1948

Tan Malakka, "Le partisan et sa lutte militaire, politique et économique" II

Source : « Quatrième Internationale, Vol. 10, Janvier 1952 »

Tan Malakka

Le partisan et sa lutte militaire, politique et économique II.

mai 1948

Nous terminons la publication de larges extraits de la brochure Gerpolex (Le Partisan et sa lutte militaire, économique et politique). Dans le numéro précédent de QUATRIEME INTERNATIONALE, nous avions publié les quatre premiers chapitres de cette brochure. Sautant l'exposé des règles générales de stratégie militaire, qui occupent les chapitres V-X, nous reprenons maintenant la publication des chapitres XI, XII et XIII. Restent deux chapitres, un sur l'O.N.U. dans lequel Tan Malakka met en garde ses compatriotes contre toute illusion sur cet organisme et un sur des considérations quant à la tactique des guérillas.

Quatrième Internationale s'est efforcée de suivre depuis plusieurs années les différentes étapes de développement de la révolution indonésienne. Nous renvoyons nos lecteurs notamment aux articles de J. Van Steen : " Tan Malakka et le mouvement révolutionnaire indonésien " (Quatrième Internationale juillet-août 1949), de Th. Van der Kolk : "L'indépendance de l'Indonésie" (Quatrième Internationale décembre 1949-janvier 1950) et de J. van Vliet : "La grève des ouvriers des Plantations à Java et la montée révolutionnaire en Indonésie" (Quatrième Internationale novembre 1950-janvier 1951).

Q. I.

XI. – La guerre des partisans

A) Buts des partisans

Comme il a été dit précédemment, la tactique des partisans comprend également la tactique avancer puis reculer (guerre d'épuisement). Cela ne signifie pas que cette tactique fait exclusivement partie de la guerre des partisans. Elle peut être utilisée également par une grande armée bien organisée, dans le cadre de l'une ou l'autre stratégie. Mais pour une armée de partisans, la tactique avancer puis reculer représente le premier principe de grande importance dans la conduite de la guerre.

Quel est donc ce principe pour les partisans ?

Ce principe est le suivant : avancer pour détruire l'ennemi, et se retirer pour ne pas être détruit par l'ennemi. C'est en fait le principe de toute guerre. Mais les partisans qui sont peu nombreux et mal armés doivent tenir compte simultanément de la nécessité d'avancer et de celle de se retirer. Ces deux mouvements sont exécutés pour ainsi dire en un seul mouvement.

B) Tactique des partisans

Cette tactique avancer puis reculer deviendra plus claire, quand nous aurons énuméré quelques-unes des méthodes que les partisans doivent appliquer. Ces méthodes sont principalement les suivantes :

1. Exécuter des simulacres d'attaques.
2. Ne pas livrer de combats en terrain découvert.
3. Se retirer dès qu'on est attaqué par un fort détachement de troupes ennemies.
4. Encercler et détruire de petits détachements ennemis.
5. Attirer l'ennemi dans des guets-apens.
6. Exécuter de brusques attaques contre l'ennemi.
7. Concentrer ses forces contre la position la plus vulnérable de l'ennemi.
8. Attaquer comme l'éclair et de toutes ses forces.
9. Disparaître également sans être vu, avec la vitesse d'un ouragan.

Il existe différentes méthodes de guerre des partisans qu'on peut désigner également comme des ruses de guerre. Les vétérans des guerres de partisans d'Atjeh par exemple mentionnent toujours les nombreuses ruses de guerre qui furent utilisées par les partisans dans les guerres, grandes et petites, de 1872 et de 1908.

Il y de nombreuses ruses de guerre basées sur les besoins des soldats ennemis. Des soldats ennemis affamés peuvent être attirés dans un guet-apens par un couple de partisans qui simulent le transport de nourriture tels que légumes, padi, poulets, etc... et courent devant le détachement ennemi. Ou par des partisans déguisés en femmes qui déambulent devant les yeux des soldats ennemis en roulant les hanches. Des soldats ennemis qui dans ces cas commencent à sentir certains besoins peuvent être attirés dans un guet-apens préparé à l'avance pour y être désarmés ou éliminés, par des forces stationnant dans les environs du lieu.

La guerre des partisans qui dure déjà depuis des dizaines d'années en Chine ainsi que nos propres expériences militaires ont démontré de la façon la plus claire qu'en appliquant la tactique des partisans on peut conquérir des armes ennemies de toutes sortes, bien que les partisans eux-mêmes ne soient armés que de lances de bambou aux pointes aiguisées.

C) Le détachement des partisans

Un détachement de cinquante partisans, armés de fusils et d'une ou deux mitrailleuses ou mortiers peut obtenir des succès éclatant. Un tel détachement doit agir comme avant-garde et diriger une armée populaire, cinq ou six fois plus nombreuse et armée de lances de bambou aiguisées, de coutelas et de grenades à main. Une combinaison d'un détachement de partisans et d'un détachement d'armée populaire, au nombre de trois cents à six cents, constitue une force militaire redoutable pour la destruction d'un convoi ou d'un poste ennemi détaché, ou pour le pillage d'un dépôt d'armes ou de munitions de l'ennemi. Une armée de ces dimensions, à condition d'être très mobile (aujourd'hui elle attaque ici, demain elle attaque là ; elle apparaît et disparaît comme l'éclair, presque sans être vue) peut semer la confusion dans les rangs de l'ennemi, y développer l'inquiétude et la peur, et surtout, le sentiment que l'ennemi se trouve au bord d'un volcan, sans savoir à quel moment précis il risque de devenir la victime d'une attaque.

