1923 |
"Les bourgeois et les social-nationalistes européens peuvent assister avec une terreur apocalyptique à l'éclosion du bolchevisme mondial. C'est, peut-être, seulement le premier acte de la vengeance que l'Orient réserve à l'orgueilleux impérialisme occidental pour l'avoir ruiné, pour l'avoir retardé dans son évolution économique." |
Téléchargement fichier winzip (compressé) : cliquer sur le format de contenu désiré |
|
Lorsque, en 1918, on se servit de l’expression baroque qui fait le titre du présent chapitre, bien des marxistes russes y virent un paradoxe. Il semblait absurde d’admettre l’idée même que la quiète et routinière province russe pût devenir, d’une façon quelconque, pour l’Occident – « l’Occident pourri », disait-on volontiers en Russie – un exemple à suivre dans l’élaboration des formes et de la substance du processus révolutionnaire.
Nous étions tout disposés à rattacher le bolchevisme russe à la nature agraire du pays, à l’absence d’une véritable éducation politique dans les milieux populaires, bref à des facteurs purement nationaux.
Dans les autres pays, le mouvement révolutionnaire se développe sur des bases sociales sensiblement différentes, et il semblait bien peu probable qu’il se coulât dans le moule idéologique et politique du bolchevisme. Tout au plus, se résigna-t-on à admettre par la suite que l’élément bolcheviste pût teinter la révolution dans des pays pareillement rétrogrades, comme le sont la Roumanie, la Hongrie, la Bulgarie.
Aux yeux des socialistes de l’Europe occidentale également, il paraissait évident que le bolchevisme ne se prêtait pas à l’exportation sur le marché politique mondial. Ils se sont prononcés à maintes reprises en ce sens que ce phénomène purement russe ne saurait s’acclimater en Europe occidentale. Cette certitude d’immunité fut justement une des raisons pour lesquelles d’éminents représentants du socialisme européen ne craignirent pas de vanter le bolchevisme russe et se firent ainsi les fourriers de l’emprise des idées bolchevistes sur les masses ouvrières de leur propre pays.
Certes, ils ne prévoyaient pas qu’à un moment donné le bolchevisme surgirait soudain chez eux-mêmes. C’est pourquoi, obéissant à des considérations d’étroite politique quotidienne, ils renoncèrent tout bonnement à opposer la moindre critique à l’idéologie et à la politique du bolchevisme russe. Certains même prirent en bloc sa défense contre les attaques émanant des milieux bourgeois ennemis, sans même juger utile d’établir une distinction entre ce qui se rattachait à la révolution comme telle dans sa substance propre et ce qui, par ailleurs, représentait seulement l’apport spécifique du bolchevisme et constituait un reniement de tout le patrimoine idéologique de l’Internationale.
Aujourd’hui encore, de nombreux représentants du socialisme européen restent fidèles à cette attitude. Lorsqu’il y a peu de temps, il eut à analyser les raisons de l’échec essuyé par son parti aux élections à l’Assemblée Constituante, Kautsky reprocha aux chefs de s’être obstinément refusés à prononcer publiquement une critique du bolchevisme russe et de lui avoir fait une publicité politique.
Une telle attitude, répétons-le, était possible dans la mesure dans laquelle le socialisme européen proclamait et croyait vraiment qu’il n’avait rien à craindre de l’incendie bolcheviste.
Et lorsque le « bolchevisme mondial » fut devenu partout un facteur indéniable du processus révolutionnaire, les marxistes européens se trouvèrent aussi peu préparés que les russes – sinon moins – pour comprendre la portée historique de cet événement et pour découvrir les raisons qui en assuraient la durée.
Au bout de trois mois de l’expérience révolutionnaire allemande, il devint évident que le bolchevisme n’était pas uniquement le produit d’une révolution agraire. A proprement parler, l’expérience révolutionnaire de la Finlande avait déjà offert suffisamment de raisons de reviser cette conception qui avait acquis force de préjugé. Certes, les particularités nationales du bolchevisme russe s’expliquent, en grande partie, par la structure agraire de la Russie. Mais les bases sociales du « bolchevisme mondial » doivent être cherchées ailleurs.
La guerre mondiale fait remplir à l’armée un rôle important dans la vie sociale, et c’est là, sans aucun doute, le premier facteur commun que l’on décèle dans le processus révolutionnaire de pays aussi dissemblables socialement entre eux que le sont la Russie et l’Allemagne, l’Angleterre et la France. On ne peut mettre en doute l’existence d’un lien entre le rôle joué par le soldat dans une révolution et le souffle bolcheviste qui anime celle-ci. Le bolchevisme n’est pas, simplement, « une révolution de la soldatesque », mais, dans chaque pays, le développement de la révolution subit l’influence du bolchevisme en fonction directe des masses de soldats en armes qui y participent.
