1948 |
Manifeste du II° congrès de la IV° Internationale aux exploités du monde entier |
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La puissante vague révolutionnaire qui coïncida en Europe et en Asie avec la liquidation de la Seconde Guerre mondiale amena les partis staliniens au faîte de leur puissance. Comme dans tous les mouvements révolutionnaires précédents, les masses affluèrent d'abord vers les partis qui, par leurs traditions, par leur activité passée et par leurs cadres solidement enracinés dans leur classe, correspondaient le mieux à la radicalisation des larges couches laborieuses. Transformées d'un seul coup en partis gouvernementaux dans quinze pays, les organisations staliniennes sont tout aussi responsables de la liquidation de cette première vague révolutionnaire de cet après‑guerre que la social‑démocratie l'est de la liquidation des mouvements révolutionnaires d'après 1918. La trahison réformiste s'effectuait alors sous le couvert de la "démocratie économique", la trahison stalinienne s'est pratiquée en 1945 sous le couvert de la "démocratie nouvelle".
La défense des "bastions" conquis dans le cadre de la démocratie impérialiste ‑ en réalité des privilèges de la bureaucratie ouvrière ‑, voilà la fin immédiate au nom de laquelle le but historique du prolétariat a été abandonné par les réformistes. La défense du "bastion russe" ‑ en réalité des privilèges de la bureaucratie soviétique ‑, voilà la fin au nom de laquelle le stalinisme a abandonné la poursuite de la révolution communiste mondiale. Mais l'expérience confirme toujours que l'abandon du but final conduit invariablement à la perte des "bastions" que l’on prétend défendre. Aussi bien ne s'agit‑il pas d'une "incompréhension" de la part de dirigeants devant les leçons évidentes de l'histoire, mais bien de la défense de leurs intérêts spécifiques. Tout comme la fonction du réformisme est de concilier l'existence de la bureaucratie ouvrière avec celle de la bourgeoisie nationale, la fonction de la bureaucratie stalinienne est de concilier l’existence de la bureaucratie soviétique et celle de l'impérialisme mondial.
La pratique de l'expansion soviétique donne à la théorie de la "démocratie nouvelle" la forme d'une justification de tous les crimes commis par le Kremlin dans les pays qu'il domine. L’application de la théorie de la "démocratie nouvelle" aux pays qui se trouvent en dehors de la sphère d'influence soviétique ne fait que compléter sa fonction fondamentale. L'abandon ouvert de la stratégie léniniste de la conquête du pouvoir et son remplacement par les compromis ou par les aventures pour s'emparer de "leviers de commande de l'Etat bourgeois" expriment ouvertement la réduction du prolétariat mondial au rôle de masse de manœuvre de la diplomatie, de l'armée et de l'espionnage soviétiques, dans l’esprit de la bureaucratie stalinienne.
Sur le fond de cette orientation générale, les partis staliniens sont moins que jamais capables d'arriver à une ligne politique conséquente. Comme dans le passé, leur tactique oscille constamment entre l'opportunisme le plus plat et l'aventurisme le plus effrayant, combinant souvent des traits de ces deux extrêmes. Hier, on dissolvait le Komintern; aujourd'hui, on reconstitue le Kominform. Hier, il s'agissait de "produire d'abord "; aujourd’hui, il s’agit de saboter le Plan Marshall. Hier, on dénonçait la grève comme "l'arme des trusts " ; aujourd'hui on provoque bureaucratiquement des mouvements. A travers tous ces tournants qui désorientent et étourdissent la classe ouvrière, les dirigeants staliniens expriment un seul et même désir d'arriver à un compromis favorable avec l'impérialisme mondial, expriment un seul et même mépris souverain des prolétaires, de leurs sentiments de leurs intérêts et de leur conscience.
La force du stalinisme dans la classe ouvrière résulte d’une combinaison de la puissance matérielle de son appareil avec la tradition révolutionnaire passée qu’il représente encore aux yeux de larges masses. Comme Engels le notait il y a un siècle, la tradition constitue la plus grande force d’inertie de l’Histoire. Pour arracher au stalinisme la direction de la classe ouvrière, il faut commencer là où sont partis autrefois la social-démocratie et le parti communiste pour construire de puissantes organisations ouvrières. Il faut éduquer une nouvelle génération de cadres ouvriers révolutionnaires qui, à travers de multiples et successives expériences de lutte, réussiront à s’enraciner dans la classe ouvrière et à gagner son respect et sa confiance. Il s’agit de construire un véritable parti qui, à travers une activité de plus en plus universelle finira par apparaître dans tous les mouvements de masse comme la réelle alternative à une direction dorénavant faillie. C’est en s’appuyant fermement sur son programme révolutionnaire, en s’orientant vers les couches les plus exploitées et en gardant toute sa confiance dans la combativité profondément révolutionnaire du prolétariat que la IV° Internationale finira par briser l’obstacle du stalinisme dans le mouvement ouvrier.
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