D) Quelques qualités des partisans

Afin d'exécuter tous les mouvements avec la vitesse de l'éclair et afin de pouvoir prendre aussi vite que possible des mesures qui risquent d'impliquer de grands dangers, le partisan doit posséder des qualités exceptionnelles d'intelligence, d'initiative, d'énergie, de caractère et de morale. Il n'a pas seulement besoin de ces qualités en tant qu'exécuteur d'une action, mais aussi en tant que dirigeant d'un détachement de l'armée populaire.

En appliquant la tactique avancer puis reculer il ne s'effraye jamais, mais garde en toute circonstance son courage et sa pleine confiance dans la victoire. Il refuse de se rendre, même s'il est menacé de tous côtés.

Le partisan se comporte comme un frère aîné envers des jeunes et comme un frère puîné envers des partisans plus âgés. Il se laisse commander par ceux qui possèdent le plus d'intelligence, d'audace, de persévérance, de morale ainsi que de connaissances des capacités de la région d'Atjeh [1] qui, défendue par chacun des combattants. Le détachement de l'armée populaire suit les ordres du partisan avec l'obéissance et la célérité la plus grande.

E) La tactique combinée

La tactique combinée représente la combinaison des tactiques de la guerre de position, de la guerre de mouvement et de la guerre de guérilla. Son but est de déborder l'action ennemie, également basée sur la tactique combinée. Admettons que l'ennemi occupe trois forts ou opère en partant de trois bases qui s'appuient mutuellement. Dans ce cas, il sera également nécessaire que nous coordonnions nos attaques ou notre défense.

En utilisant une position très forte, ou deux ou trois positions combinées comme base, nous pouvons faire agir des détachements rapides ou des détachements de partisans, ou tous les deux, contre l'ennemi, pour paralyser son action et même conquérir ses fortifications. Ce qui est important dans ce cas, c'est la coordination effectuée dans l'application de la tactique combinée des troupes que nous faisons avancer ou reculer. Elles ne doivent pas avancer indépendamment les unes des autres ni se retirer en désordre.

F) Les détachements à utiliser pour la tactique combinée

Le détachement de base pour exécuter une défense ou une attaque coordonnée, ou combinée, doit être une division armée de fusils, de mortiers et de mitrailleuses. Un tel détachement peut être aidé par une force armée de volontaires du peuple, cinq à dix fois plus nombreuse. Avec une telle force de 50 à 100.000 forces combinées nous serons capables de défendre ou de conquérir une résidence [2] ou une province. Si nous réussissons avant tout à prendre en main une région montagneuse et à la transformer en forteresse d'une région de partisans en vue du ravitaillement etc..., et si nous disposons en outre de détachements mobiles qui, peuvent être utilisés comme forces d'assaut, nous pourrons ainsi fixer ou même liquider une grande partie de l'armée ennemie... Surtout, si l'attaque de nos forces combinées, appliquant la règle "frappez toujours" [3], se dirige simultanément contre 13 régions en Indonésie, 3 à Java, 3 à Sumatra, 3 à Bornéo, 3 aux Célèbes et 1 sur l'archipel des Molluques. L'armée néerlandaise, dont la valeur militaire n'est pas élevée, courrait certainement à sa destruction en 13 endroits en même temps. Ainsi il y a une région, à savoir quelques combattants de guérilla uniquement armés de poignards, qui a pu pendant près de quarante ans échapper à une soumission complète aux Hollandais. D'autant moins, toute l'Indonésie pourra-t-elle être soumise, si elle est défendue par tout le peuple disposant de beaucoup plus d'armes et capable d'utiliser de nombreuses tactiques centralisées dans la tactique des partisans.

XII. – La conduite politique et de la guerre diplomatique

L'amiral Mountbatten qui a été récemment nommé vice-roi des Indes, a jadis admis qu'il serait impossible à l'armée néerlandaise de soumettre le peuple indonésien au moyen d'une action militaire sur une grande échelle.

Cela, il l'a admis en 1945, c'est-à-dire à une époque où tout le peuple participa à la lutte.

A la suite de la pression intérieure et extérieure, les troupes britanniques ont été obligées de quitter l'Indonésie le 15 novembre 1946. Aux Etats-Unis, des appels puissants réclamèrent le retrait des troupes britanniques. On rappela aux Anglais que la tâche de leurs troupes en Indonésie consistait uniquement à désarmer les Japonais et à prendre en charge les Européens internés. Leur tâche n'était pas de mener la guerre contre le peuple indonésien ou de l'opprimer. L'Australie appuya la révolution indonésienne, en instaurant un boycott des navires néerlandais partant pour l'Indonésie. Dans les pays arabes et aux Philippines, il y avait un sentiment de sympathie profonde envers l'Indonésie. Le peuple britannique lui-même, las de la guerre, exigea le retrait de ses troupes. En outre, la résistance aux forces britanniques par les jeunesses indonésiennes avait souvent eu pour résultat que nos jeunes s'emparèrent d'armes. A Sumatra et à Java, les Gourkha [4] commencèrent à se tendre en grand nombre. Ce fait surtout, ainsi que la possibilité d'une victoire de la révolution indonésienne, inspira de grandes inquiétudes aux Britanniques. L'impérialisme britannique craignait que la victoire de la révolution indonésienne l'étendrait aux Indes, en Birmanie, en Malaisie et dans d'autres colonies, qui étaient également en train de se libérer. Pour cette raison, les Anglais décidèrent de retirer leurs troupes à la mi-novembre 1946. Mais les troupes néerlandaises qui devaient remplacer les troupes britanniques en Indonésie n'étaient pas encore prêtes.