En son temps, le rôle de la soldatesque dans la révolution russe a été suffisamment analysé. Dès les premiers jours de la marée montante du bolchevisme, les marxistes ont signalé que le « communisme du consommateur » fournissait le seul intérêt commun capable de créer un lien entre des éléments sociaux disparates et souvent déclassés, c’est-à-dire : arrachés à leur véritable milieu social.
On a consacré moins d’attention à un autre facteur de la psychologie des foules soldatesques révolutionnaires. Nous voulons parler de cet « anti-parlementarisme » particulier, tout à fait compréhensible dans un milieu social qui n’a pas été cimenté par les dures leçons de la défense collective de ses intérêts et qui puise, présentement, sa force matérielle et son influence dans le seul fait de posséder des armes.
Les journaux anglais ont relaté le fait curieux que voici. A l’occasion d’élections à la Chambre des Communes, des bulletins de vote ont été mis à la disposition des troupes anglaises se trouvant sur le front français. Fréquemment, les soldats ont détruit ces bulletins en y mettant le feu et ont déclare : « Laissez-nous seulement rentrer au pays, nous nous chargerons d’y mettre de l’ordre ». En Allemagne comme en Russie, nous avons constaté bien des fois que les foules soldatesques manifestaient leur premier souci de la politique par une tendance à « y mettre de l’ordre » par la force des armes. Cet état d’esprit s’est manifesté aussi bien en faveur des « droites » – fait fréquent pendant les premiers mois de la révolution en Russie et pendant les premières semaines en Allemagne – qu’en faveur des « gauches ». Dans l’un comme dans l’autre cas, nous nous trouvons en présence d’une collectivité convaincue qu’il suffit de détenir les armes et de savoir s’en servir pour pouvoir diriger les destinées du pays.
Cet état d’esprit aboutit fatalement à une opposition irréductible aux principes démocratiques et aux formes parlementaires de gouvernement.
Et cependant, quelque démesuré que soit son rôle dans la tourmente bolcheviste, la seule présence de la masse soldatesque ne saurait expliquer ni les succès du bolchevisme ni l’étendue géographique de son emprise. Une cruelle déception a été le sort de ceux qui, en octobre 1917, avaient déclaré en Russie, avec un optimisme béat, que le bolchevisme était le fait de « prétoriens révolutionnaires » et qu’il se trouverait privé de ses assises sociales aussitôt que l’armée aurait été démobilisée.
Loin de là, les véritables traits du bolchevisme se sont montrés avec un relief saisissant au moment précis où l’ancienne armée, qui l’avait porté au pouvoir, a été supprimée et où le bolchevisme a pu s’appuyer sur une nouvelle organisation militaire, laquelle n’exerça dorénavant aucun pouvoir de direction et ne participa même plus d’aucune façon à la gestion des affaires d’Etat.
Par ailleurs, nous avons observé en Finlande et en Pologne, la présence d’éléments bolchevistes qui se développaient indépendamment de toute révolution soldatesque pour la bonne raison que ces pays ne possédaient pas d’armée nationale ayant participé à la guerre.
Il en résulte que les racines du bolchevisme doivent être recherchées, en dernier lieu, dans la situation du prolétariat.
Quels sont les traits essentiels du bolchevisme prolétarien en tant phénomène mondial ?
C’est, primo, le maximalisme, c’est-à-dire la tendance à obtenir le maximum de résultats immédiats en matière d’améliorations sociales, sans tenir compte de la situation objective. Ce genre de maximalisme présume l’existence d’une forte dose d’optimisme social naïf, qui permet de croire, faute d’esprit critique, que la réalisation de ces conquêtes maxima est possible à n’importe quel moment et que les ressources, les richesses de la société, dont le prolétariat cherche à s’emparer, sont inépuisables.
C’est, secundo, l’absence de toute compréhension de la production sociale et de ses besoins ; c’est, comme nous l’avons vu chez les soldats, la prédominance du point de vue du consommateur sur celui du producteur.
C’est, tertio, le penchant à résoudre toutes les questions de la lutte politique, de la lutte pour le pouvoir, par l’utilisation immédiate de la force armée, même lorsqu’il s’agit de dissensions entre différentes fractions du prolétariat. Ce penchant prouve que l’on doute de pouvoir résoudre les problèmes de politique sociale par l’application des méthodes démocratiques. Divers auteurs ont déjà suffisamment dévoilé les facteurs objectifs qui ont abouti à la prédominance de cette tendance dans le mouvement ouvrier d’aujourd'hui.
La composition de la masse ouvrière s’est modifiée. Les vieux cadres, ceux qui possédaient la plus haute éducation de classe, ont passé quatre ans et demi au front ; ils se sont détachés du travail productif, se sont pénétrés de la mentalité des tranchées, se sont résorbés psychologiquement dans la masse amorphe des éléments déclassés. Revenus dans les rangs du prolétariat, ils y ont apporté un esprit révolutionnaire avec, cependant, une mentalité d’émeute soldatesque.
