1848-49 |
Marx et Engels journalistes au coeur de la révolution... Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec. |
La Nouvelle Gazette Rhénane
L’association de mars
Cologne, le 10 mars.
La soi-disant « Association de mars » de Francfort de la soi-disant assemblée « impériale » de Francfort, a le front de nous adresser la lettre lithographiée suivante.
« L'Association de mars a décidé d'établir une liste de toutes les feuilles qui nous ont ouvert leurs colonnes et de la communiquer à toutes les associations avec lesquelles nous sommes en relation pour que les associations en question s'efforcent d'accorder de préférence leurs annonces respectives aux feuilles désignées.
En vous communiquant la liste établie, nous croyons ne pas avoir besoin d'attirer votre attention sur l'importance des « annonces » payées dans un journal, source de revenus pour toute l'entreprise.
De plus l'Association centrale de mars a décidé de recommander à l'obligeant soutien des associations le Teutsches Volksblatt, revue démocrate-constitutionnelle, rédigée par M. le Dr. Eisemnann, paraissant à Wurzbourg, qui menace de succomber à la concurrence des journaux antidémocratiques, car M. le rédacteur se déclare dans l'impossibilité d'ajouter de nouveaux sacrifices à ceux déjà consentis.
Francfort, fin février 1849
La présidence de l'Association centrale de mars. »
Sur la liste jointe des journaux qui « ont ouvert à l'Association de mars leurs colonnes » et à qui les adeptes de « l'Association de mars » doivent accorder de préférence leurs « annonces respectives » se trouve aussi la Nouvelle Gazette rhénane pourvue par surcroît d'un astérisque honorifique.
Nous déclarons ici aux membres gauches et extrême-gauches [1] de cette soi-disant « Association de mars » de la ci-devant « Assemblée d'Empire » que la Nouvelle Gazette rhénane ne s'est jamais présentée comme l'organe d'un parti parlementaire, et surtout pas d'un parti du ridicule club impérial de Francfort, que nos colonnes n'ont jamais été ouvertes à la soi-disant « Association de mars » de ce club; que la Nouvelle Gazette rhénane ne connaît d'ailleurs aucune « Association de mars ». Si dans son rapport lithographié l'« Association de mars » désigne aux feuilles dont les colonnes lui sont réellement ouvertes notre journal comme un de ses organes, c'est une simple calomnie contre la Nouvelle Gazette rhénane et une inepte vantardise de l'« Association de mars ». Les vertueux patriotes de l'« Association de mars » sauront sans aucun doute concilier ceci avec leur « conscience ».
La « décision » de l'Association de recommander la revue « démocrate-constitutionnelle » (Teutsche Zeitschrift : « Teutsches Volksblatt ») du « Dr. Eisenmann » rend cependant encore plus vertueuse la référence de l'« Association de mars » à notre journal. Qui ne serait pas touché par le triste destin du grand martyr « teuton » Eisenmann ? Le « Dr. » Eisemnann qui a vendu pour 12 000 florins au « roi démocrate-constitutionnel » de Bavière ses souvenirs de prison ne peut plus faire de « nouveaux sacrifices » et menace de succomber à la « concurrence » en librairie des feuilles ordinaires non octroyées et anti-association de mars. Nous laissons le soin aux patriotes de supputer dans quel état de profond abandon le Teutsches Volksblatt a dû tomber, si Eisenmann, le martyr aux 12 000 florins et le représentant à cinq thalers doit faire appel au « secours » public. En tout cas les hommes de fer [2] démocrato-constitutionnels doivent être tombés bien bas, très bas, pour imaginer une lettre de mendicité émanant de la Nouvelle Gazette rhénane, le journal qui, seul en Allemagne, a poursuivi les « mendiants minables et éhontés » du patriotisme et des impériales assemblées de mendiants.
Nous n'avons naturellement rien à répondre à cette sordide remarque du patriote avide de profit et poussé à bout par la concurrence sur l'« importance des annonces payées d'un journal : source de revenus pour l'entreprise entière ». La Nouvelle Gazette rhénane s'est somme toute toujours distinguée des patriotes, y compris sur ce point, en ne considérant jamais les mouvements politiques comme une branche pour chevaliers d'industrie ou une source de revenus.
Notes
Texte surligné : en français dans le texte.
[1]
Allusion aux deux fractions de la gauche de l'Assemblée nationale de Francfort. Robert Blum, Vogt, Fröbel, Wesendonck, Zimmermann,
Venedey, etc. appartenaient à la gauche proprement dite. Les députés Arnold Ruge, Zitz, Simon, Schlöffel, von Trützschler
appartenaient à l'extrême-gauche; c'est ainsi que l'on appelait le parti démocrate radical. C'est de cette fraction que la
Nouvelle Gazette rhénane
était la plus proche; elle soutenait l'extrême-gauche de la démocratie révolutionnaire, mais fustigeait l'indécision et le
« crétinisme parlementaire » des démocrates bourgeois. Dans un article intitulé « Programme du parti radical-démocrate et
de la gauche à Francfort », MARX et ENGELS soumettaient les conceptions de ces groupements à une critique incisive.
[2]
Eisenmann
signifie littéralement : Homme de fer (Mann
= homme; Eisen = fer)
.