1920

Source : num�ro 43 du Bulletin communiste (premi�re ann�e), 18 novembre 1920, sign� � Pak Dinchoun ï¿½.


L'Orient r�volutionnaire et l'Internationale communiste

Pak Chin-sun


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La 1e et la 2e Internationale n'ont �t� que des associations des masses de l'Europe et de l'Am�rique. Elles ne s'occupaient que tr�s peu de la � question d'Orient ï¿½ et en g�n�ral des � questions coloniales ï¿½. La plupart des chefs officiels de la 2e Internationale firent de leur mieux pour mettre les � questions coloniales ï¿½ sous le boisseau et pour s�parer le mouvement ouvrier occidental de la lutte r�volutionnaire des peuples coloniaux asservis ; ils craignaient de poser ces questions franchement et ouvertement.

Chaque fois que les leaders officiels de la 2e Internationale arrivaient au � probl�me d'Orient ï¿½, ils en �taient tout autant effray�s, que les politiciens bourgeois, qui font constamment �tat de leur v�n�ration pour la � d�mocratie ï¿½, la civilisation et la culture. Les questions complexes de la lutte r�volutionnaire des peuples coloniaux asservis, composant la plus grande partie de l'humanit� en lutte, �taient �trang�res aux id�ologues du parlementarisme. Lors de la fondation de l'Internationale Communiste, l'Asie fut faiblement repr�sent�e, ce qui ne manqua pas de se refl�ter sur l'action en Orient. Mais la n�cessit� de nouer la lutte r�volutionnaire des masses laborieuses orientales avec celle des masses d'Occident se faisait sentir de plus en plus. La grande et victorieuse r�volution d'octobre en Russie, fut la premi�re � frayer une route entre l'Occident prol�tarien et l'Orient r�volutionnaire. La Russie des Soviets est devenu un lieu entre deux mondes jusqu'alors s�par�s. La n�cessit� de mener simultan�ment la lutte prol�tarienne en Orient et en Occident ne fut jamais ressentie d'une fa�on si imp�rieuse, qu'au moment o� les classes dirigeantes faisaient des d�serts des champs florissants, et transformaient en monceaux de ruines les villes et les villages paisibles, et lorsque la classe ouvri�re d�cida de lever l'�tendard de la lutte r�volutionnaire pour le pouvoir des masses laborieuses et pour une nouvelle vie de libert� pour toute l'humanit�.

Aujourd'hui, lorsque le souffle de la r�volution sociale passe sur le monde entier, lorsque la bourgeoisie fait son dernier effort pour retarder d'un instant l'heure de sa chute, le 2e Congr�s Universel de l'Internationale Communiste doit plus que jamais tourner ses regards vers l'Orient, o� le sort de la r�volution mondiale peut �tre d�cid�. Car il est une chose s�re, c'est que celui qui saura s'approcher des peuples asservis d'Orient, et qui saura s'en faire des alli�s, sortira victorieux de la grande guerre du Travail contre le Capital.

L'acuit� de la crise �conomique (in�vitable au moment du passage du f�odalisme au capitalisme) et la politique barbare des grandes puissances dans les colonies ont cr�� en Asie un terrain favorable � la r�volution. Cette politique a d�velopp� en Orient des tendances nettement nationalistes. Tout en admettant que le premier stade de la r�volution en Orient sera une victoire de la bourgeoisie lib�rale et des intellectuels nationalistes, nous n'en devons pas moins d�s maintenant pr�parer nos forces pour le stade suivant. En attendant, nous devons aller dans les grandes masses agricoles, asservies par le r�gime f�odal et les organiser afin de provoquer au plus t�t, en Asie, la R�volution agraire. Le prol�tariat industriel, exception faite du Japon, est trop faible en Asie, pour que nous puissions nourrir le s�rieux espoir d'une prochaine r�volution communiste, mais en revanche la victoire de la r�volution agraire est certaine si nous venons � bout des t�ches urgentes de la grande lutte sanglante

Le prol�tariat russe qui se trouve au poste le plus avanc� de la r�volution mondiale, a pu soutenir pendant 3 ans les attaques d�sesp�r�s de la bourgeoisie universelle, uniquement parce qu'il a su attirer de son c�t� les petits et moyens paysans. Si l'avant-garde du prol�tariat d'Europe et d'Am�rique, r�unie autour de l'Internationale Communiste, d�sire remporter une prompte victoire sur la classe capitaliste, elle doit lutter la main dans la main avec les millions de r�volutionnaires de l'Orient. C'est l'�vidence m�me que cette victoire est impossible sans la collaboration des peuples coloniaux et il serait superflu de le d�montrer. L'histoire de la 2e Internationale, qui a p�ri sans gloire, a clairement montr� que la bourgeoisie mondiale pourra repousser l'assaut le plus violent du prol�tariat insurg�, aussi longtemps qu'elle aura la source de sa puissance dans les colonies en g�n�ral et dans l'Asie en particulier.