Durant la guerre, leur place dans la production a été occupée par des millions de nouveaux ouvriers pris parmi les artisans ruinés et parmi d’autres « petites gens », parmi les prolétaires ruraux et parmi les femmes de la classe ouvrière. Ces nouveaux venus ont travaillé alors que le mouvement politique prolétarien avait complètement disparu et que le syndicalisme même était devenu squelettique. Tandis que l’industrie de guerre prenait, en Allemagne, des proportions monstrueuses, le nombre des adhérents du syndicat de la métallurgie ne parvenait pas à atteindre le niveau de juillet 1914. Dans ces nouvelles masses du prolétariat, la conscience de classe se développait très lentement, d’autant plus qu’elles n’avaient guère l’occasion de participer à des mouvements organisés aux côtés d’éléments ouvriers plus avancés.
Ainsi, ceux qui avaient vécu dans les tranchées avaient perdu à la longue leurs habitudes professionnelles, s’étaient détachés du travail productif régulier et s’étaient épuisés moralement et physiquement dans l’atmosphère inhumaine de la guerre moderne. Pendant ce temps, ceux qui les avaient remplacés à l’usine avaient fourni un effort au-dessus de leur force, tâchant de s’assurer, par des heures supplémentaires, les vivres nécessaires dont les prix avaient augmenté dans des proportions impossibles.
Cet effort épuisant s’était effectué, en grande partie, dans la production d’œuvres de destruction. Au point de vue social il avait été improductif et avait été incapable de faire naître dans les masses ouvrières la conscience que leur travail était indispensable à l’existence de la société. Or, c’est là un élément essentiel de la psychologie de classe du prolétariat moderne.
Ces facteurs de psychologie sociale concourent à faciliter le développement de l’élément bolcheviste dans tous les pays touchés directement ou indirectement par la guerre mondiale.
Et pourtant il me semble que les causes indiquées plus haut ne suffisent pas à expliquer les progrès réalisés par l’élément bolcheviste dans l’arène mondiale. Si le bolchevisme s’enracine profondément dans les masses ouvrières des pays ayant fait la guerre et même des pays neutres, cela tient uniquement à ce que l’action de ces causes ne trouve pas une résistance psychologique suffisante dans les habitudes sociales et politiques, dans les traditions idéologiques des masses prolétariennes.
Dès 1917-1918, on peut constater un phénomène identique dans différents pays : les masses ouvrières qui s’éveillent à la lutte de classe manifestent une méfiance prononcée à l’égard des organisations qui se trouvaient à la tête du mouvement antérieurement au mois d’août 1914. En Allemagne et en Autriche, des grèves ont lieu malgré les décisions contraires des organisations syndicales. De ci, de là, des groupements clandestins influents se forment et prennent la direction de manifestations politiques et économiques. En Angleterre, des comités d’usine se dressent en face des trade-unions et déclenchent des grèves puissantes dont ils assurent la direction. Des événements analogues sont observés dans les pays neutres : en Scandinavie, en Suisse.
Après la fin de la guerre, lorsque le prolétariat a les mains libres, cette tendance se développe avec plus de force encore. En Allemagne, en novembre-décembre 1918, les grandes masses sont unanimement inspirées du désir d’écarter les syndicats de toute fonction dans la direction de la lutte économique et le contrôle de la production privée. Les soviets et les comités d’usine tendent à se substituer aux anciennes organisations. Le gouvernement Haase-Ebert se voit dans l’obligation de tenir compte de cette situation de fait et d’élargir la compétence de ces nouveaux centres d’action aux dépens de celle des syndicats.
En Angleterre, la presse relève la méfiance des masses à l’égard des secrétaires des trade-unions et leur refus de se soumettre aux mots d’ordre de ces derniers ; elle y voit le trait le plus caractéristique du mouvement gréviste d’aujourd’hui. Dans un discours prononcé à la Chambre des Communes, Lloyd George fait ressortir cette particularité comme un élément inspirant au gouvernement les plus sérieuses inquiétudes.
Le mouvement de classe né de la guerre a remué des couches prolétariennes profondes et jusqu’alors intactes, qui n’étaient pas passées par la longue école de la lutte organisée. Ces nouvelles recrues ne trouvèrent pas, pour les guider, des camarades plus avancés, fortement soudés entre eux par l’unité de leurs buts et de leurs méthodes, de leur programme et de leur tactique. Bien au contraire, ils virent les vieux partis et syndicats tombant en ruines, la vieille Internationale traversant la crise la plus profonde qu’eût jamais connue le mouvement ouvrier. Déchirée en lambeaux qui se vouaient réciproquement une haine implacable, cette dernière assistait à l’ébranlement de croyances qui, pendant des dizaines d’années, avaient été considérées comme inattaquables.