Sous la pression de ces circonstances - les Anglais devant partir, mais les Hollandais n'étant pas encore prêts - la décision de la République de conclure un armistice fut acceptée par Hollandais et Anglais avec un soupir de soulagement et un sourire de gratitude pour les résultats de leur diplomatie.

Cet armistice eut pour résultat que l'attaque de l'armée et des organisations de combat sur les villes de Batavia, Semerang, Soerabaja, Bandoeng, Medan, etc. ne pouvait plus progresser.

Entre temps, les Hollandais se hâtèrent d'envoyer des troupes auxiliaires en Indonésie. Ils y envoyèrent notamment la division dite "du 7 décembre" de sinistre renommée. Tout en renforcent leurs positions militaires et économiques, ils réussirent, ensemble avec les Anglais, à conclure l'accord de Lingaddjati. Les promesses faites par les Hollandais dans l'accord de Linggadjati semblaient très attrayantes. Mais il apparut bientôt que l'accord de Linggadjati pouvait être interprété en sens contraire par les Hollandais afin d'atteindre leurs propres buts, à savoir le rétablissement du régime colonial et la destruction de la République d'Indonésie. Bien que les Hollandais eussent obtenu, grâce à l'accord de Linggadjati, les pleins pouvoirs dans le domaine économique et la reconnaissance de la souveraineté de la couronne néerlandaise sur la République, ils n'étaient pas encore satisfaits. Ils exigeaient une gendarmerie commune, sur le territoire de la République, comme expression de la reconnaissance de la Couronne néerlandaise par la République. Il était clair que la conception néerlandaise de la "collaboration" ne différait point de la conception défendue jadis par les Japonais sur "la collaboration entre le Japon et l'Indonésie".

Le gouvernement de la République ne pouvait accepter cette proposition d'une gendarmerie commune sur son territoire. Une telle proposition était en contradiction complète avec la volonté du peuple. Si le gouvernement l'avait acceptée, une grande guerre civile aurait éclaté sans aucun doute dans la République. C'est pourquoi le gouvernement de la République fut obligé, qu'il le voulût ou non, de rejeter la proposition d'une gendarmerie commune. A la suite de ce rejet et du fait que les Néerlandais se sentaient devenus beaucoup plus forts entre temps dans le domaine militaire et économique, ils lancèrent par surprise leur attaque du 21 juillet 1947. La République, qui au cours de toute l'année de négociations avait tout misé sur ces discussions et sur la "construction" en commun avec les Hollandais, se vit trompée dans ses espoirs. Elle perdit l'ouest de l'île de Java, et une partie de l'Est et du Centre de l'île. Les Hollandais se trouvent actuellement à peine à 30 km de la ville de Solo. Il ne restait donc pas d'autre solution au gouvernement de la République, trompée et endommagée, que d'accepter la proposition de l'O.N.U. de conclure un armistice et d'approuver la commission des bons offices comme médiatrice. Quand les négociations commencèrent, cette "commission des bons offices" jeta bas le masque et montra sa véritable nature. Elle était composée de représentants de trois pays colonialistes. Il n'était donc pas possible que ceux qui défendent eux-mêmes les principes du colonialisme rejettent le régime colonial d'une autre puissance, les Pays-Bas.

La "commission des bons offices" est l'instrument de l'impérialisme américain, belge et britannique (représenté par l'Australie). Elle utilise les Pays-Bas comme instrument pour servir les intérêts des puissances qui la composent. De leur côté, les Hollandais ont fait tout le possible pour utiliser ladite commission dans leurs propres intérêts. Des deux côtés, on a profité de l'affaire aux dépens du peuple indonésien, transformé en marchandise. Dans l'accord du Renville conclu au début de cette année (1948), on reconnaît la propriété néerlandaise partout où elle existait avant la guerre, bien que les Hollandais aient attaqué la République, assassiné 40.000 personnes, hommes, femmes, vieillards et enfants, dans le sud de l'île des Célèbes [5], détruit ou volé de nombreuses propriétés indonésiennes, et fusillé et tué des milliers d'Indonésiens à Java, Sumatra, Bornéo, Bali, etc.

Rendre la propriété aux Hollandais et à tous les étrangers implique qu'il faut donner des droits politiques à ces étrangers pour qu'ils puissent administrer des propriétés de telles dimensions. La politique n'est-elle pas en premier lieu nécessaire pour veiller sur l'ordre économique établi ? Y a-t-il une seule puissance au monde dont l'économie soit entièrement dominée par l'étranger, tandis que le pouvoir politique continue à appartenir réellement à la population indigène ?

