heure de la lutte. On ne pouvait non plus perdre de vue, dans la mesure o� les acteurs de la r�volution se rendaient compte de la corr�lation r�elle des forces, le fait que le gouvernement d'Ebert ne pouvait en aucun cas rompre avec la coalition et chercher un point d'appui � gauche. Il ne constituait un facteur r�el que dans la mesure o� il disposait de certaines troupes de la Reichswehr qui n'avaient pourtant pas �t� envoy�es contre Kapp ; d'une part le gouvernement s'en d�fiait et de l'autre il voulait les r�server pour tenir t�te, le cas �ch�ant, aux masses ouvri�res. Le gouvernement n'aurait pu s'appuyer quelque peu sur la Reichswehr que parce qu'il n'avait pas rompu avec les partis bourgeois et s'�tait sauv� � Stuttgart au moment o� �tait rentr� � Berlin l'ancien gouvernement national. Mais il lui e�t suffi de rompre avec la bourgeoisie pour que ses troupes rest�es fid�les se fussent � l'instant jointes � celles de Kapp. Le gouvernement se f�t ainsi trouv� absolument sans appui militaire et n'aurait pu trouver que dans les masses ouvri�res des forces suffisantes pour ma�triser la Reichswehr. Et il fallait des fourbes conscients de l'esp�ce de Crispien et Hilferding pour songer � ce moment � l'�tablissement d'un gouvernement nouveau au lieu de penser � la continuation de la lutte et au d�sarmement � tout prix de la Reichswehr. Malheureusement une fraction du Comit� Central du Parti Communiste allemand prit part � ce petit jeu, t�moignant ainsi de son incapacit� � concevoir les rapports v�ritables des forces. Et comme au 15 mars, lorsque cette fraction du Comit� Central avait d�clar� que l'heure des actions d�cisives n'�tait pas encore venue, elle ne fut pas cette fois encore une force motrice. La t�che du parti communiste � ce moment �tait uniquement d'adresser au prol�tariat un puissant appel, de lui annoncer qu'il �tait temps de ramasser toutes ses forces pour une lutte arm�e contre la Reichswehr ; car une semblable conjoncture, pendant laquelle ses troupes se trouvent dispers�es dans le pays en fermentation peut ne pas se reproduire de longtemps ; de longtemps une semblable confusion, une semblable discorde au camp de la r�action peut ne pas se reproduire. Les consid�rations sur l'insuffisance de maturit� des masses doivent en ce moment passer au second plan et c�der le pas � la r�solution de combattre qui prouvera, elle seule, la maturit� politique du prol�tariat... L'�poque r�volutionnaire se distingue pr�cis�ment du temps de paix en ce que l'exp�rience des masses s'y cristallise quelquefois � des moments spasmodiques de la crise : ce qui paraissait impossible hier devient aujourd'hui r�alisable. Celui qui dans une semblable situation se borne � enregistrer le mouvement de l'histoire et n'est pas lui-m�me une force motrice est un historien et non un politique. Il peut en qualit� d'historien avoir raison par la suite et passer brillamment son examen d'histoire, mais il fera en attendant la culbute et c'est toujours l� l'examen des faits. La fraction du Comit� Central du Parti Communiste allemand qui dirigeait � ce moment le parti politique a �chou� � ses examens d'histoire ; et comme l'incapacit� d'action et la d�bilit� de volont� m�nent toujours aux illusions, de ce mar�cage d'incapacit� d'action a surgi la d�claration du 21 mars, celle de l'opposition loyale.