Dans ces conditions, on ne pouvait s’attendre à rien d’autre que ce que nous observons actuellement. Le mouvement des nouvelles couches prolétariennes et, en partie, celui même des éléments qui, avant 1914, marchaient déjà sous les drapeaux de la social-démocratie se développe, en quelque sorte, dans le vide, sans aucun lien avec l’idéologie politique de naguère. Il crée spontanément sa propre idéologie, qui se forme sous la pression des forces de l’heure actuelle, heure exceptionnelle au point de vue économique, au point de vue politique, au point de vue enfin de la psychologie sociale.
« Nu sur la terre nue » se présente aujourd’hui le prolétaire, puisque le mouvement des masses a été complètement arrêté pendant quatre ans et demi, et que la vie spirituelle a été entièrement atrophiée dans la classe ouvrière, et pas seulement dans celle-ci.
Le « Burgfrieden », l’Union sacrée comportaient la cessation de toute propagande ayant trait à l’inconciliable antagonisme des classes, de tout effort d’éducation tendant à la « socialisation des consciences ». L’œuvre de l’Union sacrée était activement complétée par la censure et par le régime d’état de guerre.
C’est pourquoi, lorsqu’elles purent renaître après le coup de massue de la guerre mondiale, les masses ouvrières ne trouvèrent à leur portée aucun centre d’organisation idéologique auquel il leur fût possible de s’appuyer. Et, cependant, il était psychologiquement indispensable de se grouper autour d’un « point d’appui » dont le prestige moral fût universellement reconnu, dont l’autorité fût indiscutable, indiscutée.
Ce qu’on leur offrait était seulement la possibilité psychologique de choisir librement entre les différents débris de l’ancienne Internationale. Est-il surprenant qu’elles se soient rangées du côté de ceux qui représentaient l’expression la plus simpliste, la plus générale de l’instinct spontané de la révolte ; de ceux qui refusaient de se considérer comme liés par une continuité idéologique ; de ceux qui acceptaient de s’adapter jusqu’à l’infini aux aspirations des masses amorphes en ébullition ? Est-il surprenant que l’action réciproque de ces masses amorphes et d’éléments idéologiques de cet ordre ait réussi à créer des phénomènes d’atavisme spirituel dans le mouvement ouvrier des pays les plus avancés ; qu’elle ait ressuscité les illusions, les préjugés, les mots d’ordre et les méthodes de lutte qui ont eu leur place dans la période du bakouninisme, au début du mouvement lassallien et même plus tôt encore : dans les tentatives des éléments prolétariens des sans-culottes parisiens et lyonnais, en 1794 et 1797 ?
Le 4 août 1914 – jour où les majorités social-démocrates ont capitulé devant l’impérialisme – a marqué la catastrophique solution de continuité dans l’action de classe du prolétariat. Dès ce jour, on a crée à l’état d’embryons tous les phénomènes qui surprennent, aujourd’hui, beaucoup de monde par leur soudaineté.
Dans les premières semaines des hostilités, j’ai eu l’occasion d’écrire que la crise du mouvement ouvrier due à la guerre était, en premier lieu, une « crise morale » : disparition de la confiance mutuelle dans les différentes fractions du prolétariat, dévalorisation des anciennes bases morales et politiques dans les masses prolétariennes. Depuis plusieurs décades, des liens idéologiques rapprochaient entre eux les réformistes avec les révolutionnaires, par moments même les socialistes avec les anarchistes, ou bien ceux-ci, ensemble, avec les ouvriers libéraux et les chrétiens. Je ne pouvais pas imaginer que la perte de la confiance mutuelle, que la destruction des liens idéologiques pût aboutir à la guerre civile entre prolétaires.
Mais je voyais nettement que cette désintégration prolongée de la communauté de classe, que cette disparition de tout lien idéologique – conséquences de la faillite de l’Internationale – joueraient par la suite un rôle décisif dans les modalités de la résurrection du mouvement révolutionnaire.
Puisque la faillite de l’Internationale devait aboutir inévitablement à de telles conséquences, les marxistes révolutionnaires avaient le devoir de travailler énergiquement pour souder les éléments prolétariens restés fidèles à la lutte de classes et pour réagir résolument contre le « social-patriotisme », alors même que les masses n’avaient pas encore secoué l’ivresse nationaliste et la panique de la guerre. Dans la mesure où il aurait été possible de réaliser cette soudure sur le plan international, il était encore permis d’espérer que le soulèvement des masses ne détruirait pas le patrimoine idéologique d’un demi-siècle de luttes ouvrières ; il était permis d’espérer qu’une digue serait opposée à l’assaut de l’anarchisme.
