2019 |
J’ai rencontré Esteban Volkov le 23 juillet 2019, dans la maison de Trotsky à Coyoacán, un quartier de Mexico. Il était alors âgé de 93 ans. |
Philippe Marlière : Vous êtes arrivé à Mexico en 1939, et vous avez vécu dans cette maison pendant un an avec Léon Trotsky et Natalia Sedova, votre grand-mère…
Esteban Volkov : Oui, en 1939, un an avant son assassinat. Je suis arrivé avec les Rosmer (1), des camarades de mon grand-père, qu’il connaissait depuis la révolution russe.
PM : Avez-vous bien connu les Rosmer ?
EV : Oui, bien sûr. Marguerite [Rosmer] (2) était une personne d’une grande générosité. C’était une personne exceptionnelle qui avait des problèmes de santé. Elle souffrait de diabète, et devait s’injecter continuellement de l’insuline. Mais elle a tenu jusqu’au bout.
PM : Avant de venir à Mexico, vous avez vécu à Paris avec un oncle, l’un des fils de Trotsky…
EV : Oui. D’abord, je suis sorti avec ma mère de la Russie en 1931. Puis, je suis resté près de deux ans [sur l’île turque de] Prinkipo (3) avec mes grands-parents [les époux Trotsky]. J’ai été envoyé après à Berlin où je suis peu resté [entre 1932 et 1933]. Ma mère s’est suicidée. On m’a rapporté que le médecin qui l’a traitée à Berlin était peut-être un agent de la GPU (4).
PM : Lorsque vous êtes arrivé au Mexique, en 1939, ce devait être un changement énorme par rapport à ce que vous aviez vécu en Europe…
EV : Oui, La vie avec Jeanne (5) n’était pas très joyeuse. C’était une femme blessée, triste et déprimée par la mort de son compagnon [Lev Sedov]. Elle voulait continuer à m’élever, comme son propre enfant, car elle n’avait jamais eu d’enfants.
PM : Comment se déroulait votre vie avec Léon Trotsky dans cette maison à Coyoacán ?
EV : Cette maison était pleine de vie. Les Américains appelaient mon grand-père « The Old Man ».
PM : Oui, je connaissais ce surnom. En français, on l’appelait aussi « Le Vieux ». (Rire) D’ailleurs, ce qui est frappant, c’est que les camarades chargés de la garde rapprochée de Trotsky dans cette maison étaient des Nord-Américains…
EV : Oui, pour une raison : quand [le président] Cárdenas (6) lui a donné l’autorisation de s’établir à Mexico, il a posé une condition : mon grand-père et son entourage ne devaient pas se mêler de politique mexicaine. Alors, pour éviter tout problème avec le pouvoir mexicain, on a préféré que les gardes soient tous étrangers, pour séparer les activités de Léon Davidovitch (7) de la politique mexicaine. Il y avait Jean van Heijenoort (8), qui a été un fidèle secrétaire, Otto Schüssler (9), un Allemand qui avait été à Prinkipo, un Tchécoslovaque, un homme qui, lorsqu’il est sorti de la maison ici, a été assez étrangement embauché à l’ambassade tchécoslovaque… C’était une grande famille, pleine de vie, pleine d’activités. Pour un gosse comme moi, c’était très intéressant de me retrouver ici. Au commencement, on faisait des pique-niques en dehors de la ville de Mexico. On allait assez loin dans l’État d’Hidalgo, à plusieurs heures de route pour récolter des hijitos – ces cactus qui ont comme des cheveux – et on plantait ces cactus dans le jardin de la maison, comme s’ils étaient des trophées… Mon grand-père était un homme actif, très dynamique, qui passait la plupart de ses journées dans son bureau à écrire.
PM : Comment se déroulait une journée ordinaire de Léon Trotsky ?