Si toutes les entreprises, mines, usines, si tout le système de transport et des banques devenait à nouveau propriété des Hollandais, comme c'était le cas aux "Indes Néerlandaises", ceux-ci exigeraient une puissance politique correspondant à leur puissance économique. La puissance des Hollandais dans le domaine de la police, de l'armée, de la justice, des finances et des affaires étrangères devrait dans ces cas être suffisante pour garantir la défense et le développement de l'industrie, du commerce et des finances se trouvant aux mains des Hollandais et d'autres étrangers. Les Hollandais seraient ainsi amenés à demander un pouvoir politique équivalent ou presque à celui qu'ils possédaient jadis lors de l'existence des Indes néerlandaises.

Mais le gouvernement de la République connaît également la proclamation du 17 août 1945 et est conscient que le peuple et les jeunesses, qui ont fait de grands sacrifices ne sont pas prêts à retourner purement et simplement au statut de l'oppression néerlandaise. C'est une difficulté que la délégation de la République (à la commission des bons offices) ne peut pas aisément surmonter, et c'est, également la raison pour laquelle les négociations ont tant de fois abouti à une impasse, bien que le gouvernement indonésien ait déjà fait trop de concessions, telles que la reconnaissance du gouvernement de l'Indonésie orientale, l'abandon de Wiranata Kusuma, l'arrêt des hostilités, l'évacuation des "poches" en territoire occupé par l'ennemi, etc... etc...

Par les accords de Linggadjatti et du Renville, le gouvernement de la République a reconnu la souveraineté néerlandaise sur toute l'Indonésie. Comme la République n'est qu'une partie, et même une petite partie de l'ensemble de l'Indonésie, les Hollandais ont exigé que leur souveraineté s'étende sur l'armée, lés affaires étrangères et les finances de la République. L'accord de Linggadjatti mentionnait également que Hollandais et Indonésiens collaboreraient en matière d'armée, d'affaires étrangères, de finances, d'affaires économiques et culturelles. Plus tard, lors de l'interprétation et de l'exécution de cet accord, il apparut que les Hollandais comprenaient cette "collaboration" comme l'établissement de la souveraineté néerlandaise dans tous les domaines politiques.

On peut résumer ce qui précède de la façon suivante :

Revendications des néerlandais

A) l'intérieur de l'Union néerlandaise-indonésienne se constitue un cabinet d'Empire et un conseil représentatif de l'Union.

B) Bien que les Hollandais ne l'aient pas clairement exprimé, leur intention est de subordonner le gouvernement indonésien à ce cabinet d'Empire.

C) La direction des relations internationales est remise entre les mains des Hollandais qui possèdent la souveraineté sur toute l'Indonésie. La République n'a pas le droit de maintenir ou d'utiliser des relations découlant de sa reconnaissance par certains pays arabes.

D) L'armée républicaine doit être supprimée. (Cela également est, du point de vue des Hollandais, conforme à leur souveraineté).

E) La question des finances, du plébiscite, etc.

Point de vue du gouvernement indonésien

A) L'union est une alliance entre deux puissances indépendantes, les Pays-Bas et l'Indonésie.

B) Le gouvernement indonésien demande la reconnaissance de la souveraineté et de l'indépendance des Etats-Unis d'Indonésie, qui ne tombent donc pas sous la souveraineté du Cabinet d'Empire.

C) Le gouvernement se déclare prêt à discuter (?) et à prendre en considération (?) cette demande des Pays-Bas. Il est difficile pour le gouvernement de déclarer nulle et non avenue l'indépendance proclamée par son propre peuple et sa jeunesse. En acceptant cette demande, la proclamation de l'indépendance se transformerait aux yeux du monde en une farce.

D) La question militaire est d'actualité. La reconstruction (?) et la rationalisation qui sont en train d'être exécutées auront probablement des résultats brusques et indésirables pour le mouvement d'émancipation (mai 1948).

E) Continuer à faire des concessions ou... se battre !


Avant que les Hollandais ne fussent revenus en Indonésie au début de 1946, leurs intentions m'étaient déjà clairement apparues. C'est la tendance impérialiste des Pays-Bas qui les a amenés à adopter leur position au cours des négociations qui se poursuivent déjà depuis près de deux ans.

La tendance impérialiste des Pays-Bas a pour résultat que ceux-ci sont incapables de faire des concessions importantes au peuple indonésien, même s'ils voulaient les faire. Et ce, sans mentionner même qu'une reconnaissance de l'indépendance pleine et entière de l'Indonésie signifie la chute de l'impérialisme hollandais et la paupérisation du peuple hollandais. Pour se rendre compte de la justesse de cette affirmation, les lecteurs attentifs sont invités à prendre connaissance des autres brochures que j'ai écrites (dont l'une, intitulée "Action de masse", a été rédigée au milieu de 1926). Etant averti du caractère impérialiste des Pays-Bas, j'avais posé la revendication suivante au Congrès du Persatuan Perdjoangan (Front populaire) du 3 au 5 janvier 1946 : NEGOCIER SEULEMENT SUR LA BASE DE LA RECONNAISSANCE DE L'INDEPENDANCE PLEINE ET ENTIERE ET DE LA CONFISCATION DE TOUS LES BIENS ENNEMIS.

Je suis prêt à entreprendre des négociations avec les Pays-Bas après la reconnaissance de l'indépendance de l'Indonésie. Par suite de cette reconnaissance, les troupes néerlandaises doivent quitter les côtes et mers indonésiennes. Si ces troupes n'étaient pas retirées, les Hollandais devraient être considérés comme des ennemis. Et les propriétés ennemies devraient effectivement être confisquées. Tout ceci est conforme au droit de guerre et au droit international.

