1946

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! – LA LUTTE de CLASSES – Organe de l'Union Communiste (Trotskyste) n° 73 – 4ème année – Hebdomadaire (B.I.) le n° 3 francs


LA LUTTE DE CLASSES nº 73

Barta

31 octobre 1946


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UNION POUR UN GOUVERNEMENT OUVRIER ET PAYSAN

Le dernier référendum, en rendant obligatoire pour toute la nation une Constitution votée par 36% des électeurs, nous a donné la preuve définitive que, au moment où pour chacun se pose la question "comment joindre les deux bouts", dans le système parlementaire bourgeois, il n'y a ni démocratie, ni issue.

Les combinaisons envisagées par les Partis après les prochaines élections, et les commentaires de certains journaux bourgeois, sont tous basés sur ce fait qu'un déplacement d'un million ou deux de voix d'un parti à l'autre ou de partis à d'autres, ne changerait en rien la forme gouvernementale que nous connaissons actuellement : les élections prochaines nous maintiendront donc dans l'impasse.

M. Bidault ne pourra pas gouverner "sans Thorez", car à l'heure actuelle, seul M. Thorez peut "pacifiquement" empêcher les travailleurs de lutter contre l'exploitation de plus en plus éhontée à laquelle ils sont soumis par les capitalistes.

M. Thorez ne peut pas gouverner sans un Bidault quelconque ou un Daladier "Front populaire" (sic), car c'est seulement ainsi qu'il peut cacher ses trahisons derrière le prétexte qu'il fait bloc contre une réaction encore plus noire. "Contentez-vous, avec nous, de serrer votre ceinture, car sans nous, vous recevrez, par-dessus le marché, la trique de De Gaulle", voilà les perspectives de ces messieurs les chefs du P.C.F. Le P.C. et le P.S. ont déjà eu une majorité parlementaire, et ils n'ont fait rien d'autre.

Depuis que, par la manœuvre du référendum, De Gaulle nous avait montré qu'il voulait utiliser le pourrissement du parlementarisme pour instaurer, sous prétexte de faire "du neuf et du raisonnable", un système totalitaire, nous avons proposé aux travailleurs, sans distinction de partis, comme centre de ralliement, UN GOUVERNEMENT OUVRIER ET PAYSAN.

Mais c'est seulement une minorité d'ouvriers conscients qui ont compris la nécessité d'opposer au gouvernement de la bourgeoisie LEUR PROPRE GOUVERNEMENT DE CLASSE pour trouver une issue à une situation qui apparaît autrement sans autre issue que celle de De Gaulle.

Dans ces conditions, nous disent certains camarades, n'est-ce pas prêcher en l'air que de mettre en avant, dans la vie de tous les jours, dans les discussions, dans l'agitation, une perspective qui paraît au-dessus de la compréhension des travailleurs ? Ne vaut-il pas mieux se contenter de les appeler à l'action directe de tous les jours ?

Mais, si on veut contrecarrer avec succès le totalitarisme de De Gaulle, QUI lui opposer ? Nous ne pouvons pas nous contenter de lui opposer "l'action directe" en général. L'action directe contre les patrons, c'est la grève ; et contre l'appui que leur accorde le gouvernement, une grève allant jusqu'à la grève générale.

Même dans cette lutte, la classe ouvrière ne peut pas rester éternellement sur la défensive. Elle userait ses forces en des combats sans issue. Pour qu'elle se défende avec énergie, il lui faut une perspective qui, en cas de victoire, soit UNE SOLUTION GOUVERNEMENTALE de ses intérêts. Mais si nous devons faire du gouvernement ouvrier et paysan un sujet de discussion et d'agitation QUOTIDIENNES, ce n'est pas seulement pour donner une perspective REELLE à l'action directe de la classe ouvrière : c'est parce que, à l'heure actuelle, FACE AUX PLANS DE DE GAULLE, il peut justement devenir, DU JOUR AU LENDEMAIN, une nécessité immédiate de défense de TOUS les travailleurs contre une attaque fasciste.

