1910

 

Rudolf Hilferding

Le capital financier

PREMIERE PARTIE - L’ARGENT ET LE CRÉDIT 

CHAPITRE VI - LE TAUX D'INTERET

1910



 

Ce qui caractérise la production capitaliste, c'est la capacité pour chaque somme d'argent de fonctionner comme capital, par conséquent de donner un profit. Mais il faut pour cela qu'elle soit mise à la disposition du capitaliste productif. « Supposons que le taux de profit moyen annuel est de 20 %. Une machine d’une valeur de 100 livres sterling donnerait alors, employée comme capital dans des conditions moyennes d’intelligence et d'activité, un profit de 20 livres sterling. Une personne, par conséquent qui a 100 livres sterling à sa disposition, a dans sa main le pouvoir d’en faire, avec 100 livres, 120, ou de produire un profit de 20 livres sterling. Si cette personne confie pour un an ces 100 livres sterling à une autre, qui les utilise vraiment comme capital, elle lui donne le pouvoir de produire 20 livres sterling de profit, une plus-value qui ne lui coûte rien et pour laquelle il ne paye aucun équivalent. SI cette deuxième personne paye à la fin de l’année au propriétaire de ces 100 livres sterling, disons 5 livres sterling, c’est-à-dire une partie du profit produit, il paye ainsi la valeur d'usage des 100 livres sterling, c'est-à-dire la valeur d'usage de sa fonction de capital, de la fonction qui consiste à produire 20 livres sterling de profit. La partie du profit qu’il lui paye s'appelle intérêt, ce qui n’est par conséquent rien d’autre qu'un nom spécial, une rubrique spéciale pour une partie du profit, que le capital fonctionnant comme tel doit, au lieu de la mettre dans sa poche, payer au propriétaire du capital.

Il est clair que la possession de 100 livres sterling donne à son propriétaire le pouvoir d'obtenir l'intérêt, une certaine partie du profit produit par son capital. S'il ne confiait pas a un autre les 100 livres sterling, celui-ci ne pourrait pas produire le profit et d'une façon générale pas agir comme capitaliste en rapport avec ces 100 livres sterling 1 »

Du fait que le propriétaire prête son argent, ce dernier fonctionne pour lui comme capital, capital de prêt, puisque au bout d'un certain temps il lui revient accru. Mais le capital ne se met en valeur que dans le processus de production par l'exploitation de la force de travail, appropriation de travail non payé. C'est pourquoi le capital-argent du capitaliste prêteur doit devenir le capital-argent du capitaliste productif, pour se mettre en valeur dans le processus de production, pour produire du profit. Celle-ci est maintenant partagé: une partie revient, en tant qu’intérêt, au capitaliste prêteur, l'autre reste entre les mains du capitaliste productif. Comme l'intérêt est, dans les circonstances normales, une partie du profit, le profit est la plus haute limite possible de l'intérêt. Et c'est le seul rapport entre le profit et l'intérêt. En revanche, l'intérêt n'est pas une partie déterminée d'une manière quelconque, fixe, du profit. Le taux de l'intérêt dépend de la demande et de l'offre du capital de prêt. On peut imaginer une société capitaliste, avec les principes qui la caractérisent, même dans l'hypothèse où possesseurs d'argent et capitalistes productifs seraient confondus, où, en d'autres termes, tous les capitalistes productifs disposeraient en même temps du capital-argent nécessaire. Dans ce cas, Il n'y aurait pas d’intérêt. En revanche, la production capitaliste est impensable sans production de profit ; les deux signifient au contraire la même chose. La création de profit est la condition comme le but de la production capitaliste. Sa production, la production de la plus-value qui est incorporée dans le surproduit, est objectivement déterminée ; le profit découle directement du rapport économique : le rapport du capital, la séparation des moyens de production et du travail et l'antagonisme du capital et du travail salarié. Son importance dépend de la nouvelle valeur que la classe ouvrière produit avec les moyens de production existants et du partage de cette nouvelle valeur entre la classe capitaliste et la classe ouvrière, qui est déterminée à son tour par la valeur de la force de travail. Nous n’avons affaire ici qu’à des facteurs déterminés objectivement.

