1922 |
Source : Le bulletin communiste, numéro 6 (troisième année), 7 février 1922. |
Aux Travailleurs de France et d'Allemagne !
Frères et sœurs d'Allemagne et de France. Les riches et les exploiteurs des deux pays ont voulu vous séparer par des fleuves de sang.
Mais contrairement à leurs desseins la guerre mondiale a réuni vos destinées. En France comme en Allemagne, le peuple travailleur déplore la mort et la mutilation de millions de jeunes hommes, en Allemagne comme en France, le peuple succombe sous les charges écrasantes de la guerre.
Travailleurs des deux pays ! La nécessité de réparer les crimes et les dévastations de la guerre vous lie dans une étroite solidarité.
La guerre mondiale fut le crime des classes capitalistes et impérialistes de tous les pays, et elle fut pour elles en même temps une source de profits gigantesques. La reconstruction doit encore leur apporter de nouveaux et immenses bénéfices. Les dix départements français sinistrés en fournissent la preuve impressionnante.
Après trois ans de réparation capitaliste, d'innombrables travailleurs souffrent encore de froid et de faim dans de misérables baraques et d'anciens abris militaires. Seule la soif de profit des cliques exploitantes a dicté la reconstruction, sans égards pour les besoins des plus pauvres victimes.
Tant que ces cliques sont maîtresses des pouvoirs économique et politique, tout loyal essai de réparation, par la coopération fraternelle des travailleurs d'Allemagne et de France, est voué à l'échec. Le capital exploitant ne souffre pas que son profit soit amoindri. Seulement lorsque sa puissance économique et politique sera brisée, les travailleurs en-deça et au-delà du Rhin pourront procéder fraternellement à la grande œuvre de la reconstruction.
Ils déchireront le fatal traité de Versailles et le remplaceront pur un traité amical et fraternel.
Mais ni les travailleurs d'Allemagne ni ceux de France n'ont encore conquis le pouvoir d'Etat. Leurs exploiteurs et leurs oppresseurs déterminent encore la réparation et la reconstruction. Les masses laborieuses peuvent-elles permettre que les victimes de la guerre soient livrées à la plus navrante misère et à l'exploitation de leur détresse ?
Travailleurs d'Allemagne et de France, vous devez mettre tout en œuvre pour porter secours à la population ouvrière des régions dévastées.
Comment cela peut-il se faire ? Les Allemands ne peuvent « payer » ainsi qu'on le fait croire en France au peuple abusé. Lloyd George, le président du Conseil anglais, a déclaré : « Il est impossible d'extorquer à l'Allemagne les sommes énormes qu'on a fixées. » Le président de la Banque d'Angleterre a ajouté : « Le Reich est insolvable en raison des conditions de réparations qui lui ont été imposées. » Le gouvernement du Reich lui-même a avoué la banqueroute en se déclarant hors d'état d'effectuer entièrement le versement du 15 janvier.
Mais si Poincaré, par des mesures militaires, empoignait l'Allemagne au collet, afin de la forcer à verser les milliards de marks-or ? Pour le peuple travailleur de France, il n'en résulterait que de nouveaux soucis et de nouvelles privations. Ne pouvant payer les dettes des réparations avec ses sales chiffons de papier, le Reich doit acheter des valeurs étrangères. Les spéculateurs et les exploiteurs saisissent l'occasion. La circulation d'argent internationale se trouble et se dérange. A mesure que le mark allemand baisse, la valeur du franc diminue. Les prix montent sans cesse.
Les rois non couronnés de la grosse industrie et des banques ainsi que les JUNKERS sont maîtres de la République allemande. Les sommes destinées aux réparations ne proviennent pas des coffres-forts des riches. Par des impôts sur la consommation et la circulation, sur les traitements et les salaires, le Reich les enlève aux travailleurs. Des salaires et traitements excessivement réduits s'opposent en Allemagne à des prix exorbitants. Le coolie japonais gagne le double du salaire du prolétaire allemand. Par contre, les marchandises allemandes s'offrent à l'étranger à des prix incomparablement bas. Ces prix brisent les plus fortes barres douanières.
Des marchandises allemandes ne viennent pas seulement aux États-Unis et en Angleterre mais aussi en France, où elles luttent contre l'industrie indigène. Les chétifs salaires des travailleurs allemands font baisser les salaires et traitements des ouvriers et des employés de France. Le « dumping » des marchandises allemandes réduit au chômage des dizaines de milliers de travailleurs français.