Quand, en 1936, les travailleurs espagnols furent en présence de l'attaque de Franco, les chefs du P.C. leur imposèrent la collaboration avec les Daladier espagnols, et le maintien de l'Etat bourgeois capitaliste, complice de Franco. Ce gouvernement de Front Populaire, appuyé sur les organes de police et l'administration de la bourgeoisie espagnole, lutta davantage contre les ouvriers qui voulaient mener une lutte émancipatrice, que contre Franco. Malgré la volonté des travailleurs espagnols, notamment ceux de Catalogne, pour liquider la police bourgeoise, sa bureaucratie, en un mot l'Etat capitaliste et créer un gouvernement ouvrier et paysan s'appuyant directement sur les ouvriers organisés (dans les Partis, les Syndicats, les Comités d'usines, de quartiers, etc...), parce qu'ils n'étaient pas suffisamment préparés à cette tâche, le gouvernement républicain réussit à assurer la victoire de Franco. Et cela, malgré le dévouement inouï et la lutte héroïque sans précédent menée par le peuple espagnol.

En France aussi, les ouvriers ont répondu au coup d'Etat fasciste du 6 Février 1934 par de grandioses mouvements d'action directe allant jusqu'à la grève générale de 1936. Mais, grâce à la propagande des Thorez et des Blum, ils laissèrent le soin de combattre et de détruire le fascisme à l'Etat : on connaît la suite.

L'exemple de la Grèce et de l'Italie actuelles nous montre l'imminence du danger en France même. Face à la minorité de capitalistes et leurs laquais, le gouvernement ouvrier et paysan, appuyé sur l'union dans la lutte des travailleurs des villes et des campagnes, représente pour ceux-ci une démocratie nouvelle, la plus efficace et la seule efficace, pour résoudre les difficiles problèmes auxquels les masses exploitées ont à faire face.


POUR AFFIRMER NOTRE VOLONTE REVOLUTIONNAIRE

VOTONS TROTSKYSTE

TRAVAILLEURS,

Quand, il y a un peu plus de deux ans, le changement de fortune militaire obligeait Pétain, qui avait reçu l'appui de Hitler, à prendre la fuite, la bourgeoisie française, les 200 familles maîtresses de toutes les richesses de la France, pour maintenir leur domination, eurent recours à un autre sauveur : De Gaulle.

De Gaulle, protégé de Paul Reynaud, de tendance royaliste (l'Action Française, bien connue pour son action anti-ouvrière), représentant de la caste des officiers qui a montré dans les événements de 1940 son incapacité et sa pourriture complète, n'était vis-à-vis des travailleurs qu'un autre Pétain, jouant la carte anglaise. C'est ce que nous pouvons tous comprendre maintenant par ses visées de dictature personnelle publiquement affirmées et par l'appui qu'il reçoit de la part des organisations nettement "anti-communistes", c'est-à-dire anti-ouvrières : l'Union Gaulliste, le P.R.L., le M.R.P., etc...

Or, les travailleurs, qui avaient versé depuis 39 leur sang sous la conduite de Daladier, Reynaud et Pétain, défenseurs des privilèges des 200 familles, en croyant le verser pour la démocratie, n'avaient pas lutté contre l'occupation hitlérienne pour ramener, en compagnie de Daladier et Reynaud, un autre Pétain, toujours au service des 200 familles, mais pour se libérer de leur domination. Car la liberté ne peut pas exister sans un niveau de vie supportable qui donne à celle-ci un contenu réel, et seul le renversement de la domination des 200 familles, l'expropriation des riches capitalistes qui avaient pillé la France tout au long de la guerre, pouvait assurer un minimum de bien-être aux travailleurs et préparer le relèvement définitif de la France.

Ce sont les chefs du P.C.F. qui nous ont détournés de cette tâche. Disposant à l'époque de la confiance de la majorité de la classe ouvrière, ils nous ont empêchés de prendre notre sort en nos propres mains. Grâce à l'appui qu'ils ont donné à De Gaulle, ce dernier a pu se parer du masque de libérateur, de constructeur d'une France nouvelle.

Tout cela, sous prétexte de réalisme. Il fallait soi-disant renoncer au tout (irréalisable) pour réaliser un minimum. Mais, comme il fallait s'y attendre, ce réalisme, parce qu'il laissait intacte la domination des 200 familles sur le peuple de France, nous a conduits à une situation où nous n'avons rien d'autre qu'une vie misérable et sans espoir.