Apr�s que la social-d�mocratie eut propos� aux Ind�pendants d'entrer en n�gociations au sujet de la cr�ation d'un gouvernement socialiste, les droitiers du parti des Ind�pendants firent pression sur la gauche refusant naturellement de participer sans eux au gouvernement. Les Ind�pendants de gauche auxquels pendant toute une ann�e nous n'avons pas cess� de r�p�ter qu'un gouvernement de coalition avec Scheidemann ne pourrait �tre qu'un gouvernement de trahison, qu'il n'y a pas de gouvernement ouvrier autre que celui des soviets, les Ind�pendants de gauche s'oppos�rent � la constitution d'un gouvernement qui e�t �t� form� de social-d�mocrates et de membres de leur parti. Le camarade Braun l'�crit dans sa brochure. Qu'est-ce � dire ? Les Ind�pendants de gauche ont avec eux des millions d'ouvriers. Si, sous l'influence de ces masses ouvri�res, ils se pronon�aient contre l'illusion d'un gouvernement ouvrier sans d�sarmement de la garde blanche, sans formation de soviets, ce seul fait donnait la possibilit� de les pousser plus en avant au combat pour le d�sarmement. Il y avait une possibilit� de les prendre au mot, de les contraindre � l'action et de les d�masquer s'ils n'avaient pas tenu leurs promesses. Que fit donc la fraction du Comit� Central qui avait � ce moment la responsabilit� des actes du parti ? Le compte rendu du camarade Braun est � cet �gard une perle digne de passer � la post�rit�. Il �crit : � Les communistes n'ont certes pas le droit de prendre le pouvoir tant qu'ils ne l'ont pas conquis et tant qu'ils ne peuvent s'appuyer sur les couches les plus profondes de la classe ouvri�re. Il fallait d'autre part rendre impossible le retour du gouvernement de coalition. Pour tout parti ind�pendant qui n'est pas communiste, qui ne reconna�t pas dans la pratique la dictature du prol�tariat et refl�te ainsi de fa�on saisissante la maturit� insuffisante du prol�tariat pour la prise du pouvoir, un devoir historique s'impose. Celui de tirer les conclusions n�cessaires et de se montrer tel qu'il est ï¿½. On peut en variant quelque peu ces paroles dire du camarade Braun et de ceux dont il exprime l'opinion qu'ils ont v�ritablement le courage de se montrer tels qu'ils sont : des ratiocineurs et non des militants.

Il suffit d'y penser. Voici 18 mois que nous soutenons une lutte acharn�e contre les Ind�pendants, gr�ce � l'action des faits m�mes et � nos efforts, les neuf dixi�mes des adh�rents du Parti Ind�pendant sont devenus des combattants et participent au combat de la r�volution � c�t� des communistes.

Certains leaders des Ind�pendants font preuve de tendances communistes tellement prononc�es que le Comit� Central du Parti Communiste allemand est entr� avec eux en pourparlers de principe concernant leur adh�sion � la 3e Internationale. Dans les conditions les plus favorables de la r�volution allemande, les Ind�pendants de la gauche ont d�montr� qu'ils �taient effectivement enclins � reconna�tre la dictature du prol�tariat, mais une partie du Comit� Central leur adressa l'appel suivant : ï¿½ Vous n'�tes communistes qu'en apparence ; en r�alit�, vous devez repr�senter l'insuffisance de la pr�paration des masses, et nullement, leur maturit� croissante... Dieu vous garde de rompre avec votre aile droite. Dieu vous pr�serve de renoncer � prendre part au gouvernement des Scheidemann... Votre devoir historique est de leurrer encore une fois le prol�tariat... ï¿½ Au lieu d'�tre une force motrice, incitant les Ind�pendants � d�fendre leurs opinions, cette partie du Comit� Central les pousse � la suite des Scheidemanniens, � la trahison de la classe ouvri�re.