EV : Il se levait très tôt et commençait à travailler. Le soir, il s’arrêtait de travailler et allait donner à manger aux lapins et aux poules. C’était une manière de s’adonner un peu à des activités physiques. Le soir, il donnait une grande importance à l’éducation politique des camarades. Souvent, il débattait de questions politiques dans son bureau après le dîner. Il recevait des visites de camarades, surtout des camarades américains du Socialist Workers Party et des journalistes.
PM : Une fois à Coyoacán, est-ce qu’il pouvait librement se promener dans la rue ?
EV : Non, pas du tout. Il ne pouvait pas sortir.
PM : Est-ce que le jardin ressemblait déjà à ce qu’il est aujourd’hui avec les fleurs, les cactus et les cabanes à lapin ?
EV : Oui. En fait, le jardin tel qu’il est aujourd’hui est une tentative de recréer l’atmosphère de la maison telle que je l’ai connue du temps de mon grand-père.
PM : Il me semble que vous communiquiez en français avec votre grand-père ?
EV : Oui, il n’y avait pas d’autre langue pour communiquer entre nous. Mon rapport à la langue russe est une chose un peu étrange. Quand j’ai rejoint mon grand-père à Prinkipo, je parlais russe. Léon Davidovitch a écrit dans ses mémoires que je parlais un « très beau russe », très mélodieux et avec un accent moscovite. Ensuite, pendant mon séjour à Vienne, j’ai oublié totalement le russe. Pour moi, le russe est aujourd’hui comme du Mandarin. Je ne parle plus un mot sauf… « vodka ». (Rire)
PM : Vous parlez espagnol, français, anglais et allemand, peut-être aussi ?...
EV : Ein wenig. Un peu. Quand j’étais à Vienne, j’ai en effet appris l’allemand.
PM : Quand vous parlez de votre grand-père, vous insistez toujours sur sa vitalité physique et son sens de l’humour. Cela m’a frappé, car les révolutionnaires ont la réputation d’être des personnes sérieuses et sans humour.
EV : Il avait une vitalité extraordinaire. Parlons du cinéma. La série russe consacrée à mon grand-père et qui a été programmée sur Netflix est scandaleuse, absurde (10). Cela n’a rien à voir avec la réalité. Mais elle a eu au moins un avantage : quand elle a été diffusée, elle nous a valu un nombre record de visiteurs… (Rire)
PM : Vous avez déclaré un jour que si un acteur devait incarner votre grand-père à l’écran, ce devrait être Kirk Douglas. Pourquoi ?
EV : L’acteur qui dégageait l’énergie de Léon Davidovitch, c’est Kirk Douglas. Ils ont d’ailleurs des origines communes : deux Russes d’origine juive. Kirk Douglas incarnait l’énergie et la vitalité de mon grand-père.
PM : En avril 1940, il y a eu une première tentative d’assassinat organisée par l’artiste communiste mexicain Alfredo Siqueiros.
EV : Oui, à l’aube du 24 mai 1940. Peu avant, il y avait eu une campagne de presse contre mon grand-père d’une violence inédite.
PM : Siqueiros vous a blessé au pied, je crois, n’est-ce pas ?
EV : À l’orteil. Oui, on tirait en direction de ma chambre depuis trois directions, Le gars qui est entré dans ma chambre a tiré sur mon lit. Heureusement, je me suis jeté à terre, mis en boule dans un coin. L’instinct de conservation. Malgré cela, j’ai reçu une balle.
PM : Siqueiros a purgé une peine de prison très courte, a été réhabilité, et il est mort tranquillement chez lui en 1974…
EV : Oui, absolument.
PM : Et puis, il y a eu la deuxième attaque, qui fut fatale pour votre grand-père. Je voudrais vous poser une question à propos de Ramón Mercader [l’assassin de Trotsky]. C’était un habitué dans la maison. L’aviez-vous rencontré avant le mois d’août 1940 ?
