1934

La Vérité n° 220, numéro spécial de septembre 1934, signé « Le C.C. », accompagnant la déclaration de la Conférence nationale de la Ligue commu­niste du 21 août 1934 : « Pourquoi nous adhérons à la S.F.I.O. »
Source : Le mouvement communiste en France (recueil établi et annoté par P. Broué).


Œuvres - août 1934

Léon Trotsky

S.F.I.O. et S.F.I.C. : la voie du débouché

21 août 1934


Format ODT Format Acrobat/PDF Format EPUBTéléchargement fichier
Cliquer sur le format de contenu désiré

Tendances concrètes du développement de la social-démocratie.

Le parti socialiste, en France, écrivions-nous dans un article précédent, se développe dans une direction inverse de celle de l’État: tandis qu'au parlementarisme se substitue le bonapartisme, étape d'instabilité sur la voie du fascisme, la social-démocratie va ou contraire vers un conflit mortel avec le fascisme. Est-il cependant possible de donner à cette analyse, actuellement d'une énorme importance pour la politique française, une signification absolue et, partant, internationale?

Non, la vérité est toujours concrète. Quand nous parlons des sens divergents du développement de la social-démocratie et de l’État bourgeois, dans les conditions de la crise sociale actuelle, nous n'avons en vue que la tendance générale du développement, et non une sorte de processus uniforme et automatique. Pour nous, la solution du problème politique dépend du degré de réalisation effective de la tendance elle-même. Il est également possible d'avancer le théorème inverse qui, il faut l'espérer, ne soulèvera pas parmi nous d'objection, à savoir: la destinée du prolétariat dépend dans une large mesure, à notre époque, de la résolution avec laquelle la social-démocratie réussira, dans le bref délai qui lui est imparti, à rompre avec l’État bourgeois, à opérer une mutation et à se préparer à la lutte contre le fascisme. Le fait même que la destinée du prolétariat puisse ainsi dépendre de celle de la social-démocratie est la conséquence de la faillite de l'Internationale communiste comme parti dirigeant du prolétariat international, et aussi l'exceptionnelle acuité de la lutte des classes1.

Comment se réalise concrètement la tendance du centrisme à la radicalisation.

La tendance du centrisme à supplanter le réformisme, de même que la tendance du centrisme à la radicalisation, ne peuvent manquer de revêtir un caractère international, en corrélation avec la crise mondiale du capitalisme et de l’État démocratique. Mais il est d'une importance décisive pour les conclusions pratiques, surtout dans le domaine de l'organisation, de savoir comment cette tendance se réfracte, à l'étape donnée du développement, à l'intérieur du parti social-démocrate d'un pays donné. La ligne générale du développement telle que nous l'avons définie doit seulement guider notre analyse, mais ne doit nullement en faire présager les déductions.

En Allemagne, exclusion de l'aile gauche.

Dans l'Allemagne préfasciste, l'approche de la rupture entre l’État bourgeois et le réformisme trouva son expression dans la constitution d'une aile gauche à l'intérieur de la social-démocratie, Mais la puissance de l'appareil bureaucratique - dans le contexte de complète désorientation des masses - s'est montrée suffisante pour exclure d'avance l'aile gauche encore faible et maintenir le parti sur les rails d'une politique conservatrice d'expectative2. En même temps, le parti communiste allemand, sous l'emprise des stupéfiants de la « troisième période » et du « social-fascisme », substituait à la mobilisation révolutionnaire des masses, irréalisable dans le rapport de forces réel sans la politique du Front unique, des parades « amsterdamiennes ». En conséquence, le puissant prolétariat allemand s'est trouvé incapable d'opposer la moindre résistance au coup d’État fasciste. Les staliniens ont déclaré : c'est la faute de la social-démocratie ! Mais, ce faisant, ils ont reconnu que toutes leurs prétentions au rôle de dirigeants du prolétariat allemand n'étaient que creuses fanfaronnades. Cette énorme leçon politique démontre essentiellement que, même dans le pays où le parti communiste était le plus imposant - au sens absolu comme au sens relatif -, il a été incapable, au moment décisif, de lever même le petit doigt, tant que la social-démocratie a conservé la possibilité de lui opposer toute la force de sa résistance conservatrice. Nous devons nous en souvenir !

