1965 |
"(...) de toute l'histoire antérieure du mouvement ouvrier, des enseignements de toute cette première période des guerres et des révolutions, de 1914 à 1938, analysés scientifiquement, est né le programme de transition sur lequel fut fondée la IV° Internationale. (...) Il est impossible de reconstruire une Internationale révolutionnaire et ses sections sans adopter le programme de fondation de la IV° Internationale comme base programmatique, au sens que lui conférait Trotsky dans la critique du programme de l'I.C. : définissant la stratégie et la tactique de la révolution prolétarienne." |
Défense du trotskysme (1)
Reconstruire la IV° Internationale
Ce fut la section française qui eut le dur privilège d'engager le combat, dès l'automne 1950. En juillet 1952, le « S.I. » excluait la section française ; il s'engageait ainsi dans le processus de destruction de la IV° Internationale. Toutes les sections appuyèrent le « S.I. » . Certes, le trotskysme n'était pas l'apanage de la section française. Mais ce fait démontre qu'aucune d'elles n'était vraiment capable, en pratique, de sortir du cercle de ses préoccupations nationales, et laissait aisément carte blanche au « S.I. » pour le reste.
Le 29 mai 1952, au camarade Daniel Renard, qui lui avait écrit au nom de la direction de la section française, James P. Cannon, principal dirigeant du S.W.P., répondait :
« Votre lettre, camarade Renard, ainsi que la déclaration de la majorité de votre Bureau politique sur le X° Plénum, explique que l'essence politique de votre position dans le conflit, c'est l'opposition au "pablisme". Vous le définissez comme une tendance révisionniste, visant une "pure et simple intégration dans le stalinisme", et ainsi une capitulation devant lui. Cette question, comme vous le savez peut-être, a une histoire dans le Socialist Workers Party et, par conséquent, nous est familière. Dès 1950, lorsque le nouveau tournant tactique fut indiqué pour la première fois, les johnsonistes (tendance ultra-gauche qui appartenait à cette époque au S.W.P.), tentèrent de terrifier le parti avec l'épouvantail du "pablisme". Ils cherchèrent à monter une lutte du "canonisme" contre le "pablisme" dans le mouvement trotskyste international. Comme nous avons été dès le début tout à fait en faveur du nouveau tournant tactique, nous n'avions aucune base pour une telle opposition de tendances...
Nous jugeons la politique de la direction internationale par la ligne qu'elle élabore dans les documents officiels - dans la récente période par les documents du 3° Congrès mondial et du X° Plénum. Nous n'y voyons aucun révisionnisme. Tout ce que nous voyons, c'est une clarification de l'évolution d'après-guerre du stalinisme et les grandes lignes d'une nouvelle tactique pour le combattre plus efficacement. Nous considérons ces documents comme entièrement trotskystes. »
Le S.W.P. donnait ainsi le feu vert aux pablistes contre la section française.
Seule la résistance de celle-ci la sauva de la destruction. Son refus de capituler politiquement devait entraver l'action des liquidateurs pablistes en constituant dès 1951-1952 l'embryon d'un centre de résistance politique sur lequel allaient s'appuyer les sections qui, un an et trois mois après l'exclusion de la section française, allaient rompre avec le « S.I. » .
Le 15 novembre 1953, le Comité national du Socialist Workers Party adressait publiquement une lettre ouverte « aux trotskystes du monde entier » où l'on pouvait lire :
« Les principes (de la IV° Internationale) ont été abandonnés par Pablo. Au lieu de mettre l'accent sur la menace dune nouvelle barbarie, il considère la marche au socialisme comme "universelle"; pourtant il ne croit pas que le socialisme sera instauré pendant la vie de notre génération, ou des quelques générations à venir. Il a, au contraire, mis en avant le concept d'une vague de révolutions ne donnant naissance qu'à des états ouvriers "déformés", c'est-à-dire de type stalinien et destinés à durer des siècles...