L'Internationale Communiste en dirigeant l'Orient qui se r�veille sur la v�ritable route de la r�volution, tuera assez l'opportunisme et l'ind�cision du prol�tariat occidental. Mais il faut coordonner les actions de telle fa�on que le prol�tariat europ�en ass�ne � sa bourgeoisie un coup sur la t�te juste au moment o� l'Orient r�volutionnaire portera un coup mortel dans le ventre du Capital. Le soul�vement victorieux des peuples � coloniaux ï¿½, signera l'arr�t de mort de tout � bernsteinianisme ï¿½ et de tout trade-unionisme petit-bourgeois. Une prompte solution de ce probl�me, h�tera le triomphe de l'Internationale Communiste dans le monde entier.

On se demande maintenant quelles sont les forces qui r�volutionnent l'Orient. La plupart des ci-devant de la noblesse, des bourgeois lib�raux et des intellectuels petits-bourgeois qui constituent la force spirituelle de la r�volution en Asie ont compris apr�s une longue lutte contre les oppresseurs �trangers et � la suite d'une douloureuse lutte int�rieure d'id�e, que la r�g�n�ration de l'Orient est impossible en dehors de la domination des grandes masses laborieuses. La faillite de la 2e Internationale a contribu� au d�veloppement rapide des id�es r�volutionnaires en Orient en faisant perdre � ces peuples tout espoir d'obtenir une existence libre sans le triomphe de la r�volution sociale en Europe, en Asie et dans les autres pays. Deux voies oppos�es s'ouvrent devant les nationalistes d'Asie : l'une m�ne au bonheur personnel fond� sur la souffrance des autres et sur la d�g�n�rescence progressive des grandes masses ; l'autre m�ne � la r�volution sociale qui les privera jusqu'� un certain point de leurs privil�ges mat�riels, mais apportera la lib�ration de leur peuple. La plupart des nationalistes d'id�e, � notre grand:- joie, se sont trouv�s du c�t� de la r�volution. Il y a naturellement dans les milieux r�volutionnaires des �l�ments qui viennent � nous, internationalistes, dans le seul but de conqu�rir leur libert� politique' nationale. Mais nous utiliserons leur esprit r�volutionnaire pour la lutte contre le capital mondial, pour le triomphe de la r�volution sociale dans tout l'univers. Si, par la suite, la r�volution l'exige, nous saurons diriger nos armes contre l'alli� te d'hier ï¿½ e� nous vaincrons sans aucun doute car les masses populaires de l'Orient, lib�r�es de l'asservissement politique et �conomique �tranger, ne se soumettront certainement pas au joug de nouveaux ma�tres. Les soi-disant gouvernements socialistes qui craignent la � r�volte du sentiment patriotique ï¿½ des masses laborieuses peu conscientes des pays o� les classes dominantes m�nent une politique barbare, ne sont pas capables de mener une politique qui soutiendrait les mouvements nationaux dans les colonies.

L'Internationale Communiste n'a pas � craindre cette � r�volte ï¿½, car l'avant-garde du prol�tariat r�volutionnaire international, dont les rangs grossissent d'heure en heure, estimera son activit� � sa valeur et approuvera sa tactique clairvoyante. Ainsi, quoique nous luttions de concert avec les �l�ments nationalistes pr�cit�s, nous ne pouvons pus les consid�rer comme des camarades avec lesquels nous pourrons en toute confiance aller jusqu'au bout de notre. route. Nous devons sans faiblir un instant, expliquer aux grandes masses laborieuses de l'Orient que la libert� nationale et politique seule ne les m�nera pas au but de leur lutte et qu'il n'y a que l'�mancipation sociale qui leur assurera une compl�te libert�.

La victoire du premier stade de la r�volution en Asie, co�ncidera avec celle de la r�volution socialiste en Occident, L'Europe prol�tarienne ne pourra rester le t�moin indiff�rent des souffrances des grandes masses laborieuses de l'Orient, qui g�missent sous le joug de la d�mocratie bourgeoise. Le prol�tariat europ�en anim� d'un sentiment de solidarit� leur viendra en aide. Naturellement, nous pouvons pr�dire � l'avance que le camp bourgeois poussera de terribles hurlements. Mais les camarades occidentaux seront re�us (soyez-en convaincus) fraternellement et � bras ouverts par le prol�tariat et les masses laborieuses de l'Asie, car si l'Orient fut de tout temps contre une intervention �trang�re qui apportait avec elle les cha�nes de l'esclavage, il sait que l'intervention du prol�tariat socialiste d'Occident lui sera d'un grand appui et m�me indispensable dans sa lutte contre l'exploitation et l'oppression. Et cette intervention est attendue avec impatience par tous les prol�taires d'Orient.

Le deuxi�me Congr�s qui doit donner au prol�tariat r�volutionnaire un plan d'action d�fini pour le diriger dans une heureuse lutte contre l'imp�rialisme mondial, n'oubliera naturellement pas le r�le de l'immense Orient r�volutionnaire dans le mouvement international ouvrier.

Et alors, les masses laborieuses de l'Orient avec le soutien des camarades europ�ens et am�ricains qui auront vaincu les oppresseurs �trangers et les asservisseurs nationaux, changeront l'Asie, pays de possibilit�s religieuses � en une oasis communiste des possibilit�s r�volutionnaires.

