1921

Publié intégralement pour la première fois en 1963 dans Le Xe Congrès du P.C.(b)R. 8-16 mars 1921. Compte rendu sténographique

Œuvres t. 32, pp. 173-216, 219-251, 260-274, 278-286, Paris-Moscou. Traduction revue.


Lénine

Xe CONGRÈS DU P.C. (b)R.

(8-16 MARS 1921)


DISCOURS D'OUVERTURE
LE 8 MARS

(Applaudissements prolongés.)

Camarades, permettez-moi de déclarer ouvert le Xe Congrès du Parti communiste de Russie. L'année que nous venons de vivre a été très riche en événements, tant d'ordre international qu'intérieur. Pour entamer l'exposé de la situation internationale, je dois dire que c'est la première fois que nous nous réunissons à l'heure où l'Internationale Communiste a cessé de n'être qu'un mot d'ordre pour devenir réellement une puissante organisation ayant ses assises, des assises véritables, dans les plus grands pays capitalistes évolués. Ce qui, au IIe Congrès de l'Internationale Communiste, n'était encore qu'à l'état de résolutions, a pu dans l'année écoulée être réalisé, s'est exprimé, confirmé et a été consacré dans des pays comme l'Allemagne, la France, l'Italie. Il suffit de nommer ces trois Etats pour que vous vous aperceviez que dans tous les grands pays capitalistes évolués d'Europe, l'Internationale Communiste, après son IIe Congrès qui a eu lieu l'été dernier à Moscou, est devenue la cause du mouvement ouvrier ; bien plus, elle est devenue le facteur essentiel de la politique internationale. Camarades, c'est là une conquête si gigantesque que, pour difficiles et pénibles que soient les épreuves de toute nature qui nous attendent (nous ne devons ni ne pouvons jamais cesser d'y penser), personne ne saura nous la reprendre !

Ensuite, camarades, c'est la première fois que notre congrès se tient alors que le territoire de la République soviétique est délivré des troupes ennemies, appuyées par les capitalistes et les impérialistes du monde entier. Grâce aux victoires de l'Armée rouge remportées cette année, c'est la première fois que nous ouvrons le congrès de notre parti dans de telles conditions. Trois années et demie d'un combat incroyablement dur ; mais ce que nous avons conquis, c'est qu'il n'y a plus de troupes ennemies sur notre territoire ! Bien sûr, nous sommes loin d'avoir ainsi tout gagné, nous n'avons en aucun cas conquis ce que nous devons conquérir : être véritablement à l'abri des invasions et des interventions impérialistes. Bien au contraire, leurs opérations militaires ont pris une forme moins militaire, mais sous certains rapports plus dure et plus dangereuse pour nous. Le passage de l'état de guerre à l'état de paix, passage que nous avons salué au précédent congrès du parti, et que nous avions essayé de réaliser, pour lequel nous avions tenté d'organiser le travail, n'est pas encore achevé. Aujourd'hui encore, des tâches incroyablement difficiles incombent à notre parti ; elles concernent non seulement le plan économique où nous avons commis pas mal d'erreurs, non seulement les bases de notre édification économique, mais aussi les bases des rapports entre les classes qui ont subsisté dans notre société, dans notre République soviétique. Les rapports entre les classes se sont modifiés, et cette question doit constituer (je pense que vous serez tous d'accord avec moi) un des points essentiels à examiner et à résoudre ici.

Camarades, nous avons vécu une année exceptionnelle, nous nous sommes permis le luxe de discussions et de débats au sein de notre parti [1]. Pour un parti entouré d'ennemis, des ennemis les plus puissants et les plus forts qui groupent tout le monde capitaliste, pour un parti qui supporte un fardeau incroyable, ce luxe était vraiment surprenant !

Je ne sais pas ce que vous en pensez aujourd'hui. Ce luxe concordait-il entièrement, d'après vous, avec nos richesses matérielles et morales ? C'est à vous de juger. Toujours est-il que je crois devoir vous dire une chose : au cours de ce congrès, nous devons nous fixer comme mot d'ordre et nous assigner comme principal but, comme principale tâche à réaliser coûte que coûte, de sortir des discussions et des débats plus forts que nous n'étions avant de les engager. (Applaudissements.) Camarades, vous ne pouvez pas ignorer que tous nos ennemis, et ils sont légion, dans leurs innombrables organes de presse étrangers reprennent et amplifient à qui mieux mieux ce que nos ennemis bourgeois et petits-bourgeois répandent ici, à l'intérieur de la République soviétique : discussions signifient débats ; débats signifient dissensions ; s'il y a dissensions, les communistes sont plus faibles ; par conséquent, frappons, saisissons le moment, profitons de leur faiblesse ! C'est le mot d'ordre du monde qui nous est hostile. Nous ne devons pas l'oublier une seule minute. Aujourd'hui, notre tâche est de montrer que quel qu'ait été le luxe que nous nous sommes à tort ou à raison permis dans le passé, nous devons sortir de cette situation, de cette profusion extrême de programmes, de nuances imperceptibles, ou peu s'en faut, formulées et discutées ; nous devons nous dire après les avoir examinées à ce congrès, comme il convient : en tout cas, quelles que soient les discussions qui ont eu lieu jusqu'à ce jour, quels que soient les débats qui se sont déroulés chez nous, alors que nous devons faire face à tant d'ennemis, la dictature du prolétariat dans un pays paysan est une tâche si immense, si difficile qu'il ne suffit pas que le travail soit formellement plus uni, plus concerté qu'avant, ce que votre présence ici, à ce congrès, prouve déjà ; il faut aussi qu'il ne reste plus la moindre trace d'esprit fractionnel, quels que soit le lieu et la forme dans lesquels il s'est manifesté jusqu'à présent ; il faut qu'en aucun cas, ces traces ne subsistent. Ce n'est qu'à cette condition que nous nous acquitterons des tâches énormes qui nous incombent. Et j'ai la certitude d'exprimer les intentions et la ferme résolution de tous en disant : nous devons, en tout état de cause, sortir de ce congrès, armés d'une unité plus solide, plus unanime et plus sincère. (Applaudissements.)


Notes

Les notes rajoutées par l’éditeur sont signalées par [N.E.]

[1] Il s'agit de la discussion au sein du parti sur le rôle et les tâches des syndicats dans l'édification de la société socialiste. [N.E.]


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