Malgr� l'opposition de l'autre groupe, cette partie du Comit� Central r�pondit � la question des Ind�pendants de la gauche sur l'attitude des communistes envers le pouvoir ouvrier par la d�claration du 21 mars, d�claration qui, sous forme marxiste, et se donnant l'apparence d'exprimer ce qui est, exprimait non la situation g�n�rale v�ritable du moment, mais l'opinion que s'en faisait alors cette partie du Comit� Central, c'est-�-dire un simple cercle de raisonneurs politiques... Le paragraphe 4 de cette d�claration fut vivement critiqu�. Il reconnaissait �videmment la possibilit� d'un ordre de choses o� la domination de la d�mocratie bourgeoise serait possible sous une forme autre que celle de la dictature du capital. Or, cela ne peut �tre qu'un lapsus calami... Mais l� ne r�side pas le centre de gravit�, le p�ch� de la d�claration. Le vice de la d�claration consiste, premi�rement, en ce que le Comit� Central induisait les masses en erreur en pr�tendant qu'elles pouvaient organiser un nouveau pouvoir r�volutionnaire sans avoir pr�alablement d�sarm� les blancs dans une tenace lutte individuelle et de classe. Il consiste en ceci que le Parti Communiste, poursuivant le fant�me du pouvoir r�volutionnaire, renonce � ses positions r�volutionnaires ; en d�clarant qu'il va poursuivre une politique d'opposition loyale envers le pouvoir, et fait remarquer qu'il entend par les mots � opposition loyale ï¿½ son renoncement aux pr�paratifs d'une r�volution par la violence, tout en restant fid�le � son devoir d'agitation politique, � la condition toutefois, que le pouvoir socialiste combattrait la contre-r�volution et n'opposerait point d'obstacles aux ouvriers dans leur lutte. Ainsi Don-Quichotte, embrassant une souillon dans une �table, lui pr�tait serment de fid�lit�, s'imaginant qu'elle �tait fille de roi, qu'elle resplendissait de beaut� et poss�dait toutes les qualit�s morales et physiques. � De m�me, toutes ces suppositions ne correspondant en rien � la r�alit�, ne furent qu'une manifestation de Don-Quichottisme, c'est-�-dire d'une conception irrationnelle de la vie. Quand les d�fenseurs de cette d�claration nous disent maintenant qu'ils se r�servaient la possibilit� de commencer une lutte impitoyable contre le gouvernement ouvrier s'il ne remplissait pas son devoir, il ne reste plus qu'� leur r�pondre qu'il n'entre nullement dans la t�che du parti communiste de para�tre plus sot qu'il ne l'est en r�alit�. Le Parti Communiste aurait d� savoir que dans les circonstances donn�es, le gouvernement dit ouvrier aurait trahi le prol�tariat. Quand les social-d�mocrates commenc�rent, de concert avec les Ind�pendants, leurs bavardages sur la formation d'un gouvernement ouvrier, le premier devoir des communistes �tait de mettre les prol�taires en garde contre ce jeu. Leur second devoir �tait de chercher � continuer la lutte. Ce n'est que dans le cas o� l'on n'y aurait pas r�ussi, et o� la formation d'un gouvernement ouvrier repr�senterait un couteau sans lame, s'il ne devient pas un poignard tourn� contre la classe ouvri�re. Ne lui portant pas confiance, nous nous tiendrons n�anmoins en armes ; si les social-d�mocrates annulent l'ordre de dissolution d�j� mis en vigueur, s'ils reconnaissent les soviets ouvriers comme �tant des organes constitutifs du gouvernement ; s'ils le font, nous lutterons contre eux au sein des soviets ouvriers et nous ne leur casserons le cou que lorsque nous aurons, dans les soviets ouvriers �lus d�mocratiquement, une majorit� acceptant la plateforme de la politique communiste et de la dictature du prol�tariat. Ce don, ce cadeau d'un gouvernement ouvrier ne pourrait �tre accept� par le Parti Communiste que lance en main, � pointe contre pointe ï¿½, comme il est dit dans le chant de Hildebrandt, et pas autrement.

