1843-50 |
"On remarquera que, dans tous ces écrits, et notamment dans ce dernier, je ne me qualifie jamais de social-démocrate, mais de communiste... Pour Marx, comme pour moi, il est donc absolument impossible d'employer une expression aussi élastique pour désigner notre conception propre.." F. Engels, 1894. Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec. |
Le parti de classe
Formation de l'Internationale
À la suite de la demande pressante de nos correspondants français et suisses qui réclament que le Conseil central prenne des mesures pour remplir les engagements pris lors de la fondation de l'Association, à savoir convoquer cette année un congrès à Bruxelles afin d'examiner les questions d'intérêt général pour le prolétariat d'Europe, le comité a débattu de la question et vous soumet à présent les propositions suivantes [1] :
« Le Conseil central de l'Association internationale des travailleurs nous informe qu'il a décidé de remettre à plus tard le congrès ouvrier qui devait avoir lieu à Bruxelles ou dans une localité quelconque, et ce pour les raisons suivantes : premièrement, parce qu'il en est arrivé à la conviction qu'il est plus utile de réunir une préconférence avec un nombre assez restreint de délégués des sections les plus importantes du continent, afin de délibérer sur le programme à présenter au prochain congrès ; deuxièmement, parce que le mouvement de réforme, les élections générales et l'exposition industrielle en Grande-Bretagne, ainsi que les grèves en France, ont à ce point capté l'énergie et l'attention de la classe ouvrière que le développement de l'Association en a souffert ; troisièmement, parce que le Parlement belge a promulgué cette année une loi contre les étrangers afin d'empêcher de réaliser le plan, prévu par l'Association, de tenir un congrès dans la capitale de la Belgique, ce qui exclut toute possibilité d'y tenir une conférence. »
premièrement, que les membres du Conseil central paient leur cotisation pour l'année prochaine dès septembre, soit avant la réunion de la conférence ;
deuxièmement, que le secrétaire général a été avisé que les secrétaires des sections, qui sont déjà affiliées à l'Association, sont invités à faire tous leurs efforts pour remettre des cartes d'adhésion à des membres individuels; afin de pouvoir couvrir les frais de la conférence ;
troisièmement, qu'il est recommandé aux membres du Conseil central de prendre des cartes d'adhésion afin de les placer, en les payant immédiatement au comptant, et ce pour couvrir les dépenses avec le produit de ces cartes d'adhésion [2].
La raison pour laquelle nous avons décidé de ne pas publier de rapport officiel sur la conférence, c'est ‑ abstraction faite du manque d'argent et de ce que les statuts nous imposent de présenter un rapport général au Congrès, donc afin d'éviter un double emploi – essentiellement que ce serait nous nuire plutôt que nous servir que d'initier le public dans les documents, notamment parce qu'ils sont de nature très « fragmentaire » et offriraient à nos adversaires une arme facile à tourner contre nous [3]. Nous savions que deux membres du comité central, Le Lubez et Vésinier, n'attendaient que cette occasion. Les événements l'ont confirmé. C'est d'abord Vésinier qui a dénoncé le comité central et la conférence dans l'Écho de Verviers. Aussitôt après, le même journal publia la déclaration de principes et le projet de statuts de Le Lubez [4] que celui-ci pensait octroyer à l'Association au nom de la branche française fondée à Londres pour nous faire contrepoids. Dans l'intervalle, cette intrigue a tourné court. La branche s'est séparée de son fondateur, et ses meilleurs éléments ‑ Longuet, rédacteur de la Rive gauche, et Crespelle ‑ sont entrés au comité central.
Les Parisiens ont publié un rapport sur la conférence [de septembre, à Londres] et, en même temps, le programme que nous avons préparé pour le prochain congrès [5]. Ce programme a été publié dans tous les journaux libéraux, quasi-libéraux et républicains de Paris. L'accueil a été bienveillant, comme tu peux le voir en lisant le rapport de Fox sur la dernière séance de notre conseil dont je t'envoie l'extrait paru dans Workman's Advocate. Nos Parisiens sont un peu ahuris que le paragraphe sur la Russie et la Pologne, dont ils ne voulaient pas, soit précisément celui qui ait fait le plus sensation. J'espère qu'à tes moments perdus tu écriras de temps en temps un article sur un projet quelconque pour l'Advocate.
La publication parisienne [des travaux de la Conférence de Londres] m'épargne la peine d'écrire un rapport français.
Cher Becker,
Il est absolument nécessaire que Jung soit nommé président du Congrès [de l'A. I. T. à Genève] [6] ;
Salut et poignée de main.
Ton K. M.
Notes
[1] Ce rapport, présenté au sous-comité de
l'A. I. T. le 25-10-1865, est le résultat d'efforts
inlassables de Marx. Celui-ci parvint à convaincre les membres
du Conseil central que les sections locales de
l'Internationale n'étaient pas encore assez affermies
pour tenir le congrès général prévu par les statuts.
Le Conseil central adopta le programme proposé dans
ce rapport à quelques modifications mineures près (Cremer et Eccarius proposèrent
d'y inclure le point 10 soulevé par la section
parisienne).
[2] Tout parti vraiment ouvrier et révolutionnaire traite en présence de tous de ses questions d'organisation, et ce jusque dans ses détails les plus matériels et les plus humbles. Ce sont précisément les questions de fonctionnement matériel ‑ organisation des réunions, diffusion, répartition des tâches les plus diverses ‑ qui soudent les militants en une collectivité vivante et agissante, et font qu'en général chacun a le sentiment que la vie de l'organisation est l'œuvre consciente des efforts collectifs de ses membres.
[3] Cf. Marx à Johann Philipp Becker, 13
janvier 1866.
Marx nous donne ici de précieuses indications sur les
travaux de la Conférence de Londres de septembre 1865.
[4] Ce factum déniait au Conseil central le droit de diriger l'Internationale et limitait ses pouvoirs à des fonctions purement techniques d'information et de statistique.
[5] Cf. Marx à Engels, 20 novembre
1865.
Par suite de la publication par les délégués français
d'un rapport sur la Conférence de Londres, Marx est, à sa
demande, déchargé par le Conseil central de cette tâche.
Ce compte rendu fut publié par L'opinion
nationale du 8-10-1865, L'Avenir social du
12-10-1865 et Le Siècle du 14-10-1865. Il est
reproduit dans La Ire Internationale,
recueil de documents, t. I, p, 16-24: Il est signé :
« Pour le Conseil central : les correspondants de
Paris, Fribourg, C. Limousin. »
[6] Marx à Johann Philipp Becker,
31-8-1866.
Cette lettre fait pendant aux « Instructions aux
délégués du Conseil central au Congrès de Genève » Il
s'agit évidemment de directives confidentielles qui,
cependant, n'ont aucun caractère d'intrigue, tous les
conseils étant justifiés par le souci de la bonne marche du
Congrès, en dehors de tout formalisme. Le compte rendu des
débats mentionne que le citoyen Jung, délégué du Conseil
central, a été choisi pour diriger les débats du congrès à une
majorité de 45 voix (sur un total de 60).
Comme on le voit, pour Marx, la direction est confiée
en fonction non pas de la préséance ou du mérite, mais des
qualités requises pour exercer la tâche.