Aujourd'hui, après avoir utilisé la collaboration de ces soi-disant chefs ouvriers pour maintenir la domination des 200 familles et continuer ainsi la ruine du pays, De Gaulle ne se sentant pas encore prêt à imposer sa dictature personnelle par la force, a besoin de mettre tout d'abord de son côté une partie de l'opinion publique. C'est pourquoi il s'est retiré pour la forme et a laissé les Partis qui l'avaient soutenu (et seraient prêts à le soutenir encore s'il voulait partager avec eux le pouvoir) se débattre, impuissants au gouvernement, pour qu'ils apparaissent comme les seuls responsables de cette ruine.

Mais, dès que les travailleurs seront suffisamment démoralisés par l'action des partis qui se réclament de la classe ouvrière, De Gaulle, sous prétexte de lutter contre l'anarchie engendrée par le tripartisme (qu'il a lui-même utilisé), fera déclencher par ses partisans, dans toute la France, des mouvements six-févriéristes, comme celui de la rue de Châteaudun. Si ceux-ci réussissent à paralyser les travailleurs, ils l'appelleront au pouvoir pour y être leur homme et leur chef. Et, quand toutes les organisations ouvrières et les partis en général seront détruits, les travailleurs affamés et les petites gens spoliés par l'Etat (inflation dévaluation) ne pourront même plus protester contre leur misère.

Travailleurs,

Face à ce danger, que nous proposent les Partis qui nous demandent de voter pour eux contre la réaction

Rien, sinon des phrases et des formules qui nous ramènent au tripartisme, à la collaboration au sein du gouvernement de la bourgeoisie.

La confiance que vous leur ferez, ils en disposeront comme par le passé à leur simple profit personnel, pour obtenir des portefeuilles et des places, donnant ainsi à De Gaulle l'occasion de se faire passer pour le sauveur de la situation, contre l'anarchie "communiste".

Mais la plupart d'entre vous savent maintenant qu'il ne suffit pas de voter pour un parti, que c'est le régime qu'il faut entièrement changer. Le seul obstacle qui vous arrête, c'est que pour changer de régime, il vous faut des hommes nouveaux, capables de vous conduire intelligemment dans votre lutte. Il vous faut des hommes qui vous aideront à abattre ce régime pourri jusqu'à la moelle et à instaurer un gouvernement ouvrier et paysan, c'est-à-dire un gouvernement appuyé directement sur l'activité de ceux qui travaillent de leurs mains et de leur cerveau, à l'exclusion des capitalistes, des spéculateurs, des fascistes et de tous les parasites qui vivent au détriment de ceux qui travaillent. Il vous faut des hommes pour vous aider à instaurer un gouvernement qui s'appuierait, non pas sur un Parlement daladiériste, impuissant, acheté par les capitalistes, mais sur des Parlements "ouvriers" de quartiers, de villes, de villages, d'arrondissements, de départements, unifiés dans un Parlement central formé de délégués de tous ces Parlements locaux, délégués élus non pas pour de nombreuses années, mais révocables à tout instant, élus non pas sur les listes de Partis, mais parce que connus pour leurs capacités dans telle ou telle branche d'activité et leur honnêteté. Seuls, de tels parlements peuvent être l'expression directe de la lutte des travailleurs, de leur volonté.

A l'exception d'un seul, aucun des partis faisant acte de candidature ne vous indique cette voie. Le seul parti qui fasse appel à votre action de classe, c'est le Parti Communiste Internationaliste (IVème Internationale).

Cependant, ce parti n'a jamais été capable d'aller jusqu'au bout dans son action. A maintes occasions, il a repris les mots d'ordre trompeurs du P.C.F. à son propre compte. Aujourd'hui encore, il vous dit qu'il faut voter pour le P.C.F. ou le P.S., contre la réaction, quand la source de la réaction c'est justement le régime de surexploitation, de surveillance policière que le P.C.F., par l'intermédiaire de la C.G.T., aide les capitalistes à imposer aux travailleurs dans les usines.

Mais ce Parti, qui hésite constamment, qui capitule à demi devant les chefs qui vous trahissent, représente néanmoins une opposition suffisante pour que, en bloquant nos voix sur lui, on donne un camouflet à De Gaulle, à la bourgeoisie, au M.R.P. et aux ministres communistes et "socialistes" de trahison, leurs alliés, et affirmer ainsi notre volonté de changer de régime.