Afin d'assurer que le peuple soit capable de continuer la lutte pour la défense de l'indépendance proclamée le 17 août 1945, le Front Populaire avait exigé la formation d'un gouvernement du peuple et d'une armée du peuple [6]. Poser ces revendications, c'était remplir mon devoir de citoyen indonésien. Mais on ne m'a pas entendu. On a même cherché à étouffer ma voix. J'ai été arrêté à la demande de la délégation Indonésienne aux Pays-Bas. Ainsi, les négociations contre lesquelles je me suis déclaré parce qu'elles n'étaient pas menées sur la base de la reconnaissance de l'indépendance complète, se sont prolongées pendant deux ans. Avec quel résultat ? Renforçant continuellement leur armée et consolidant leur position politique et économique, les Hollandais sont en train de s'approprier toujours plus et de poser des revendications toujours plus nombreuses, Aujourd'hui, en mai 1948, le gouvernement de la République n'exerce le pouvoir que sur 10% du territoire indonésien. Et les Hollandais continuent à suivre une politique et une "diplomatie" qui confirment le dicton populaire : insatiable comme un Hollandais qui essaie de s'approprier des terres. Ainsi, la reconnaissance des droits de propriété néerlandaise a déjà été étendue à la reconnaissance de la souveraineté néerlandaise sur toute l'Indonésie. Ce droit à la souveraineté déjà reconnu est aujourd'hui exploité par les Hollandais avec toute la malice de ceux "qui essayent de s'approprier des terres", afin d'acquérir la domination sur toutes les affaires du peuple indonésien. En d'autres termes : ils s'efforcent aujourd'hui par tous les moyens de reconstituer leur domination coloniale, c'est-à-dire leurs pleins pouvoirs sur la vie et la mort du peuple indonésien.

Comme il y a deux ans, je continue de défendre la position suivante : négocier seulement sur la base de la reconnaissance de l'indépendance pleine et entière. Mon point de vue est conforme à la proclamation d'indépendance du 17 août 1945 et, à ce sujet, je dois constater :

1. Qu'une Union néerlandaise, soumise à la Couronne des Pays-Bas, est en contradiction avec la Proclamation et avec la souveraineté populaire. Cette souveraineté populaire est à mon avis inaltérable et indivisible, aussi bien temporairement que pour toujours. Le gouvernement de l'Indonésie ne peut pas être transformé en rassemblement d'Abdul Kadirs ou de Hussein Djajadiningrat [7].

2. Que le statut de l'Indonésie, unitaire ou fédérale, République unifiée ou Etats-Unis d'Indonésie, doit dépendre exclusivement de la compétence et des décisions des Indonésiens. Les Hollandais comme tout autre peuple étranger, n'ont pas le droit de s'immiscer dans les affaires relatives à la constitution de la République indonésienne.

3. Que la question de l'armée, des relations étrangères, des finances, etc... doit dépendre exclusivement de la compétente et des efforts du peuple indonésien lui-même.

4. Que le "plébiscite" est en contradiction avec le texte et avec l'esprit de la Proclamation. Le peuple a proclamé le 17 août 1945, à la face du monde, son droit absolu à la liberté et à la souveraineté. Organiser un plébiscite pour 70 millions d'Indonésiens répandus sur 4.5 millions de kilomètres carrés, parce qu'ils avaient été de nouveaux soumis aux Hollandais, signifierait une trahison de la Proclamation !

C'est ainsi que je pose les problèmes de la lutte dans le domaine politique et diplomatiques comme des problèmes de guerre politique et diplomatique !

Que le peuple, les jeunesses et surtout les combattants des guérillas se rappellent quels ont été les résultats des négociations menées jadis entre les ancêtres bons enfants des Indonésiens et les Hollandais "qui essayent de s'approprier des terres". Ecoutez le conte du Hollandais qui s'efforce d'agrandir ses terres. Dès qu'il possède un terrain, il construit une cloison à ses limites et commence à planter des pommes de terre tout le long de cette cloison. Ces pommes de terre se mettent à foisonner dans toutes les directions au delà de la cloison. Quand elles se sont suffisamment étendues, le Hollandais déplace la cloison pour y inclure toutes "ses" pommes de terre. Il a tout de même le droit de protéger "sa" propriété.., dit-il. Et le nouveau terrain, couvert de "ses" pommes de terre était tout de même devenu "son" terrain... ajoute-t-il. Ainsi le Hollandais continuait à planter ses pommes de terre et à ajouter de nouveaux domaines à ses terres, jusqu'à ce qu'il soit rassasié !

XIII. – La guerre économique

Dans la période où la guerre se développa en notre faveur, les Hollandais n'eurent ni le temps ni l'occasion de consolider leurs positions économiques. Des attaques à l'extérieur et à l'intérieur des villes occupées par eux leur causaient des difficultés constantes et menaçaient chaque jour et chaque heure leur vie. Les entreprises, les usines, les mines ne pouvaient plus être exploitées. Ils n'étaient pas en état de commercer avec l'étranger. Ils n'étaient pas seulement harcelés par l'armée et les formations de combat, mais les formations de lutte clandestine, les troupes qui appliquaient le principe de la terre brûlée et les groupes de sabotage ne laissaient aux Hollandais aucun instant de repos ou de réflexion. Ils ne pouvaient même pas quitter leur maison en toute sécurité. Ainsi, la confusion dans la vie économique des Hollandais augmentait de jour en jour. Ils ne recevaient aucune compensation pour les 8 millions de florins qu'ils devaient dépenser quotidiennement pour maintenir leur armée. Ces dépenses étaient très lourdes pour les Pays-Bas appauvris et manquant de ressources nouvelles.