... Au lieu de s'en tenir au cours fondamental vers la construction par tous les moyens tactiques convenables de partis révolutionnaires indépendants, il considère que la bureaucratie stalinienne, ou une fraction décisive de celle-ci, est apte à se modifier jusqu'à accepter les "idées" et le "programme" du trotskysme. Sous le prétexte de la souplesse nécessaire au cours des manœuvres tactiques requises pour se rapprocher des travailleurs qui se trouvent dans les rangs staliniens dans des pays comme la France, il couvre maintenant les trahisons du stalinisme... (Le) cours organisationnel stalinien commença, cela est clair maintenant, avec l'abus brutal que fit Pablo de son contrôle administratif lors de la campagne de destruction menée contre la majorité de la section française de la IV° Internationale, il y a plus d'un an et demi... Nous pensions que les divergences entre Pablo et la section française étaient d'ordre tactique aux côtés de Pablo, malgré nos réserves sur ses procédés d'organisation, lorsque, après des mois d'une violente lutte fractionnelle, la majorité fut exclue. Mais les divergences étaient dans leur fond de nature programmatique. Le fait est que les camarades français de la majorité virent plus clairement que nous ce qui était se produire. »
(« La Vérité » , n° 326 du 4 décembre 1953.)
Peu après, se constituait le Comité International, soutenu par le S.W.P., et dont les principales sections étaient la section anglaise et la section française :
« (Les) principes fondamentaux établis par Léon Trotsky conservent leur pleine validité dans la réalité politique toujours plus complexe et plus fluide du monde politique actuel. En fait, les situations révolutionnaires qui, comme Trotsky l'avait prévu, surgissent maintenant de toutes parts, ont rendu entièrement concret ce qui pouvait autrefois apparaître comme des abstractions tant soit peu éloignées, non intimement liées à la réalité de l'époque. La vérité est que ces principes acquièrent aujourd'hui une force croissante, à la fois dans l'analyse politique et dans la détermination des actions politiques.
2°) Nous considérons comme déchu de ses pouvoirs le Secrétariat International des usurpateurs pablistes, qui consacre son activité à la révision du trotskysme, à la liquidation de l'Internationale et à la destruction de ses cadres.
3°) Représentant l'immense majorité des forces trotskystes de l'Internationale, nous décidons de constituer un Comité International de la IV° Internationale. »
(Idem.)
En « destituant le S.I. » , le texte sur lequel se constituait le C.I. esquivait les véritables problèmes : une analyse du pablisme, pourquoi et comment le pablisme s'était développé au sein de la IV° Internationale, et où celle-ci en était.
L'activité du Comité International fut paralysée par l'orientation du Socialist Workers Party. Rejetant ses responsabilités internationales, celui-ci tendait à un accord organisationnel avec le S.I. pabliste. En 1963, ayant lui-même adopté une ligne d'adaptation à la petite bourgeoisie américaine, après avoir rompu avec le Comité International, il apporta son soutien au « Congrès de réunification » , et déclara « dépassées » les divergences entre pablisme et trotskysme. Des « principes fondamentaux » abandonnés par Pablo, il n'était plus question. En cinq lignes, la résolution du « Congrès mondial de réunification » sur « les bases théoriques et politiques de la réunification » les expédiait :
« Bien que des divergences substantielles subsistent » (lesquelles ?) « encore en particulier sur les causes de la scission en 1954, les points de désaccord apparaissent d'importance secondaire » ( !) « en face du programme fondamental commun et de l'analyse commune des principaux événements actuels dans les développements mondiaux qui unissent les deux courants. Avec de la bonne volonté (paix aux hommes de bonne volonté !) il devrait être possible de contenir les divergences connues qui subsistent encore... »
(« Quatrième Internationale » , n°10, 3° trimestre 1963, p. 6.)
Depuis 1953, la section anglaise joua le principal rôle dans la lutte contre le pablisme. En particulier, elle engagea la discussion avec le Socialist Workers Party lorsque celui-ci s'orienta vers un cours révisionniste. (Consulter à ce propos la collection de « Informations Internationales » , du n° 8 au n° 13.)
La lutte que mena seule la section française de 1951 à 1953 eut une importance considérable. Sans elle, le S.I. pabliste eût pu porter des coups beaucoup plus durs à la section anglaise. La lutte contre le pablisme n'en laissa pas moins une section française brisée, rejetant hors du combat des dizaines de militants ouvriers et réduisant considérablement l'efficacité de son intervention dans la lutte des classes en France au cours des années suivantes. La section française dut se battre littéralement pour sa survie pure et simple.