EV : Oui, naturellement. Il avait une attitude très bizarre. Il était d’abord réservé. Fidèle aux ordres reçus par la GPU, il prétendait ne pas s’intéresser à la politique. Il n’affichait aucun intérêt pour Léon Davidovitch. C’était l’époux d’une trotskyste, Sylvia Ageloff (11), qui était une femme assez naïve, manipulée par Mercader. C’était la sœur de Ruth Ageloff, qui avait joué un rôle important dans les contre-procès de Moscou (12). Une amie de Sylvia Ageloff, qui était stalinienne, l’avait soudainement invitée à se rendre à Paris au motif qu’elle avait reçu un héritage d’un parent.
PM : C’est à Paris qu’Ageloff a rencontré Mercader.
EV : Parfaitement. Tout était planifié. « Par hasard », dans le lobby de son hôtel parisien, elle a croisé un jeune « journaliste ». Cette amie l’a présenté à Sylvia, et Mercader a pu tout de suite commencer son travail de séduction. Ils ont très vite formé un couple.
PM : J’imagine que vous allez lu le roman de Leonardo Padura, El hombre que amaba los perros (L’Homme qui aimait les chiens ) (13).
EV : Oui, bien sûr. Ce livre montre qu’un auteur qui est parfaitement informé peut reconstruire la vérité historique dans un roman.
PM : En lisant ce roman, on se rend compte à quel point votre grand-père se sentait en sursis, condamné. Il savait que les hommes de Staline finiraient par l’assassiner…
EV : Oui, il se savait en sursis. Le matin, quand il ouvrait les volets de sa chambre renforcés par des protections en acier, mon grand-père disait à son épouse Natalia : « Ils nous ont donné une journée de vie supplémentaire ».
PM : Vous insistez sur la vitalité et l’humour de votre grand-père, mais aussi sur le fait qu’il vous a toujours protégé.
EV : Oui, quand il a été mortellement blessé par Mercader dans son bureau, alors que je m’approchais, il a tout de suite demandé aux camarades de m’éloigner et de m’emmener dans une pièce voisine. Il leur disait : « Il ne doit pas voir cette scène ».
PM : L’histoire du piolet a connu un rebondissement récemment. En 2017, une Mexicaine qui possédait ce piolet chez elle l’a vendu aux enchères.
EV : Oui, l’objet est ainsi parvenu dans un musée américain. Ce point est intéressant pour moi car, dans ma jeunesse, j’ai beaucoup pratiqué l’alpinisme. Il y avait de superbes montagnes avec des glaciers au Mexique qui, depuis, ont disparu. Or, le piolet est un objet absolument indispensable pour tout alpiniste. C’est un objet qui peut sauver la vie à un alpiniste. C’est curieux que Staline ait utilisé le piolet, non pour sauver une vie, mais pour détruire celle d’un des révolutionnaires les plus brillants et les plus capables de son époque. Le piolet est devenu le symbole du stalinisme. D’ailleurs le peintre Vladimir Rusakov [1920-2005], fils de Victor Serge (14), qui a vécu au Mexique, faisait souvent figurer des piolets dans ses peintures.
PM : Avez-vous personnellement connu Frida Kahlo et Diego Rivera, son époux ?
EV : J’ai connu Frida Kahlo après la mort de Léon Davidovitch, plusieurs années après, dans des cercles différents du militantisme politique. Frida a toujours maintenu une liaison avec Natalia, ma grand-mère. La jeune sœur de Frida, qui s’appelait Cristina, qui vivait aussi à Coyoacán, haïssait Diego Rivera. Un jour, me sentant un peu seul à Coyoacán j’ai rendu visite à Cristina. J’ai pris l’habitude d’aller chez elle en fin de semaine. Elle organisait des petites fêtes les samedi et dimanche. Frida y venait souvent et se mêlait aux personnes présentes. C’est à cette occasion que j’ai connu Frida Kahlo. Mais je n’ai pas croisé Diego Rivera.