En d�fense de la politique oppos�e, parfaitement illusoire, Braun signale la politique des bolcheviks russes expos�e par L�nine � la fin de septembre 1917, apr�s l'insurrection de Kornilov, dans son article sur les compromis. Braun a parfaitement raison en disant que les contingents de la classe ouvri�re doivent �tudier le plus minutieusement possible les exp�riences de l'autre classe dans la lutte r�volutionnaire et doivent s'en servir. Mais �tudier les exp�riences veut dire conna�tre � fond les conditions de lutte de chaque arm�e ouvri�re. On ne peut pas �tudier l'histoire des guerres sans avoir de bonnes cartes topographiques, sans se rendre clairement compte de la disposition des troupes ennemies et la corr�lation de leurs forces. Il n'y a point d'autre strat�gie que l'�tude d�taill�e des campagnes et des batailles isol�es. Quelle que f�t la situation du gouvernement mencheviste-social-r�volutionnaire de K�rensky pendant la r�volte de Kornilov, la majeure partie de l'arm�e �tait oppos�e � la contre-r�volution. L'insurrection de Kornilov essuya une d�faite, non pas tant � cause de la pression de la classe ouvri�re, qu'� cause du refus de l'arm�e � la suivre. Si les mencheviks et les socialistes-r�volutionnaires avaient consenti � rompre avec la bourgeoisie, ils auraient pu s'appuyer non seulement sur la classe ouvri�re arm�e, mais encore sur la majeure partie de l'arm�e r�volutionnaire. C'est l� que r�side la premi�re diff�rence, car tandis que les Scheidemanniens se trouvaient � la merci de la Reichswehr, les mencheviks et les socialistes-r�volutionnaires pouvaient s'appuyer, pour faire front � la coalition Bourgeoise, sur des forces arm�es consid�rables et pouvaient, par cons�quent, en th�orie, modifier effectivement leur politique. Deuxi�mement ; aux jours de Kornilov la classe ouvri�re s'arma ; un sang nouveau afflua dans les veines des soviets ouvriers, ils devinrent le facteur d�cisif du pouvoir ; en proposant aux mencheviks et aux socialistes-r�volutionnaires de rompre avec la bourgeoisie, les bolcheviks leur proposaient par l�-m�me de se transformer en un gouvernement sovi�tiste. Braun lui-m�me cite les paroles suivantes emprunt�es � la brochure de Trotsky : � De la r�volution d'octobre � la paix de Brest-Litowsk ï¿½ ; Toutes les exp�riences de coalition pr�c�dentes ont d�montr� la possibilit� d'une seule issue : la rupture avec les cadets et la cr�ation d'un gouvernement sovi�tiste. La corr�lation des forces au sein des soviets �tait � cette �poque telle que le gouvernement sovi�tiste se serait trouv� entre les mains des socialistes-r�volutionnaires et des mencheviks. En lan�ant leur mot d'ordre � Tout le pouvoir aux soviets ï¿½, les bolcheviks offraient donc aux mencheviks : 1� de rompre avec la bourgeoisie et 2� d'�tablir un gouvernement sovi�tiste... Ils poursuivaient, par cons�quent, une politique qui non seulement n'�tait pas en contradiction avec leur programme, mais qui s'y conformait enti�rement, politique de cr�ation d'un gouvernement sovi�tiste sur base de la corr�lation de forces au sein des soviets. L'article c�l�bre de L�nine sur les compromis a pr�cis�ment trait � cette question. Or, les auteurs de la d�claration sur l'opposition loyale me voulaient pas de gouvernement sovi�tiste, au contraire ils n'aspiraient qu'� la r�p�tition du Gouvernement Ouvrier, du mod�le Scheidemann-Haase, et cela justement � l'�poque o� ce gouvernement des ouvriers se trouvait indubitablement sans appui : l'allusion � la politique r�aliste des bolcheviks dans le but de d�fendre cette politique illusoire ne fait que d�voiler le fait qu'une partie des camarades du Comit� Central furent des imitateurs et non des lutteurs politiques. Certes, Braun a parfaitement raison quand il traite de non-marxiste toute critique de principe qui n'admet pas de p�riode de transition. Si les Ind�pendants et les Scheideimanniens avaient form� un gouvernement qui aurait entrepris de combattre la contre-r�volution, nous aurions �t� oblig�s de pr�ter appui � ce gouvernement afin de le pousser en avant. Qui d�cline cela, propose des principes irr�els ; or, la souplesse de la tactique ne consiste pas � faire la chasse aux ombres, mais uniquement � mettre � profit pour la r�volution les faits r�els.