En France, exclusion de l'aile droite.

En France, la même tendance historique fondamentale s'est réfractée de manière essentiellement différente. Sous l'influence aussi bien des conditions nationales spécifiques que des leçons internationales, la crise intérieure de la social-démocratie française a évolué de façon beaucoup plus profonde que celle de la social-démocratie allemande dans la période correspondante. La bureaucratie socialiste s'est vue forcée de porter un coup à sa droite. Au lieu d'assister, comme en Allemagne, à l'exclusion d'une petite aile gauche, nous avons été témoins de la rupture avec l'aile droite la plus conséquente (en sa qualité d'agence de la bourgeoisie), les néos. La symé­trie de ces deux scissions souligne on ne peut mieux la différence essentielle entre l'évolution des social-démocraties allemande et française, malgré la présence, dans l'une et l'autre, de tendances historiques communes, la crise du capitalisme et de la démocratie, l'écroulement du réformisme et la rupture entre l’État bourgeois et la social-démocratie.

En Belgique, lutte contre l'aile gauche.

II eût été nécessaire de juger, d'apprécier, sous l'angle indiqué, la situation intérieure des partis socialistes dans tous les pays capitalistes traversant les différentes étapes de la crise. Mais cette tâche sort des cadres de cet article. Signalons seulement la Belgique où le parti social-démocrate, ligoté de toute part par une bureaucratie réactionnaire et corrompue - bureaucratie parlementaire, municipale, syndicale, coopérative et bancaire - se trouve actuellement en lutte contre son aile gauche et tend à suivre les traces de son prototype allemand (Wels, Severing et Cie). Il est clair qu'on ne peut faire les mêmes déductions pratiques pour la France et pour la Belgique.

Possibilité de renversement de la tendance à la radicalisation.

Il serait cependant erroné de penser que la politique des social-démocraties allemande et belge, d'une part, de la social-démocratie française, de l'autre, représentent une fois pour toutes deux types incompatibles. En réalité, ces deux types peuvent, et vont, plus d'une fois, se transformer l'un en l'autre. On peut soutenir en toute certitude que, si le P.C. allemand avait mené en son temps une juste politique de Front unique, celle-ci aurait donné une puissante impulsion à la radicalisation des ouvriers social-démocrates, et que toute l'évolution politique de l'Allemagne aurait alors un caractère révolutionnaire. D'autre part, on ne peut pas tenir pour exclu que la bureaucratie social-démocrate, en France, avec l'aide active des staliniens, parvienne à isoler l'aile gauche et donner à l'évolution du parti un caractère rétrograde3. Il n'est pas difficile de prévoir à l'avance ce qu'en seraient les conséquences : prostration dans le prolétariat et victoire du fascisme. Quant à la Belgique, où la social-démocratie détient presque, comme parti, le monopole dans le prolétariat, on ne peut en général s'y représenter une lutte victorieuse contre le fascisme sans un regroupement décisif des forces et des tendances à l'intérieur de la social-démocratie. Il faut tenir la main sur le pouls du mouvement ouvrier et tirer à chaque pas les conclusions nécessaires.

Importance de l'évolution interne des partis socialistes.

Ce qui vient d'être dit suffit en tout cas pour faire comprendre l'énorme importance que revêt, pour la destinée du prolétariat - au moins en Europe et pour la période historique qui vient -, l'évolution interne des partis social-démocrates. Si l'on se souvient qu'en 1925 l'Internationale communiste avait déclaré, dans un manifeste spécial, que le parti socialiste français n'existait plus de façon générale, on mesurera l'ampleur de la retraite opérée par le prolétariat et surtout par son avant-garde, pendant les années domination des épigones4 !

