1937

Lettre à Georges Lagorce (1897-1960), cheminot, ancien des « amis de l’U.R.S.S. ». Lagorce avait écrit à Trotsky au nom des militants du Parti Ouvrier Internationaliste de Marseille qui se prononçaient pour la réunification du P.O.I. et du P.C.I. de R. Molinier.

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Œuvres - mai 1937

Léon Trotsky

Lettre à G. Lagorce

26 mai 1937


Chers ami

Je comprends tout à fait les grandes difficultés créées par le fait de l'existence de deux organisations qui se réclament du même drapeau, mais qui se combattent avec acharnement. Cependant, ce fait n'est pas fortuit. Le groupe de R. Molinier et surtout lui-même ont démontré une incapacité absolue de travailler dans une organisation ouvrière par des méthodes normales. Quand R. Molinier trouve que son inspiration passagère, juste ou fausse (plus souvent fausse que juste), n'est pas immédiatement assimilée par l’Organisation, il ne s'arrête devant aucun moyen de pression, pas même les moyens financiers. J'avais toujours apprécié son énergie, son dévouement à la cause, qu'il confond d'ailleurs trop souvent avec sa personnalité. Je l'avais souvent défendu contre des critiques parfois exagérées, espérant que la croissance de l'Organisation neutraliserait ses défauts et permettrait d'utiliser ses qualités. C'est malheureusement le contraire qui est arrivé. R, Molinier a transporté dans l'organisation révolutionnaire les manières de l'homme d'affaires, avec une brutalité et un manque de scrupules absolument intolérables. J'ai essayé de l’avertir directement et par l'intermédiaire de ses amis (qui par leur docilité aveugle sont ses pires ennemis) maintes fois. Je n'ai jamais réussi à le convaincre ni même à atténuer ses procédés; il a rompu avec l'organisation nationale et internationale avec une légèreté criminelle. Son organisation n'a pas la moindre chance de succès. Une tentative de fusion fut faite. R. Molinier a recommencé ses manœuvres de plus belle. C'est sa faute ! C’est son crime ! Ce qui indigne surtout les camarades, et avec raison, c'est sa manière de dire à l'organisation: « Vous aurez l'argent si vous me suivez: sinon vous n'aurez rien. » La scission est donc devenue inévitable après la tentative de fusion. R. Molinier m'a rendu visite à ce moment là en Norvège par sa propre initiative. Je lui ai dit a peu près ceci : « Après les crimes commis par vous il ne vous reste plus qu'a rentrer dans l’ombre, allez ailleurs (Etats-Unis, etc.) ; laissez, l'organisation fusionner et se développer; démontrez par votre activité que vous avez compris la leçon. Alors vous pourrez retrouvez votre place dans les rangs de la Quatrième Internationale ». II n'a rien voulu comprendre. Puisqu'il avait de l'argent, il a lancé une organisation à lui. Il gaspille les énergies et les ressources pour rien. La faillite de son entreprise est absolument inéluctable. L'expérience faite, je ne puis recommencer la moindre concession à personne. Le seul conseil que ses vrais amis puissent lui donner est d'abandonner une entreprise condamnée par avance.

Voilà cher camarade, la réponse que je puis donner à votre suggestion dictée par les soucis révolutionnaires qui nous sont communs.

Mes saluts les plus fraternels.

Crux


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