1865

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Le Capital - Livre III

Le procès d'ensemble de la production capitaliste

K. Marx

§ 6 : La transformation d'une partie du profit en rente foncière


Chapître XLII : La rente différentielle II. Deuxième cas  : le coût de production décroît

Il peut y avoir baisse du coût de production, que les avances additionnelles de capital aient une productivité égale, plus grande ou plus petite que l'avance primitive.

  1. Les avances additionnelles de capital ont la même productivité que l'avance primitive.

  2. D'après cette hypothèse, la production propre à chaque catégorie de terre augmente en proportion du capital appliqué à cette terre, ce qui revient à dire que le surproduit augmente proportionnellement à l'accroissement des avances de capital. Comme nous prenons comme point de départ que la productivité reste constante, c'est-à-dire que la productivité du capital additionnel est la même que, celle du capital primitif et que le taux du surprofit reste invariable, il ne peut pas être question d'avances additionnelles pour la terre A : le taux du surprofit est égal à zéro sur cette terre; il doit rester égal à zéro.

    D'après ces prémisses, le coût de production ne petit décroître que pour autant que le coût de production de la terre A cesse d'être le coût régulateur, c'est-à-dire que l'on cesse d'avancer du capital pour A. On pourra également cesser d'avancer du capital pour B, de telle sorte que le coût de production de C devienne le coût régulateur. La marche des événements dépendra de l'augmentation de productivité que les avances additionnelles communiqueront aux meilleures terres et de la mesure dans laquelle la production de celles-ci donnera satisfaction à la demande.

    Reprenons le tableau Il en y introduisant cette condition que 18 quarters au lieu de 20 sont suffisants pour les besoins. La terre A sera donc éliminée des terres en culture et le coût de production de B, soit 30 sh. par quarter, deviendra le coût régulateur. La rente différentielle résultera du tableau suivant :

    Tableau IV

     Terres 

     Capital 

     Profit 

     Prix de prod. 

     Production 

     Rente 

     Taux de  

     Classes 

     Acres 

     £ 

     £ 

     £ 

     Quarters 

     Prix de Vente (£) 

     Total 

     Blé 

     Argent 

     surprofit 

    B151641 ½600 
    C151661 ½92360 %
    D151681 ½1246120 %
    Total31531818 2769 

    En comparant ce tableau au tableau II, on constate qu'alors que la production totale n'est diminuée que de 2 quarters (de 20 elle est tombée à 18), la rente totale n'est plus que de 6 quarters au lieu de 12, soit 9 £ au lieu de 36, et que le taux du surprofit est diminué de moitié (de 188 il est tombé à 90 %). La baisse du coût de production a donc entraîné une diminution de la rente en blé et en argent.

    La comparaison avec le tableau I n'indique qu'une diminution de la rente en argent, qui de 18 £ a été réduite à 6 £, mais qui est de 6 quarters de part et d'autre ; les rentes en blé sont restées les mêmes pour C et D. Les avances additionnelles ont eu pour effet d'augmenter la production et de rejeter du marché les produits de la terre A; celle-ci a cessé d'être cultivée et il s'est constitué une nouvelle rente différentielle I., pour laquelle B joue le rôle qui était dévolu précédemment à A. La terre B ne donne donc plus de rente et la fraction du produit total se transformant en rente a diminué.

    Le résultat aurait été différent si, dans le but de satisfaire la demande sans le concours de A, ou avait plus que doublé l'avance de capital pour l'une des terres C ou D. Supposons, par exemple, que l'avance de capital ait été triplée pour C.

    Tableau IVa

     Terres 

     Capital 

     Profit 

     Prix de prod. 

     Production 

     Rente 

     Taux de  

     Classes 

     Acres 

     £ 

     £ 

     £ 

     Quarters 

     Prix de Vente (£) 

     Total 

     Blé 

     Argent 

     surprofit 

    B151641 ½600 
    C17 ½1 ½991 ½13 ½34 ½60 %
    D151681 ½1246120 %
    Total317 ½3 ½2121 31 ½710 ½ 

    De 6 quarters qu'elle était dans le tableau IV, la production de la terre C s'est élevée à 9 quarters, de 2 quarters le surproduit est passé à 3 quarters et de 3 £ la rente en argent est devenne à 4 ½ £, tout en étant moins importante que dans les tableaux Il et l où elle était respectivement de 12 et de 6 £. Quant à la rente totale, elle est maintenant de 7 quarters alors qu'elle était de 12 quarters dans le tableau Il et de 6 quarters dans le tableau I, soit en argent 10 ½ £ dans notre nouvelle hypothèse tandis que précédemment elle était de 18 £ (tableau I) et de 36 £ (tableau II).