Nous avons déjà dit que, en ce qui concerne l'Allemagne, l'I.C. a avoué - après coup, il est vrai, et sous une forme négative - qu'elle était totalement incapable de lutter contre le fascisme sans participation à la lutte de la social-démocratie. Pour la France, l'I.C. s'est vue forcée de faire le même aveu, mais à l'avance et sous forme positive. Tant pis pour l'I.C., mais tant mieux pour la Révolution !

Opportunisme du Front unique stalinien.

En renonçant sans explications à la théorie du social-fascisme, les staliniens ont jeté par-dessus bord du même coup le programme révolutionnaire. « Vos conditions sont les nôtres », ont-ils déclaré aux chefs de la S.F.I.O. Ils ont renoncé à critiquer leur allié et paient tout simplement cette alliance au prix de leur programme et de leur tactique. Et cependant, tant qu'il s'agit de la défensive contre l'ennemi mortel commun - défensive dans laquelle chacun des alliés poursuit ses propres intérêts vitaux -, personne ne devrait payer personne pour cette alliance, et chacun a le droit de rester ce qu'il est. Toute la conduite des staliniens nous les suggère en train de chuchoter à l'oreille des chefs socialistes : « Exigez plus encore, pressurez, ne vous gênez pas, aidez-nous à nous débarrasser le plus rapidement possible de ces mots d'ordre indigestes qui, dans la situation internationale actuelle, gênent nos maîtres de Moscou. »

Capitulation devant l’État bonapartiste.

Ils ont jeté par-dessus bord le mot d'ordre de la milice ouvrière. Ils ont qualifié de « provocation » la lutte pour l'armement du prolétariat. Ne vaut-il pas mieux partager avec les fascistes les « sphères d'influence » sous le contrôle de messieurs les préfets ? Cette combinaison est, entre toutes, de beaucoup la plus avantageuse pour les fascistes : tandis que les ouvriers, endormis par des phrases générales sur le Front unique, s'occuperont de parades, les fascistes multiplieront leurs cadres et leurs provisions d'armes, attireront de nouveaux contingents de masses et, à l'heure convenablement choisie, déclencheront l'offensive5.

Ainsi, le Front unique a été pour les staliniens français une forme de leur capitulation devant la social-démocratie. Les mots d'ordre et les méthodes du Front unique actuel expriment la capitulation devant l’État bonapartiste lequel, à son tour, fraye la voie au fascisme. Par l'intermédiaire du Front unique, les deux bureaucraties se défendent, non sans succès, contre toute ingérence d'une « troisième force ». Telle est la situation politique du prolétariat français, qui peut se trouver rapidement devant des événements décisifs. Cette situation pourrait être fatale s'il n'y avait ni pression des masses, ni lutte des tendances.

Comment se formera organiquement la IV° Internationale.

Celui qui affirme : « La II°, ainsi que la III° Internationales sont condamnées; l'avenir est à la IV° Internationale », exprime une idée dont la justesse est à nouveau confirmée par la situation actuelle en France. Mais cette idée, juste en elle-même, ne révèle encore rien, ni comment, ni dans quelles circonstances et délais la IV° Internationale sera constituée. Elle peut naître - théoriquement, ce n'est pas exclu - de l'unification de la II° et de la III° Internationales, d'un regroupement des éléments, épurés et trempés, de leurs rangs dans le feu de la lutte. Elle peut se former aussi à travers la radicalisation du noyau prolétarien du parti socialiste et la décomposition de l'organisation stalinienne. Elle peut constituer dans les processus de la lutte contre le fascisme et de la victoire sur lui. Mais elle peut se former aussi beaucoup plus tard, dans de nombreuses années, au milieu des décombres et des ruines accumulés à la suite de la victoire du fascisme et de la guerre. Pour de quelconques bordiguistes6, toutes ces variantes, perspectives, étapes, n'ont aucune importance. Les sectaires vivent en dehors du temps et de l'espace. Ils ignorent le processus historique vivant, qui leur rend bien la monnaie de leur pièce. Voilà pourquoi leur « bilan » est toujours le même : zéro. Les marxistes ne peuvent rien avoir de commun avec cette caricature de politique.

