"Le Socialiste", 22-29 mars 1903. |
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Le 14 mars a ramené le vingtième anniversaire de la mort de Karl Marx, le plus grand maître du socialisme scientifique et révolutionnaire. Ses adversaires eux-mêmes l’ont surnommé le Darwin de la science sociale.
A ce propos, nous croyons utile de citer quelques passages caractéristiques extraits d’une lettre de Frédéric Engels, son ami intime et son frère d’armes, adressée à un ami commun, F. Sorge, résidant en Amérique. Cette lettre a été écrite le 15 mars 1883, c’est-à-dire le lendemain de la mort du plus grand penseur de notre temps.
“ Tous les événements survenus par une nécessité naturelle, écrit Engels, si terribles qu’ils soient, portent en eux-mêmes leur consolation. C’est aussi vrai pour notre cas (la mort de Marx). L’art médical aurait pu peut-être lui assurer encore quelques années d’une vie végétative. Mais Marx n’aurait pas supporté cela. Vivre ayant devant soi de nombreux travaux inaccomplis, animé d’une soif de Tantale de les achever et se trouvant dans l’impossibilité de le faire – tout cela lui serait mille fois plus amer que la douce mort qui l’a surpris. “ Le mort n’est pas un malheur pour celui qui meurt, mais pour celui qui survit ”, avait-il l’habitude de dire avec Epicure. Et voir cet homme fort et génial mener une misérable vie de ruine pour la plus grande gloire de la médecine et faisant l’objet de risée des philistins qu’il a si souvent mis en pièces, au moment de sa pleine vigueur. – Non, il est mille fois, oui, mille fois préférable qu’il soit mort et que nous le portions après-demain dans le tombeau où repose sa femme....
“ L’humanité s’est raccourcie d’une tête, et de la plus forte qu’elle possède actuellement. Le mouvement prolétarien poursuit son chemin, mais le point central a disparu vers lequel s’étaient adressés d’eux-mêmes Français, Russes, Américains, Allemands, pour obtenir chaque fois un conseil clair et sans réplique que seuls le génie et une connaissance des choses parfaite pouvaient donner. Les grands hommes de clocher et les petits talents, quand ce ne sont pas les charlatans, vont avoir toute liberté d’action. La victoire finale est certaine, mais les déviations, les troubles temporaires et locaux – en tout cas inévitables – se multiplieront en abondance. Mais nous continuerons le bon combat. Autrement, de quelle utilité serions-nous ? Nous ne perdons pas courage. ”
En quelques traits de maître, Frédéric Engels a dépeint l’homme et marqué son rôle historique. Karl Marx a mis fin au confusionnisme doctrinal et pratique. Il a montré la route au prolétariat en marche vers la conquête d’un nouveau monde.
Sa doctrine est une arme supérieure d’une précision remarquable. Elle est impossible à remplacer. Marx a prédit et défini le rôle que jouera le prolétariat socialiste dans le monde. Pas un des grands philosophes bourgeois vivants – sociologues ou moralistes en plus – ni Herbert Spencer, ni Wilhelm Wundt, ni Alfred Fouillée – n’ont prêté leur nom au mouvement historique moderne. Marx seul a donné la clé du mouvement social contemporain qui le reconnaît comme son maître. Marx a tué le confusionnisme que l’on cherche maintenant à ressusciter. Il a démasqué impitoyablement tous les faiseurs de petits projets réformateurs. Il a scientifiquement établi l’avènement inévitable, fatal, de la Révolution sociale que la société capitaliste elle-même porte dans ses flancs.
Tous les jours l’évolution sociale et politique confirme la doctrine de Marx.
Dans le domaine économique, c’est la concentration capitaliste sous la forme de trusts qui détermine une nouvelle poussée socialiste chez les deux puissantes nations du monde. Dans le domaine politique, nous constatons que tous ceux qui ont déserté la doctrine de Marx – les gens de la “ nouvelle méthode ” – se trouvent dans le camp ennemi, participant au pouvoir des classes dominantes et destinés à disparaître en même temps qu’elles et avec elles. Tous les critiques opportunistes de Marx ont abandonné, plus ou moins ouvertement, le socialisme tout en l’exploitant.
Ils n’en ont gardé que le nom, qu’ils ont d’ailleurs gravement compromis. Karl Marx reste donc aujourd’hui plus que jamais le signe de ralliement pour tous ceux qui sont restés fidèles au socialisme et à la révolution organisée et victorieuse.
In hoc signo vinces.