    Si la troisième avance de 2 ½  £ de capital avait été faite pour la terre B, la production totale aurait été modifiée, mais la rente serait restée la même, étant donné que d'après notre hypothèse les avances successives de capital ne font pas varier la productivité et que B ne donne pas de rente.

    Supposons maintenant que l'avance de capital ait été triplée pour D.

    Tableau IVb

     Terres 

     Capital 

     Profit 

     Prix de prod. 

     Production 

     Rente 

     Taux de  

     Classes 

     Acres 

     £ 

     £ 

     £ 

     Quarters 

     Prix de Vente (£) 

     Total 

     Blé 

     Argent 

     surprofit 

    B151641 ½600 
    C151661 ½92360 %
    D17 ½1 ½9121 ½1869120 %
    Total317 ½3 ½2122 33812 

    La production totale est maintenant de 22 quarters, soit plus que le double de celle du tableau I, bien que l'avance de capital soit loin d'être doublée ; elle est de 17 ½ £ alors qu’elle était de 10 £ dans le tableau I. De même la production est plus élevée de 2 quarters que dans le tableau II, où l'avance de capital était de 20 £.

    Pour la terre D, la rente en blé, qui était de 12 quarters dans le tableau I, s'est élevée à 6, tandis que la rente en argent (9 £) est la même dans les deux cas ; par rapport au tableau II, aucune différence n'est intervenue quant à la rente en blé, mais la rente en argent est tombée de 18 £ à 9 £.

    La rente totale (8 quarters) du tableau IVb est plus grande que celle du tableau I (6 quarters) et que celle du tableau IVa (7 quarters), mais elle est plus petite que celle du tableau Il (12 quarters). Exprimée en argent (12 £), elle est plus élevée que celle du tableau IVa (10 ½  £) et moindre que celle du tableau I (18 £) et celle du tableau Il (36 £).

    La terre B ne donnant pas de rente, il faudrait pour que la rente du tableau IVb fût égale à celle du tableau I, que le surproduit y augmentât de 6 £, c'est-à-dire de 4 quarters. Il faudrait donc que de nouvelles avances de capital fussent faites soit pour C, soit pour D, soit pour les, deux à la fois. Si l'on faisait la nouvelle avance pour la terre C seulement, il faudrait un capital additionnel de 10 £, étant donné que sur C, un capital de 5 £ fournit 2 quarters de surproduit; si la nouvelle avance se faisait sur la terre D, un capital de 5 £ sera suffisant. Dans ces deux cas, les résultats de la production seraient les suivants :

    Tableau IVc

     Terres 

     Capital 

     Profit 

     Prix de prod. 

     Production 

     Rente 

     Taux de  

     Classes 

     Acres 

     £ 

     £ 

     £ 

     Quarters 

     Prix de Vente (£) 

     Total 

     Blé 

     Argent 

     surprofit 

    B151641 ½600 
    C115318181 ½276960 %
    D17 ½1 ½9121 ½1860120 %
    Total327 ½5 ½3334 511212 

    Tableau IVd

     Terres 

     Capital 

     Profit 

     Prix de prod. 

     Production 

     Rente 

     Taux de  

     Classes 

     Acres 

     £ 

     £ 

     £ 

     Quarters 

     Prix de Vente (£) 

     Total 

     Blé 

     Argent 

     surprofit 

    B151641 ½600 
    C151661 ½92360 %
    D112 ½2 ½15201 ½301015120 %
    Total322 ½4 ½2730 451218 

    La rente totale serait donc exactement la moitié de ce qu'elle est dans le tableau II où les avances additionnelles de capital sont faites alors que le coût de production reste constant. Mais la comparaison est surtout intéressante avec le tableau I.