Mais, après la conclusion de l'armistice et le début de la politique de "négociation" et de "paix", les Hollandais retournèrent à leurs anciennes entreprises, usines, mines et comptoirs. De nouveau, à Sourabaja, à Semarang, à Batavia et à Bandoeng, à Pedang ; Palembang et Medan, à Pontianak, Bandjermasin et Balikpapan, à Malassar et en d'autres endroits résonnèrent leurs ordres aux ouvriers indonésiens qui faisaient marcher les usines et chargeaient les navires. Toutes ces activités ne pouvaient être exécutées par des Hollandais. Ils recommençaient à exporter à l'étranger le caoutchouc, l'huile, l'étain, le thé, le sucre, la quinine, etc... produits par les ouvriers indonésiens. Dans une telle situation "pacifique" les Hollandais furent en mesure de consolider leurs positions économiques et de couvrir ainsi leurs dépenses militaires. Leur commerce extérieur commençant à se rétablir, ils purent à nouveau emprunter de l'argent aux Etats-Unis et renforcer ainsi leur propre armée, leur économie et leurs finances. D'autre part, ils continuèrent à maintenir le blocus du commerce de la République. Ils saisirent ou coulèrent les navires de la République qui quittèrent l'Indonésie chargées de marchandises. Il était donc dans les intentions des Hollandais de devenir eux mêmes tous les jours plus riches, tout en appauvrissant toujours davantage la République.

Après "l'incident" du 21 juillet 1947, presque toutes les régions de l'île de Java produisant un surplus tombèrent entre les mains des Hollandais. Nous ne conservions que des régions qui produisent moins qu'elles ne consomment, comme Bodjonegoro, Patjitan, Djokjakarta et Solo. Sur le territoire de la République, qui souffrait déjà d'une pénurie de vivres et des textiles, la confusion s'accrut encore plus par la guerre monétaire que les Hollandais menèrent contre la monnaie républicaine. Les Hollandais prirent directement ou indirectement une série de mesures infâmes pour faire baisser le cours de la monnaie républicaine.

Par suite, les conditions d'existence du peuple empirèrent sans cesse, la baisse de la monnaie provoquant une hausse constante des prix des marchandises de première nécessité (vivres et textiles). Cette situation économique trouble pour le peuple devint encore plus difficile, par suite de la présence d'une véritable "5ème colonne", infiltrée par les Hollandais avec de mauvaises intentions auprès des administrations économiques, militaires, politiques, etc...

Notre gouvernement, dans l'atmosphère "pacifique" établie, facilita l'entrée de toutes sortes d'espions, camouflés en "correspondants de presse" ou représentants de telle ou telle organisation "ouvrière". Au cours de quelle révolution tolère-t-on que des ennemis ou des gens animés de dispositions bienveillantes envers l'ennemi puissent entrer et sortir librement dans des endroits vitaux pour la défense, comme Malang-Cheribon ? Des dizaines d'années après la victoire de la révolution, le gouvernement soviétique crée des difficultés plus grandes pour l'entrée ou la sortie de son territoire que ce n'en est le cas aujourd'hui pour l'Indonésie, où la révolution se développe encore avec toute sa violence...

Pour améliorer la situation économique du peuple indonésien, il ne suffit pas d'instaurer un soi-disant "brain trust". Cette amélioration ne pourra être effectuée qu'avec la collaboration et au profit propre de tout le peuple. Les ouvriers, les paysans et les commençants indonésiens eux-mêmes doivent participer à l'élaboration de plans pour la production, la consommation et l'échange de marchandises. Il ne suffit pas qu'une douzaine de personnes, portant des titres ronflants, soient d'avis que les ouvriers et les paysans ont besoin de ceci ou de cela, sans demander l'avis des intéressés eux-mêmes. Les ouvriers et les paysans indonésiens ne commenceront à travailler vraiment activement que quand ils comprendront l'utilité du plan économique pour eux-mêmes. Si un "brain trust", élabore un plan de production et de distribution, exclusivement du point de vue des conceptions de quelques personnes, un tel plan ne vivra pas longtemps en Indonésie. Et ce, surtout si ce plan prévoit la "collaboration" avec les Hollandais et d'autres capitalistes étrangers. Pareil projet, en dernière analyse, ne profiterait qu'aux capitalistes étrangers, et ce "brain trust" ne servirait que de promoteur du capitalisme étranger.

