1938 |
Le manifeste du marxisme révolutionnaire à l'époque de l'impérialisme - celle des guerres et des révolutions. |
Programme de Transition
Le "secret commercial" et le contrôle ouvrier sur l'industrie
Le capitalisme libéral, fondé sur la concurrence et la liberté du commerce, a disparu bien loin dans le passé. Le capitalisme monopoliste, qui l'a remplacé sur la scène, non seulement n'a pas réduit l'anarchie du marché, mais lui a donné, au contraire, un caractère particulièrement convulsif. La nécessité d'un "contrôle" sur l'économie, d'une "direction" étatique, d'une "planification" est maintenant reconnue - au moins en paroles - par presque tous les courants de la pensée bourgeoise et petite-bourgeoise, du fascisme à la social-démocratie. Pour les fascistes, il s'agit surtout d'un pillage "planifié" du peuple à des fins militaires. Les sociaux-démocrates cherchent à vider l'océan de l'anarchie avec la cuillère d'une "planification" bureaucratique. Les ingénieurs et les professeurs écrivent des articles sur la "technocratie". Les gouvernements démocratiques se heurtent, dans leurs tentatives poltronnes de "réglementation", au sabotage insurmontable du grand capital.
Le véritable rapport entre exploiteurs et "contrôleurs" démocratiques est caractérisé de la meilleure façon par le fait que messieurs les "réformateurs", saisis d'une sainte émotion, s'arrêtent au seuil des trusts, avec leurs "secrets" industriels et commerciaux. Ici règne le principe de la "non-intervention". Les comptes entre le capitaliste isolé et la société constitue un secret du capitaliste : la société n'a rien à y voir. Le "secret" commercial est toujours justifié, comme à l'époque du capitalisme libéral, par les exigences de la "concurrence". En fait, les trusts n'ont pas de secrets l'un pour l'autre. Le secret commercial, à l'époque actuelle, est un complot constant du capital monopoliste contre la société. Les projets de limitation de l'absolutisme de "patrons de droit divin" restent de lamentables farces tant que les propriétaires privés de moyens sociaux de production peuvent cacher aux producteurs et aux consommateurs les machinations de l'exploitation, du pillage, de la tromperie. L'abolition du "secret commercial" est le premier pas vers un véritable contrôle de l'industrie.
Les ouvriers n'ont pas moins de droits que les capitalistes à connaître les "secrets" de l'entreprise, du trust, de la branche d'industrie, de l'économie nationale toute entière. Les banques, l'industrie lourde et les transports centralisés doivent être placés les premiers sous la cloche d'observation.
Les premières tâches du contrôle ouvrier consistent à éclairer quels sont les revenus et les dépenses de la société, à commencer par l'entreprise isolée; à déterminer la véritable part du capitaliste individuel et de l'ensemble des exploiteurs dans le revenu national; à dévoiler les combinaisons de coulisses et les escroqueries des banques et des trusts; à révéler enfin, devant toute la société, le gaspillage effroyable de travail humain qui est le résultat de l'anarchie capitaliste et de la pure chasse au profit.
Aucun fonctionnaire de l'État bourgeois ne peut mener à bien ce travail, quels que soient les pouvoirs dont on veuille l'investir. Le monde entier a observé l'impuissance du président Roosevelt et du président du conseil Léon Blum en face du complot des "60" ou des "200 familles". Pour briser la résistance des exploiteurs, il faut la pression du prolétariat. Les comités d'usine, et seulement eux, peuvent assurer un véritable contrôle sur la production, en faisant appel - en tant que conseillers et non comme "technocrates" - aux spécialistes honnêtes et dévoués au peuple : comptables, statisticiens, ingénieurs, savants, etc.
En particulier, la lutte contre le chômage est inconcevable sans une organisation large et hardie de GRANDS TRAVAUX PUBLICS. Mais les grands travaux ne peuvent avoir une importance durable et progressiste, tant pour la société que pour les chômeurs eux-mêmes, que s'ils font partie d'un plan général, conçu pour un certain nombre d'années. Dans le cadre d'un tel plan, les ouvriers revendiqueront la reprise du travail, au compte de la société, dans les entreprises privées fermées par suite de la crise. Le contrôle ouvrier fera place, dans ces cas, à une administration directe par les ouvriers.
L'élaboration d'un plan économique, même le plus élémentaire - du point de vue des intérêts des travailleurs, et non de ceux des exploiteurs - est inconcevable sans contrôle ouvrier, sans que les ouvriers plongent leurs regards dans tous les ressorts apparents et cachés de l'économie capitaliste. Les comités des diverses entreprises doivent élire, à des conférences correspondantes, des comités de trusts, de branches d'industrie, de régions économiques, enfin de toute l'industrie nationale dans son ensemble. Ainsi, le contrôle ouvrier deviendra l' "ECOLE DE L'ÉCONOMIE PLANIFIÉE". Quand l'heure aura sonné, le prolétariat par l'expérience du contrôle se préparera à diriger directement l'industrie nationalisée.
Aux capitalistes, surtout de petite et moyenne taille, qui proposent parfois eux-mêmes d'ouvrir leurs livres de comptes devant les ouvriers - surtout pour leur démontrer la nécessité de diminuer les salaires - les ouvriers répondent que ce qui les intéresse, ce n'est pas la comptabilité de banqueroutiers ou de semi-banqueroutiers isolés, mais la comptabilité de tous les exploiteurs. Les ouvriers ne peuvent ni ne veulent adapter leur niveau de vie aux intérêts de capitalistes isolés devenus victimes de leur propre régime. La tâche consiste à reconstruire tout le système de production et de répartition sur des principes plus rationnels et plus dignes. Si l'abolition du secret commercial est la condition nécessaire du contrôle ouvrier, ce contrôle est le premier pas dans la voie de la direction socialiste de l'économie.