Quelle est donc la source des erreurs de la partie du Comit� Central qui a fait la chasse au fant�me du gouvernement ouvrier et rappel� aux Ind�pendants leurs devoirs contre-r�volutionnaires, au lieu de leur rappeler leurs devoirs r�volutionnaires ? La d�claration du 21 mars naquit de la d�claration du 13 mars. L'exp�rience de la strat�gie a �tabli que les erreurs commises au d�but de la campagne sont difficiles � r�parer durant son cours. Ce fait empirique a une signification d'autant plus grande pour la strat�gie de la lutte de classe que de telles erreurs ne r�sultent pas d'erreurs de calculs ordinaires, mais ont g�n�ralement leur source dans la direction d'ensemble. Ce que nous avons dit au d�but, dans la premi�re partie de notre article, � savoir qu'une partie du Comit� Central appr�ciait en mars 1920 la tactique du communisme du point de vue de mars 1919, qu'elle craignait les aventures r�volutionnaires, alors qu'elle se trouvait au centre de l'action r�volutionnaire de masse � voil� la source de cette erreur. Certes, la r�volution n'avance pas plus rapidement qu'elle ne peut, mais celui qui � tout moment de l'action au lieu de chercher � h�ter le cours de l'histoire s'efforce de le ralentir, celui-l� cesse d'�tre un facteur de transformation sociale, pour devenir une force d'inertie. Au commencement de mars 1920 une partie du Comit� Central �tait convaincue de l'inaptitude de la classe ouvri�re au combat.

La classe ouvri�re et le Parti Communiste leur donn�rent un d�menti sur toute la superficie de l'Etat. Pouss� par ses �l�ments plus perspicaces, le Comit� Central entama la lutte. Il ne pr�chait d�j� plus la cessation de la gr�ve g�n�rale ; mais le chant de l'inaptitude de la classe ouvri�re au combat demeurait toujours dans son �me, et quand les Ind�pendants commenc�rent leurs coquetteries avec les social-d�mocrates, il poussa un soupir de soulagement. S'il est permis de nous exprimer ainsi, nous dirons : Le Comit� Central atteignit donc l'oasis, o� ceux qui n'avaient pas foi en la combativit� des masses pouvaient se reposer sur le terrain d'une opposition loyale � l'ombre d'un fant�me de gouvernement ouvrier. Le cr�tinisme parlementaire c�da la place au cr�tinisme gouvernemental. Le Comit� Central ne se demanda pas s'il �tait possible du continuer la lutte, n'examina m�me pas la possibilit� existante, en g�n�ral, d'un soi-disant gouvernement ouvrier, sans un combat pr�alable contre la garde blanche. Le gouvernement ouvrier �tait pour lui, comme pour Kapp, identique � l'entr�e triomphale de Legien et de Crispien dans la Wilhelmstrasse. Alors les ouvriers devaient �tre arm�s. Dans sa d�claration du 21 mars 1920, le Comit� Central r�p�te en trois paragraphes, que la classe ouvri�re n'a pas de forces arm�es suffisantes � sa disposition. Qu'est-ce � dire ? Que les armes et les arsenaux se trouvaient entre les mains des contre-r�volutionnaires, de la garde blanche. Comment pourrait-on modifier ce fait dans la r�alit� r�volutionnaire ? Uniquement par la lutte des masses ouvri�res d�sarm�es ou insuffisamment arm�es ; ce n'est qu'au moyen d'une offensive �nergique et profonde dans tout le pays qu'elles auraient pu vaincre et disperser la garde blanche. C'�tait l� une possibilit� r�elle. Au lieu de cela, le Comit� Central fondait ses esp�rances sur un gouvernement qui d�sarmerait par ordre ou d�cret la garde blanche de la Wilhelmstrasse. La Wilhelmstrasse, terre promise : tel est le mot d'ordre qui renferme toute la sagesse de cette partie du Comit� Central. Mais cette terre promise s'effondra d�s que Legien eut r�ussi, au moyen de n�gociations avec les ind�pendants, � duper et calmer les masses ouvri�res ; les social-d�mocrates revinrent alors � leur premier amour, la coalition avec la bourgeoisie et en r�colt�rent les fruits dans leur d�faite aux �lections.