Il en est autrement de l'intérêt. Celui-ci découle du fait - purement accidentel par rapport à ce qui constitue l'essence même du capitalisme, à savoir la séparation des moyens de production et du travail - que les capitalistes productifs ne sont pas les seuls possesseurs de l'argent, et qu'ensuite, dans le mouvement circulaire de capital individuel, tout le capital-argent n'est pas occupé à chaque ins­tant, une partie de ce capital restant momentanément inactif. Ce sont les fluctuations de la demande par les capitalistes productifs de ce capital-argent qui déterminent la part du profit que les capitalistes prêteurs peuvent s’approprier 2.

Mais si l'intérêt dépend de l'offre et de la demande du capital-argent, reste à savoir par quoi elles sont déterminées. D'un côté il y a l’argent momentanément inactif, mais qui cherche à s’employer, de l’autre il y a le besoin d'argent des capitalistes productifs, qui veulent transformer ce capital-argent immobilisé en capital productif. Cette distribution est assurée par le crédit de capital dont l'Etat Cette détermine le taux d'intérêt. A chaque moment, la société capitaliste a à sa disposition une somme d'argent quantitativement donnée, qui représente l’offre, et au même moment, de l’autre côté, un besoin donné de capital-argent chez les capitalistes productifs, besoin provoqué par l’extension de la production et de la circulation. Il s’agit ici par conséquent de deux grandeurs à chaque moment déterminées qui se rencontrent en tant qu’offre et demande sur le marché de l’argent et déterminent le « prix de location de l’argent », le taux d’intérêt. Cette détermination n’offre d’ailleurs aucune difficulté : celle-ci provient uniquement de l’analyse de la variation du taux d’intérêt.

Il est clair tout d'abord qu’une extension de la production et, par là, de la circulation signifie une demande accrue de capital-argent. Celle-ci devrait par conséquent, si l'offre restait la même, entraîner une hausse du taux d’intérêt. Mais la difficulté apparaît du fait que l’offre, elle aussi, varie en même temps que la demande et précisément à la suite de l’augmentation de celle-ci. Si nous considérons la quantité d’argent constituant l’offre, nous voyons qu’elle se compose de deux parties, d’une part l’argent liquide existant, d’autre part l’argent-crédit. Or, nous avons vu en analysant le crédit de circulation que l’argent-crédit constitue un facteur variable qui s’étend au fur et à mesure de l'extension de la production. Mais celle-ci signifie une demande accrue de capital-argent; cette demande accrue trouve également une offre accrue fournie par l'argent-crédit accru par suite de l'extension de la production. Une modification du taux d'intérêt n'interviendra par conséquent que si le changement dans la demande du capital-argent est plus fort que celui de l'offre, c'est-à-dire qu'il y aura une hausse du taux d'intérêt si la demande de capital-argent croît plus vite que l'augmentation de l'argent-crédit. Quand sera-ce le cas? Tout d'abord, une augmentation de l'argent-crédit exige une augmentation de la masse d'argent liquide nécessaire en tant que réserve pour le paiement de l'argent-crédit. D'autre part, avec la circulation de l'argent-crédit croit aussi la partie de la masse d'argent liquide qu'il faut conserver pour le règlement du solde restant à payer après compensation. En outre, avec l'extension de la circulation croissent aussi les transactions où l'argent-crédit ne joue qu'un rôle insignifiant; les sommes nécessaires pour le paiement des ouvriers et le règlement des achats et des ventes dans le commerce de détail consistent en majeure partie en argent liquide. Ainsi diminuent les sommes disponibles pour les prêts, parce qu'une partie de l'argent liquide est nécessité par ces autres fonctions. Enfin, l'augmentation de l'argent-crédit restera au-dessous des besoins de la production et de la circulation accrues dès qu'à la fin d'une période de prospérité il se produit un arrêt ou un ralentissement de la vente des marchandises.

Car cela signifie que les traites qui sont tirées contre les marchandises ne se compenseront plus et que tout au moins leur durée de circulation se prolonge. Mais, si les traites échues ne se compensent pas, elles doivent être payées en argent liquide. L'argent-crédit (par conséquent les traites ou les billets à ordre qui les remplacent) ne peut plus remplir dans les mêmes dimensions que précédemment les fonctions d'argent consistant à assurer la circulation des marchandises. La nécessité où l'on est de les payer crée une demande accrue d'argent liquide. L'argent-crédit fonctionnant vraiment a donc diminué, tandis que pour le remplacer la demande d'argent liquide augmente ; c'est cette demande qui provoque la hausse du taux d'intérêt.

