La Nouvelle Gazette Rhénane

Karl Marx

Au rédacteur du journal La Presse

La note que vous avez insérée dans La Presse du 26 juillet [1] relativement à mon séjour à Paris et que d'autres journaux ont textuellement reproduite, contient des faits tellement erronés que je suis obligé d'y répondre par quelques lignes.

D'abord la Nouvelle Gazette rhénane dont j'étais le propriétaire et le rédacteur en chef n'a jamais été interdite. Elle a été suspendue pendant cinq jours à la suite de l'état de siège. L'état de siège ayant cessé, le journal a reparu et a continué de paraître les sept mois suivants. Le gouvernement prussien, se voyant dans l'impossibilité de le supprimer légalement, eut recours au singulier expédient de se débarrasser du propriétaire, c'est-à-dire de m'interdire le séjour en Prusse. Quant à la légalité de cette mesure, la Chambre des députés de Prusse, qui doit se réunir sous peu, en décidera.

Après la défense qui m'a été faite de séjourner en Prusse, je me suis retiré d'abord dans le grand duché de Hesse, où il ne m'était nullement interdit de résider, pas plus que dans le reste de l'Allemagne. Si je suis venu à Paris, ce n'était point, ainsi que le dit votre journal, en qualité de réfugié, mais bien volontairement, muni d'un passeport régulier et dans le seul but de compléter les matériaux pour un ouvrage sur l'histoire de l'économie politique, commencé il y a cinq ans déjà.

Je n'ai pas reçu non plus l'ordre de quitter Paris sans délai, mais on m'a laissé le temps de faire une réclamation auprès du ministère de l'Intérieur. Cette réclamation, je l'ai faite, et j'en attends le résultat.

Recevez, etc.

Dr. Charles MARX [2] .

Notes

[1] Voici le texte paru dans La Presse du 26 juin (page 3 sous le titre : « Nouvelles de Paris ») qui a provoqué la réponse de Marx :
« M. Marx, ancien rédacteur en chef de la Nouvelle Gazette rhénane de Cologne qui a été interdite depuis la mise en état de siège, à cause de ses tendances ultra-démocratiques, s'était réfugié à Paris, il a reçu l'ordre de se rendre sans délai dans le département du Morbihan. On cite beaucoup d'autres réfugiés allemands qui ont reçu des ordres pareils de la police française.
M. Marx, depuis son arrivée à Paris, s'occupait exclusivement de travaux littéraires . »

[2] Article publié sous la forme où il a paru dans le journal La Presse du 30 juillet 1848.