III. � Contre le danger du possibilisme communiste

Au Congr�s des ouvriers communistes ces derniers se dress�rent �nergiquement contre les erreurs et les aberrations de leurs chefs. L'�pisode de � l'opposition loyale ï¿½ fut liquid�, mais c'e�t �t� la plus grande erreur que de l'oublier ou de le consid�rer, par esprit de conciliation, comme une simple m�prise. Que cette erreur fut possible de la part d'un parti fond� par Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, voil� qui prouve seulement que le Parti Communiste Allemand a une psychologie quelque peu dangereuse. Cela prouve aussi que la lutte contre les aventures r�volutionnaires a laiss� dans le parti un courant � possibiliste ï¿½ qui, s'il n'est pas d�finitivement liquid� intellectuellement, ne ferait que renforcer la tendance semi-anarchique qui se manifeste dans le Parti Communiste ouvrier. Le danger du � possibilisme ï¿½ doit �tre liquid� par ce moyen unique : le Parti doit comprendre que les contrastes de classe s'accentuent de plus en plus, que les r�sultats des �lections cr�ent en Allemagne une confusion politique, que la situation politique mondiale devient de plus en plus compliqu�e, que la lutte de la Russie sovi�tiste contre la Pologne ouvre des perspectives nouvelles, et que, par cons�quent, le devoir du Parti est de penser de plus en plus obstin�ment � ses fonctions actives et non pas � ses fonctions enrayantes. Nous ne voulons pas dire par l� qu'il n'y a plus d'�tapes possibles sur la route qui m�ne � la r�publique sovi�tiste en Allemagne, bien que nous disions tout aussi franchement, que cette possibilit� est, � notre avis, fort m�diocre. Nous le pensons, parce que la social-d�mocratie allemande n'a pas en d�finitive de gauche qui consentirait � prendre sur elle la lutte contre la bourgeoisie, ne serait-ce que sous forme d�mocratique. En outre, si les ouvriers entreprennent une lutte arm�e contre la garde blanche, ils perdront vite leurs illusions d�mocratiques. Toutefois, comme il a �t� dit, la politique cache des possibilit�s dont, bien qu'elles ne fussent que peu probables, il faut absolument tenir compte. Si nous r�ussissions � la prochaine collision r�volutionnaire, � inciter les ouvriers � combattre pour la r�publique sovi�tiste, et si l'histoire nous imposait un Etat transitoire sous forme d'un gouvernement social-d�mocratique ind�pendant � sans aucun doute, nous ne nous jetterions pas dans la lutte avec des forces insuffisantes, nous ne refuserions pas � user de la libert� d'action consid�rablement �largie qu'un semblable gouvernement serait bien oblig� de nous accorder. Mais nous devons nous opposer � ce gouvernement, � cette possibilit�, en ne reconnaissant qu'un loyalisme : le loyalisme envers le programme et la tactique du communisme, qui nous dit ; Ne moissonne pas o� tu n'as pas sem�. Et non le loyalisme envers les social-d�mocrates et les ind�pendants en cas de formation par eux d'un gouvernement socialiste et ouvrier dans le but �vident de trahir la classe ouvri�re.

Les le�ons des journ�es de mars sont �difiantes non seulement parce qu'elles ont montre le p�ril cach� dans le Parti Communiste, mais encore parce qu'elles ont pos� le probl�me sur lequel devront s'arr�ter en passant les communistes de tous pays, ceux qui font l'�ducation du Parti Communiste dans sa lutte avec les �l�ments instables de la classe ouvri�re, qui dans certaines circonstances sont capables de former un bloc avec les opportunistes.