Si par conséquent le montant absolu du taux d'intérêt dépend de l'état du crédit-argent, de même les variations dépendent surtout de l'état du crédit de circulation. L'analyse approfondie de ces variations ressort de l'étude des fluctuations de la conjoncture industrielle et sera donnée par conséquent en liaison avec celle-ci.

« Les variations du taux d'intérêt (abstraction faite de celles qui se produisent au cours de longues périodes ou de la différence du taux d'intérêt dans différents pays; les premières sont déterminées par des variations dans le taux de profit général, les secondes par des différences dans les taux de profit et dans le développement du crédit) dépendent de l'offre du capital de prêt, (toutes autres circonstances, état de la confiance, etc., étant supposées les mêmes), c'est-à-dire du capital qui est prêté sous forme d'argent, monnaie dure et billets, à la différence du capital industriel, que se prêtent en tant que tel, sous forme de marchandises, au moyen du crédit commercial, les agents reproductifs eux-mêmes 3. »

Nous ne sommes pas entièrement d’accord avec ce qui précède. Marx fait dépendre les variations du taux d’intérêt de l'offre du capital, qui est prêté sous forme d'argent, monnaie dure et billets. Mais la question reste de savoir quel peut être le montant des billets. Pour l'Angleterre, dont Marx a manifestement en vue les conditions particulières la réponse est fournie par la prescription légale des « actes de Peel ». La somme totale de la monnaie dure et des billets se compose du montant total de la monnaie dure en circulation, de l'encaisse-or de la Banque et de 14 millions de livres sterling en billets, qui représentent la circulation de monnaie fiduciaire. En fait, ces billets remplissent la fonction de papier d'Etat en ce sens qu'ils représentent, ou du moins représentaient à l'époque de Peel le minimum de la circulation remplacé par des signes monétaires. Le total des billets est donc fixé une fois pour toutes en une certaine quantité par l'Etat. Toutefois, si l'on pose la question en général, les variations du taux d'intérêt dépendent de l'offre, de la quantité de l'argent qu'on peut prêter. Mais on peut prêter tout l'argent qui n'est pas en circulation. Ce qu’il y a en circulation, c’est déjà le besoin de signes monétaires correspondant au minimum et ensuite une certaine quantité d'or. L'or restant se trouve dans les caves de la banque ou des banques. Une partie de cet or sert de réserve pour la circulation intérieure, une autre de réserve pour la circulation internationale, étant donné que l'or doit faire fonction de monnaie mondiale. Le montant minimum que doit avoir la réserve pour ces deux buts, c'est l'expérience qui l'indique. Le reste peut être prêté et constitue en dernière analyse cette offre dont l'utilisation détermine le taux d'intérêt. Mais cette utilisation elle-même dépend de l'état de la circulation du crédit, par conséquent du « crédit commercial » que les agents reproductifs se font entre eux. Aussi longtemps que celui-ci peut s'étendre dans les mêmes proportions que l'exige la demande accrue, il n'y aura aucun changement du taux d'intérêt. Mais il ne faut pas oublier que la plus grande partie de la demande est satisfaite par une offre qui croît en même temps que celle-ci. La plus grande partie du crédit est du « crédit commercial » ou, comme nous disons plus volontiers, du crédit de circulation. Ici demande et offre, ou, si l'on veut, les moyens de satisfaire la demande, croissent à la fois ensemble et avec l'extension de la production. L'extension du crédit est possible sans aucun effet sur le taux d'intérêt. Au début de la prospérité, une telle extension a lieu sans aucun effet particulier sur ce taux. Il n'augmente que si les réserves d'or de la banque diminuent, se rapprochent de leur minimum, ce qui oblige les banques à relever le taux de l'escompte. C'est ce qui se produit dans les périodes de haute conjoncture, où la circulation exige davantage d'or (accroissement du capital variable, des transactions, en général, et par conséquent aussi du montant servant à régler la balance des comptes). Mais la demande de capital de prêt n'est précisément la plus forte que quand la réserve d'or, du fait des besoins de la circulation, qui absorbe davantage d'or, est au plus bas. L'épuisement de la réserve d'or qu'il est possible de prêter est la cause directe de la hausse de l'escompte bancaire, qui devient dans de telles périodes le régulateur du taux d'intérêt. Le but de cette hausse de l'escompte est aussi d'accroître l'offre d'or. Les restrictions apportées à la législation bancaire défectueuse ont seulement pour effet de faire venir ce moment plus vite que ne le permettraient les conditions purement économiques. Ce qu'il y a d'erroné dans ces restrictions est qu'elles sous-estiment d'une façon ou d'une autre, indirectement en Allemagne, directement en Angleterre, le minimum nécessaire à la circulation et réduisent par là l'offre de capital de prêt.

