1848-49

Marx et Engels journalistes au coeur de la révolution...

Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.


La Nouvelle Gazette Rhénane

K. Marx

La crise de Berlin [1]

n° 139, 9 novembre 1848


Cologne, 8 novembre.

La situation semble très embrouillée; elle est très simple.

Ainsi que la Neue Preussische Zeitung [2] l'a remarqué avec juste raison, le roi est « sur la base la plus large » de ses droits « héréditaires de droit divin ».

De l'autre côté « l'Assemblée nationale » n'est « absolument sur aucune base », elle doit d'abord établir une constitution, jeter une base.

Deux souverains !

Le chaînon qui les unit c'est Camphausen, la théorie ententiste.

Dès que les deux souverains ne peuvent ou ne veulent plus s'entendre, ils se changent en deux souverains ennemis. Le Roi a le droit de jeter le gant à l'Assemblée, l'Assemblée a le droit de jeter le gant au Roi. Le droit le plus grand est du côté de la force la plus grande. La force s'éprouve dans la lutte. La lutte s'éprouve dans la victoire. Les deux forces ne peuvent affirmer leur droit que par la victoire,leur tort que par la défaite.

Jusqu'à présent le Roi n'a pas été un roi constitutionnel. C'est un roi absolu qui se résoud ou ne se résoud pas au régime constitutionnel.

Jusqu'à présent l'Assemblée n'a pas été constitutionnelle, elle est constituante. Jusqu'à présent elle a cherché à constituer le régime constitutionnel. Elle peut se détourner ou ne pas se détourner de cette recherche maladive.

Le Roi et l'Assemblée se sont pour l'instant pliés tous les deux à la cérémonie constitutionnelle.

L'exigence du roi de former, malgré la majorité de la Chambre, un ministère Brandenburg qui lui agrée, est une exigence de roi absolu.

La prétention de la Chambre d'interdire au Roi, par l'envoi d'une délégation directe, de former un ministère Brandenburg, est une prétention de Chambre absolue.

Le Roi et l'Assemblée ont péché contre la convention constitutionnelle.

Le Roi et l'Assemblée se sont retirés chacun sur le terrain qui était primitivement le sien; le Roi consciemment, la Chambre inconsciemment.

L'avantage est du côté du Roi.

Le droit est du côté de la force.

La phraséologie du droit est du côté de l'impuissance.

Le ministère Rodbertus serait le zéro où le plus et le moins s'annulent.


Notes

[1] Le 8 novembre 1848, le roi renvoya le ministère Pfuel et le remplaça par le ministère Brandenburg, ouvertement contre-révolutionnaire. Le 9 novembre, l'Assemblée nationale prussienne prit connaissance d'un « message » du roi, ajournant l'Assemblée et la transférant de Berlin à Brandebourg, une petite ville de province. C'était le début du coup d'État qui se termina par la dissolution de l'Assemblée nationale prussienne. Le 5 décembre 1848, le Roi octroyait une constitution. La Nouvelle Gazette rhénane fit tout ce qui était en son pouvoir pour mobiliser les masses populaires contre ce coup d'État.

[2] La Neue Preussische Zeitung était un quotidien qui paraissait à Berlin depuis juin 1848. C'était l'organe de la camarilla de la Cour et des hobereaux prussiens contre-révolutionnaires. Ce journal est aussi connu sous le titre de « Kreuz-Zeitung »; son titre était orné de la Croix de fer, entourée de la devise de la Landwehr : « En avant, avec Dieu, pour le Roi et la Patrie ».


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