Tel était le sens objectif des tentatives de Zimmerwald et de Kienthal, en 1915-1916. Malheureusement, le but que l’on s’était fixé a été loin d’être atteint. Cet échec ne doit être attribué, bien entendu, ni au hasard ni aux fautes qui ont pu être commises par les uns ou les autres parmi les « Zimmerwaldiens ». La crise du mouvement ouvrier était, manifestement, trop prononcée pour permettre aux minorités internationalistes de l’époque d’en modifier l’évolution ou pour alléger les douleurs d’enfantement d’une nouvelle conscience prolétarienne, d’une nouvelle organisation prolétarienne. Cette simple constatation démontre dans quelle mesure la crise était historiquement inévitable, dans quelle mesure son origine se confond avec les profondes modifications qui étaient survenues dans l’existence, dans le rôle historique du prolétariat, mais qui n’avaient pas encore engendré les changements correspondants dans la conscience collective de celui-ci.
Il faut qu’une classe sociale ait déjà parcouru un cycle déterminé de son évolution pour qu’elle commence à se rendre compte de la portée historique de son mouvement. Il en fut ainsi des classes qui ont précédé le prolétariat. Pour celui-ci, nous constatons pour la première fois l’existence d’une doctrine qui en détermine le rôle de chaînon dans l’évolution historique et qui dévoile les buts objectifs, historiquement inéluctables, vers lesquels il marche ; d’une doctrine qui a tenté d’en diriger le mouvement pour essayer de réduire au minimum le nombre des victimes et la déperdition d’énergie sociale qui sont le propre d’une évolution « empirique ».
Cette doctrine peut faire beaucoup. Mais pas tout.
Une fois de plus, l’évolution historique s’est révélée plus forte que la doctrine. Une fois de plus, il a été démontré que la genre humain est voué à se mouvoir à l’aveuglette, au gré de tentatives empiriques, à puiser des enseignements dans ses défaites, dans les amères déceptions des reculs et des avances en zigzags. Une fois de plus il a été prouvé qu’il ne pourra pas en être autrement tant que l’humanité n’aura pas effectué un « bond du règne de la nécessité dans celui de la liberté », tant qu’elle n’aura pas soumis à sa volonté les forces anarchiques de son économie sociale.
Plus que n’importe quelle autre, l’ascension du prolétariat a été étayée par des éléments d’orientation consciente de l’histoire. Mais, pas plus que le reste de l’humanité, le prolétariat n’est maître de sa vie économique. Et tant qu’il ne le sera pas devenu, il lui faudra tracer des limites très étroites aux possibilités de subordonner le cours des événements historiques à la puissance de la doctrine scientifique.
L’étendue de l’écroulement survenu le 4 août 1914 et la durée de ses conséquences idéologiques attestent qu’au niveau actuel du développement historique, ces limites sont encore plus étroites que nous l’avons cru dans notre orgueilleuse célébration des succès obtenus, depuis un quart de siècle, par le mouvement ouvrier international, c’est-à-dire par le marxisme révolutionnaire.
« Faillite du marxisme », s’empressent de proclamer les doctrinaires et politiciens adversaires de l’enseignement révolutionnaire. Qu’ils ne se hâtent pas de manifester leur joie, car la défaite du marxisme comme chef effectif du mouvement a été, en même temps son plus grand triomphe comme « interprète matérialiste » de l’histoire. En tant qu’idéologie de la fraction consciente de la classe ouvrière, le marxisme s’est révélé entièrement « assujetti » à la loi fondamentale établie par la doctrine marxiste et qui régit l’évolution de toutes les idéologies au sein d’une société anarchique, divisée en classes. Il est exact que, sous la pression d’événements historiques, l’enseignement marxiste n’a pas imposé à tous ses disciples des conclusions identiques. Dans la conscience d’une fraction de la classe ouvrière, il s’est mû en « social-patriotisme », en collaboration des classes ; dans celle d’une autre fraction, il a pris l’aspect d’un « communisme » primitif anarcho-jacobin. Mais cette différenciation révèle justement la suprématie de la matière sur la conscience, suprématie proclamée par l’enseignement de Marx et d’Engels.
Il faut que le prolétariat découvre le secret des mésaventures qu’il a traversées pendant la période transitoire actuelle ; il faut qu’il élucide les causes historiques de sa déchéance d’hier et le sens objectif des errements d’aujourd’hui ; alors seulement, il pourra découvrir les moyens de vaincre les contradictions de l’heure actuelle : utopie des buts immédiats et médiocrité des méthodes d’action.
La tradition a été rompue. Les masses ont perdu la foi qu’elles vouaient naguère aux vieux chefs et aux vieilles organisations. Ce double phénomène a grandement contribué à imprégner le nouveau mouvement révolutionnaire de cette idéologie, de cette psychologie à tendances anarchistes qui le caractérisent aujourd’hui dans tous les pays.
Le changement survenu dans la composition sociale du prolétariat, les quatre années de guerre accompagnées d’une recrudescence de la sauvagerie et de la brutalité, suivies d’une « simplification » de la physionomie intellectuelle de l’Européen, ont crée un terrain propice pour le retour d’idées et de méthodes que l’on aurait pu croire disparues à jamais.