PM : Votre grand-père et Rivera se sont disputés…
EV : Oui. De jeunes trotskystes avaient créé une revue au Mexique qui s’appelait Clave. Mais Diego n’en avait pas été nommé directeur. Rivera pensait que c’était mon grand-père qui était responsable de cela. C’était totalement faux. Alors, Diego a écrit à André Breton pour se plaindre de la décision et de Léon Davidovitch aussi. Une copie de la lettre est restée dans la machine à écrire. Ma grand-mère, Natalia, l’a lue. Elle demanda à Rivera de retirer son accusation mensongère. Celui-ci lui dit qu’il corrigerait sa lettre, mais il ne le fit jamais. À partir de là, les relations entre Léon Davidovitch et Diego Rivera se sont détériorées. Diego était fatigué d’avoir des personnes dans sa maison [les Trotsky, qu’il hébergeait], alors il a utilisé ce prétexte pour rompre toute relation avec mon grand-père.
PM : Avez-vous des souvenirs de vos parents ? De votre mère, Zinaida, et de votre père, Platon ?
EV : Je n’ai aucun souvenir de mon père. J’ai retrouvé ma mère une semaine ou dix jours à Berlin, après mon séjour en Turquie. On l’a poussée au suicide après lui avoir enlevé la nationalité russe. À Berlin, dans le contexte de la montée du nazisme, elle était soignée par un psychiatre qui était probablement un agent de la GPU. Un psychiatre allemand qui parlait russe en dehors de la Russie. (Rire ironique)
PM : Vous a-t-on redonné la nationalité russe ?
EV : Non. Toute la famille Trotsky en a été privée.
PM : Je relisais avant notre rencontre les textes de Trotsky des années 30 dans lesquels il dénonçait l’antisémitisme de Staline, notamment lors des procès contre Zinoviev et Kamenev. Est-ce que l’antisémitisme préoccupait votre grand-père ?
EV : Il semble que l’une des raisons de la mort de Staline, c’est qu’il avait éliminé tous les docteurs car ils étaient juifs. Il n’y avait plus personne pour le soigner. Mon grand-père était totalement détaché du judaïsme et de la religion.
PM : À la mort de votre grand-père, vous avez continué à vivre dans cette maison avec votre grand-mère Natalia, n’est-ce pas ?
EV : Oui. Elle a vécu ici pendant une vingtaine d’années jusqu’à sa mort (15). De temps en temps, elle voyageait. Elle se rendait à Paris pour rendre visite à Jeanne Martin.
PM : Votre grand-mère était aussi une militante politique. J’ai noté qu’en 1951, elle a quitté la 4e Internationale, à la suite d’un désaccord politique à propos de la nature du régime soviétique. Elle disait que l’URSS était devenue un régime capitaliste d’État aux mains d’une « aristocratie tyrannique et privilégiée » … Trotsky lui parlait « d’État ouvrier dégénéré » (16). Il reconnaissait qu’il y a donc encore une composante ouvrière.
EV : Oui, il voyait dans l’URSS, une entité en transition, en mouvement. On peut d’ailleurs estimer que le bureaucratisme soviétique était une transition qui allait se prolonger pendant des siècles. [Rire] C’est la force de la dialectique marxiste : étudier les forces en mouvement.
PM : En 1991, lorsque l’URSS a cessé d’exister, qu’avez-vous ressenti ?
EV : La fin de l’URSS a donné raison à Léon Davidovitch. C’était la réalisation de ses prédictions, sa capacité à prévoir les événements historiques. Le marxisme est une science. Il y a pas mal d’aspects qu’il faut renouveler - même la certitude d’un futur socialiste - car il ne faut pas que cela devienne un dogme… Les questions écologiques, la destruction de la planète n’étaient pas à l’ordre du jour à l’époque de mon grand-père. La survie de l’humanité est en jeu. Il faudrait mentionner les commentaires de Steve Hawking, l’astrophysicien, qui a dit que beaucoup d’espèces vivantes et animales ont disparu. L’humanité court aujourd’hui ce risque. Le capitalisme peut parvenir à un stade de destruction absurde.