L'épidémie du capitalisme néerlandais pendant 350 années, et du militaro-capitalisme japonais pendant 3 années et demi sont la cause de la maladie économique dont souffre le peuple Indonésien et qui reste encore profondément implantée. Cette maladie économique ne peut être guérie au moyen de cachets et de pilules : seule une intervention chirurgicale l'éliminera. La position économique du peuple indonésien ne pourra être rétablie que si au moins 60% de la production, de la distribution, des salaires, de l'exportation et de l'importation seront propriété strictement contrôlée par une République complètement indépendante. (voir le "Plan économique" de Tan Malakka). Les plans élaborés par des douzaines de "brain trusts", dans l'esprit d'une collaboration avec le grand capital étranger, aboutiront tous à l'exploitation et à l'oppression des ouvriers et des paysans indonésiens. Je me sens obligé d'attirer particulièrement l'attention des ouvriers sur ce fait ! Mais cela ne signifie nullement que les prolétaires, les ouvriers, les paysans, et la partie des commerçants et intellectuels qui ne possèdent rien, doivent rester inactifs dans la révolution. Les prolétaires doivent remettre l'exécution d'un véritable plan économique de grande envergure à la période oui suivra la victoire de la révolution actuellement en cours. Mais au cours même de la révolution, les prolétaires doivent exécuter un plan économique qui n'est rien d'autre qu'un plan d'économie de guerre.

Dans la guerre économique contre les Hollandais, l'attitude et les mesures à prendre doivent être effectivement dirigées contre les Pays-Bas, c'est-à-dire qu'il faut prendre des mesures telles dans le domaine économique (production, distribution, etc.) que la position économique des Pays-Bas soit affaiblie et que le peuple insurgé en puisse profiter!

Le peuple révolutionnaire ne doit jamais collaborer à l'expansion de la production et du commerce des Hollandais ! La solution la plus efficace consisterait en un refus massif des ouvriers de travailler dans les régions occupées par les Hollandais, que ce soit dans les entreprises, les mines, les usines ou les comptoirs. Il serait encore mieux, que tout le peuple refuse en même temps de travailler pour les Hollandais et d'acheter des marchandises aux Hollandais. Mais le manque de persévérance, les conditions générales de vie, et mille et une raisons aboutiront à ce que le peuple révolutionnaire se laisse tout de même embaucher par les Hollandais. On peut alors accepter d'être embauché, avec l'intention faire du sabotage dans les entreprises néerlandaises ou de construire une organisation clandestine. Mais personne ne peut nier que le "boycott" de l'embauchage et du commerce des Hollandais représente l'arme la plus efficace contre les Hollandais rapaces. Il faut en même temps combiner cette mesure avec d'autres qui permettent d'augmenter et d'améliorer la production et la distribution pour le peuple lui-même. Il faut penser en premier lieu que les paysans ne produiront pas plus qu'ils ne consomment eux-mêmes, si le surplus de leur production ne peut être échangé pour des textiles, du sel, de l'huile, etc... S'ils ne peuvent plus acheter ces marchandises, ils ne produiront plus que ce dont leurs familles ont besoin, et ainsi la production agricole baissera. Si d'autre part les paysans ne peuvent acheter que des marchandises étrangères (textiles, etc...), seuls des fabricants et des commerçants étrangers profiteront de cette situation. Pour empêcher que les profits ne coulent dans les poches de l'ennemi et que celui-ci n'utilise ces profits pour couvrir ses dépenses militaires ; pour amener d'autre part les paysans à accroître la production, le peuple doit construire lui-même des entreprises qui peuvent produire les marchandises de grande nécessité.

Nous savons que nous ne construirons des usines munies de machines modernes qu'après la réalisation de notre indépendance. Mais nous savons également que depuis des centaines d'années, notre peuple sait tisser et fabriquer des haches, produire de l'huile et du sel et il a appris dernièrement également à fabriquer du "ketja" (grains de soja), du "tahou" (gâteaux faits de la farine de soja), du "tempe" (gâteaux faits de graines de soja levées) etc.... Nous disposons également de machines pour produire des textiles, du papier, de la quinine, de l'alcool, de la glace, etc, bien que sur une petite échelle et suivant des procédés qui ne sont pas modernes.

Notre politique économique doit tendre à accroître les moyens dont nous disposons actuellement. Nos experts doivent inventer et produire constamment de nouveaux médicaments et des instruments de travail comme cela fut le cas sous l'occupation japonaise. Les résultats satisfaisants qui ont déjà été atteints doivent être accrus et améliorés. En outre, un système de coopératives doit compléter notre guerre économique et nous rendre capables de résister aux mesures économiques de l'ennemi.

Les coopératives sont une arme économique puissante, comparable à l'arme de la politique ou à un fusil ou une grenade entre les mains d'un partisan. Les partisans doivent apprendre à se servir de l'armée des coopératives, quel que soit l'endroit où ils mènent leur lutte : dans les villes, les champs ou les montagnes.

Les coopératives en tant que système d'économie populaire et en tant que moyen auxiliaire pour mener la guerre des partisans, peuvent se classer en cinq catégories : coopératives de production, de distribution, de transport, de crédit et de marché. Ces cinq catégories de coopératives peuvent et doivent être propagées, construites et contrôlées par les partisans où ils se trouvent. Dans les villes on peut construire des coopératives de production (pour fabriquer des patjols, des haches, des textiles, etc.), des coopératives de distribution, (pour la distribution de marchandises comme les textiles, les outils, etc...), des coopératives de transport (pour le transport de marchandises d'un lieu à un autre), des coopératives de crédit (pour obtenir des capitaux en créant des impôts d'un à deux cents ou d'un à deux florins) et des coopératives de marché (pour diminuer les prix sur le marché). Dans les champs et même dans les montagnes on peut construire en premier lieu des coopératives de productions (agricole), de transport et de crédit.