    Nous voyons que bien que la rente totale en blé soit devenue deux fois plus grande (12 quarters au lieu de 6), la rente en argent est restée la même (18 £), par suite de la diminution du coût de production, qui de 60 sh. est tombé à 30. La terre B ne donne plus de rente ; pour la terre C la rente en argent est moitié plus grande dans IVc et moitié plus petite dans IVd; pour la terre D, elle est restée la même (9 £) dans IVc et elle a augmenté de 6 £ (15 £ au lieu de 9) dans IV d. La production, qui était de 10 quarters dans le tableau I, est de 34 dans IVc et de 30 dans IVd, et le profit, qui s'élevait à 2 £, est devenu 5 ½ £ dans IVc et 4 ½, dans IVd; quant à l'avance de capital, qui était de 10 £ dans notre premier exemple, elle s'est accrue jusqu'à 27 ½ £ et 22 ½ £ dans nos deux derniers.

    Le taux de la rente reste invariable dans tous les tableaux depuis IV jusque IVd, ce qui est inévitable en présence de l'hypothèse qui nous a servi de point de départ, savoir que les avances additionnelles de capital ne peuvent pas avoir pour effet de faire varier la productivité. Ce taux est moins élevé que dans le tableau I, soit que l'on considère chaque catégorie de terre individuellement, soit que l'on envisage la moyenne de toutes les terres. En ce qui concerne le taux moyen, il était de 180 % dans le tableau I, tandis qu'il n'est plus que de 80 % dans IVd et de 65 5/11 % dans IVc. La rente moyenne en argent par acre s'est accrue ; elle était de 4 ½ £ dans I alors qu'elle est de 6 £ dans IVc et IV d. La valeur en argent de la rente par acre a suivi une augmentation correspondante et correspond maintenant a deux fois plus de blé que précédemment; mais les 12 quarters qui constituent la rente en blé représentent moins de la moitié de la production (31 et 30 quarters), tandis que dans le tableau I les six quarters de rente constituent les 3/5 de la production (10 quarters). Par conséquent, bien que la rente représente dans IVc et IVd une fraction moindre de la production et qu'elle ait diminué également comme taux, elle a augmenté en valeur-argent par acre et plus encore en valeur-produit. Si nous considérons la terre D dans le tableau IVd, nous voyons qu'elle a fait l'objet d'une avance de 12 ½ £ et que les frais de production ont été de 15 £ ; elle donne une pente de 15 £. Dans le tableau I, la même terre a donné lieu à une avance de 2 ½ £ et à des frais de production de 3 £ ; la rente a été de 3 £, c'est-à-dire égale à trois fois les frais de production et à presque quatre fois le capital, tandis que la rente du tableau IVd a été égale seulement aux frais de production et aux 6 % du capital. Ce qui n'empêche que dans le tableau IV d la rente en argent par acre a été de 15 £ tandis qu'elle n'a été de que de 9 £ dans le tableau I et qu'alors que dans ce dernier tableau la rente en blé était de 3 quarters, soit les ¾ de la production totale (4 quarters), elle s'élevait dans le premier à 10 quarters, soit la moitié du produit total (20 quarters) de l'acre de la terre D. Ces chiffres montrent que la rente par acre peut augmenter tant comme valeur en argent que comme valeur en céréales, bien qu'elle représente une partie moindre de la production totale et qu'elle ait diminué relativement au capital avancé.

    Alors que dans le tableau I la rente = 18 £ représente plus de la moitié du produit total = 30 £, dans le tableau IVd, la rente = 18 £ s'élève à moins de la moitié du produit total = 45 £.

    De ce qui vient d'être dit, il résulte que bien que le prix du blé baisse de 1 ½ £, soit de 50 % par, quarter et que l'étendue des terres cultivées soit de 3 acres au lieu de 4, la rente en blé double et la rente totale en argent reste la même pendant que la rente en blé et la rente en argent par acre augmentent. Ces résultats sont tels, parce que la production de surproduit est plus considérable : alors que le prix du blé tombe à 50 % le surproduit augmente de 100 %. Mais, pour qu'il en soit ainsi, il faut que dans les conditions que nous avons posées, la production totale devienne trois fois plus grande et que les avances de capital pour les meilleures terres s'accroissent de plus du double (L'augmentation qui devra être attribuée aux avances de capital pour les meilleures terres dépendra de la répartition des avances additionnelles entre les bonnes et les mauvaises terres.)

    Si le coût de production baissait moins que de 50 %, l'avance additionnelle de capital pourrait être moins grande pour obtenir la même rente en argent. Si, pour éliminer A des terres cultivées - pour cette élimination il faut tenir compte, non seulement de la production de A par acre, mais de l'étendue de A relativement à l'étendue de toutes les terres cultivées - il fallait faire produire davantage par les terres plus fertiles que A et par conséquent augmenter pour celles-ci les avances additionnelles, l'augmentation de la rente en argent et en blé serait encore plus accentuée (toutes circonstances égales), bien que B ne donnât aucune de ces espèces de rente.