Une tendance à la baisse du taux d'intérêt serait par conséquent liée à l'hypothèse selon laquelle le rapport de la réserve d'or existante à la demande de capital de prêt serait toujours plus favorable, c'est-à-dire que cette réserve d'or augmenterait plus rapidement que la demande de capital de prêt. En fait, quand on ne compare entre elles que des conditions capitalistes développées, on ne constate nulle part une telle tendance à la baisse constante du taux d'intérêt4. Même sur le plan théorique, on ne peut la postuler, car, parallèlement à l'accroissement de la réserve d'or et du minimum de la circulation, croît la masse d'or supplémentaire qui entre dans la circulation aux périodes de haute conjoncture.

Mais la baisse du taux de produit n'entraînerait une baisse du taux d'intérêt que si l'intérêt constituait une part fixe du profit, ce qui n'est pas le cas. La baisse du taux de profit a tout au plus pour résultat de faire baisser la limite théoriquement la plus haute de l'intérêt, à savoir le profit, mais comme cette plus haute limite n'est géné­ralement pas atteinte sur une longue période de temps, cette « constatation » n'a pas la moindre signification5.

En revanche, il y a un autre facteur important. Comme le taux d'intérêt, dans les conditions capitalistes développées, change peu et que le taux de profit, par contre, baisse, le pourcentage de l'intérêt par rapport au profit, donc au bénéfice de l'entrepreneur, par conséquent la part prélevée par les capitalistes inactifs au détriment des capitalistes productifs s'accroît dans la même proportion. C'est là un fait en contradiction avec le dogme de la baisse du taux d'intérêt, mais conforme à la réalité, qui explique l'influence croissante du capital portant intérêt, donc des manques, et qui est un levier puissant de la transformation du capital en capital financier.


Notes


1 Marx, Le Capital, III. p. 323.

2 Pour pouvoir expliquer le prix par le rapport de l’offre et de la demande, celles-ci doivent avoir des grandeurs données et fixes. D’où la tendance, chez les partisans de la théorie de l'utilité margi­nale, à supposer l'offre constante par conséquent à, partir d'une donnée, Il est donc logique que Schumpeter (L’Essence et le principal contenu de la science économique, Leipzig, 1908) dans son effort de démontrer le bien-fondé de la théorie de l’unité marginale, réduise finalement l’économie politique à une simple statistique, alors qu’elle doit être une dynamique, la théorie des lois de développement de la société. Car ainsi est formulé très heureusement et le plus nettement l’antagonisme à l’égard du marxisme, mais en même temps aussi l’inanité de la théorie marginale, the final futility of final utility, comme disait plaisamment Hyndman. Au point de vue économique, la difficulté consiste à expliquer les dimensions de l’offre, ce qui ne signifie rien d’autre qu’exposer les lois de la production. La demande elle-même est déterminée par la répartition et les lois selon lesquelles se fait la répartition du produit social. Mais, comme la difficulté n'est que dans l’exposé des facteurs qui déterminent les dimensions de l’offre.