Vous savez que, dans les usines, quelle que soit votre opinion, si vous exprimez une divergence ou une opposition, vous êtes immédiatement traités de trotskystes. C'est pourquoi, en votant pour le P.C.I. qui se réclame du trotskisme, vous marquerez votre opposition au régime d'exploitation et d'incertitude que nous subissons et votre volonté de lutte.

Et c'est dans la lutte prolétarienne que chaque travailleur vérifiera par sa propre expérience ce que valent chacune des organisations qui basent leur action sur l'activité consciente des travailleurs et qui se déclarent partisans de la révolution socialiste internationale.

Votez trotskyste sur les listes du P.C.I. !

Mobilisons-nous dans les usines pour la défense de nos conditions d'existence et de nos libertés !

Vive le Gouvernement ouvrier et paysan !

L'Union Communiste (trotskyste)


LES PAROLES ET LES ACTES

La direction du P.C.I. nous avait appelés, lors des précédentes élections, à voter pour lui, "pour que la voix révolutionnaire puisse être entendue du "haut" de la tribune parlementaire". Sous la pression des critiques venues de toutes parts et de l'indignation suscitée parmi les travailleurs, La Vérité s'est mise à rappeler les principes fondamentaux des communistes en matière parlementaire. Entre autres, ceci : "L'Internationale Communiste prévoyait l'inévitable corruption des députés communistes. Ceux-ci devaient rester soumis, en conséquence, à la direction du Comité Central, non parlementaire".

Nous avons attendu avec scepticisme pour voir la composition sociale des listes du P.C.I. (on sait que les députés bolcheviks au parlement tsariste étaient tous des ouvriers) et le poste détenu par les candidats dans le Parti.

Or, les principaux responsables politiques sont en même temps têtes de listes pour le Parlement. Ainsi, s'il y avait des députés P.C.I. élus, ceux-ci seraient sous leur propre contrôle, comme l'avaient établi les pires traditions de l'Internationale socialiste, internationale parlementaire, qui en est morte. Et ce serait ces députés vivant dans un milieu pourri de parlementarisme bourgeois, qui contrôleraient le Parti !

Il y a loin des paroles aux actes !


NOUVELLES MANŒUVRES DE DIVISION

Ne pouvant conjurer la crise de plus en plus menaçante du ravitaillement, nos gouvernants à la manque, faute de mesures efficaces, veulent masquer leur impuissance par des interventions verbales.

M. Bidault, à la radio, exhorte chacun à la bonne volonté, les producteurs à la "modération", les consommateurs à la "patience".

M. Farge en appelle à "l'autorité gouvernementale" et menace les intermédiaires grossistes de "commissions rogatoires"... qui lui permettront de "voir clair" !

La presse officielle, comme Le Monde qui dans toute son existence n'a trouvé un seul mot pour flétrir l'avidité des banquiers et des maîtres des forges qu'ils représentent, s'indigne contre "l'incroyable rapacité des agriculteurs". La même chose que ces messieurs des 200 familles écrivent d'un ton fâché, Benoît Frachon, dans L'Humanité, le présente sous forme de "conseils" : "Nous disons tout net que refuser de livrer à ces prix-là, c'est mettre les travailleurs dans l'impossibilité de vivre normalement" (25-10). Avec des nuances différentes, les messieurs en place tombent tous à bras raccourcis sur les paysans et essayent de faire croire aux travailleurs que s'ils n'ont rien sur la table, c'est Jacques Bonhomme et son bas de laine qui en sont responsables.

Qui empêche les travailleurs de vivre normalement ?

Le paysan, lui, qui n'a jamais trouvé et ne trouve pas les articles industriels qui lui sont nécessaires, sauf à des prix-or, devrait-il à son tour en accuser les ouvriers ?

On imagine le paysan vendeur, on ne pense pas qu'il doit, lui aussi, acheter et que les prix industriels sont encore plus élevés que les prix agricoles par rapport à ceux d'avant-guerre. C'est pourquoi les paysans ne peuvent que rire, quand Frachon leur affirme que le travail des ouvriers est destiné à leur fournir des tracteurs bon marché.

Mais quel que soit le prix auquel livre le paysan, ce sont les spéculateurs, les banques et les gros marchands qui dictent le prix de vente, et celui-ci dépasse de loin le prix donné au paysan.

Dans la mesure même où le paysan a une attitude anti-sociale et fait, lui aussi, sa petite spéculation, il est sous le contrôle et la direction des gros intermédiaires.

