1919

Source : num�ro 18 du Bulletin communiste (premi�re ann�e), 15 juillet 1920. Cette lettre a paru avec la r�ponse de L�nine sous le titre � L�nine et le parlementarisme ï¿½, pr�c�d�e de l'introduction suivante :
� De divers c�t�s, on a cherch� � exploiter, soit en faveur du parlementarisme bourgeois, soit en faveur de l'anti-parlementarisme anarchiste, la pens�e de L�nine. La lettre de celui-ci, que nous publions ci-dessous, met toutes choses au point. L�nine ne comprend l'emploi du parlementarisme que suivant la conception du marxisme r�volutionnaire, c'est-�-dire la lutte contre le Parlement et toutes les institutions bourgeoises au sein m�me du Parlement. Cette m�thode, illustr�e par Liebknecht en Allemagne, par les d�l�gu�s bolchevistes � la Douma, par H�glund en Su�de, tout r�cemment encore par Clara Zetkin au Reichstag, n'a rien de commun avec celle de Paul Faure, L�on Blum, etc., qui est une m�thode de repl�trage du parlementarisme bourgeois. A l'origine, la lettre de Sylvia Pankhurst fut publi�e sans signature ; mais le Call de Londres ayant reconnu l'auteur, la d�signa nomm�ment, et elle ne d�mentit pas. ï¿½
D'apr�s la r�ponse de L�nine la lettre de Sylvia Pankhurst date du 16 juillet 1919.


Lettre � L�nine

Sylvia Pankhurst



Cher camarade L�nine,

Je ne cesse de souhaiter une conversation avec vous. Je vois notre mouvement ouvrier anglais ruin� par le parlementarisme et par les conseils municipaux. Des gens veulent �tre �lus. Le plus grand nombre veut �lire, et tout travail pour le socialisme est � cette fin remis ; on �touffe la propagande socialiste de peur de perdre des votes. Et les �lus gonfl�s de leur importance ont la plus grande indulgence pour les abus du syst�me capitaliste.

Je sais qu'il est impossible de r�veiller l'esprit r�volutionnaire chez des gens qui veulent gagner aux �lections � tout au moins dans ce pays. La conscience de classe semble dispara�tre � mesure que s'approchent les �lections. Un parti qui obtient des succ�s �lectoraux est un parti perdu pour l'action r�volutionnaire. Dans ce pays, nous avons, comme vous savez :

  1. Le vieux parti trade-unioniste, qui n'a ni largeur de vue, ni l'id�alisme et n'est pas socialiste ;

  2. L'Independent Labour Party souvent bourgeois, souvent ultra-religieux ;

  3. Le British Socialist Party qui se croit plus avanc� que' l'I. L. P. mais qui souvent, vaut moins du point de vue du communiste. Ces deux partis pensent trop � gagner aux �lections et quand ils y ont obtenu des succ�s, ils abandonnent presque toujours les ouvriers.

  4. Les industrialistes r�volutionnaires, croyant en l'action directe, � �l�ment qui permet les plus grandes esp�rances ; il y a parmi eux des hommes remarquables, poss�dant cette inflexibilit� qui sera essentielle quand surviendra la r�volution, � mais qui quoique manquant souvent de capacit� organisatrice en dehors de leur propre sph�re d'action, ont cependant de grands esprits et du c�ur.

Tous ces �l�ments ont subi � diff�rents degr�s l'influence de la r�volution russe. Les officiels du groupe 1 sont alarm�s et certains de leurs adh�rents ont pass� au groupe 4. Au 2, les leaders sont pour le moins choqu�s et alarm�s, certains de leurs adh�rents se rapprochent du 4. Au 3 les uns sont timides, les autres se rapprochent du 4. Ce dernier groupe 4 a longtemps ch�ri l'id�e d'organiser la soci�t� selon les principes des Soviets, avant m�me de conna�tre les Soviets. Il est fortifi� par les nouvelles de Russie. Il est surtout compos� de simples ouvriers, mineurs ou m�caniciens, quoique ce type apparaisse maintenant dans toutes les industries.