PM : Vous avez été un chimiste ?
EV : Oui.
PM : Que reste-t-il de la pensée de Trotsky qui vous paraît d’actualité ?
EV : Évidemment, l’histoire ne s’est pas déroulée comme on aurait pu le penser ou l’espérer. Mais je considère que les partis trotskystes ont constitué les meilleures universités politiques au niveau international. De là sont sortis de grands analystes politiques et les plus grands théoriciens.
PM : On peut dire aussi que l’actualité du trotskysme réside dans l’idée, historiquement démontrée, qu’il n’y a pas de socialisme sans démocratie.
EV : Tout à fait.
PM : Aux révolutionnaires européens, quel message voudriez-vous faire passer ?
EV : Je pense que le marxisme est l’unique instrument scientifique qui donne les solutions. Actuellement, il doit se mettre à jour car le monde a changé depuis que Karl Marx a rédigé son œuvre.
PM : C’est intéressant ce que vous dites, parce que Trotsky, lecteur de Marx, pensait la même chose. Il estimait que le marxisme ne doit pas être un dogme figé.
EV : Oui, en effet.
PM : La notion de « Front unique » est aussi toujours pertinente quand on part de la situation sur le terrain aujourd’hui dans la plupart des pays : la gauche est souvent éclatée, faible et impuissante.
EV : Malheureusement oui, il existe toujours cette division à gauche.
PM : C’est d’autant plus vrai que la théorie du « Front unique » a été pensée dans les années 20 par Trotsky, à un moment où le fascisme menaçait de prendre le pouvoir dans plusieurs pays européens. Or, nous revoici presque dans la même situation aujourd’hui.
EV : Absolument. Je considère que le rôle le plus important de ce lieu [le musée Léon Trotsky] est de rétablir la mémoire, celle de Trotsky, mais aussi des événements historiques, qui sont tellement altérés et falsifiés. Sans mémoire, on ne peut pas comprendre le présent, et on ne peut pas planifier le futur. Je pense qu’un des pires crimes de Staline a été de détruire la mémoire de ses crimes. J’ai la certitude que Trotsky restera dans la mémoire comme un personnage important dans l’histoire de l’humanité ; un être exceptionnel qui a lutté.
PM : La maison de Coyoacán est restée en l’état depuis 1940 ?
EV : Oui. Après le premier attentat, on a fortifié la maison. J’ai vécu dans cette maison jusque 1970. Le président mexicain a alors réquisitionné la maison pendant quelques mois. Il y avait à l’époque un activisme trotskyste assez fort dans les universités mexicaines. Le président s’est mis en colère, et a décidé de réquisitionner la maison ! Après quelques mois, il nous a rappelé parce qu’il ne savait pas quoi en faire. Il n’osait pas détruire un bâtiment historique. Alors, il a pensé que la meilleure solution était que sa famille revienne l’occuper. En 1982, le président mexicain José López Portillo a décidé de classer cette maison comme monument historique. On m’a confié la responsabilité d’entretenir la maison. J’ai habité dans cette maison après la mort de ma grand-mère. Je vivais là avec ma famille. Mes quatre filles étaient très heureuses ici.
PM : Vous avez donc passé toute votre vie au Mexique. Allez-vous parfois en Europe ?
EV : Parfois, mais pas récemment. J’évite les voyages. Je suis allé à Paris, en Espagne, en Grèce, en Italie, en Russie où j’ai rencontré ma demi-sœur (17), en Allemagne et en Angleterre où j’ai été invité par Vanessa Redgrave. Un chercheur de notre fondation est en train de traduire en espagnol la biographie de Trotsky par Pierre Broué, qui était un très proche ami. Nous avons voyagé ensemble pas mal de fois, surtout aux États-Unis.