Sans aucun doute, la lutte internationale contre le pablisme menée par la section anglaise fut d'une importance décisive. Elle contribua à la reconstruction de la section française. Elle contribua également très puissamment à aider à dégager, au sein du S.W.P., une minorité dont la lourde charge est de reconstruire une organisation troskyste aux Etats-Unis. Enfin, sans que le lien soit nécessairement direct, il n'est pas douteux que la lutte internationale de la S.L.L. et de la section française n'est pas étrangère à la constitution d'une aile révolutionnaire du Lanka Sama Samaya Party à Ceylan. Il n'est pas encore possible de mesurer toute la portée de la lutte engagée contre le révisionnisme devenu liquidateur.
L'important est que, du sein de la IV° Internationale, aient surgi les forces qui ont combattu pour défendre l'acquis théorique, politique et dans une certaine mesure organisationnel qu'elles représentaient. Ce combat fut international dès son origine. C'est en se situant du point de vue du redressement, et, ensuite, de la reconstruction de la IV° Internationale, que les sections française et anglaise ont pu faire face au pablisme, ne pas être détruites et se développer. De leur développement surgit la possibilité et la nécessité de franchir un nouveau stade dans la lutte pour la reconstruction de la IV° Internationale. Cela résulte aussi bien de la situation politique générale qui se développe au sein du mouvement ouvrier international, que la crise du pablisme, et des exigences de leur propre croissance. Il n'y a pas, d'un côté la croissance des sections en tant que telles, de l'autre la tâche de reconstruction de l'Internationale : c'est un tout politique.
Il est nécessaire d'avoir une vue précise de ce qu'est le Comité International. Il serait puéril de sa part de se considérer comme une direction internationale, à qui il suffirait de se proclamer comme étant la direction de l'Internationale pour l'être. Le Comité International de la IV° Internationale n'est pas la IV° Internationale. Celle-ci a été détruite par le pablisme.
Elle ne peut être reconstruite que par une lutte assurément difficile, certainement longue, qui unisse les tâches de construction des sections à celles de la réhomogénéisation théorique et politique des organisations trotskystes, de la liquidation des séquelles du pablisme, de la mise à jour de ses fondements objectifs et de sa signification théorique et politique, de la progression commune dans l'élaboration théorique et politique, en liaison avec la reconstruction de l'Internationale et des sections ; ce qui signifie qu'aucune section ne peut se construire que comme section de l'Internationale, donc en accomplissant les tâches qu'implique la reconstruction de celle-ci ; et qu'en particulier, la construction de sections ne peut être laissée à une quelconque spontanéité. C'est à partir d'une ligne tendant à donner une expression commune à la lutte des prolétaires des pays capitalistes avancés, de ceux de l'Europe orientale, de l'U.R.S.S. et de la Chine, et de ceux des pays économiquement arriérés que doivent être entreprises ces tâches, qui ne peuvent être accomplies que par une activité commune des sections composant le C.I.
Le Comité International a, dans la lutte pour la reconstruction de l'Internationale, le rôle irremplaçable de force motrice à jouer, en assumant les tâches qu'exige cette reconstruction. En ce sens, il doit devenir de plus en plus un centre théorique, politique et organisationnel international, sans pour autant se considérer comme « la direction internationale » .
Les étapes de la reconstruction de la IV° Internationale ne sont écrites nulle part. Elle résultera de l'accomplissement des tâches, tant internationales que nationales, qui sont les nôtres. C'est en cela que consiste le travail du Comité International. Dans la plus prochaine période, il est nécessaire d'engager la lutte politique En vue de la constitution d'un Comité International pour la reconstruction de la IV° Internationale qui soit plus large que le C.I. actuel.
La plus grande fermeté théorique et politique est nécessaire en vue de la reconstruction de l'Internationale. Elle ne peut résulter d'une simple affirmation du principe de fidélité au programme de fondation de la IV° Internationale, mais de son application dans la lutte politique quotidienne, au niveau des tâches internationales et nationales. jusqu'à présent, toutes les tentatives ont échoué pour constituer la direction révolutionnaire internationale dont le prolétariat a besoin pour mener à bien la révolution prolétarienne mondiale. Ces tentatives n'ont pourtant pas été vaines. Elles nous ont appris que la construction de cette direction ne saurait résulter d'un acte unique, mais de la lutte en vue de sa construction ; de l'accomplissement des tâches qu'elle nécessite, jamais l'humanité ne se pose des problèmes qu'elle ne peut résoudre.