Comment les bolcheviks-léninistes doivent-ils empêcher la victoire du fascisme en France?

Il va de soi que s'il existait en France une forte organisation de bolcheviks-léninistes, elle aurait pu et dû devenir, dans les conditions actuelles, l'axe indépendant autour duquel se cristalliserait l'avant-garde prolétarienne. Mais la Ligue n'a pas réussi devenir une telle organisation. Sans vouloir en rien estomper les fautes de sa direction, il faut convenir que la lenteur du développement de la Ligue est conditionnée par la marche même du mouvement ouvrier mondial qui, au cours de la dernière décennie, n'a connu que défaites et reculs. Les idées et les méthodes des bolcheviks-léninistes se confirment à chaque nouvelle étape. Mais peut-on espérer que la Ligue, en tant qu'organisation, se montrera capable d'occuper - dans le délai qui reste jusqu'à un dénouement proche - une place, d'exercer une influence, sinon de jouer un rôle dirigeant dans le mouvement ouvrier ? On ne peut aujourd'hui répondre positivement à cette question que si l'on repousse en pensée le dénouement de quelques années, hypothèse qui contredit l'ensemble de la situation, ou bien si l'on croit tout simplement aux miracles. Il est absolument évident que la victoire du fascisme marquerait l'écroulement de toutes les organisations ouvrières. Un nouveau chapitre historique s'ouvrirait où les bolcheviks-léninistes auraient à chercher pour eux une nouvelle forme d'organisation. La tâche d'aujourd'hui doit être formulée concrètement, en liaison indissoluble avec le caractère de l'époque dans laquelle nous vivons : comment empêcher, avec la plus grande probabilité de succès, la victoire du fascisme, en tenant compte des groupements qui existent dans le prolétariat et du rapport de forces entre eux ? En particulier, quelle place doit occuper la Ligue, petite organisation qui ne peut prétendre à un rôle indépendant dans le combat en train de se dérouler mais qui est armée d'une doctrine juste et d'une expérience politique précieuse ? Quelle place doit-elle occuper pour féconder le Front unique d'un contenu révolutionnaire ? Poser clairement la question, c'est au fond lui donner une réponse. La Ligue doit immédiatement prendre sa place à l'intérieur du Front unique pour concourir activement au regroupement révolutionnaire et à la concentration des forces de ce regroupement. Occuper une telle place, elle ne le peut autrement, dans les conditions actuelles, qu'en entrant dans le parti socialiste.

Caractère des centrismes socialiste et stalinien.

« Mais le parti communiste, objectent quelques camarades, est cependant plus révolutionnaire. Pouvons-nous, si déjà nous nous décidons à renoncer à l'indépendance comme organisation, adhérer au parti le moins révolutionnaire ? »

Cette objection de nos adversaires - la principale, ou plus exactement la seule7 - s'appuie sur des réminiscences politiques et des appréciations psychologiques, non sur la dynamique vivante du développement. Les deux partis représentent des organisations centristes, avec cette différence que le centrisme des staliniens est le produit de la décomposition du bolchevisme, tandis que le centrisme du parti socialiste est né de la décomposition du réformisme. Il existe entre eux encore une autre différence, non moins essentielle. Le centrisme stalinien représente, malgré ses tournants convulsifs, un système politique très stable qui est indissolublement lié à la situation et aux intérêts de la puissante couche bureaucratique. Le centrisme du parti socialiste reflète la position transitoire des ouvriers qui cherchent une issue sur la voie de la révolution.

Dans le parti communiste, il y a indubitablement des milliers d'ouvriers combatifs. Mais ils sont désespérément confus. Hier, ils étaient prêts à se battre sur les barricades à côté d'authentiques fascistes contre le gouvernement Daladier8. Aujourd'hui ils cèdent sans mot dire devant les mots d'ordre de la social-démocratie. L'organisation prolétarienne de Saint-Denis, éduquée par les staliniens, capitule avec résignation devant le pupisme9. Dix années de tentatives et d'efforts tendant à régénérer l'I.C. n'ont pas donné de résultats. La bureaucratie s'est montrée assez puissante pour conduire jusqu'au bout son œuvre dévastatrice.

