1848-49 |
Marx et Engels journalistes au coeur de la révolution... Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec. |
La Nouvelle Gazette Rhénane
La nouvelle Constitution prussienne
Cologne, le 12 mai.
En novembre dernier, après avoir dispersé les représentants du peuple, le troisième membre - résidant à Potsdam - de la Trinité établie par la grâce de Dieu et de la loi martiale [1] a octroyé une Constitution destinée à être soumise à une révision par les Chambres appelées à se réunir rapidement. On sait que le même destin qui avait été celui des anciens représentants du peuple devint rapidement celui des nouveaux élus; les uns avaient été dispersés par les baïonnettes de Wrangel : un simple petit billet de Manteuffel annonçant la dissolution ordonna aux autres de rentrer dans leurs foyers [2] . En conséquence de quoi il était mis fin du même coup à la révision.
Le souverain chrétien-germanique et ses acolytes, l'armée entière des bandits de grands chemins, des parasites et des vampires du peuple, riches ou pauvres en aïeux, constellés ou non de décorations, ont repris du terrain pour le cultiver selon leur cœur.
En novembre dernier la royauté, les corps de fonctionnaires et les hobereaux étaient encore contraints fréquemment à des formules hypocrites, et à des dispositions constitutionnelles, apparemment très libérales. La Constitution de novembre devait être présentée de telle façon que la partie stupide et abondamment représentée du soi-disant « peuple prussien » s'y laisse prendre à tout coup.
Maintenant, de tels égards et de telles finesses diplornatiques sont devenues superflues. Le beau-frère Nicolas, ne foule-t-il pas déjà le sol allemand avec 20 000 hommes ? Dresde n'a-t-elle pas été bombardée ? N'y a-t-il pas une alliance des plus intimes entre le lâche réfugié de Königstein, l'impérial Max de Munich [3] , le bouledogue Ernest-Auguste de Hanovre et toute la bande contre-révolutionnaire, en Allemagne et à l'extérieur de l'Allemagne ?
Eh bien, ce moment a été utilisé au mieux par Hohenzollern. Il a fait élaborer pour ses sujets « bien-aimés » une nouvelle Constitution, et il l'a sanctionnée et octroyée le 10 mai à Charlottenbourg.
La plus récente Constitution du royaume de Prusse, la seule qui ait des intentions honnêtes, avait aussi sur la Constitution de novembre l'avantage de ne comporter que dix-sept paragraphes; les voici [4] :
Notes
[1] Il s'agit de l'action commune des trois monarques réactionnaires de Prusse, de Russie et d'Autriche.
[2] Les députés de l'Assemblée nationale prussienne qui, contrairement à l'injonction du roi de transférer l'Assemblée nationale à Brandenburg continuaient à siéger à Berlin, furent dispersés le 15 novembre 1848 par les troupes du général Wrangel. La seconde Chambre fut dissoute le 27 avril 1849 sur la base d'une ordonnance du gouvernement Brandenburg-Manteuffel.
[3] Pendant l'insurrection de Dresde, en mai 1849, le roi de Saxe, Frédéric-Auguste II, qui avait fui la ville, s'était réfugié dans la forteresse de Königstein. Le « Max d'empire » de Munich est une allusion au roi de Bavière, Maximilien II, que quelques députés de l'Assemblée nationale de Francfort avaient proposé comme candidat à la couronne impériale d'Allemagne.
[4] Dans la Nouvelle Gazette rhénane suivait le texte intégral de l'ordonnance sur l'état de siège du 10 mai 1849 sous le titre « Neueste preussische Verfassung » (La plus récente Constitution prussienne).