1920

Source : num�ro 25 du Bulletin communiste (premi�re ann�e), 19 ao�t 1920.


La question nationale en Finlande

Yrj� Sirola


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La question nationale, aussi �trange que cela puisse para�tre, ne provoquait chez l'ancienne social-d�mocratie qu'un int�r�t tr�s restreint. La question de la langue officielle, la lutte de classes de la petite bourgeoisie, et des agriculteurs de Finlande, revendiquant le droit de parler leur langue nationale, men�e contre les classes de la noblesse su�doise, de la haute bourgeoisie et de la bureaucratie au pouvoir, touchait � son terme lorsque, il y a plus de 25 ans, le mouvement ouvrier prit le caract�re d'une lutte consciente de classes. La langue finlandaise fut tol�r�e l�galement en qualit� de langue officielle au m�me titre que la langue su�doise bien que dans une proportion loin d'�tre satisfaisante. Des relations amicales s'�tablirent dans le mouvement ouvrier entre ouvriers finlandais et su�dois, l� o� se trouvaient ces derniers (comme � Helsingfors1, �bo2, Vase3). Certes, il y eut bien encore certains frottements qui s'expliquent par le fait qu'un certain nombre d'ouvriers de langue su�doise occupaient une position privil�gi�e, qui les mettait au rang de la petite bourgeoisie (il y avait parmi eux beaucoup d'employ�s de bureau, de tramways et de chemins de fer).

La r�forme de la repr�sentation nationale donna en 1906 aux Su�dois une place au parlement qui correspondait � leur nombre (1/8 du nombre total des d�put�s), tandis que sous l'ancien syst�me de vote par �tats ils disposaient de la majorit� dans deux d'entre eux (la noblesse et la bourgeoisie) en opposition aux deux autres classes (celle du clerg� et celle des paysans), dans lesquelles la majorit� appartenait aux Finlandais. La puissance �conomique de la bourgeoisie et des propri�taires su�dois restait malgr� tout assez importante : actuellement elle est peut-�tre �gale � celle des classes bourgeoises finlandaises. A l'universit�, dans les �coles sup�rieures et inf�rieures, les Su�dois d�fendaient leurs positions avec une grande opini�tret�.

Quant � la langue russe, elle n'�tait parl�e que par les satrapes et les carri�ristes ; elle avait �t� impos�e par force aux Finlandais par Bobrikov4 et n'�tait comprise que des officiers, de certains commer�ants, d'employ�s avides d'avancement (tra�tres � la patrie) et des professeurs de langues �trang�res ; tous les autres citoyens l'oubliaient aussit�t sortis de l'�cole.

Les Finlandais ne connaissent la culture russe que d'apr�s des traductions litt�raires assez compl�tes. Les marchands russes, etc. (� Helsingfors, � Viborg) �taient en assez bons termes avec la population locale. En Finlande, les ouvriers russes �taient peu nombreux, ils avaient quelques organisations � eux, peu importantes, qui se trouvaient sous la surveillance de la police et maintenaient des relations avec les organisations finlandaises. L'arm�e, les soldats comme les officiers, menait l'existence isol�e d'une arm�e d'occupation. Les Isra�lites qui se trouvaient en petit nombre �taient priv�s de tous droits. Ils ont exploit� au cours de ces derniers temps leur position � l�gale ï¿½ de marchands de vieux habits pour la cr�ation d'une industrie de confections aliment�e par des ateliers travaillant selon le � sweating system ï¿½. Pendant la guerre ils amass�rent de grandes fortunes et se livr�rent aux sp�culations de bourse, ce qui excita l'envie de leurs concurrents. Les tentatives de propagande anti-s�mite faites par les vieux Finlandais n'eurent cependant pas de succ�s. Les ouvriers en 1905-1906 lutt�rent �nergiquement pour les droits des Juifs, mais la r�action qui survint retarda la solution de cette question.

Les rapports avec la Russie n'�taient pas une question nationale, mais gouvernementale.