Les coopératives ont en premier lieu pour but d'obtenir des prix aussi bas que possible pour leurs membres. Le profit qui doit être extrêmement restreint, peut être utilisé pour, étendre l'organisation elle même, pour des buts sociaux ou pour la conduite de la guerre des partisans elle même. Ces buts comportent la défense contre les mesures économiques de l'ennemi de caractère impérialiste et capitaliste. La coopérative dans l'économie est, enfin un exercice bon et pratique pour obtenir la concorde et développer l'esprit d'entraide populaire, dans les villes, les champs et les montagnes. Ces coopératives, permettent à chaque partisan de mettre en pratique et d'accroître ses capacités de dirigeant. Car le partisan ne doit pas seulement s'éprouver et se former dans le domaine militaire, mais également dans le domaine politique et économique, afin de pouvoir diriger effectivement son peuple. Grâce à ses capacités de dirigeant dans la lutte, et dans la domaine politique et économique le partisan est en même temps un dirigeant de l'Etat dans le sens le plus étroit du terme.

Pour pouvoir exercer ces fonctions dirigeantes de façon parfaite, le partisan doit posséder des connaissances suffisantes sur les affaires militaires, politiques et économiques, ce qui inclut en ce qui concerne cette dernière catégorie avant tout des connaissances sur les coopératives. Il est cependant tout aussi intéressant que le partisan possède un sentiment social et collectif suffisant. Les connaissances sur les principes, les lois, l'organisation et l'administration, le partisan peut les acquérir par l'étude de quelques brochures répandues dans son milieu. Mais le sentiment social qu'il doit posséder, doit lui appartenir en partie naturellement, dès sa naissance, et en partie doit résulter des épreuves et de sa formation. Dès qu'il a des loisirs, quand il n'y a pas de combats à livrer, ni d'exercices à effectuer, le partisan doit établir des contacts aussi intimes que possible avec la population de son entourage. Envers les personnes plus âgées, il doit se comporter comme un frère puîné ou comme un fils, envers les personnes moins âgées comme un frère âgé ou un père. Les objets prêtés doivent être rendus en bon état. Toutes les dettes doivent être payées. Il doit attirer l'attention de ses camarades sur les négligences en matière de prêts et de dettes, et corriger leurs fautes d'une façon amicale. Il doit chercher des médicaments pour des malades. Il doit aider ceux, qui sont dans le malheur. Il doit chercher constamment à développer l'esprit d'entraide de la population. Il doit consacrer ses loisirs à la lutte contre l'analphabétisme, tâche à laquelle il doit consacrer toutes ses forces. Il doit savoir que la bêtise et le manque de connaissances sont des alliés du capitalisme-impérialisme. Les connaissances alliées à l'intelligence constituent par contre la puissance du peuple !

Le partisan mobilise ses camarades pour aider, durant leurs loisirs, les paysans à travailler leurs rizières et les ouvriers à vaquer à leurs occupations. Il sait que le bien-être économique représente l'appui le plus solide de sa lutte. Bref, aucun aspect de la vie n'échappe à son attention. En outre, il paye toutes ses dettes et accomplit toutes ses promesses. Les liens spirituels étroits établis entre le partisan et le prolétariat de son entourage, font que la direction donnée par les partisans sera de caractère durable, et ne pourra être détruite par des adversaires ou par l'ennemi. Si le partisan est obligé de quitter pendant une période plus ou moins longue l'endroit où il était stationné, il trouvera toujours sur place un camarade qui pourra continuer sa tâche de dirigeant du peuple. S'il doit rester éloigné de cet endroit pendant une période plus longue, il y disposera d'une organisation clandestine puissante et dévouée. Ainsi, se réaliseront l'espoir et l'oeuvre de sa vie. Un peuple capable d'organiser lui-même, sa vie économique, et de produire toujours et partout des dirigeants en son sein ne pourra jamais être soumis à l'aide de tanks et d'avions.

Notes

[1] Région de l'île de Sumatra où se déroulèrent de nombreuses expéditions coloniales néerlandaises aux XIXe et XXe siècles.

[2] Subdivision territoriale fondamentale du temps des Indes néerlandaises.

[3] Règle tactique établie par Foch durant les derniers mois de la guerre mondiale 19141918. Pour découvrir les points faibles sur le front étendu de l'ennemi, attaquer constamment en de nombreux endroits.

[4] Troupes britanniques de provenance hindoue.

[5] Ces massacres furent exécutés sous la direction de l'aventurier Westerling, que le gouvernement néerlandais continue à protéger dans ses pérégrinations à travers le monde.

[6] Par ailleurs, dans le chapitre XV de sa brochure, Tan Malakka définit ainsi l'armée du peuple : "L'Armée du Peuple est une armée composée de tout le peuple et luttant pour les intérêts et les idéaux du peuple. Dans la révolution, la tâche de l'Armée du Peuple consiste à réaliser le programme du prolétariat. L'Armée du Peuple est une Armée révolutionnaire, c'est-à-dire une armée ayant une politique révolutionnaire".

[7] Des Quisling, utilisés par les Hollandais dans les Etats séparatistes qu'ils construisirent dans les territoires indonésiens occupés par eux.