    En supposant que le capital avancé pour la terre A soit de 5 £, l'élimination de cette terre nous amène à comparer)es tableaux Il et IVd. Nous voyons que pendant que la production totale s'élève de 20 à 30 quarters, la rente en argent diminue de moitié (de 36 £ elle tombe à 18 £) et la rente en blé reste invariable. Pour ramener dans IVd la rente en argent à ce qu'elle était dans II, il faudrait obtenir sur la terre D une production de 44 quarters, ce qui, à raison d'une productivité de 4 quarters par 2 ½ £ de capital, nécessiterait un capital de 27 ½ £. Les choses se passeraient alors de la manière suivante :

     Type de terrain 

     Capital 

     Production 

     Rente en blé 

     Rente en argent 

     

     £ 

     Quarters 

     Quarters 

     £ 

    B5400
    C5623
    D27 ½442233
    Total37 ½542436

    La production totale serait donc de 54 quarters alors qu'elle n'était que de 20 quarters dans le tableau Il et le capital serait de 37 ½ £ au lieu de 20 £, c'est-à-dire que le capital serait devenu presque deux fois plus grand et aurait donné une production presque trois fois plus considérable ; quant à la rente en blé, elle serait doublée. Par conséquent, si les avances additionnelles de capital pour toutes les terres meilleures que A (toutes les terres à rente) ont pour conséquence, la productivité restant la même, de faire baisser le prix, le capital total a la tendance à ne pas croître dans la même mesure que la production et la rente en blé, de sorte que l'augmentation de la rente en blé peut à un moment équilibrer le déchet qui se produit dans la rente en argent par suite de la baisse du prix. La même loi se manifeste dans ce fait que l'avance de capital doit être d'autant plus élevée qu’elle se fait pour une terre de productivité moins grande. Les facteurs qui agissent pour déterminer cette avance sont les suivants :

    1. l'importance de la baisse du prix, c'est-à-dire la différence entre le coût de production de B, qui devient la terre ne donnant pas de rente, et le coût de production de A, qui précédemment jouait le même rôle ;
    2. les différences de fertilité entre les terres B, C et D;
    3. la masse du capital additionnel ;
    4. la répartition de ce capital entre les différentes catégories de terres.

    En fait, la loi exprime uniquement ce que nous avons développé en étudiant le premier cas dans le chapitre précédent, savoir que lorsque le coût de production est donné et quelle que soit sa grandeur, la rente peut s'accroître sous l'influence d'avances additionnelles de capital. En effet, l'élimination de la terre A n'a fait que substituer une nouvelle rente différentielle 1 à la rente primitive et introduire un nouveau coût de production (1 ½ £). Ce qui est vrai pour le tableau Il est vrai pour, le tableau IV, avec cette seule différence que les points de départ sont maintenant la terre B au lieu de la terre A et un coût de production de 1 au lieu de 3 £.

    Le seul point qui ait de l'importance c'est que l'avance additionnelle de capital qui serait nécessaire, à défaut de la production de la terre A, pour donner satisfaction à la demande, peut être accompagnée d'une variation de la rente par acre, sinon pour toutes les terres, au moins pour quelques-unes. Nous avons vu que la rente en blé et la rente en argent ne se comportent pas de la même manière ; mais ce n'est que par tradition que la rente en blé joue encore un rôle dans l'économie. Autant vaudrait démontrer, par exemple, qu'un fabricant peut, avec son profit de 5 £, acheter beaucoup plus de son propre fil qu'autrefois avec un profit de 10 £. Tout cela montre que MM. les propriétaires fonciers, lorsqu'ils sont en même temps propriétaires ou actionnaires de manufactures, de sucreries, de distilleries, etc., ne perdent guère lorsque la rente foncière baisse, puisqu'ils gagnent alors comme industriels sur les matières premières que leur fournit l'agriculture [1].

  3. La productivité des avances additionnelles va en décroissant.

  4. Ce cas ne présente rien de neuf en ce sens qu'ici comme dans le cas précédent, le coût de production ne peut baisser que pour autant que l'avance de capitaux additionnels pour les terres meilleurs que A ait pour effet de rendre superflue la production de A et, par conséquent, de déterminer une mobilisation ou une autre utilisation du capital avancé pour cette terre. Nous avons montré que si cette éventualité se réalise, la rente par acre, soit en blé, soit en argent, peut ou croître, ou décroître, ou rester constante.