A chaque tentative faite pour provoquer un coup d'Etat (soit par la violation de la Constitution particuli�re de la Finlande, soit par les �dits de 1899 et 1903 et � l'aide de la Douma imp�riale en 1910) tout le peuple finlandais se mettait sur la d�fensive et les � s�paratistes ï¿½ n'avaient pas un seul adversaire au parlement finlandais5. La Finlande refusa d'envoyer ses repr�sentants � la Douma imp�riale. Il semble cependant que la haute bourgeoisie ait eu certains plans concernant l'�tablissement d'une � cohabitation pacifique ï¿½ et la reconnaissance de la l�gislation imp�riale pour obtenir � ce prix la sienne � propre ï¿½, c'est-�-dire le gouvernement de la haute bourgeoisie au lieu de la domination des officiers russes et demi-russes. Cette tendance subsista pendant la guerre, maintenue par les commandes militaires, bien que la bourgeoisie de concert avec les classes cultiv�es cherch�t d�j� une orientation allemande, en envoyant les jeunes gens en Allemagne pour y faire leur instruction militaire (mouvement des chasseurs).

La r�volution a fait surgir une nouvelle question d'un caract�re national � celle des arm�es russes n'ayant toujours inqui�t� la population petite bourgeoise que dans le domaine des relations conjugales.

Ces arm�es repr�sentaient maintenant un facteur social important. Les assassinats d'officiers � Helsingfors effray�rent la bourgeoisie finlandaise ; la part que prirent les soldats dans la gr�ve, leurs manifestations dans la salle m�me du tribunal en faveur du prol�tariat provoqu�rent une grande indignation de sa part et elle profita de quelques exc�s pour mener parmi la petite bourgeoisie et les paysans une agitation contre les Russes.

En relation avec tout cela on activa l'organisation du � corps des pompiers ï¿½ appel� ouvertement, par la suite, corps de garde. Au fur et � mesure que le prol�tariat fraternisait avec les soldats et posait des revendications de plus en plus pr�cises, cette garde tournait sa bienveillante attention vers le mouvement ouvrier. La situation devint particuli�rement tendue pendant l'�t� de 1917 lorsque la garde rouge fut organis�e et reconnue par le parti social-d�mocrate en qualit� de � garde de l'ordre ï¿½.

La question finlandaise devint d�s les premiers jours un des probl�mes de la r�volution russe. Le gouvernement provisoire (sans �tre soutenu par Goutchkov et Godnev) qui assumait en qualit� d'h�ritier des droits monarchiques du tsar ses fonctions de grand-duc de Finlande r�tablit dans ce pays la situation telle qu'elle �tait avant Bobrikov.

Cet �dit fut la cause d'un nouveau conflit. Les activistes, se basant sur l'ancienne � forme de gouvernement ï¿½ de 1772, d�clar�rent que les droits de la dynastie devaient �choir maintenant au parlement finlandais. La majorit� social-d�mocrate du parlement finlandais, tout en inclinant vers le m�me point de vue, n'en menait pas moins une politique opportuniste extr�mement prudente ; le parti (en juin 1917) avait pos� en principe la revendication de l'ind�pendance absolue de la Finlande, mais il �tait pr�t jusqu'� la conclusion de la paix � reconna�tre � la Russie le droit de r�soudre les questions militaires et de r�gler la politique ext�rieure du pays. Le droit de d�cider des destin�es de la Finlande �tait cat�goriquement refus� � l'Assembl�e Constituante. De tous les partis russes seul celui des bolcheviks reconnaissait � la Finlande le droit d'ind�pendance absolue. Le premier congr�s des Soviets se vit contraint de prendre la d�fense des droits du peuple finlandais � se gouverner lui-m�me. Il exigea la reconnaissance imm�diate de tous les droits du parlement finlandais (sauf celui de d�cider des questions militaires et de politique ext�rieure). Se basant sur cette r�solution le parlement finlandais, en d�pit des conseils de la d�putation mench�viste se d�clara pl�nipotentiaire, mais fut dissout par Kerensky qui employa la force arm�e. On peut tirer de cet exemple ces premi�res conclusions instructives : les valets de l'imp�rialisme en Russie avaient jet� bas leur masque de � d�mocratie r�volutionnaire ï¿½. Quant � la bourgeoisie finlandaise elle trahit l'�uvre nationale que repr�sentait la majorit� ouvri�re.