Dans les masses prolétariennes, on constate, aujourd’hui partout le triomphe d’un « communisme de consommateur » qui ne cherche même pas à organiser la production sur des bases collectives. C’est là un mal immense, témoignage d’un gigantesque recul dans l’évolution sociale du prolétariat et dans le processus de sa formation en classe capable de gérer la société.
Cette nouvelle orientation du mouvement révolutionnaire alimente manifestement la croissance du bolchevisme. Un des principaux devoirs du socialisme marxiste est de la combattre. Mais, tout en la combattant, il ne faut pas perdre de vue les perspectives de l’histoire, il ne faut pas oublier les raisons qui ont déterminé cette indifférence des masses populaires à l’égard du développement des moyens de production.
Pendant quatre ans, les classes dirigeantes ont annihilé les forces productrices, ont détruit les richesses sociales accumulées, ont apporté à tous les problèmes posés par la nécessité d’entretenir la vie économique des solutions faciles inspirées par la fameuse formule : « pille ce qui a été pillé », c’est-à-dire, en l’occurrence : par les réquisitions, les contributions, le travail forcé imposé aux vaincus. Et lorsque, après avoir été privées pendant quatre années de la moindre possibilité de s’éduquer politiquement, les masses populaires sont appelées à leur tour, à créer l’histoire, faut-il s’étonner qu’elles débutent par cela même qui a marqué la fin des classes dirigeantes ? L’étude des anciennes révolutions permet d’affirmer que, dans les siècles passés, les partis révolutionnaires extrêmes ont également puisé dans l’arsenal des guerres de leur époque les méthodes d’action qui les amenaient à se servir de réquisitions, de confiscations et de contributions pour trancher les problèmes de la politique économique.
Alors qu’elles ruinaient stupidement les forces de production, qu’elles gaspillaient les richesses accumulées, qu’elles détournaient, pendant de longues années, les meilleurs ouvriers de leur travail productif, les classes capitalistes se consolaient en se persuadant que cette destruction provisoire du patrimoine national et de ses sources vives aboutirait – (en cas de victoire et) grâce à la conquête de l’hégémonie mondiale, aux annexions, etc. – à un tel essor de l’économie nationale que tous les sacrifices seraient rachetés au centuple.
A l’appui de cette opinion aucun homme d’Etat des coalitions impérialistes n’aurait pu fournir une preuve tant soit peu sérieuse ; de même, aucun d’eux ne saurait combattre avec un semblant de raison cette vérité manifeste que la guerre mondiale, avec ses dépenses et ses destructions gigantesques, rejettera inévitablement l’économie mondiale (ou, pour le moins, celle de l’Europe) à une bonne étape en arrière. En fin de compte, ces hommes d’Etat, ainsi que les masses bourgeoises, étouffaient leurs doutes en s’imaginant que « tout s’arrangerait » et que l’automatisme de l’évolution économique trouverait bien le moyen de guérir les plaies, fruits de « l’effort créateur » des classes impérialistes.
Ne nous étonnons donc pas que les masses ouvrières soient guidées par la même foi aveugle lorsqu’elles tentent d’améliorer radicalement leur situation, sans tenir compte de la persévérante destruction des forces productrices. Car les masses populaires ont été contaminées par le fatalisme qui s’est emparé de la bourgeoisie du monde entier le jour où elle a donné libre cours au monstre de la guerre. Dans la mesure où il leur arrive de réfléchir aux conséquences de l’anarchie, ces masses, à leur tour, espèrent inconsciemment que les voies du développement historique finiront par les conduire à destination et que la victoire définitive de la classe ouvrière guérira, par sa vertu propre, les blessures portées à l’économie nationale au cours de la lutte.
Dans la mesure où elles pensent ainsi, les masses prolétariennes d’aujourd’hui ne sont guère plus avancées, au point de vue de la création consciente de l’histoire, que ne l’étaient les masses de la petite bourgeoisie qui ont accompli la révolution en Angleterre, au dix-septième siècle, en France, au dix-huitième. Comme alors, l’action consciente de ces masses ne garantit en rien que le résultat objectif de leurs efforts sera effectivement le régime auquel elles aspirent et non un régime tout à fait différent.
C’est là, évidemment, un triste indice de régression au sein du mouvement ouvrier. En effet, tout le sens historique de l’immense travail auquel celui-ci a été soumis depuis 1848 consistait justement à établir un état de corrélation entre l’activité créatrice consciente du prolétariat et les lois de l’évolution historique qui avaient été découvertes. Par là même, il s’agissait d’assurer, pour la première fois dans l’histoire, ne serait-ce qu’un minimum de rapport entre les réalisations objectives du processus révolutionnaire et les buts subjectifs poursuivis par la classe révolutionnaire.