Th�ses sur les t�ches de l'Internationale Communiste en Orient

  1. Au moment de l'immense corps � corps des deux forces oppos�es : Capital et Travail, � le mouvement lib�rateur des � peuples coloniaux ï¿½ qui se produit sous forme de soul�vement gigantesque, apporte une aide puissante au prol�tariat combattant des pays capitalistes avanc�s.

  2. A mesure que s'�largit et que s'approfondit l'ab�me entre le travail et le capital, la n�cessit� de l'�troite unit� de l'Occident communiste et de l'Orient communiste se fait sentir de plus en plus.

  3. L'exp�rience de la longue lutte du prol�tariat europ�en, qui finira par la lib�ration de toute l'humanit� souffrante et les sanglants exemples de la longue guerre lib�ratrice men�e par les peuples coloniaux dictent au continent et � la m�tropole la n�cessit� des actions r�volutionnaires coordonn�es pour arriver plus promptement � une victoire sur les exploiteurs .

  4. La � Ligue des nations ï¿½ cr��e par les brigands de l'imp�rialisme et la 2e Internationale Jaune, son alli�e, ne peuvent pas �tre l'organe supr�me dirigeant cette lutte titanique. Ce r�le ne revient qu'� l'Internationale du travail, de la lutte r�volutionnaire et du prol�tariat communiste, c'est-�-dire � la 3e Internationale.

  5. L'Internationale Communiste doit mettre � nu toute la ruse des champions du capital universel, agissant sous le pavillon de la � Ligue des nations ï¿½ et pr�parant une campagne contre les masses laborieuses du monde entier, opprim�es jusqu'alors, et qui luttent pour plus de bien-�tre et pour une existence libre. Elle doit d�voiler inlassablement l'absence de vitalit�, l'indigence r�volutionnaire et partant, l'inutilit� absolue de la 2e Internationale � Jaune ï¿½ dans la grande lutte lib�ratrice des peuples de l'Orient.

  6. L'Internationale Communiste dirige elle-m�me sans interm�diaire les peuples esclaves des colonies dans leur lutte contre l'imp�rialisme spoliateur, � l'encontre de la 2e Internationale, qui sous le pr�texte de � civilisation ï¿½ � et de culture ï¿½, soutenait ouvertement la politique spoliatrice et barbare des gouvernements bourgeois.

  7. L'Internationale Communiste en menant une lutte implacable contre le trade-unionisme des petits-bourgeois, contre l'opportunisme et le r�visionnisme, qui retiennent l'�lan r�volutionnaire du prol�tariat des pays avanc�s et en soulevant le puissant Orient qui s'�veille � une vie nouvelle, an�antira jusque dans ses fondements l'ind�cision, cette maladie pernicieuse dans le corps sain du mouvement r�volutionnaire du socialisme International.

  8. La diff�rence des conditions �conomiques et des conditions de culture donne un caract�re sp�cial � chacun de ces deux groupements de l'humanit� laborieuse ; le prol�tariat des pays capitalistes avanc� est incontestablement la phalange la plus d�velopp�e, la plus consciente de l'arm�e internationale du travail. La t�che de l'Internationale Communiste ne consiste pas � former une caste � part des ouvriers industriels des pays les plus avanc�s au point de vue de l'industrie et qui se trouvent en minorit� dans l'humanit� laborieuse. Au contraire, l'Internationale Communiste doit, avec l'aide des ouvriers industriels les plus fermes et les plus conscients de l'Occident, organiser toute la masse laborieuse de l'Orient qui se r�veille et l'amener dans le torrent commun de la lutte r�volutionnaire du travail contre le capital.

  9. L'Internationale Communiste doit lutter inlassablement contre le pacifisme bourgeois qui entrave l'�nergie combattive de l'Orient r�volutionnaire, contre lu panmongolisme et le panislamisme qui sont ennemis de la solidarit� internationale des masses laborieuses et de leur coop�ration dans la lutte pour la libert� et pour la fraternit� des peuples.

  10. Il faut mener une propagande incessante en faveur de la r�volution agraire parmi les peuples des colonies et surtout en Asie, afin de donner � leur mouvement lib�rateur un contenu non seulement politique, mais �galement �conomique ; il faut r�veiller le sentiment de classe des masses, il faut les attirer au mouvement social, transformer ce dernier, d'un mouvement d'intellectuels en un mouvement des masses, en expliquant la mission historique du prol�tariat pr�t � s'emparer du pouvoir.

  11. Ayant en perspective cette r�volution socialiste-agraire en Orient, l'Internationale Communiste doit imm�diatement aborder l'�laboration de la m�thode r�volutionnaire de l'�dification de soci�t� nouvelle, de la soci�t� communiste, c'est-�-dire, elle doit proc�der � la cr�ation d'un plan �conomique pour le passage le moins douloureux du r�gime agraire au r�gime socialiste, en �vitant la p�riode pleine de tourments du d�veloppement du capitalisme priv� en Orient.


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