La bourgeoisie finlandaise reconnut Kerensky � en possession du pouvoir supr�me en Finlande ï¿½, mais cela n'emp�cha pas cette m�me bourgeoisie ayant obtenu la majorit� des voix aux �lections du parlement finlandais de refuser apr�s la r�volution d'octobre de reconna�tre le m�me titre, au soviet des Commissaires du Peuple ; de plus, le gouverneront de Svinhufvud proclama avec le consentement du parlement finlandais l'ind�pendance de la Finlade. Les social-d�mocrates obtinrent (en janvier 1918) que cette ind�pendance f�t reconnue par le pouvoir sovi�tiste. Les masses ouvri�res restaient malgr� tout assez indiff�rentes � cette question ; leur int�r�t se concentrait sur la question alimentaire et celle de l'armement de la garde volontaire (qu'on nommait garde des � bouchers ï¿½). La politique h�sitante du parti social-d�mocrate au moment de la gr�ve de novembre lui fit perdre une bonne partie de son influence6.

D�s lors la bourgeoisie finlandaise se sentit soutenue par une force assez importante. Elle mettait son espoir dans l'imp�rialisme allemand et dans la force arm�e de la garde volontaire. La bourgeoisie avivait par tous les moyens possibles la haine nationale des paysans r�actionnaires � l'�gard des Russes, qui �tait encore augment�e par les travaux d'instruction militaire et la politique alimentaire. Le gouvernement envoya un ultimatum exigeant le renvoi de Finlande des arm�es russes, sur la conduite desquelles des plaintes �taient en m�me temps envoy�es secr�tement � l'�tranger. Profitant de certains exc�s de la garde rouge, la bourgeoisie sut emp�cher l'aile gauche du parti agraire de former un bloc gouvernemental avec l'aile droite des social-d�mocrates dont les repr�sentants au parlement finlandais avaient la na�vet� d'esp�rer qu'ils pourraient au moyen d'un tel bloc att�nuer dans une certaine mesure l'intensit� de la crise. Il est vrai qu'en novembre d�j�, le parti social-d�mocrate d�clara qu'il n'exigeait pas l'�vacuation des arm�es russes. L'auteur du pr�sent article jeta le trouble dans la bourgeoisie en d�clarant au parlement finlandais que les arm�es russes en Finlande d�fendaient Petrograd contre l'imp�rialisme allemand. Mais ce n'�tait pas l'opinion des �l�ments de droite. Il �tait facile de voir dans la presse social-d�mocrate des d�clarations mettant le pays en garde contre le danger d'avoir recours � l'aide � ï¿½trang�re ï¿½ ; il semble m�me qu'on ait exploit� a ce sujet la parole de Karl Liebknecht que les ouvriers de chaque pays doivent en finir eux-m�mes avec leur bourgeoisie.

Un tel point de vue ne pouvait cependant pas �tre d�velopp� devant les masses ouvri�res, car le prol�tariat voyait dans les arm�es russes sa meilleure d�fense contre la garde blanche, (la Finlande n'avait pas d'arm�e nationale depuis l'ann�e 1902). Nous devions �prouver par la suite une certaine d�sillusion � ce sujet, du fait qu'une grande partie de l'ancienne arm�e se trouva d�moralis�e, lorsque se d�clencha la guerre civile. Les arm�es qui se trouvaient dans la Finlande du sud furent � la fin de janvier prises au d�pourvu par les blancs ; dans la Finlande du sud une grande partie d'entre elles � les choses se passaient au moment de la paix de Brest � se d�mobilisa d'elle-m�me tandis qu'une partie restait neutre (les officiers n'en rendaient pas moins de grands services aux blancs). Notre ignorance de la langue russe nous a caus� � ce moment des pr�judices irr�parables.

Il y eut pourtant des r�volutionnaires russes volontaires qui lutt�rent fraternellement aux c�t�s de la garde rouge finlandaise nous apportant le soutien particuli�rement pr�cieux de leurs sp�cialistes : les officiers, les artilleurs, les m�decins etc... Les m�decins finlandais refusaient de soigner les rouges et les blancs fusillaient m�me les infirmiers. Les stocks d'armes et d'�quipement fournis par nos camarades russes nous ont �t� particuli�rement pr�cieux. La fraternit� des prol�taires russes et finlandais scell�e dans le sang fut m�me une des meilleures le�ons de cette lutte et ce sang vers� creuse � jamais un ab�me infranchissable entre les classes de Finlande. L'illusion d'un gouvernement national s'est �galement dissip�e.

