1844 |
Marx et Engels rompent avec l'hégélianisme.... |
La sainte famille
« La profondeur de la critique critique »
ou la critique critique personnifiée par M. J. (Jungnitz ?)
[1]
La
Critique se doit à elle-même de ne pas passer sous
silence la querelle d'une importance capitale qui oppose M. Nauwerck
à la faculté de philosophie de Berlin. Elle a connu les
mêmes avatars : le destin de M. Nauwerck doit lui servir de
toile de fond sur laquelle se détachera de façon plus
frappante sa propre révocation bonnoise [2].
Comme la Critique a pris l'habitude de considérer l'affaire de
Bonn comme l'événement du siècle et qu'elle a
déjà écrit la Philosophie de la destitution de
la Critique, il fallait s'attendre à la voir, de façon
analogue, poursuivre jusque dans le détail la construction
philosophique du « conflit » de Berlin. Elle démontre
a priori que toute l'affaire a dû nécessairement se
passer de la façon suivante et pas autrement. Elle explique :
1. Pourquoi la faculté de philosophie a été obligée
d' « entrer en conflit » avec un spécialiste de la philosophie politique, et non pas avec un logicien et
métaphysicien;
2. Pourquoi ce conflit ne pouvait être aussi brutal ni aussi décisif
que le fut à Bonn le conflit opposant la Critique à la théologie.
3. Pourquoi ce conflit ne fut en somme qu'une sottise, puisque la Critique avait
déjà concentré tous les principes, toute la substance dans son conflit de Bonn, et qu'ainsi l'histoire
universelle ne pouvait que plagier la Critique.
4. Pourquoi la faculté de philosophie se crut attaquée
personnellement dans les écrits de M. Nauwerck.
5. Pourquoi M. N[auwerck] n'eut d'autre ressource que de se démettre
volontairement.
6. Pourquoi la faculté était obligée de défendre M.
N[auwerck], à moins de se saborder.
7. Pourquoi « la scission intérieure dans l'essence de la Faculté
devait nécessairement se présenter sous une forme telle » que la faculté donnât en même temps
raison et tort et à M. N[auwerck] et au gouvernement.
8. Pourquoi la faculté ne trouva pas, dans les écrits de M.
N[auwerck], de motif de le démettre de son poste.
9. Par quoi est conditionnée l'obscurité de l'ensemble du vote.
10. Pourquoi la faculté se « croit (!), en tant qu'autorité
scientifique (!) en droit (!) » d'évoquer l'affaire au fond.
Et enfin 11º Pourquoi la faculté ne veut cependant pas écrire à la façon de M. N[auwerck].
Telles sont les importantes questions à la solution desquelles la Critique consacre quatre pages d'une rare profondeur, en démontrant, en vertu de la Logique de Hegel, pourquoi tout s'est passé de la sorte et pourquoi Dieu lui-même n'y aurait rien pu changer. La Critique dit en un autre passage qu'il n'y a encore aucune époque de l'histoire qui soit exactement comprise; la modestie lui interdit de dire qu'en tout cas elle a parfaitement compris son propre conflit et celui de Nauwerck, qui, il est vrai, ne sont pas des époques, mais du moins, aux yeux de la Critique, font époque.
La Critique critique, qui s'est intégré le « facteur » profondeur, se mue en Calme de la connaissance.
Notes
[1] Il s'agit ici d'un article signé « J. » et paru dans l'Allgemeine Literatur-Zeitung, fascicule VI, en mai 1844, intitulé : « Monsieur Nauwerck et la faculté de philosophie ».
[2] En octobre 1841, le gouvernement prussien retira à Bruno Bauer l'autorisation d'enseigner à l'université de Bonn. Le motif de cette suspension était la publication de plusieurs ouvrages jugés non orthodoxes sur la religion. En mars 1842, Bauer fut définitivement exclu de l'enseignement universitaire.