En donnant au Front unique un caractère purement décoratif, en sacrant du nom de « léninisme » leur renonciation aux mot d'ordre révolutionnaires élémentaires. les staliniens retardent le développement révolutionnaire du parti socialiste. Ils continuent à jouer leur rôle de frein, même maintenant, après leur tournant acrobatique. Le régime intérieur du parti exclut aujourd'hui, de manière plus décisive encore qu'hier, toute croyance en la possibilité de sa renaissance.

On ne peut comparer la S.F.I.O. et la S.F.I.C. comme on compare deux pièces d'étoffe : quel tissu est le meilleur, le plus serré ? Il faut considérer chaque parti dans son développement et tenir compte de la dynamique de leurs rapports réciproques à l'heure actuelle. Ce n'est qu'ainsi que nous trouverons, pour notre levier, le point d'appui le plus avantageux.

Perspective de notre entrée dans la S.F.I.O., centre d'attraction des éléments révolutionnaires.

L'adhésion de la Ligue au parti socialiste peut jouer un grand rôle politique. Il existe en France des dizaines de milliers d'ouvriers révolutionnaires qui n'appartiennent à aucun parti. Beaucoup sont passés par le P.C. : ils l'ont quitté avec indignation ou en ont été exclus. Ils ont conservé leur ancienne opinion du parti socialiste, c'est-à-dire qu'ils lui tournent le dos. Ils sympathisent ou sympathisent partiellement avec les idées de la Ligue, mais n'y adhèrent pas, parce qu'ils ne croient pas que, dans les conditions actuelles, un troisième parti puisse se développer. Ces dizaines de milliers d'ouvriers révolutionnaires restent en dehors du parti et, dans les syndicats, restent en dehors de la fraction.

Il faut ajouter ici les centaines et les milliers d'instituteurs révolutionnaires, non seulement de la fédération unitaire, mais encore du syndicat national, qui pourraient servir de chaînon entre le prolétariat et la paysannerie. Ils restent en dehors d'un parti, hostiles aussi bien au stalinisme qu'au réformisme10. Cependant, la lutte des masses, dans le temps qui vient, cherchera plus que jamais à couler dans le lit d'un parti. La constitution de soviets n'affaiblirait pas mais au contraire renforcerait le rôle des partis ouvriers, car les masses, par millions unies dans les soviets, ont besoin d'une direction que seul un parti peut donner.

Il n'est nullement besoin d'idéaliser la S.F.I.O., c'est-à-dire de la faire passer, avec toutes ses contradictions actuelles, pour le parti révolutionnaire du prolétariat; Mais on peut et on doit considérer ses contradictions internes comme une garantie de son évolution ultérieure et, partant, comme un point d'appui pour le levier marxiste. La Ligue peut et doit montrer l'exemple à ces milliers et à ces dizaines de milliers d'ouvriers révolutionnaires, d'instituteurs, etc. qui risquent, dans les conditions actuelles, de rester en dehors du courant de la lutte. En entrant dans le parti socialiste, ils renforceront extraordinairement l'aile gauche, féconderont toute l'évolution du parti, constitueront un centre d'attraction puissant pour les éléments révolutionnaires du parti dit « communiste » et faciliteront ainsi considérablement le débouché du prolétariat sur la voie de la révolution.

Sans renoncer à son passé et à ses idées, mais aussi sans de quelconques arrière-pensées de cercle, en disant ce qui est, il faut entrer dans le parti socialiste : nullement pour des exhibitions, nullement pour des expériences, mais pour un sérieux travail révolutionnaire sous le drapeau du marxisme.

Août 1934.

« Le C. C. »

 


Notes

1 La scission de l'Internationale, à partir de la révolution russe, fut effectuée par les bolcheviks avec la perspective d'une victoire à court terme : elle revêtait à leurs yeux la signification de l'exclusion des rangs ouvriers des social-démocrates agents de la bourgeoisie (cf. les vingt et une conditions).

