1930 |
Juin 1930 : le combat pour unifier et souder l'Opposition de Gauche Internationale face à la tourmente qui s'annonce. |
Œuvres - juin 1930
Rythme d'industrialisation et collectivisation
Cher Ami,
Merci pour votre lettre du 2 mai. Il n'y a pas entre nous de différence fondamentale d'opinion. Dans le Biulletin, surtout le n°11, j'espère que c'est expliqué aussi complètement que possible. Bien entendu, comme auparavant, nous sommes pour un taux maximum d'industrialisation et de collectivisation. Mais pour assurer le taux le plus élevé possible dans les conditions d'un développement isolé présuppose à chaque moment non le maximum statistiquement, mais l'optimum économiquement, c'est-à-dire le taux le plus logique, le plus sur économiquement, qui seul est capable d'assurer à l'avenir un taux élevé.
Pas stratégiquement, bien sûr, mais tactiquement, cela signifie à un moment donné: "Ne vous laissez pas entraîner, retenez-vous !". J'ai jugé nécessaire de crier ces simples mots à pleine voix bien que je n'aie pas un moment douté que les bureaucrates à œillères qui demain ne vont pas se retenir mais bien plutôt sauter en arrière follement du bord du gouffre où ils sont arrivés vont maintenant nous accuser de déviation droitière ! Mais ce ne sont que de foutues phrases ! Le fait que l'Opposition de gauche qui a réclamé pendant des années l'accélération de l'industrialisation et de la collectivisation a pu crier à temps aux aventuristes égoïstes et fainéants de la bureaucratie "Retenez-vous !" sera généralement reconnu.
Bien entendu "retenir, ralentir la collectivisation" signifie restreindre la collectivisation administrative et nullement réduire la construction réelle de kolkhozes. Mais ces taux doivent avoir un fondement économique. La volonté de collectiviser n'exclut pas du tout la pression économique qui diffère de la pression administrative en ce qu'elle donne des avantages réels au lieu des menaces d'un milicien. Dans un plan bien construit de collectivisation, l'activité idéologique est combinée avec la pression économique. Mais puisque cette dernière opère avec des quantités réelles, elle doit être calculée exactement et réduite à une méthode qui puisse assurer la croissance systématique de la collectivisation avec un affaiblissement et non un renforcement du facteur administratif.
Que le pouvoir révolutionnaire doive régler et règle strictement ses comptes avec les koulaks qui se sont rebellés ne demande aucun commentaire. Mais si les koulaks, qu'on caressait hier sur la tête ("Enrichissez-vous ! Grandissez !") sont aujourd'hui menacés de "dékoulakisation", c'est-à-dire d'expropriation complète dans une période de deux ou trois ans, cela signifie qu'ils ont été administrativement conduits à la rébellion. C'est contre cette dékoulakisation qu'il était nécessaire de lancer le cri "Retenez-vous !".
En ce qui concerne la réduction des dépenses, notre plate-forme conserve toute sa force. Staline, avec Rykov et Kouibychev a promis, si vous vous en souvenez, dans le manifeste spécial de 1927 de réduire de trois ou quatre cent millions de roubles les dépenses bureaucratiques. En fait il n'a rien réduit du tout. Personne n'a jamais vu une bureaucratie se réduire elle-même.
Mais les revendications générales de notre programme n'excluent pas la nécessité d'une révision profonde de tous les plans industriels supplémentaires de l'année ou des deux années dernières. Maintenant les programme sont bouleversés selon une inspiration du secrétaire général et des secrétariats de régions et districts. Comment sont-ils couverts économiquement ? En premier lieu par la réduction de la qualité de la production, en second lieu par l'inflation. L'un comme l'autre atteignent les ouvriers et les paysans pauvres, et préparent un cruel échec de l'industrialisation. C'est pourquoi le cri "Retenez-vous" était nécessaire ici aussi.
Que les égoïstes d'aujourd'hui, en établissant les taux maximum, soient prêts demain - quand les processus économiques, qui sont un mystère pour eux, les frapperont encore plus fort au visage à décrire un arc au-dessus de nos têtes pour nous pousser sur la vieille route d'Oustrialov - là-dessus, pas la moindre divergence entre nous. Soit dit en passant, vous aviez parfaitement raison de lire notre solidarité entre les lignes d'un article d'un des professeurs staliniens jaunes-rouges (on les appelle professeurs à cause de leur peu enviable profession).
Je vous embrasse et vous souhaite la meilleure santé.