Les ouvriers ne peuvent pas davantage mettre leur misère sur le dos du paysan que celui-ci ne peut attribuer ses difficultés aux travailleurs des villes. C'est une petite minorité de pilleurs et d'affameurs qu'il faut frapper et mettre à la raison ; ce sont ceux-là qui ont tout intérêt à monter l'opinion publique contre la "rapacité" des paysans.

Mais la propagande officielle n'a pas seulement pour but de couvrir les véritables responsabilités.

Quand M. Farge dit : "Les paysans livreraient plus volontiers leur bétail s'ils avaient plus grande confiance dans notre monnaie et si, avec des francs, ils pouvaient se procurer le matériel dont ils ont besoin", il avoue que les prix agricoles sont obligés de suivre le mouvement d'inflation des prix industriels.

Dans ces conditions, le salaire des ouvriers ne permet pas à ceux-ci de se procurer le minimum nécessaire.

Frachon, comme tous les officiels, s'adresse alors aux paysans : "Livrez vos produits à des prix raisonnables, sans ça les ouvriers seront obligés de revendiquer des augmentations de salaire. Ce serait la dévaluation de la monnaie !"

Ensemble, l'Etat et les capitalistes pillent la nation, mais essayent de faire croire aux ouvriers que c'est la faute aux paysans, de même qu'ils essayent de faire croire aux paysans que ce qui ne va pas, c'est la faute aux ouvriers ("qui revendiquent trop", etc...)

S'ils ne peuvent pas pour l'instant accuser l'ouvrier, comme ils en ont l'habitude, d'être exigeant – parce que celui-ci supporte actuellement des rations de famine, – il est plus facile d'accuser les paysans, parce que tout au long de la guerre ils ont eu relativement une situation plus facile.

Mais la situation du paysan n'est pas celle d'un privilégié ; il souffre de maux innombrables que les ouvriers doivent apprendre à connaître pour nous défendre ensemble, si nous voulons réaliser l'unité de tous ceux qui vivent de leur travail, contre les parasites capitalistes.


A BAS LES HEURES SUPPLEMENTAIRES

Dans de nombreux secteurs de l'usine, les ouvriers font dix heures par jour et travaillent le samedi. Il en est même qui font dix heures et demie.

A la dernière paye, on a relevé dans un secteur des quinzaines de 130 heures (la loi limite la semaine à 40 h.) La direction patronale utilise toutes sortes d'arguments pour convaincre les ouvriers de venir travailler : "Venez samedi, on manque de pièces et les gars du montage seront coulés à la paye". "Faites un petit effort pour nous dépanner". La plupart du temps les gars cèdent.

Faire des heures supplémentaires, cela ne sourit guère aux travailleurs ; seulement, il faut bien faire bouillir la marmite. Et l'on flatte l'amour-propre de l'ouvrier en lui faisant croire que de lui dépendent la maison et la paye des copains.

La nécessité d'une part, et la crainte de se faire "repérer", d'autre part, pour les jours où le travail sera difficile à trouver, ont fait céder pas mal des ouvriers.

La Section syndicale dénonce parfois certains chefs qui ont refusé de faire travailler des ouvriers le samedi.

Or, le travail du samedi ne freine pas l'anarchie de la production ; au contraire, il l'accentue. C'est ainsi que certains ouvriers, qui ont travaillé le samedi, sont coulés en fin de quinzaine parce que l'atelier qui les approvisionne, lui, n'a pas travaillé.

Ailleurs : "Vous n'arrivez pas à fournir, donc vous êtes en retard, il faudra venir samedi pour rattraper ça", dit-on aux ouvriers, alors qu'ils ont réglé leurs bons au maximum. Du travail supplémentaire et une engueulade par-dessus le marché, si l'ouvrier se laisse faire. Mais la vérité, si l'on n'arrive pas à fournir, c'est que l'atelier ou le groupe que l'on doit fournir fait 10 h.1/2 par jour. Quel intérêt a donc la maison à faire travailler les ouvriers le samedi ?

L'anarchie augmente, mais elle stimule l'effort des ouvriers au profit de l'entreprise, si ceux-ci se laissent faire (ce qui est le cas, pour de nombreux nouveaux embauchés qui ne connaissent pas toutes les "ficelles" de la maison). Et puis, surtout, le travail du samedi permet de masquer la faiblesse de la paye.