Dans son livre sur les maladies infantiles du communisme le pilote de la r�volution mondiale, L�nine, pr�conise une si grande �lasticit� d'action dans le d�veloppement de la classe ouvri�re qu'elle va jusqu'au bloc �lectoral avec Henderson et consorts en Angleterre tant que les masses ouvri�res les suivent. Mais il dit aussi aux communistes : si les circonstances nous obligent � �lire Henderson pour porter un coup � la coalition bourgeoise, faites-le, mais r�p�tez aussi le plus souvent possible aux travailleurs : Henderson est un tra�tre, Henderson vous trahira, et nous le jetterons bas. R�p�tez-le plus souvent afin que les travailleurs puissent perdre leur confiance en lui. Nous le suivons comme ses h�ritiers. Et il n'est pas question d'opposition loyale. Et c'est ici le centre de gravit� de votre action r�v�latrice ; c'est ici que vous devez vous montrer capable de rejeter aux ordures les produits tar�s de l'histoire. Et ceci est de la politique r�aliste.

La politique communiste est menac�e de deux dangers. Tout d'abord c'est que, par suite des appels r�it�r�s et des coups de trompette de ceux qui, dans la masse ouvri�re, se tiennent � l'�cart de l'action, cette politique pourrait �tre tent�e de remplacer l'action directe. Le second danger r�side dans la possibilit�, pour le parti, de perdre, dans son d�sir de s'unir � la masse sur le terrain de l'action, ses traits intrins�ques et ses propres devises. L'Internationale Communiste doit lutter contre ces deux dangers. Nous ne pouvons pas poursuivre une politique communiste sans nous rattacher aux masses qui ne se d�veloppent que lentement, et nous ne pouvons pas, d'autre part, poursuivre une politique communiste en nous abaissant au niveau des masses qui se trouvent encore dans les phases inf�rieures de leur d�veloppement. La solution du probl�me consiste � avoir notre propre politique communiste, qui p�n�trerait les masses, les pousserait en avant et � lutter pour la conqu�te des syndicats. Le Parti Communiste Allemand a �chapp� au premier danger. Mais en mars dernier il a prouv� que le second d�passait ses forces ; et ce second danger menace les partis communistes de tous les pays, qui partout absorbent les �l�ments centristes et sont contraints de ma�triser les �l�ments les plus imp�tueux en se conformant au rythme donn� du d�veloppement. En ce dernier cas, nous sommes en pr�sence d'un autre danger ; ceci pourrait amener la d�g�n�rescence du Parti Communiste, en tant qu'�l�ment d'action d'avant-garde, et la formation de partis centristes sous le drapeau du communisme. L'attitude du Parti Communiste Allemand envers l'erreur commise par certains �l�ments du Comit� Central permet de conclure que le danger ne peut �tre pour lui ni de longue dur�e, ni d'une grande importance. Il est plus grand pour le parti italien et pour le mouvement communiste fran�ais, c'est pourquoi le Parti Communiste Allemand et l'Internationale Communiste doivent, en tenant compte de la le�on des journ�es de mars, s'adresser aux partis communistes, en reconnaissant devant eux que le jour et l'heure de notre victoire d�pendent non seulement des forces historiques, mais encore de notre propre force, de notre volont� de vaincre, de notre �nergie. Prenez en consid�ration les autres c�t�s du parall�logramme historique, mais augmentez, en premier lieu, votre pression, votre �nergie, et le trac� des lignes changera autrement vite en notre faveur, que si nous tentions de devenir la diagonale de ce parall�logramme. Cette diagonale � ce sera l'action g�n�rale des masses ; quant � nous, l'histoire nous pr�destine � �tre la force impulsive de la r�volution.

Notes

1 Mathias Erzberger, membre du Zentrum et ministre de Scheidemann. Il allait �tre assassin� par l'extr�me-droite en ao�t 1921.

2 M. Braun, Die Lehren des Kapp-Putsches (Les le�ons du putsch de Kapp), Leipzig, �dition Frank.


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