Oui, c’est une régression. Mais lorsque des socialistes de droite dénoncent cette régression, lorsqu’ils se servent de leurs attitudes d’accusateurs pour mieux asseoir leur propre politique, il nous devient impossible d’oublier qu’ils ont collaboré, pour leur part, à l’avènement de cette régression. Où étaient-ils, pendant la grande guerre, alors que, pour la première fois dans l’histoire, il fallait appeler l’humanité à prendre soin des forces productrices ? Ne venaient-ils pas, à la remorque des patriotes bourgeois, convaincre les masses populaires que la destruction systématique, intensive, prolongée des forces productrices pouvait constituer, pour leur patrie, un acheminement vers un épanouissement de ces mêmes forces comme on n’en avait encore jamais connu de comparable. « Par une destruction sans bornes vers un plus haute degré de la civilisation ! » Ce mot d’ordre de la guerre mondiale n’est-il pas devenu le mot d’ordre du bolchevisme mondial ?
Les socialistes de droite ont contribué à faire naître ce dédain pour l’avenir – même immédiat – de l’économie nationale et pour le sort des forces productrices, dédain dont est pénétrée toute la psychologie de la société issue de la grande guerre. Cela à un tel point que les formations sociales qui, aujourd’hui, luttent fanatiquement contre le bolchevisme au nom de la sauvegarde et de la reconstruction desdites forces productrices, procèdent couramment par des moyens aussi destructifs au point de vue économique que peuvent l’être les méthodes du bolchevisme lui-même.
Nous avons pu faire cette constatation en Ukraine et sur la Volga où, plutôt que de les voir passer aux mains des bolcheviks, la bourgeoisie aimait mieux détruire des stocks de ravitaillement, des chemins de fer, des dépôts, des machines. Par ailleurs, à l’époque du « sabotage » de fin 1917, nous avons vu l’aile droite de la démocratie dénoncer le vandalisme économique de la révolution bolcheviste, mais ne tenir aucun compte des coups que le triomphe de leur « sabotage » devait irrémédiablement porter à l’édifice de l’économie nationale bien plus qu’au pouvoir bolcheviste.
Nous assistons aujourd’hui à la même chose en Allemagne, où aucune idée ne jouit peut-être d’une popularité égale à celle de la nécessité d’une discipline de travail, seule susceptible de sauver les forces productives du pays. Au nom de cette idée, les partis bourgeois et les socialistes de droite dénoncent les éléments spartakistes du prolétariat pour leur tendance à provoquer des grèves permanentes et à saper ainsi toute possibilité d’un travail productif régulier. Objectivement, ils ont raison : l’économie de l’Allemagne se trouve dans une situation tellement critique que « l’épidémie gréviste » peut, à elle seule, acculer le pays à une catastrophe. Mais, chose curieuse, c’est justement à l’arme de la grève que recourent, le plus souvent, la bourgeoisie et les éléments groupés autour des socialistes de droite lorsqu’ils se dressent contre le bolchevisme. Depuis quelque temps, dans la lutte contre la vague spartakiste, on assiste couramment à des « grèves bourgeoises », grèves de toutes les professions libérales, ainsi que des fonctionnaires de l’Etat et des services publics. Les médecins abandonnement les hôpitaux, suivis de tout leur personnel, les cheminots suspendent le trafic ferroviaire.
Et pour quelles raisons futiles ne le fait-on pas !
Voici que, dans une ville de l’Est, le soviet des soldats décide de désarmer une division dont il considère l’état d’esprit comme contre-révolutionnaire. De son côté, l’assemblée des représentants des professions bourgeoises estime que la division a fourni des preuves de son attachement à la république ; elle proteste contre le désarmement qui constitue un affaiblissement de la frontière orientale face à une invasion possible des bolcheviks russes ; en conséquence de quoi elle décide de proclamer la grève jusqu’à l’annulation par le soviet de la décision incriminée.
Des cas de ce genre ne sont pas rares.
Il est évident que le bolchevisme, c’est-à-dire le courant « extrémiste » de l’extrême gauche du mouvement de classe du prolétariat, n’engendre pas, de son fait, le triomphe du « consommateur » sur le « producteur » : ce n’est pas lui qui fait négliger le développement rationnel des forces productrices et consommer plutôt les stocks provenant de l’accumulation des richesses sous un régime antérieur. Bien au contraire, une telle tendance s’oppose nettement à l’esprit même du socialisme marxiste ; qu’elle ait pu se développer au sein du mouvement de classe du prolétariat est la conséquence de la maladie dont la société capitaliste était atteinte au moment où elle fut frappée par la crise. C’est pourquoi, aux yeux des historiens de l’avenir, le triomphe des doctrines bolchevistes dans le mouvement ouvrier des pays avancés n’apparaîtra certainement pas comme l’indice d’un excès de conscience révolutionnaire, mais comme la preuve d’une émancipation insuffisante du prolétariat au regard de l’ambiance psychologique de la société bourgeoise.