La guerre civile a d�barrass� le prol�tariat finlandais de bien d'autres illusions et particuli�rement de celle de � l'ind�pendance nationale ï¿½.

Pour d�montrer la n�cessit� d'une soumission vassale � l'Allemagne les laquais de la grosse bourgeoisie s'empress�rent de constater l'impossibilit� de conserver l'ind�pendance des petits peuples. La bourgeoisie a jet� son masque, d�couvrant sa figure r�actionnaire : toutes ces coquetteries avec la d�mocratie cess�rent et les tendances au carnage de la bourgeoisie trouv�rent leur expression dans la terreur blanche ; apr�s le coup d'Etat un candidat au tr�ne royal fut d�sign� et beaucoup de r�formes furent abolies. Les tendances progressistes du professeur Stolberg d�fendant � une r�publique ï¿½ extr�mement monarchiste n'�taient qu'une fa�on habile d'exprimer les int�r�ts de la bourgeoisie. Ce point de vue, soutenu par un certain nombre de partisans de l'Entente, semblait parfaitement acceptable lorsqu'�clata le scandale avec le kaiser.

Le prol�tariat re�ut une nouvelle le�on. La bourgeoisie se montra pr�te � vendre sans h�siter son pays � l'imp�rialisme de l'Entente contre du pain, des armes et des emprunts, pourvu que le succ�s dans sa lutte contre la r�volution lui fut garanti.

La guerre civile de 1918 remit � l'ordre du jour une s�rie de probl�mes nationaux.

L'aristocratie su�doise d�cida que son heure avait de nouveau sonn� du fait qu'elle avait fourni a l'arm�e blanche un nombre assez important d'officiers. Elle s'empara des meilleures places dans l'arm�e, dans l'administration civile, le corps diplomatique et attendit avec impatience l'arriv�e du roi, pr�par�e en Allemagne, et de sa suite. Elle avait bien contre elle la d�mocratie petite-bourgeoise des paysans, mais les efforts de celle-ci restaient sans r�sultat.

Les � progressistes ï¿½, avec le concours des social-patriotes des rangs de la social-d�mocratie blanche cr��rent en �t� 1919 une r�publique monarchique apr�s avoir �labor� une nouvelle constitution et promu le professeur Stolberg � la dignit� pr�sidentielle, en remplacement du g�n�ral Mannerheim. Le nationalisme anti-russe joua en cette occasion un r�le important. Les classes moyennes qui s'�taient laiss� prendre � la propagande anti-russe s'aper�urent bient�t qu'au lieu des bolcheviks qui reconnaissaient malgr� tout l'ind�pendance du pays elles avaient maintenant affair� aux pires finno-phobes et aux repr�sentants des bandes noires, adversaires inv�t�r�s de l'ind�pendance de la Finlande. Cette dialectique contradictoire de la soci�t� capitaliste �tait absolument inaccessible � la compr�hension de la petite bourgeoisie. On trouvait m�me dans les journaux bourgeois des protestations indign�es contre le fait que la � soci�t� ï¿½ russe, non seulement prenait part � la vie des restaurants et des th��tres de Helsingfors, mais encore y donnait le ton.

Les patriotes finlandais qui comptaient, sur la foi des phrases creuses des �migrants russes de Finlande, qu'� d�faut des � noirs ï¿½ les blancs tout au moins reconna�traient l'ind�pendance de la Finlande apprirent de la bouche de Milioukov et de Kerensky � Paris, que leur ind�pendance ne pouvait �tre reconnue par � aucun gouvernement russe ï¿½. Le gouvernement du Nord-Ouest7 qui, selon les instructions de Londres, s'�tait montr� pr�t � reconna�tre l'ind�pendance de la Finlande, dirige maintenant ses pas sur Paris chez MM. Sazonov8 et Cie.

Et Von der Goltz9 m�me, le lib�rateur de la Finlande, a jou� un r�le dans la Prusse orientais au cours d'intrigues qui mena�aient d'�touffer la Finlande par les mains de la r�action russo-allemande.