Ce groupe 4 m�prise l'action parlementaire : jamais il ne s'alliera � un parti pr�sentant des candidats pour les �lections parlementaires ou locales. Les Workers' Committees et les Shop Stewards doivent �tre unis � ce groupe 4, quoi qu'ils soient souvent moins avanc�s.

Il y a aussi le Socialist Labour Party (5), plut�t anti-parlementaire, mais qui, lors des derni�res �lections, pr�senta des candidats, perdant ainsi largement la confiance du 4 qui fournissait un grand nombre de ses membres.

  1. La Workers Socialist Federation, plus petite et plus jeune que les autres, compos�e en grande partie de femmes, ce qui marque son origine, bien que la plupart de ses nouveaux membres soient des homme ; c'est surtout, plus que les autres, le parti du petit peuple, travaillant aux coins des rues et ayant son quartier g�n�ral dans l'East-End. A sa conf�rence de Whitsuntide1 il s'est transform� en parti communiste, mais � la demande du camarade R... et de quelques autres, il s'abstient d'user de ce titre tant que tous les efforts n'ont pas �t� faits pour former un parti communiste unique en fondant les groupes 3, 5, 6 et 7, ce dernier �tant la soci�t� socialiste du pays de Galles �troitement en harmonie avec le 4. On nous dit que le 4 ne peut pas entrer dans le parti communiste, quoique ses membres puissent y adh�rer. Je rie suis pas si certaine que ces groupes ne puissent fusionner.

Mais pourquoi vous �crire tout ceci ? Pour dire qu'� mon avis la question parlementaire met tout en retard. Le 3 et 5 veulent encore pr�senter des candidats, ce qui d�concerte les �l�ments 4, 6 et 7.

Je doute que vous conceviez combien dans ce pays la conscience de classe est une plante plus tendre que partout ailleurs et combien les intrigues politiques sont plus fortes et plus subtiles.

Je souhaite que vous parliez de l'action parlementaire. J'ai lu la lettre que vous ont adress�e les communistes finlandais. Ce message est n�cessaire ici aussi. Je souhaite que vous nous �criviez de mani�re � h�ter nos progr�s hors du r�formisme. Ce que vous dites fait beaucoup r�fl�chir les hommes, ceux du moins qui veulent r�ellement la r�volution. Je pense que si vous �tiez ici vous diriez : Concentrez les forces sur l'action directe r�volutionnaire. Ne touchez pas � la machine politique. Telle est ma pens�e. Je crois qu'il n'y a pas de pays o� !a machine politique soit pour les ouvriers aussi difficile � diriger et soit aussi bien construite pour les circonvenir

Sinc�rement � vous.

Sylvia PANKHURST.

P.-S. � Je tiens � vous faire conna�tre que la masse des ouvriers d'industrie, dans des proportions de plus en plus sensibles, veut r�ellement la r�volution et n'a besoin que d'�tre guid�e pour l'organiser. Mais nous sommes lents et combien le monde ne doit-il pas � la Russie ! Si vous dites que les conditions d�terminantes ont produit le r�sultat, certes c'est vrai ; mais votre claire exposition de ce fait ouvre une nouvelle perspective, et nous comprenons en vous lisant qu'une longue propagande a, en Russie, pr�par� le peuple � tirer parti de ces conditions.

Si nous pouvions seulement unir tous ceux qui croient � la r�volution et les faire travailler pour elle au lieu de s'occuper d'�lections ! Outre la propagande, il y a l'organisation, et nous sommes � pr�sent des enfants dans une for�t inconnue ou dans une contr�e inexplor�e. Nous devons explorer chaque r�gion en nous demandant comment nous nous rendrons compte du mouvement favorable. Nous nous y efforcerons, mais vous pourriez concentrer plus de forces dans cette direction si par un discours ou par un article � ce message nous touchera � vous vouliez bien nous conseiller. Quant � la propagande, oh l'on dira : nous ne suscitons pas de conflit ; c'est le gouvernement qui le provoque. Comme si c'�tait une honte de cr�er des ennuis au capitalisme !

Note

1 Pentec�te.


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