1939 |
Article (T 4566) traduit du russe, avec la permission de la Houghton Library. |
Œuvres - avril 1939
Laborde et les trotskystes en général
La Voz de Mëxico a exprimé sa conviction que le dernier tragique accident de chemin de fer était l’œuvre des forces de la réaction et en particulier de Trotsky [1]. En dépit de tout le sérieux de cette source d'information, cette information nous semble au premier coup d’œil incroyable. Nous souvenant pourtant des procès de Moscou au cours desquels les trotskystes se sont accusés de crimes bien plus monstrueux encore, nous avons décidé de procéder dans cette affaire, avec nos modestes forces, à une enquête méticuleuse. Elle nous a valu un bien plus grand succès que nous ne l'avions espéré en commençant.
Trotsky nous est cher, mais la vérité nous est plus chère encore. Les documents tombés entre nos mains établissent de façon irréfutable que le principal organisateur de l'accident de chemin de fer a bien été le conspirateur de Coyoacàn. En passant, nous sommes également arrivés à découvrir qui sont ses principaux conseillers. Il est évident que Trotsky transmettait ses instructions les plus criminelles par l'intermédiaire ‑ l'auriez-vous cru ? ‑ de Hernàn Laborde [2]. Beaucoup peuvent trouver cela incroyable, car Laborde est connu comme le principal ennemi du trotskysme au Mexique. Mais seuls peuvent raisonner ainsi de grands naïfs ou des hypocrites pourris qui ne se rendent pas compte de la diabolique duplicité des trotskystes.
De même que Radek, Piatakov et des dizaines d'autres qui développaient en apparence une campagne acharnée contre Trotsky mais qui étaient en réalité ses agents secrets, de même, Hernan Laborde n'a fait que se couvrir du stalinisme pour mener efficacement son travail de sape trotskyste. Les preuves ? Il existe plus qu'il n'en faut ! Prenons la plus simple, la plus claire. De nombreuses personnes ont plus d'une fois manifesté leur étonnement de voir à la tête du parti communiste du Mexique un homme dont les discours, les déclarations, les dénonciations, étaient caractérisées par le fait qu'elles portaient l’empreinte d'une exceptionnelle imbécilité. En vérité, seule l’innocente simplicité pouvait prendre pour argent comptant cette imbécilité. Exécutant les diaboliques desseins de la IV° Internationale, Hernàn Laborde se plaisait à se faire passer pour un imbécile afin de discréditer ainsi d'autant mieux le Comintern. Pour que tous répètent partout qu'il y avait à la tête de la section mexicaine un individu sans intelligence ni conscience.
Le masque de l'imbécilité est nécessaire à la ruse trotskyste pour mieux réaliser son travail de sape.
En ce qui concerne la participation immédiate de Laborde à la préparation directe de l'accident de chemin de fer, elle est pleinement démontrée. Dans le tiroir de notre écritoire se trouvent deux noix déposées par Laborde la nuit qui précédait l’accident. La dactyloscopie établira avec certitude que les empreintes digitales sont celles du trotskyste mexicain. Par ailleurs, de telles preuves matérielles ne sont pas tellement nécessaires. De même que les autres contrebandiers, Laborde s’est empressé d'avouer publiquement ses crimes. Ainsi qu'on nous en informe de source digne de foi, Vychinsky lui a déjà envoyé un billet de première pour faire le voyage de Moscou. Nous espérons que cette fois Laborde ne restera pas incognito aux Etats‑Unis, mais qu'il se rendra vraiment dans les bras du G.P.U [3]. Après que le camarade Beria aura réalisé sur lui la rituelle opération chirurgicale [4], les rédacteurs de La Voz de México consacreront à leur maître et ami une notice nécrologique bien sentie, qui se terminera par ces mots ; « Un chien enragé du trotskysme vient d'être liquidé ? Vive Staline, le père peuples ? ».
Et tout le parti « communiste » du Mexique dira « Amen » !
Notes
[1] C'était le 21 décembre 1938 qu'avait eu lieu entre Irolo et Ometusco une terrible catastrophe ferroviaire, qui avait fait 54 morts.
[2] Hernàn Laborde (1896‑1955), cheminot, dirigeant de la Union de Trabajadores Ferrocarriles, porté en 1929 au secrétariat général du P.C.M., s'était évidemment distingué dans la campagne de calomnies contre Trotsky. Ce dernier savait‑il que son élimination se préparait sous l'accusation de « trotskysme » ? Ce n'est pas certain, mais l'hypothèse ne peut pas non plus être écartée.
[3] Au cours de l'année 1938 (Œuvres, 18, pp. 273‑275), Laborde avait séjourné aux Etats‑Unis dans le cadre des préparatifs pour ce qu'on appelait alors « l'action directe » contre Trotsky, c'est‑à‑dire son assassinat. La version officielle du P.C. pour son absence avait été qu'il séjournait à Moscou.
[4] Lavrenti P. Beria (1899‑1953), un Géorgien, venait de succéder à Ejov à la tête des services politiques policiers (G.P.U.). L' « opération chirurgicale » est évidemment l'exécution sans jugement.