Avec les heures supplémentaires majorées, on arrive tout juste à joindre les deux bouts.

Pour faire admettre aux ouvriers une situation aussi intolérable, le patronat, avec l'appui des organisations syndicales, doit avoir recours à toutes sortes de fallacieux prétextes, tels que "la renaissance de la France".

A bas les heures supplémentaires.

Un salaire décent pour un travail décent.


A POLITIQUE BOURGEOISE METHODES BOURGEOISES

A deux reprises différentes, L'Humanité (26 et 29 octobre) affirme que les voleurs qui dérobaient des pièces détachées chez Citroën étaient les "hitléro-trotskystes".

Bien plus, elle affirme que ces "hitléro-trotskystes" jouissent de hautes protections.

Or, tous les ouvriers de chez Citroën qui connaissent les trotskystes de l'usine savent qu'ils sont les seuls depuis des mois à défendre les intérêts des travailleurs. Cette action leur a valu autre chose que des protections. Il y a quelques mois, à Levallois sur dénonciation de la section syndicale, deux membres de l'opposition syndicale "Lutte de classe" ont été mis à la porte de l'usine par la direction.

Récemment, à Grenelle, un camarade connu comme trotskyste s'est vu signifier son licenciement.

Voilà les protections dont jouissent les trotskystes.

La calomnie, la délation sont désormais impuissantes à discréditer les ouvriers révolutionnaires ; alors L'Humanité tente de les assimiler aux malfaiteurs et aux bandits de droit commun, alors que les véritables auteurs du vol ne se trouvent même pas parmi les ouvriers, mais parmi les sphères dirigeantes de l'usine (Monde, 26-10). N'est-ce pas la même tactique qu'emploie la bourgeoisie qui, de tout temps, a montré le spectre du Communisme avec un couteau entre les dents ?


...ECHOS...


Chez Carnaud

Trouvant que la direction tardait quelque peu à nous payer la prime au rendement, nous décidons de réclamer un acompte de 1.000 francs.

La grève commence. La direction refuse toujours. Nous ne céderons pas. L'heure de la sortie arrive, qu'importe !

Nous occupons l'usine. Un bonze descendu exprès nous démontre d'une façon habile que passer la nuit là ne servirait à rien, le mieux serait de rentrer chez soi et d'envoyer le lendemain une délégation au siège de l'Alsthom, en reprenant évidemment le travail dès le matin.

A 21 heures nous quittons l'usine.

Le lendemain, la délégation est nommée. Nous avons réfléchi, nous ne reprendrons pas le travail. Cela n'était pas l'avis de notre représentant (!) Il ne pouvait supporter la vue de ces machines inactives, il se démenait dans les ateliers, condamnant nos grèves inutiles, cette atteinte à la production.

"Combien êtes-vous payé pour qu'on reprenne le travail ?" lui demande une ouvrière.

A 11 heures nous reprenons le travail.

L'acompte est accordé.


Imprimerie Dureyssen

A l'imprimerie Dureyssen, à Clichy, par manque de travail, le patron emploie un certain nombre d'ouvriers dans une catégorie inférieure à celle à laquelle ils appartiennent d'après le travail qu'ils sont capables de fournir. Ceux-ci ont demandé à être payés suivant leur catégorie véritable et non suivant celle où on les emploie actuellement. Le patron a refusé. Les ouvriers ont alors décidé une grève de protestation. Mais, comme d'habitude, le Syndicat est intervenu pour empêcher les ouvriers de faire grève.


Renault

POUR OU CONTRE ?

Chez Renault, le 29 octobre, les staliniens diffusent des tracts pour nous inviter à assister au meeting du Vel' d'Hiv' contre la vie chère.

Ce tract attaque le M.R.P. en la personne de M. de Menthon, responsable de la hausse des prix, et de M. Teitgen.

Dans l'usine, le même jour, les staliniens ont apposé une affiche du Comité France-U.R.S.S.

Il s'agit d'un gala en l'anniversaire de la révolution d'octobre, sous la présidence de S.E.M. Bogomolov et de M. Bidault.

Pour la galerie, les staliniens sont contre le M.R.P.

Mais le soir, on se retrouve en famille à la soirée de gala.


Note : sur les listes de souscription totalisant 4.760 francs, 3.000 frs. étaient souscrits sur une liste "Nord-Africain" (sans doute une collecte).


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