2 L'aile gauche du parti social-démocrate allemand, dirigée par Rosenfeld et Seydewitz, conduisit la lutte contre la politique de « tolérance » à l'égard du gouvernement Brüning menée par les dirigeants social-démocrates au nom de la théorie du « moindre mal ». Exclus en juillet 1931, Rosenfeld et Seydewitz participaient en 1931 à la création du S.A.P., parti socialiste ouvrier allemand. Voir Le mouvement communiste en France, p. 514, note 341.

3 L'alliance électorale avec les radicaux, condamnée en 1933 par les dirigeants S.F.I.O. quand elle était proposée par les « néos », sera effectivement réalisée, sous l'étiquette du Front populaire, à partir du moment où le P.C. s'en fera le propagandiste.

4 Les « épigones » sont les successeurs dégénérés de Lénine, Staline et ses hommes.

5 Quelques mois auparavant, Dimitrov, au nom de l'Internationale communiste avait adressé aux social-démocrates autrichiens les mêmes critiques. Voir Le mouvement communiste en France, p. 425, note 267.

6 Bordiga, communiste italien, exclu en 1930, s'était dressé, du temps de Lénine, contre la participation des communistes aux élections et aux parlements. Dans le vocabulaire trotskyste, « bordiguiste » désigne de façon générale les groupes ultra-gauches.

7 Trotsky fait ici allusion aux vives discussions menées à l'intérieur de la Ligue communiste sur l'entrée dans la S.F.I.O. Une forte minorité devait à cette occasion rompre avec le groupe. Une fraction, dirigée par Naville, fermement opposé à l'adhésion, finit pourtant par « entrer », mais indépendamment du G.B.L. et après lui.

8 L'A.R.A.C., organisation d'anciens combattants animée par les communistes, avait appelé à manifester le 6 février et des militants du P.C. s’étaient retrouvés avec ceux des Ligues dans la foule criant « A bas les voleurs ! » .

9 Trotsky et les militants de la Ligue avaient suivi avec attention l'évolution de Doriot et sa lutte pour un véritable Front unique. Doriot était effectivement soutenu par l'écrasante majorité des militants communistes de son bastion prolétarien de Saint-Denis. Après son exclusion, il devait rapidement décevoir ceux qui espéraient le voir revenir dans une voie révolutionnaire : il se tournait vers le P.U.P., partisan de l'unité organique à la manière du socialisme d'avant-guerre, et, pour les trotskystes, n'était plus qu'une variété supplémentaire de « centriste » orienté à droite. Il faut noter - et ceci confirme le pessimisme de l'appréciation de Trotsky - que l'« organisation prolétarienne de Saint-Denis éduquée par les staliniens » allait suivre Doriot du stalinisme au « centrisme », puis, en 1936, au fascisme avec la création du P.P.F. Cet itinéraire de Doriot sera, bien entendu, utilisé par les staliniens contre toutes les velléités d'opposition dans leurs propres rangs.

10  Malgré les désaccords passés avec la direction de la fédération unitaire de l'enseignement, Trotsky ne perd jamais de vue ni la qualité des militants, ni, de façon générale, le rôle joué dans la vie politique en France par les enseignants et leurs syndicats. Le souci de gagner les meilleurs d'entre eux ne le quittera jamais. Le 8 août 1934, d'ailleurs, il avait eu, à Noyarey, une longue discussion avec Maurice Dommanget, Jean Aulas et Gilbert Serret. (Cf. Le mouvement communiste en France, p. 442, note 285.) Conscient, semble-t-il, que ces hommes ne rejoindraient pas l'organisation B.L. qu'ils prenaient pour une « chapelle », il crut cependant quelque temps possible de les convaincre d'adhérer au parti socialiste, où le travail commun aurait été ainsi facilité. Mais le souvenir de la discussion de 1931 renforçait évidemment les réticences de ces militants. Dommanget, par exemple, ne croyait pas plus au travail dans la S.F.I.O. en 1934 qu'au « redressement du P.C. » en 1931.



Archives Trotsky Archives Internet des marxistes