1848-49 |
Marx et Engels journalistes au coeur de la révolution... Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec. |
La Nouvelle Gazette Rhénane
LAssemblée ententiste du 15 juin
Cologne, 17 juin
Nous vous disions il y a quelques jours : Vous niez l'existence de la révolution. C'est par une deuxième révolution qu'elle prouvera son existence.
Les événements du 14 juin [1] ne sont que les premières lueurs de cette deuxième révolution, et déjà le ministère Camphausen est en pleine décomposition. L'Assemblée ententiste a décrété un vote de confiance au peuple de Berlin en se mettant sous sa protection [2]. C'est la reconnaissance tardive des combattants de mars. Elle a repris l'uvre constituante des mains des ministres et cherche à « s'entendre » avec le peuple en nommant une commission chargée d'examiner pétitions et adresses concernant la Constitution. C'est la cassation tardive de sa déclaration d'incompétence. Elle promet de commencer son uvre constituante par un acte, la suppression du fondement le plus profond de l'ancien édifice - du régime féodal qui pèse sur le pays. C'est la promesse d'une nuit du 4 août [3].
En un mot : l'Assemblée ententiste a, le 15 juin, renié son propre passé, de même que le 9 juin elle avait renié le passé du peuple. Elle a vécu son 21 mars [4].
Mais la Bastille n'est pas encore prise.
Cependant, venant de l'est, un apôtre de la révolution approche irrésistiblement, inéluctablement. Il est déjà aux portes de Thorn. C'est le tsar. Le tsar sauvera la révolution allemande en la concentrant.
Notes
[1] Indigné de voir l'Assemblée nationale prussienne renier la révolution de mars, les ouvriers et les artisans prirent d'assaut l'arsenal le 14 juin; ils voulaient, en armant le peuple, défendre les conquêtes chèrement acquises et faire progresser la révolution. L'action des travailleurs de Berlin était spontanée. Les renforts militaires et la milice civique réussirent rapidement à repousser le peuple et à le désarmer. Les travailleurs qui avaient dirigé l'assaut donné à l'arsenal, le capitaine von Natzmer, qui avait ordonné aux soldats de l'arsenal de battre en retraite, et son adjoint Techow, furent condamnés plus tard à de lourdes peines de forteresse par un tribunal militaire.
[2] La résolution adoptée le 15 juin 1848 par l'Assemblée nationale prussienne sous l'influence des actes révolutionnaires du peuple de Berlin déclarait que l'assemblée « n'a pas besoin de la protection de forces armées et se met sous la protection du peuple de Berlin ».
[3] Dans la nuit du 4 août 1789 l'Assemblée Constituante française proclama l'abolition des privilèges.
[4] Effrayé par les combats qui se déroulaient dans Berlin, le roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV lança le 21 mars un appel « À mon peuple et à la nation allemande ». Il y promettait hypocritement de donner une constitution, d'introduire des jurys dans les tribunaux, de modifier l'organisation de la justice et de tenir les ministres pour responsables.