PM : S’intéresse-t-on à Trotsky en Amérique latine ?
EV : Oui, beaucoup, surtout en Argentine. Comme toujours, il y a pas mal de groupes trotskystes… J’espère que mon français n’a pas été trop mauvais…
PM : Oh, non ! Vous parlez très bien français. Merci beaucoup, Esteban.
Notes
(1) Alfred Rosmer/Griot (1877-1964) était un militant politique communiste, un syndicaliste et un écrivain français, qui fut expulsé du PCF en 1924 pour « trotskisme ». Alfred et son épouse Marguerite accompagnèrent le jeune Esteban à Mexico en 1939.
(2) Marguerite Thévenet-Rosmer (1879-1962) rencontra Alfred Rosmer en 1916 à l’occasion d’une réunion publique consacrée à la conférence de Zimmerwald à laquelle Alfred avait assisté. Ils se marièrent en 1932.
(3) Après avoir été expulsés de l’URSS par Staline, Trotski et sa famille s’établirent sur l’île de Prinkipo (au large d’Istanbul) entre 1929 et 1933.
(4) La Guépéou (GPU, Direction politique d’Etat) était la police d’Etat de l’Union soviétique entre 1922 et 1934.
(5) Jeanne Martin était la compagne française de Lev Sedov, le premier fils de Trotski et oncle d’Esteban. Lev et Jeanne avaient recueilli Esteban à Paris après la mort de ses parents.
(6) Lázaro Cárdenas del Río fut président du Mexique entre 1934 et 1940.
(7) Lev Davidovith Bronstein est le véritable nom du fondateur de la IVe Internationale. Trotski est un pseudonyme.
(8) Jean van Heijenoort (1912-1986), un Franco-Néerlandais, fut un secrétaire et garde du corps de Trotski sur l’île de Prinkipo et à Mexico.
(9) Otto Schüssler (1905-1982) fut également un secrétaire et garde du corps de Trotski sur l’île de Prinkipo et à Mexico.
(10) « Trotsky », une série de huit épisodes, dirigée par Alexander Kott et Konstantin Statsky, Netflix, 2017. Cette série russe au contenu anti-trotskiste et antisémite a été critiquée à sa sortie par Esteban Volkov. Voir David North, Clara Weiss, « Netflix’s Trotsky : a toxic combination of historical fabrication and blatant anti-semitism », World Socialist Web Site, 8 mars 2019.
(11) Philippe Marlière, « Ramón Mercader et le destin tragique de Sylvia Ageloff », Blog Mediapart, 4 janvier 2012.
(12) Les procès de Moscou furent organisés à l’instigation de Staline contre les « agents trotskistes », entre 1936 et 1938. En réponse, furent organisés à New York des « contre-procès ». En 1937, la Commission Dewey innocenta Trotski et ses partisans des crimes dont Staline les accusait.
(13) Leonardo Padura, « L’homme qui aimait les chiens », Paris, Editions Métailié, 2008.
(14) Victor Serge (1890-1947) était un écrivain et un militant bolchevique dans l’opposition à Staline. Comme Trotski, il dut s’exiler, et il trouva également refuge à Mexico en 1940 où il mourut quelques années plus tard.
(15) Natalia Sedova vécut dans la maison de Coyoacán jusqu’en 1961. Malade, elle vint se faire soigner à Corbeil-Essonnes où elle décéda le 23 janvier 1962.
(16) Natalia Sedova, « Resignation from the Fourth International », Marxists.org, 4 juin 1951.
(17) Esteban rencontra pour la première fois sa demi-sœur Alexandra Moglina (1923-1989) en 1988 à Moscou. Souffrant d’un cancer, elle mourut peu après. Un interprète dut traduire les propos de chacun car Esteban ne parlait plus le russe.