    Pour la facilité de nos comparaisons, nous reproduirons le tableau I.

    Tableau I

     Classes 

     Acres 

     Capital 

     Profit 

     Frais de production 

     Produit 

     Prix de vente 

     Rapport 

     Rente 

     Taux de surprofit 

     

     

    £

    £

    £

    Quarter

    £

    £

     Quarter 

     £ 

    %

    A12 ½½3133000
    B12 ½½323613120
    C12 ½½333926240
    D12 ½½3431239360
    Total410 1210 30618 

    Si nous admettons qu'une production de 16 quarters recueillis sur les terres B, C et D est suffisante pour éliminer la terre A, nous trouvons que le tableau III se modifie comme suit :

    Tableau V

     Classes 

     Acres 

     Capital 

     Profit 

     Frais de production 

     Produit 

     Prix de vente 

     Rapport 

     Rente 

     Taux de surprofit 

     

     

    £

    £

    £

    Quarter

    £

    £

     Quarter 

     £ 

    %

    B12 ½ + 2 ½ = 5162 + 1 ½ = 3 ½1 5/70200
    C12 ½ + 2 ½ = 5163 + 2 = 51 5/78 4/71 ½2 4/751 3/7
    D12 ½ + 2 ½ = 5164 + 3 ½ = 7 ½1 5/712 6/746 6/7137 1/7
    Total420 2416 27 3/75 ½9 3/794 2/7 en moyenne

    Sous l'action de la décroissance de la productivité des capitaux additionnels, décroissance inégale pour les différentes terres, le coût de production est tombé de 3 £ 1 5/7 £. L'avance de capital est devenue une et demie fois plus grande (de 10 £ elle s'est élevée à 15 £) et la rente a baissé en argent de 18 £ à 9 3/7 £, soit environ de moitié, et en blé de 6 quarters à 5 ½  quarters, c'est-à-dire de 1/12. La production a augmenté de 160 % (de 10 elle est devenue 16) et la rente en blé en absorbe un peu plus d'un tiers. L'avance de capital est à la rente en argent dans le rapport de 15 à 9 3/7, alors que précédemment le rapport était 10 : 18.

  5. La productivité des avances additionnelles va en augmentant.

  6. Ce cas ne se distingue du cas I, dans lequel les avances additionnelles sont supposées avoir la même productivité que l'avance primitive, que par ce fait que l'élimination de A des terres en culture se fait plus rapidement.

    L'influence de l'augmentation ou de la diminution de la productivité des avances additionnelles dépend de la manière dont l'avance de capital est répartie entre les différentes catégories de terres. Cette répartition peut, en effet, atténuer ou accentuer les différences, faire baisser ou hausser la rente différentielle des meilleures terres et, par conséquent, déterminer la diminution ou l'augmentation de la rente totale, influence que nous avons déjà constatée en étudiant la rente différentielle I. Au surplus, tout dépend de l'importance de la surface cultivée et du capital qui disparaîtront par l'élimination de A et de l'importance relative de l'avance de capital qui sera nécessaire, la productivité allant en croissant, pour produire la quantité supplémentaire de blé nécessaire pour faire face à la demande.

    Nous avons vu que dans le premier cas (le coût de production restant constant) une avance additionnelle pour la terre A ne modifie en rien le taux de la rente, puisque la terre A ne donne pas plus une rente après qu'avant cette avance et que son coût de production, qui reste constant, continue à être le prix du marché.

    Dans le deuxième cas (coût de production décroissant) la terre A est nécessairement éliminée dans la supposition I, c'est-à-dire lorsque la productivité reste constante, et elle l'est a fortiori dans la supposition II, lorsque la productivité décroît, car sans cela une avance additionnelle sur A ferait hausser le coût de production. Il n'en est pas de même dans l'hypothèse III que nous examinons maintenant et où l'augmentation de la productivité, qui est admise comme point de départ, rend possible, dans certaines circonstances, une avance de capital pour la terre A comme pour les terres les plus fertiles.

    Supposons qu'après une avance additionnelle de 2 ½ la terre A produise 1 1/5 quarter au lieu de 1 quarter.