La question des Iles d'�land fait l'effet d'un paragraphe sp�cial dans l'histoire politique contemporaine de la Finlande. La population des �les, qui parle la langue su�doise, est compos�e de p�cheurs, de petits propri�taires de bateaux, et de paysans. Leur march� d'exportation est Stockholm ; leur patriotisme rev�t un caract�re purement provincial (ni su�dois, ni finlandais). On n'y trouve qu'un tr�s petit nombre d'ouvriers �migr�s de Finlande. Au moment de la guerre, civile, la bourgeoisie et les classes cultiv�es demand�rent secours � la Su�de, qui, � ob�issant � des consid�rations humanitaires ï¿½, envoya ses troupes aux �les ; elles y r�gn�rent jusqu'� l'arriv�e des Allemands. Par la suite, les Su�dois d�molirent les fortifications.

En compensation pour ce secours re�u les repr�sentants d'�land vendirent le pays � la Su�de, apr�s avoir rassembl� des signatures sous une adresse, dans laquelle la � voix du peuple ï¿½ exigeait l'annexion des Iles par la Su�de. Il est �vident que celte derni�re d�sire avoir en sa possession la clef du golfe de Botnie et fait antichambre � Paris pour l'obtenir. Mais la Finlande s'oppose �nergiquement � ce � s�paratisme ï¿½, � cette � haute trahison ï¿½ et les journaux fulminent contre la Su�de soulignant le fait qu'un irr�dentisme finlandais existe �galement en Su�de, dans les riches r�gions mini�res, dont la population finlandaise n'exige pourtant pas son rattachement � la Finlande. M. Branting, cet agent de l'Entente, se prononce �videmment pour la reconnaissance � l'Ile d'�land � du droit de se gouverner elle-m�me ï¿½, ce qui ne manquera pas d'�tre profitable � la Su�de. Mais sa seule victoire diplomatique, apr�s une s�rie de d�sillusions, est une promesse faite aux social-d�mocrates finlandais � Berne de d�cider de la destin�e des Iles d'�land10 au moyen d'un r�f�rendum qui aurait lieu dans quelques ann�es (peut-�tre dans dix ans).

En ce moment, la Finlande blanche essaie de r�soudre cette question en octroyant l'autonomie aux lies d'�land. Les Su�dois de Finlande (qui ont obtenu certaines garanties de leurs droits) sont �galement contre la s�paration des �les d'�land, craignant qu'elle ne m�ne � l'affaiblissement de l'�l�ment su�dois en Finlande. En fin de compte la question des �les d'�land n'est toujours pas r�solue. Chacune des puissances baltiques voit dans ces �les son Gibraltar ; le camarade Tchitcherine a �galement d�clar� que cette question ne peut �tre r�solue sans la Russie.

La question nationale la plus importante en Finlande est celle de Mourmansk et de la Car�lie. En consultant la carte nous remarquons que la fronti�re orientale historique de la Finlande est loin de correspondre � sa fronti�re � g�ographique ï¿½.

La population qui habite au del� de cette fronti�re est compos�e en majeure partie de lapons qui sont divis�s entre la Norv�ge, la Su�de, la Finlande et la Russie, et il serait plus juste de dire qu'ils sont compl�tement priv�s de tout sentiment politique national. Les c�tes Mourmanes sont habit�es par des Russes, des Norv�giens et des Finlandais. Les Car�liens finlandais pr�s de la mer Blanche et dans la r�gion d'Olonets, au nombre de plus de 100 000, sont des paysans vivant dans les conditions les plus primitives. C'est de leur sein qu'est sorti le barde national finlandais. Ils sont orthodoxes et parlent le finnois. Ils poss�dent une certaine �ducation russe bien que, dans ces derni�res ann�es, une propagande finlandaise nationale soit faite parmi eux.

L'union politique de ces deux r�gions avec la Finlande fut autrefois l'un des grands d�sirs des Finlandais. Pendant la guerre mondiale, l'Allemagne tourna ses regards de ce c�t� ; une riche litt�rature naquit sur la � Grande Finlande ï¿½ consid�r�e comme un pays vassal de l'Allemagne qui aurait eu pour fronti�res le Svir, l'Onega, la mer Blanche et aurait englob� la presqu'�le de Kola. La r�alisation de ce plan semblait tr�s d�sirable � l'Allemagne, pour l'exploitation des for�ts, des cascades et de la population de la Finlande. A cela s'ajoutait encore la perspective de disposer de plusieurs ports sur d'Oc�an Arctique et de former un coin entre l'Angleterre et la Russie. Quant aux moyens pour arriver � ce but, ils �taient fournis par le chauvinisme finlandais avec la sp�culation sur les for�ts pour la bourgeoisie. Il sera utile de rappeler ici qu'au moment des n�gociations de Protopopov concernant une paix s�par�e, l'Allemagne consentait � renoncer � toute esp�ce d'intervention dans la question finlandaise11.