C’est pourquoi sera fondamentalement fausse toute politique qui cherchera dans une alliance avec la bourgeoisie ou dans une capitulation devant celle-ci un remède contre le vandalisme économique du bolchevisme. Nous avons vu en Russie – en Ukraine, en Sibérie – qu’après avoir vaincu les bolcheviks par la force des armes la bourgeoisie a été incapable de mettre un frein à la débâcle économique. Quant à l’Europe, nous constatons déjà que, si elle réussit à faire avorter la révolution prolétarienne, toutes les étiquettes de la « Société des Nations » n’empêcheront pas la bourgeoisie de créer un tel régime de relations internationales, d’écraser l’organisme économique sous une telle cuirasse d’armements, d’élever de telles barrières douanières que l’économie nationale sera condamnée à se reconstituer sur le volcan de nouveaux conflits armés, gros de destructions plus terribles encore que celles que le monde vient de connaître. Dans ces conditions, il est plus que douteux que la bourgeoisie mondiale soit capable de remonter l’Europe au niveau économique d’où elle a été culbutée par la guerre.
Victoire de la raison sur la chaos au sein de la révolution prolétarienne ou recul économique et culturel pour une période assez longue : la situation actuelle ne comporte pas d’autre issue.
Le bolchevisme mondial s’est fait l’idéologue du mépris pour l’appareil de production légué par l’ancien régime. Mais, à côté de ce mépris, typique pour le mouvement de nos jours, nous constatons un dédain analogue pour la culture spirituelle de ladite société : en portant ses coups, la révolution n’a pas à ménager les éléments positifs de cette culture. Dans cette question encore, les masses qui déferlent aujourd’hui dans l’arène historique et qui se targuent de réaliser la révolution sont de beaucoup inférieures à celles qui formaient le noyau du mouvement de classe du prolétariat au cours de l’époque précédant la guerre. Là encore, il ne peut être mis en doute que ce recul doit être entièrement imputé à l’influence de quatre années de guerre.
A l’occasion de l’exécution de Lavoisier, les sans-culottes de Paris disaient déjà en 1794 : « La République n’a pas besoin de savants ! » En défendant devant les électeurs parisiens la candidature de Marat à la Convention, contre celle du philosophe matérialiste anglais Priestley, Robespierre affirmait que, dans les assemblées électives, il y avait « trop de philosophes ». Le sans-culotisme moderne d’obédience « communiste » n’est pas très éloigné de ses prédécesseurs dans son attitude envers le patrimoine scientifique légué par la société bourgeoise. Mais, une fois de plus, seuls les « pharisiens » peuvent s’en révolter sans se souvenir du militarisme, devant lequel ils s’agenouillaient avec admiration ou capitulaient lâchement, alors que, hier encore, il s’adonnait à ses orgies. Car, faut-il le rappeler ? Le militarisme ne traitait guère mieux la science et la philosophie et c’est lui qui a élevé dans ce mépris les masses populaires qui tentent, aujourd’hui, de forger l’histoire. Le militarisme français et l’allemand ont impitoyablement envoyé des professeurs et des savants creuser des tranchées et contribuer, en qualité de gratte-papier, à la grande cause de la « défense de la patrie ». En agissant ainsi, ils ne se souciaient nullement de diminuer momentanément la productivité intellectuelle de leur pays. Quel droit a-t-on donc de se révolter si, dans un identique esprit de gaspillage irrationnel, des professeurs et des savants sont utilisés au nettoyage des fosses d’aisance et à la préparation des tombes ?
« Tu l’as voulu, Georges Dandin ». En 1914-1915, la bourgeoisie a montré qu’elle exerçait sur la classe ouvrière une influence qui n’était pas encore battue en brèche ; elle a montré que le domaine spirituel du prolétariat lui était encore soumis. Et la classe ouvrière qui se dresse actuellement en face de la bourgeoisie est telle que celle-ci l’a faite en quatre années de cette éducation « guerrière » qui aboutit à la décomposition de la culture prolétarienne, fruit de longues décades de lutte de classe.
Ainsi, dans les pays au capitalisme développé, les masses ouvrières fournissent un excellent terrain pour une nouvelle floraison de ce communisme primitif à idées de répartition égalitaire qui a déjà guidé les premiers pas du mouvement ouvrier naissant. C’est pourquoi, à cette étape de la révolution, le rôle d’inspirateur et de chef peut être assumé par le pays où, justement, les raisons de cette conception simpliste du socialisme vont se perdre dans les profondeurs d’une terre vierge, que la culture capitaliste n’a pas encore violée et où règnent toujours les lois de l’accumulation primitive.
L’impérialisme a ramené l’Europe occidentale au niveau économique et culturel de l’Europe orientale. Faut-il s’étonner que celle-ci impose aujourd’hui ses conceptions idéologiques aux masses révolutionnaires de celle-là ?
Les bourgeois et les social-nationalistes européens peuvent assister avec une terreur apocalyptique à l’éclosion du bolchevisme mondial. C’est, peut-être, seulement le premier acte de la vengeance que l’Orient réserve à l’orgueilleux impérialisme occidental pour l’avoir ruiné, pour l’avoir retardé dans son évolution économique.
|