    Tableau VI

     Classes 

     Acres 

     Capital 

     Profit 

     Frais de production 

     Produit 

     Prix de vente 

     Rapport 

     Rente 

     Taux de surprofit 

     

     

    £

    £

    £

    Quarter

    £

    £

     Quarter 

     £ 

    %

    A12 ½ + 2 ½ = 5161 + 1 1/5 = 2 1/52 8/116000
    B12 ½ + 2 ½ = 5162 + 2 2/5 = 4 1/52 8/11122 1/56120
    C12 ½ + 2 ½ = 5163 + 3 3/5 = 6 1/52 8/11184 2/512240
    D12 ½ + 2 ½ = 5164 + 4 4/5 = 8 1/52 8/112446 3/518360
    Total42042422 6013 1/536240

    Ce tableau doit être comparé au tableau fondamental I et également au tableau II, où, la productivité restant constante, la production devient deux fois plus grande lorsque l'avance de capital est doublée.

    D'après notre hypothèse le coût de production décroît. S'il n'en était pas ainsi, si le coût de  production restait constant, la terre A, qui n'a pas donné de rente avec l'avance primitive de 2 ½ £, en donnerait une après l'avance additionnelle, sans que pour cela il soit nécessaire qu'une terre plus mauvaise soit mise en culture. En effet, la productivité augmente pour l'avance additionnelle ; les 3 £ de frais de production dépensées en premier lieu ont produit 1 quarter, les 3 £ dépensées ensuite ont donné 1 1/5 quarter et le produit total (2 quarters) est vendu maintenant à son prix moyen. L'accroissement de la productivité après l'avance additionnelle implique une amélioration, résultant soit de ce que plus de capital (plus d'engrais, plus de travail mécanique, etc.) a été dépensé par acre, soit de ce que l'augmentation de l'avance de capital a permis d'appliquer celui-ci d'une manière plus productive. En tout cas, l'avance de 5 £ par acre a donné un produit de 2 1/5 quarters, tandis que l'avance de 2 ½ £ ne produisait qu'un quarter. Abstraction faite de circonstances exceptionnelles et passagères, le blé récolté sur les terres A ne pourra continuer à être vendu à un coût de production plus élevé que le nouveau prix moyen, que si une grande partie des terres de cette catégorie continue à être exploitée avec une avance de 2 ½ £ par acre. Le coût de production s'abaissera à 2 8/11 £ dès que l'amélioration de la culture sera généralisée sur les terres A et que la plus grande partie de celles-ci sera mise, en valeur à raison d'une avance de 5 £ par acre. Alors, l’avance de 2 ½ £ par acre ne correspondra plus aux nouvelles conditions de la production, et la différence quant au produit entre les deux espèces de terres À ne résultera plus de ce que des parties différentes de capital auront été appliquées sur le même acre, mais de ce que d'un côté on a avancé un capital suffisant et de l'autre un capital insuffisant.

    Il résulte de là :

    1. Lorsqu'un grand nombre de fermiers - en petit nombre, ils seraient simplement obligés de vendre au-dessous du coût de production - ne disposent pas d'un capital suffisant, l'effet est le même que s'il se produisait une différenciation des terres en ligne décroissante. A mesure que les terres mauvaises sont plus mal cultivées la rente des terres meilleures augmente et les terres mauvaises, qui ne rapportaient pas de rente, peuvent en donner une si elles sont relativement mieux cultivées.
    2. La rente différentielle, lorsqu'elle résulte d'avances successives de capital pour une même terre, se ramène en réalité à une moyenne dans laquelle on ne reconnaît et ne distingue plus les effets des différentes avances. Les terres les plus mauvaises ne donnent pas de rente ; le prix moyen déterminé d'après la production d'un acre, par exemple, de la terre A devient le nouveau prix régulateur; une nouvelle quantité de capital, dans laquelle les avances successives sont confondues, apparaît comme la quantité nécessaire pour une culture convenable du sol dans les nouvelles conditions. Il en est alors de même des rentes différentielles des terres de qualité supérieure, qui dans chaque cas particulier sont déterminées par la production moyenne de la catégorie de terre que l'on considère, rapportée à la production que donne la terre la plus mauvaise lorsqu'on y applique le capital augmenté, devenu le nouveau capital normal.

