1939

Source : Léon Trotsky, Œuvres 20, janvier 1939 à mars 1939. Institut Léon Trotsky, Paris 1985, pp. 115-116, titre : « Un Tournant délicat ».

Trotsky

Léon Trotsky

Lettre au P.O.I.

14 février 1939

Chers Camarades,

La situation en France nous inquiète beaucoup ici. Lors de la conférence internationale, il fut décidé, à ce que j’ai compris, que le P.O.I. enverrait une partie importante de ses membres pour travailler dans le P.S.O.P. On parla d’un tiers ou d’un quart. Malheureusement, rien ne fut fait. Pourquoi ? Nous ne le savons pas ici. On s’est privé de la possibilité d’accumuler une expérience importante durant les mois passés et peut-être de prévenir la scission.

Aujourd’hui, la scission est un fait. Il s’agit d’une question qui, quoique importante, reste malgré tout purement tactique. Nos camarades ont une trempe suffisante pour ne pas se dissoudre dans le P.S.O.P. Il semble qu’il y ait un certain danger de l’autre côté. La scission est un fait déterminé par la longue stagnation (qui doit bien avoir des raisons) et par l’erreur récente indiquée ci-dessus. Il faut s’accommoder politiquement de ce fait. Il semble cependant que quelques camarades parmi vous soient enclins à considérer l’entrée dans le P.S.O.P. comme une trahison. Ce serait une très grande faute, qui pourrait vous isoler en France et dans l’Internationale. Vous avez le journal, un instrument puissant; vous pouvez influencer l’activité de la fraction dans le P.S.O.P. à condition que vous vous donniez pour tâche de les aider et non de les compromettre. N’oubliez pas, chers camarades, que tout le monde se demande comment et pourquoi est venue la stagnation, et même le déclin, dans des conditions exceptionnelles. Tout le monde est a priori enclin à approuver et à soutenir la fraction qui cherche de nouvelles voies pratiques d’action. Si vous apparaissez à l’Internationale comme de simples conservateurs et surtout comme des « saboteurs » de l’initiative de l’autre partie de la section, les résultats en seraient fatals pour le P.O.I.

Rien n’est perdu ni compromis si nos amis du P.O.I. ne se laissent pas entraîner par une intransigeance purement formelle ou par l’esprit de clan.

Les Américains ont fait un effort magnifique pour vous aider. Ils ont montré leur capacité de manœuvre dans des conditions très compliquées. Il n’y a pas eu de stagnation chez eux. Au contraire, ils ont grandi. En passant, ils ont pratiquement liquidé le parti socialiste. Ils avancent. Dans ces conditions, la section française peut bien profiter non seulement de leur argent, mais aussi de leur expérience. Cannon a un flair politique excellent. Je suis sûr qu’il peut être très utile à la section française durant la période de ce tournant délicat.

Nous serions bien heureux d’apprendre de vous comment vous appréciez actuellement la situation et quels sont vos plans pour l’avenir.