Travailleurs de France et d'Allemagne ! Ce que les possédants et les gouvernements appellent la réparation des dommages de la guerre vous cause en réalité des maux incessants et des dommages éternels. Défendez-vous contre ces intentions.
C'est aux profiteurs des deux pays qu'il faut imposer les écrasantes charges de la guerre.
Nous vous appelons à défendre le droit des victimes du crime capitaliste et votre droit à une existence humaine contre l'insatiable soif d'or et de puissance des possédants. La question des réparations ne doit pas être résolue par vos ennemis économiques et politiques, c'est à vous de la résoudre. Déchargez les grandes masses des travailleurs ; imposez tout aux capitalistes, — votre mot d'ordre commun le voilà.
Travailleurs d'Allemagne et de France ! La guerre mondiale a détruit plus de dix départements florissants de France, elle a transformé toute l'économie mondiale en un chaos inextricable. C'est ce qui rend l'œuvre de la reconstruction encore plus difficile.
Toutes les conférences nationales et internationales des magnats de l'industrie et de la finance, ainsi que de savants et diplomates bourgeois, couvent de nouveaux conflits sanglants et l'esclavage accru des masses laborieuses.
L'imminente conférence de Gênes ne fera, ainsi que toutes les précédentes, que croître les dossiers des ministères et les espoirs des socialconciliateurs. Elle est destinée à assainir et à conserver le capitalisme mondial en livrant la Russie soviétique à ses grilles rapaces et en confiant aux capitalistes d'Allemagne les postes de contremaitre des impérialismes alliés. Ce projet échouera par la puissance politique des ouvriers et paysans de Russie Le seul Etat prolétarien du monde entier vainqueur drs armées Blanches saura se défendre aussi contre la diplomatie du capitalisme.
Travailleurs de France et d'Allemagne ! Reconstruction sur la base du capitalisme ou sur celle du communisme, voilà la grande question historique qui se pose. La solution de cette question déterminera la destinée des travailleurs du monde, le sort de l'humanité.
Dans la lutte décisive qui a commencé, les exploités et déshérités d'Allemagne et de France doivent s'unir en fraternelle solidarité avec le prolétariat de la Russie soviétiste, avec les travailleurs de tous les pays.
En avant à la lutte, dans laquelle vous guidera la bannière de la Troisième Internationale.
En avant pour la conquête du pouvoir politique, pour vaincre le capitalisme, pour la révolution mondiale !
La révolution mondiale sera la condamnation suprême du capitalisme mondial et la garantie de la paix universelle !
PARTI COMMUNISTE DE FRANCE
Section française de l'Internationale communiste.
PARTI COMMUNISTE D'ALLEMAGNE
Section allemande du l'Internationale communiste.
Conformément aux idées exprimées dans ce manifeste et à un accord de leurs représentants, les Partis Communistes d'Allemagne et de France invitent les travailleurs à lutter pour ces revendications :
Pour la suppression des taxes et des impôts indirects ;
Pour la saisie des valeurs réelles ;
Pour l'annulation des dettes de guerre intérieures, en épargnant seulement les couches petites-bourgeoises ;
Contre toute intervention directe ou indirecte du gouvernement français, tendant à soutenir les classes dirigeantes d'Allemagne dans leurs efforts de rejeter les charges des réparations sur les masses laborieuses ;
Pour la suppression de toutes les missions militaires, entretenues par la France à l'étranger ;
Pour la suppression des subventions accordées aux Etat vasseaux de l'Est ;
Pour la dissolution des troupes coloniales ;
Pour la suppression des armements de terre et de mer, ainsi que dans les airs ;
Pour l'abandon des territoires occupés en Allemagne ;
Pour la suppression des hostilités contre la Russie des Soviets ;
Pour l'annulation ou la suppression du traité de Versailles ;
Pour la suppression de tous les impôts et de toutes les taxes sur la consommation et la circulation ;
Pour les dix revendications de la C.G.T. allemande, et surtout pour la revendication principale : la saisie des valeurs réelles ;
Pour le contrôle de la production et des prix, pour le contrôle de la perception et de l'emploi des impôts, exercé par des représentants, librement élus des ouvriers, employés et petits paysans ;
Pour l'annulation des emprunts de guerre à l'exception des petites sommes ;
Pour la confiscation des fortunes des dynasties régnant jusqu'en 1918, ainsi que des coupables de guerre :
Contre l'abandon des entreprises publiques à l'industrie privée ;
Contre la coalition avec M. Stinnes :
Pour le désarmement de toutes les organisations dites d'autoprotection ;
Pour le gouvernement ouvrier socialiste.