1912 |
Article reproduit dans La révolution sociale par Charles Rappoport, Encyclopédie socialiste, syndicale et coopérative de l'Internationale ouvrière, 1912 |
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Marx a donné une nouvelle théorie de la Révolution. On peut même dire que le marxisme n'est autre chose qu'un Système de révolution, ou, si l'on veut, la Philosophie de la Révolution sociale. Voici les idées directrices de cette véritable dynamique sociale
Les formes politiques et sociales, l'Etat et ses institutions, les associations religieuses et professionnelles de toutes sortes, constituent la « suprastructure », l'étage supérieur de l'édifice social, tandis que l'organisation économique, les rapports entre les hommes qui produisent et dirigent la production en forment « la base », le fondement. L'écroulement de la base, du fondement, entraîne évidemment celui de tout l'édifice. Ceci n'est pas une métaphore. Un pays avec un régime capitaliste développé, que ce soit la monarchique Angleterre ou l'Empire demi-absolutiste de l'Allemagne, ou la France républicaine, est obligé par sa structure économique de se débarrasser peu à peu des entraves à la liberté. La liberté de mouvement de l'esprit suit de près celle du mouvement des marchandises. Les barrières de la censure tombent avec celles de la douane et des corporations. Les chemins de fer, le télégraphe, le téléphone, en révolutionnant l'échange des produits capitalistes, modifient du tout au tout celui des idées. L'homme borné dans son isolement, le misonéiste des campagnes, cède la place à l'homme social des villes. Le campagnard lui-même change de nature. Il se mêle le plus souvent possible à la vie des grandes cités. D'ailleurs, le service militaire universalisé l'y oblige.
Il n'y a pas d'exceptions à cette loi. Les dernières années ou, plus exactement, les premières années du XX° siècle ont confirmé, d'une façon brillante et incontestable, cette interdépendance de la politique et de l'économie.
Les pays que l'on croyait généralement endormis à tout jamais, comme éternellement figés - la Russie, la Turquie, la Perse, la Chine, la Chine surtout - ont été bouleversés, à la grande stupéfaction du public, mal informé, par des révolutions que l'on croyait impossibles : « La baguette magique » de l'industrie moderne avec ses inventions « diaboliques » les avait éveillés à une nouvelle vie. Quelle que soit leur destinée prochaine, leur innocence patriarcale de la période précapitaliste est perdue, et rien ne la ressuscitera.
Avec le développement capitaliste, la révolution devient inévitable, fatale. Cela ne veut pas dire qu'une révolution peut se passer de l'action des hommes. Le capitalisme lui-même développe avec l'aide de l'action humaine. Il ne s'agit pas ici de cela. L'homme fait et défait tout dans l'histoire. Mais son action est déterminée. Il n'agit pas en l'air, mais sur le terrain solide des réalités économiques. Et il s'agit de comprendre que la société, une fois engagée dans l'engrenage capitaliste, ne saurait plus échapper, qu'elle le veuille ou non, à toutes les conséquences du nouveau régime. La conception matérialiste économique de l'histoire établit que la révolution sociale est inévitable.