Au moment de la guerre civile la prise de la Car�lie entrait dons le programme de Mannerheim, mais il fut oblig� d'y renoncer tant par suite des remontrances de la Su�de et de l'Allemagne que parce qu'il n'avait pas la force d'ex�cuter ce plan. De plus, du cot� de Mourmansk, il se trouvait d'abord sous la menace des rouges, puis des Anglais. Par suite de la d�faite des arm�es sovi�tistes une partie des Finlandais rouges, apr�s avoir repouss� les tentatives d'offensive de la part des blancs, resta � Mourmansk. Avec le concours des Anglais, ils y form�rent une � l�gion finlandaise ï¿½, mais les Anglais ne r�ussirent pas � la mener contre la Russie sovi�tiste. L'Angleterre livra alors ces l�gionnaires � la Finlande blanche, o� ils re�urent une amnistie conditionn�e. Cette amnistie ne s'appliqua pas � tout le monde. C'est ainsi, par exemple, que Toko�, l'auxiliaire de l'Entente, �chapp� de Russie et d�clar� tra�tre � l'�uvre nationale par le Parti communiste finlandais, ne fut pas amnisti�.

Au printemps de 1919 le plan des op�rations militaires contre P�trograd comprenait l'offensive des � volontaires ï¿½ finlandais avec le soutien du gouvernement d'Olonets. Elle fut repouss�e en partie avec le concours des Finlandais rouges qui entraient dans la composition de l'arm�e rouge. Maintenant, tout Finlandais comprend clairement que ni l'Entente et ni la Russie � la Russie r�actionnaire � n'ont jamais promis � la Finlande la r�union de ces r�gions.

Dans la meilleure des conjonctures, la Finlande ne peut esp�rer recevoir des imp�rialistes aucun territoire sur le Petchenga, promis par le gouvernement autocrate d�s en 1864, et reconnu � la Finlande tout r�cemment par le trait� du 3 mars 1918, annul� maintenant, entre la Finlande rouge et la Russie sovi�tiste12.

Parmi les questions nationales finlandaises il nous reste encore � mentionner celle de l'Ingrie. Il y a dans le gouvernement de Petrograd pr�s de 150 000 paysans finlandais auxquels l'�glise protestante et une �cole conservatrice servaient de ciment national.

Un certain courant socialiste, en majeure partie mench�vique, s'est manifest� parmi eux apr�s 1905. Actuellement les Ingeriens ont plusieurs programmes nationaux.

Le plus fantastique d'entre eux, qui exige l'annexion de cette r�gion � la Finlande et l'abolition du r�le politique de Petrograd, est actuellement reconnu par la Finlande comme absolument inadmissible. La conduite des officiers de Ioudenitch � l'�gard des Ingriens pendant l'offensive du printemps refroidit sensiblement les sentiments nationaux des � blancs ï¿½. N�anmoins, il existe encore en Car�lie, de l'autre c�t� de la fronti�re russe, un camp de partisans ingriens d'o� des incursions tr�s douloureuses pour la population des villages environnants ont �t� faites plus d'une fois. Mais les Ingriens de Russie acqui�rent de jour en jour la conviction que le droit de disposer d'eux-m�mes et le droit d'�ducation autonome que leur reconna�t la Russie sovi�tiste cr�e pour eux les meilleures conditions d'un d�veloppement, menac� au contraire par la contre-r�volution. Les autres d�bris du peuple finlandais (au confluent du Volga et du Tver) n'ont �galement re�u la possibilit� de se livrer � un travail de culture nationale que sous le r�gime sovi�tiste.

Ils se trouvent certainement en dehors des d�sirs des pan-finlandais.