3 Marx, Le Capital, III., 2° éd., p. 37.

4 Dans la mesure où nous disposons de matériel statistique permettant des comparaisons, elles ne confirment absolument pas le dogme de la baisse du taux d'intérêt. Smith rapporte qu'en son temps, en Hollande, le gouvernement, payait 2 % et les personnes privées bien accréditées 3 % d'intérêt. En Angleterre, pendant quelque temps après la dernière guerre (1763), non seulement les personnes privées les mieux accréditées, mais aussi quelques-unes des plus grandes firmes commerciales de Londres, payaient d'ordinaire 5 % d'intérêt, alors que précédemment elles n'en payaient tout au plus que 4 à 4,50 %. Tooke, qui apporte cette dernière précision, observe à ce propos : En 1764, le bons du Trésor à 4 % tombèrent au-dessous du pair; les navy bills exigeaient un escompte de 9,5/8 % et les konsols à 3 %, qui étaient en mars 1763 à 96, tombèrent en octobre à 80. Mais en 1765, les bons d'Etat à 3 %, dont il y avait eu une nouvelle émission s'élevèrent en général et parfois au-dessus du pair, et les konsols à 3 % montèrent à 92. Schmoller (Fondements de la science économique générale. II, p. 207) indique du reste que les konsols à 3 % s’élevaient déjà en 1737 à 107. Il faut observer toutefois que le cours des papiers d'Etat, qui est soumis encore à d'autres causes de détermination, n'est pas une mesure absolument sûre pour le montant du taux d'intérêt.
Mais l’étude des taux d'escompte des banques d'émission ne montre aucune tendance normale à la baisse du taux d’intérêt. Nous tirons d'un intéressant article du Dr Alfred Schwoner, « Taux d'intérêt et crises à la lumière de la statistique », paru dans le Berliner Tageblatt du 26 et 27 novembre 1907, le tableau suivant (c signifie année de crise, mais il s'agit en 1882 et en 1895 de pures crises de spéculation) :
Taux d'escompte moyens des quatre principales banques européennes au cours des cinquante-cinq dernières années :

Année

Banque d’Angleterre

Banque de France

Reichsbank ( de 1847 à 1875 Banque de Prusse)

Banque d’Autriche-Hongrie (anc. Banque national)

1907 (10 mois)