    Aucune terre ne donne un produit lorsqu'aucun capital n'est avancé pour la mettre en valeur. Même lorsqu'il n'est question que de la rente simple, de la rente différentielle I, et que l'on dit qu'un acre de la terre A donne autant de produit à tel prix et que les terres meilleures B, C, D fournissent telle et telle rente, il est toujours sous-entendu qu'un capital déterminé, considéré comme capital normal, doit être appliqué dans des conditions de production déterminées. Il en est de la culture de la terre comme de l'industrie, où chaque branche de production exige un certain minimum de capital, pour produire les marchandises à leur coût de production. Ce n'est qu'à la longue et sous l'action d'améliorations résultant d'avances successives de capital que ce minimum se modifie pour chaque catégorie de sol. Aussi longtemps, par exemple, que le capital additionnel n'a pas été appliqué à un nombre suffisant d'acres de la terre A, les terres les mieux cultivées de cette catégorie donnent une rente (car pendant tout ce temps se maintient l'ancien coût de production) et les terres meilleures B, C, D ont leurs rentes augmentées. Mais dès que l'application du nouveau mode d'exploitation a pris assez d'extension pour que cette manière d'exploiter soit devenue normale, le coût de production baisse, la rente des meilleures terres diminue et les produits des terres de la catégorie A, auxquelles le nouveau capital moyen n'est pas appliqué, doivent être vendus au-dessous de leur coût de production, par conséquent avec un profit plus petit que le profit moyen.

    Le même fait se présente lorsqu'il y a baisse du coût de production (même quand la productivité du capital additionnel est moindre que celle du capital primitif) et que la production des terres de bonne qualité devient suffisante, par suite de l'accroissement du capital qu'on y applique, pour faire face à la demande. Les terres de la catégorie A sont éliminées alors de la culture et le capital moyen avancé pour les terres de la catégorie B, dont le coût de production détermine maintenant le prix du marché, devient le nouveau capital normal, celui dont il sera question chaque fois qu'on parlera des différences de productivité des différentes catégories de terres.

    C'est ce capital moyen - il était, en Angleterre, de 8 par acre avant et de 12 £ après 1848 - qui sert de base pour tous les contrats de fermage. Lorsque le fermier dépense davantage, son surprofit ne se transforme pas en rente pendant toute la durée du bail, et à l'expiration de celui-ci ce sera la concurrence entre les fermiers en état de faire les mêmes avances extraordinaires qui décidera s'il en sera encore ainsi. Il n'est pas question ici des améliorations permanentes qui assurent une augmentation de la production, même lorsque les avances de capital restent constantes ou diminuent ; bien que résultant d'une dépense de capital, ces améliorations agissent absolument comme les différences entre les qualités naturelles du sol.

    La rente différentielle Il comporte donc un facteur qui ne se rencontre pas dans la rente différentielle I, laquelle peut continuer à exister sans qu'aucune variation n'intervienne dans l'avance normale de capital par acre. Ce facteur se manifeste, d'une part, par la confusion des résultats des différentes avances de capital faites pour les terres de la catégorie A, confusion qui se traduit par un produit moyen, un produit normal par acre ; d'autre part, il apparaît dans la variation de l'avance moyenne (le minimum normal) de capital nécessaire par acre, variation qui se présente comme une propriété de la terre; enfin, il se constate dans les manières différentes dont se fait la conversion du surprofit en rente.

    La comparaison du tableau VI et des tableaux I et II montre que dans le tableau VI la rente en blé est double de la rente de I et plus grande de 1 1/5 quarter que celle de II, alors que la rente en argent, deux fois plus grande également que celle de I, reste la même que celle de II. La rente aurait été beaucoup plus élevée si les avances additionnelles de capital avaient été appliquées dans une plus large mesure aux meilleures terres, ou si l'avance additionnelle ayant été moins efficace pour A, le prix moyen régulateur de A avait été plus élevé.

    Lorsque l'accroissement de productivité par suite des avances additionnelles de capital n'est pas le même pour les différentes catégories de terres, il doit en résulter une modification de leurs rentes différentielles.

    En tout cas, il est démontré que la rente par acre augmente plus rapidement que l'avance de capital (pour avance de capital double la rente est plus que double), lorsque le coût de production diminue par suite de la productivité plus grande des avances additionnelles, c'est-à-dire lorsque l'accroissement de la productivité est proportionnellement plus grand que celui de l'avance de capital.

    Mais la rente peut aussi baisser lorsque la diminution du coût de production est beaucoup plus considérable par suite d'un accroissement plus rapide de la productivité de la terre A.