Les Estoniens sont �galement un peuple finlandais et les Finlandais les accablent de politesses. L'hiver dernier il y eut aussi en Estonie des volontaires finlandais dont les exploits ont laiss� un souvenir ineffa�able. La bourgeoisie finlandaise observe cependant au sujet de la conclusion d'une alliance avec les Estoniens une extr�me circonspection ; elle craint que le � concert ï¿½ des grandes puissances reconnaissent l'ind�pendance de la Finlande et refuse les m�mes droits � l'Estonie. La Finlande est d�j� arriv�e, l'�t� dernier, � obtenir une reconnaissance conditionnelle, mais son ind�pendance est encore loin de lui �tre garantie13.

Comme on peut le voir par tout ce qui pr�c�de, toute une s�rie de probl�mes nationaux compliqu�s dont les plus importants sont similaires � ceux qui existent en Russie se posent en Finlande. Les int�r�ts de la bourgeoisie finlandaise l'obligent � s'entendre avec la bourgeoisie russe. C'est une question de march� et de n�cessit� politique. Le sens objectif de la politique de Mannerheim � c'est le soutien de la contre-r�volution russe pour la prise de P�trograd � avec cette cons�quence in�luctable que la � nouvelle Russie ï¿½ dictera ses conditions � la Finlande. Et ceci signifie � son tour que la haute bourgeoisie finlandaise est revenue a son ancien point de vue : mutatis mutandis ! Mais il est impossible de l'exprimer ouvertement en Finlande. Tr�s caract�ristique est cette phrase du pr�sident Stolberg que � les Finlandais p�riront plut�t que de revenir au mis�rable �tat de soumission � la Russie ï¿½.

Le soutien des allog�nes (les Car�liens, les Ingriens) continue � jouir d'une certaine popularit� dans quelques milieux et sera certainement exploit� par les imp�rialistes malgr� l'impossibilit� r�elle de r�aliser les desseins de la Grande-Finlande, dans les conditions actuelles. Parmi les social-patriotes les plans visant l'union de la Car�lie � la Finlande avaient de tr�s chauds partisans ; bien qu'ils veuillent les r�aliser � ï¿½ l'amiable ï¿½ au moyen de la d�mocratie et du � droit des peuples � disposer d'eux-m�mes ï¿½.

Pourtant les social-d�mocrates blancs eux-m�mes ont stigmatis� les � exp�ditions lib�ratrices ï¿½ du nom d'invasions de brigands capitalistes et d'aventures politiques car elles nuisent � leur politique et provoquent une recrudescence du mouvement r�volutionnaire. Et la politique prudente du centre gouvernemental refl�te la situation chancelante des petites nationalit�s plac�es entre le marteau et l'enclume.

� La guerre lib�ratrice ï¿½ avec ses cons�quences a ouvert les yeux du prol�tariat sur le caract�re r�actionnaire de la politique � nationale ï¿½.

� L'autonomie ï¿½ a �t� la base de l'imp�rialisme. Et de jour en jour, an fur et � mesure apparaissent en surface les plans secrets de la bourgeoisie finlandaise, complot�s de concert avec la bourgeoisie russe, le prol�tariat acquiert la conviction de la n�cessite urgente d'une action commune avec le prol�tariat russe.

Et il est �vident que cette action n'est possible que dans la lutte r�volutionnaire. Malgr� la diff�rence du langage compliquant � l'extr�me cette action commune, le fondement en est d�j� pos� du fait de la cr�ation du Parti Communiste Finlandais. Au moyen de ses livres, de ses �ditions et de ses organisations, notre parti propage parmi les prol�taires finlandais les principes fondamentaux du communisme. Les camarades finlandais combattent dans les rangs de l'arm�e rouge, leurs �coles d'aspirants ont f�t� derni�rement l'anniversaire de leur existence et des ouvriers communistes finlandais travaillent dans diff�rentes institutions sovi�tistes.

Notre parti n'a pas encore �labor� de programme national sp�cial, mais dans une des r�solutions du congr�s du parti (septembre 1919) il a exprim� la conviction que le prol�tariat r�volutionnaire de Finlande accomplira son devoir. Il saura d�truire les plans des imp�rialistes qui entra�nent la Finlande dans une guerre contre la Russie, et briser le joug des exploiteurs. Il r�unira la Finlande sovi�tiste dans une �troite alliance avec la Russie sovi�tiste ainsi qu'avec les autres r�publiques sovi�tistes en voie de formation.