4,54

3,3

5,72

4,72

1906

2,27

3

5,12

4,4

1905

3,08

3

3,82

3,68

1904

3,3

3

4,2

3,5

1903

3,76

3

3,77

3,5

1902

3,33

3

3,32

3,55

1901

3,9

3

4,1

4,08

1900

3,94

3,2

5,33

5,58

1899

3,75

3,06

5,04

5,04

1898

3,19

2,2

4,27

4,16

1897

2,64

2

3,81

4

1896

2,48

2

3,66

4,09

1895

2

2,1

3,14

4,3

1894

2,11

2,5

3,12

4,08

1893

2,06

2,5

4,07

4,24

1892

2,52

2,7

3,2

4,02

1891

3,35

3

3,78

4,4

1890

4,69

3

4,52

4,48

1889

3,55

3,16

3,68

4,19

1888

3,30

3,1

3,32

4,17

1887

3,34

3

3,41

4,12

1886

3,05

3

3,28

4

1885

2,92

3

4,12

4

1884

2,96

3

4

4

1883

3,58

3,08

4,4

4,11

1882

4,14

3,8

4,54

4,02

1881

3,48

3,84

4,42

4

1880

2,76

2,81

4,24

4

1879

2,38

2,58

3,07

4,33

1878

3,75

2,2

4,34

5

1877

2,85

2,26

4,42

5

1876

2,62

3,4

4,16

5

1875

3,25

4

4,71

4,6

1874

3,75

4,3

4,38

4,87

1873

4,75

5,15

4,95

5,22

1872

4,12

5,15

4,29

5,55

1871

2,85

5,35

4,16

5,5

1870

3,12

3,9

4,40

5,44

1869

3,25

2,5

4,24

4,34

1868

2,25

2,5

4

4

1867

2,5

2,7

4

4

1866

7

3,67

6,21

4,94

1865

4,75

3,66

4,96

5

1864

7,5

6,51

5,31

5

1863

4,5

4,63

5,08

5

1862

2,5

3,73

4,2

5,06

1861

5,25

5,86

4,2

5,5

1860

4,25

3,56

4,2

5,12

1859

2,75

3,47

4,2

5

1858

3

3,68

4,2

5

1857

6,7

6

5,75

5

1856

5,8

5,5

4,94

4,27

1855

4,8

5

4,08

4

1854

5,1

4,37

4,36

4

1853

3,4

3,23

4,25

4

1852

2,5

3,18

4

4


Au sujet de ce tableau, Schwoner observe : « Si l'on voulait tirer de la statistique des taux d'escompte bancaire au XIXe siècle des conclusions générales sur l'évolution du taux d'intérêt, il apparaît qu'une tendance déterminée vers le haut ou vers le bas ne peut être prouvée. certes, des taux d'escompte officiels au-dessous de 4 % apparaissent au cours du temps, plus tôt ou plus tard selon le développement du pays. Sous ce rapport, l'Angleterre était très en avance sur les autres. C'est là que, dès 1845, le taux d'escompte de 2 % est apparu pour la première fois. A la Banque de France, il y eut en 1852 pour la première fois un taux d'intérêt de 3 %, en 1867, de 2,5 % et en 1877 de 2 %. A la Banque de Berlin, il y avait déjà dans les années 20 du siècle dernier des taux minimums de 3 %, mais sous le régime de la Banque de Prusse et de la Reichsbank, le taux d'intérêt tombe pour la première fois en 1880 au-dessous de 4 %. A la Banque d'Autriche-Hongrie, c'est en 1903 qu’apparut un taux de 3,5 % au cours de la première période de dépression que connut la monarchie après la régularisation de la devise. Il y a par conséquent un progrès dans la mesure où avec le perfectionnement technique de l'organisation bancaire et du système monétaire, la limite du taux d'intérêt tend à s'abaisser. »

    Schwoner donne encore les chiffres suivants :

      Moyennes des taux d'escompte des cinq dernières décennies

Années

Banque d'Angleterre

Banque de France

Reichsbank

Banque d'Autriche-Hongrie

Moyenne générale

1897-1906

3,52

2,85

4,28

4,05

3,67

1887-1896

3,04

2,71

3,59

4,21

3,38

1877-1886

3,18

2,96

4,11

4,26

3,63

1867-1876

3,25

3,89

4,34

4,85

4,09

1857-1866

4,82

4,48

4,83

5,06

4,79



    La moyenne générale est de loin la plus élevée pendant les années 1897 à 1866, où elle s'élève à 4,79 %. Au cours de la décennie sui­vante, 1867 à 1876, elle tombe à 4,09 %, mais elle est encore très haute. De 1877 à 1886, elle tombe à 3,63 %, pour atteindre de 1887 à 1896 son niveau le plus bas avec 3,38 %. De 1896 à 1906, elle remonte à 3,67 %, soit plus qu'au cours des deux précédentes décennies, mais par contre elle est encore beaucoup plus basse que dans les vingt premières années de l'essor industriel et financier (1857 à 1876). De tout cela il ressort que le montant du taux d'intérêt n'est pas déterminé par le taux de profit, mais par la demande plus ou moins forte de capital-argent, demande déterminée à son tour par l'évolution plus ou moins rapide, l'allure, l'intensité et l'allongement des périodes de prospérité. Quand on considère des taux d'intérêt anormalement élevés, on s'aperçoit qu'il faut en chercher la cause dans le système monétaire. C'est ainsi qu'en 1799, par exemple, le taux de l'escompte à Hambourg s'élève jusqu'à 15 %, et encore à ce taux seules les meilleures traites et de plus dans une mesure restreinte étaient escomptables (Tooke, op. cit., I, p. 241). La cause en est également dans l'absence de tout système monétaire souple, comme aujourd'hui aux Etats-Unis avec leurs taux d'intérêt énormes et leurs fluctuations tout aussi énormes. En revanche, ils n'ont rien à voir avec des modifications quelconques du taux de profit. 

5 Le principe formulé par Adam Smith, selon lequel « là où l'on peut obtenir un grand bénéfice avec l'argent, on paiera ordinairement beaucoup pour pouvoir l'utiliser, et que là où Il y a peu à gagner, on n'en donnera aussi que très peu » (Wealth of Nations, t. I ch. IX), ce principe est très simple, mais non démontré et d'ailleurs faux.


 



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