    Supposons que les avances additionnelles de capital n'augmentent pas la productivité des terres B et C dans la même proportion que celle de la terre A, de telle sorte que les différences proportionnelles diminuent pour B et C et que l'accroissement de la production ne contrebalance pas la baisse des prix. Comparativement au tableau II, la rente augmentera pour D et diminuera pour B et C.

    Tableau VIa

     Classes 

     Acres 

     Capital 

     Profit 

     Frais de production 

     Produit 

     Prix de vente 

     Rapport 

     Rente 

     

     

    £

    £

    £

    Quarter

    £

    £

     Quarter 

     £ 

    A12 ½ + 2 ½ = 5161 + 3 = 41 ½600
    B12 ½ + 2 ½ = 5162 + 2 ½ = 4 ½1 ½6 ¾½6
    C12 ½ + 2 ½ = 5163 + 5 = 81 ½1244
    D12 ½ + 2 ½ = 5164 + 12 = 161 ½241212
    Total420 2432 ½  16 ½24 ¾

    Enfin, la rente en argent augmente, lorsque, l'accroissement de la productivité se faisant dans la même proportion pour toutes les terres, les avances additionnelles de capital sont faites dans une plus large mesure pour les bonnes terres que pour les terres de la catégorie A, ou que les avances additionnelles donnent lieu à un accroissement relativement plus grand de la productivité sur les bonnes terres. Dans les deux cas les différences s'accentuent.

    Il y a décroissance de la rente en argent lorsque l'amélioration due aux avances additionnelles est plus importante pour A que pour B et C, et que toutes les différences ou une partie d'entre elles s'atténuent. Cette diminution, est d'autant plus grande que l'accroissement de la productivité est moindre pour les meilleures terres. Quant à la rente en blé, elle augmente, diminue ou reste invariable suivant les inégalités d'action des avances additionnelles sur les différentes terres.

    Les rentes en blé et en argent augmentent lorsque les différences proportionnelles restant les mêmes entre les terres après l'accroissement de leur fertilité, l'avance additionnelle de capital est plus grande pour les terres à rente que pour la terre A, ou plus grande pour les terres dont la rente est relativement élevée que pour celles dont la rente est relativement faible. Elles augmentent également lorsqu'une même avance additionnelle accroît plus la fertilité des bonnes terres que celle de la terre A ; l'augmentation est alors proportionnelle à la différence entre les accroissements de fertilité.

    Dans tous les cas, il y a augmentation relative de la rente chaque fois que l'augmentation de la productivité est due, non à un simple accroissement de la fertilité sans avance supplémentaire de capital, mais à une augmentation de l'avance de capital. C'est ce point de vue absolu qui démontre qu'ici, comme dans tous les cas précédents, la rente et l'accroissement de la rente par acre sont la conséquence d'une augmentation du capital appliqué à la culture de la terre. En effet, notre hypothèse de l’invariabilité et de la baisse du prix, que la productivité reste stationnaire, augmente ou diminue, se ramène à la productivité stationnaire, croissante ou décroissante du capital additionnel, que les prix restent les mêmes ou baissent. Bien que dans tous ces cas la rente puisse rester invariable ou décroître, elle décroîtrait davantage si le capital additionnel, toutes circonstances égales, n'était pas une condition de l'accroissement de la fertilité. L'augmentation du capital détermine encore une hausse relative de la rente, alors même que celle-ci diminue en valeur absolue.


    Notes

    [1] Les tableaux IVa à IVd auraient dû être refaits pour en éliminer une anomalie qui, sans nuire d'aucune manière aux déductions théoriques qui en sont tirées, conduit à des nombres monstrueux en ce qui concerne la production par acre. Au fond, ces nombres ne présentent rien de choquant. Dans toutes les cartes figurant des profils en relief on en hauteur, on trace les ordonnées à une échelle beaucoup plus grande que les abscisses. D'ailleurs, ceux qui seraient atteints dans leur cœur d'agrarien pourront, si cela leur fait plaisir, multiplier les nombres d'acres par tel coefficient qu'il leur plaira d'adopter. Ils pourront, par exemple, dans le tableau I substituer 10, 129, 14, 16 bushels à 1, 29, 3, 4 quarters (8 bushels = 1 quarter), ce qui rendra vraisemblables les chiffres qui en seront déduits dans les tableaux suivants, mais ne modifiera en rien le résultat théorique en ce qui concerne le rapport entre l'accroissement de la rente et l'accroissement du capital. Toutefois, j'ai modifié dans ce sens les tableaux du chapitre suivant. - F. E.


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