Nous comprenons clairement que les relations entre la Finlande et la Russie ne pourront jamais �tre �tablies d'une mani�re satisfaisante sous un r�gime capitaliste et que les deux pays ne se trouveront �troitement unis que par un travail commun sur le terrain du r�gime sovi�tiste. Il est �galement �vident que la question de la Car�lie, comme celle de l'Ingrie, trouveront leur, solution sur ce m�me terrain. Le droit du peuple d'�land � disposer de lui-m�me ne pourra �tre r�el tant que ce groupe d'Iles repr�sentera une pomme de discorde entre les puissances annexionistes, c'est-�-dire tant que la mer Baltique ne sera pas environn�e de pays pacifiques, gouvern�s car le travail. La question nationale dans la Finlande m�me, �pur�e par la r�volution prol�tarienne de toute la salet� apport�e par les classes bourgeoises, sera r�solue pacifiquement � la satisfaction commune des masses ouvri�res finlandaises et su�doises.

Les �v�nements sanglants de Finlande ont ouvert les yeux au prol�tariat sur la nature r�elle de l'imp�rialisme. Actuellement cette v�rit� appara�t de plus en plus clairement dans ce pays et se trouve en relation directe avec le d�veloppement du mouvement r�volutionnaire. Sous la direction de l'Internationaie Communiste et avec son aide, avec le concours de la Russie sovi�tiste, le prol�tariat finlandais r�soudra ses probl�mes nationaux sous le drapeau de la dictature prol�tarienne.

Notes

1 Aujourd'hui Helsinki.

2 Aujourd'hui Turku.

3P robablement Vaasa.

4 Nomm� gouverneur g�n�ral de Finlande par le tsar Nicolas II en 1898, assassin� en 1904 par un nationaliste finlandais.

5 Le texte du Bulletin communiste emploie le mot Sejma qui ressemble au polonais Sejm mais ne semble pas avoir jamais d�sign� le parlement finlandais, dont il est clairement ici. Aussi avons-nous pr�f�r� �crire � parlement finlandais ï¿½.

6 Voir O. V. Kuusinen, La r�volution en Finlande, auto-critique et la Lettre ouverte au camarade L�nine des communistes finlandais en septembre 1918.

7 De Ioudenitch.

8 Ancien ministre du tsar, en 1919 associ� � Koltchak.

9 G�n�ral allemand, dirigeant l'intervention allemande dans la guerre civile finlandaise.

10 Les journaux annon�aient � la fin de d�cembre, que le congr�s du parti social-d�mocrate avait r�sili� cette promesse et se pronon�ait seulement en faveur de l'autonomie pour les �les d'�land.

11 � Vers l'automne, la situation s'aggrava encore. Il devenait �vident que la guerre ne laissait plus d'espoir ; l'indignation des masses populaires mena�ait � tout instant de d�border. Tout en attaquant, comme auparavant, le parti de la Cour, en l'accusant de � germanophilie ï¿½, les lib�raux estimaient indispensable de sonder pour voir s'il n'y avait pas des chances de paix, car ils pr�paraient leur lendemain. C'est seulement ainsi que l'on s'explique les pourparlers qui eurent lieu � Stockholm, dans l'automne de 1916, entre le d�put� Protopopov, un des leaders du bloc progressiste, et le diplomate allemand Warburg. ï¿½ (Trotsky, Histoire de la r�volution russe)

12 Au d�but de 1920, les Car�liens pr�s de la mer Blanche oppos�rent, selon les communications des journaux, une r�sistance arm�e aux plans de mobilisation du gouvernement blanc du Nord. Ils �lurent �galement leur propre organe de direction. En f�vrier, les Finlandais blancs s'empar�rent du Petchenga, ce qui provoqua une grande inqui�tude m�me en Norv�ge o� il existe �galement un irr�dentisme finlandais.

13 La conf�rence des pays baltiques en janvier 1920 �tait une tentative faite pour obtenir des imp�rialistes la reconnaissance et un appui et pour d�fendre les int�r�ts des � petits ï¿½ contre les grands et particuli�rement contre le bolchevisme.


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