1920 |
Source : num�ro 14 du Bulletin communiste (permi�re ann�e), 17 juin 1920. |
Les coop�ratives de consommation
Dans l'histoire des coop�ratives de consommation en Russie, trois p�riodes sont � distinguer : la coop�ration sous le tsarisme, � l'�poque de la r�volution bourgeoise et pendant le r�gime des Soviets.
La coop�ration est n�e en Russie vers la fin de 1860. Au commencement de la guerre, elle repr�sentait d�j� une force importante. Au 1er janvier 1914, le nombre des soci�t�s coop�ratives de consommation s'�levait � 10 000, groupant environ 1 400 000 membres ; le chiffre d'affaires des soci�t�s coop�ratives et des groupements de soci�t�s coop�ratives s'�tait �lev� en 1913 � 250 000 000 de roubles.
Mais, malgr� le nombre �lev� des soci�t�s coop�ratives, la coop�ration ne touchait qu'une partie insignifiante de la population de la Russie (moins d'un pour cent) et groupait plut�t les �l�ments ais�s de la bourgeoisie moyenne des villes, de la classe ouvri�re et de la classe paysanne.
Avec un pareil recrutement, les coop�ratives restaient en dehors de la vie politique. Il est vrai que la plupart des leaders de la coop�ration se trouvaient dans l'opposition au r�gime tsariste. L'autocratie �tait, en effet, � ce point hostile � toute libert� d'initiative en mati�re d'organisation, m�me pour les organisations d�pourvues de tout caract�re r�volutionnaire et socialiste, qu'elle sut se faire des adversaires m�me des coop�rateurs � qui n'�taient pourtant que les paisibles repr�sentants des groupes lib�raux et socialistes de droite.
Mais les coop�rateurs �taient incapables d'engager une lutte et ils s'en abstinrent. Seulement, pendant la p�riode qui s'�coula entre la premi�re r�volution et la guerre, au sein, des coop�ratives de fabrique et d'usine (qui n'�taient au d�but que des boutiques ordinaires connues sous le nom de � coop�ratives des usines � et qui d�pendaient en r�alit� des patrons), des groupes commenc�rent � se former compos�s d'ouvriers d'opinion avanc�e et de plus en plus conscients, qui s'efforc�rent de cr�er une coop�ration ouvri�re ind�pendante de la bourgeoisie ; mais ces groupes �taient encore tr�s peu nombreux. Aussi leur attitude aux congr�s coop�ratifs de 1908 � Moscou et de 1912 � Kiev ne put-elle exercer aucune influence sur le caract�re g�n�ral de la coop�ration.
Celle-ci demeura une organisation homog�ne, la coop�ration bourgeoise, et elle continua � avoir pour meilleurs repr�sentants des lib�raux et des gens cultiv�s.
Pendant la guerre, le nombre des coop�ratives s'accrut fortement. La p�nurie de marchandises qui commen�ait � se faire sentir, la forte hausse des prix, provoqu�e par la sp�culation, pouss�rent les consommateurs � se grouper en coop�ratives, afin de se d�fendre ainsi, ne f�t-ce que dans une faible mesure, contre l'exploitation dont ils �taient victimes de la part du capital commercial priv�.
A la fin de la guerre, au 1er janvier 1918, le nombre des soci�t�s coop�ratives s'�levait � 25 000, chiffre sup�rieur de 150 % au nombre total des coop�rative de tous les autres pays du monde ; le nombre de leurs membres �tait d'environ 9 millions, leur chiffre d'affaires atteignit, en 1917, la somme de 6 � 7 milliards.
Mais l'accroissement de la coop�ration ne changea rien � sa composition sociale. Elle resta comme auparavant essentiellement bourgeoise et si l'attitude des congr�s provinciaux des coop�ratives (avant la r�volution de f�vrier il n'y eut pas en effet de congr�s national des coop�ratives) dev�nt de plus en plus nette et de plus en plus radicale au point de vue politique il faut en chercher la cause dans le m�contentement qui s'�tait alors empar� du public et, en particulier, de la petite et de la moyenne bourgeoisie profond�ment affect�e par les cons�quences de la guerre tsariste et dont les yeux n'avaient pas encore discern� son nouvel ennemi, le prol�tariat.
La situation se modifia radicalement apr�s la r�volution de f�vrier.
Le prol�tariat, repr�sent� par le parti bolchevik, opposa nettement au Gouvernement Provisoire, sorti de la bourgeoisie, sa tactique r�volutionnaire et son programme communiste.
Et alors commen�a une lutte implacable, dans laquelle aucune organisation sociale ne pouvait plus rester neutre. La coop�ration dut faire son choix entre les deux partis. Et ce choix ne pouvait �videmment �tre douteux pour les leaders de la coop�ration, recrut�e comme elle l'�tait � cette �poque. Ils se rangeront du c�t� du gouvernement de K�rensky et constitu�rent m�me l'extr�me droite des forces sur lesquelles s'appuyait K�rensky.
On put le constater clairement aux Congr�s g�n�raux extraordinaires de la Coop�ration des 11-13 septembre et des 4-6 octobre 1917. Le premier congr�s avait �t� convoqu� sp�cialement avant la Conf�rence D�mocratique, qui eut lieu � P�trograd pendant la seconde moiti� de septembre. Il groupait les couches sup�rieures bourgeoises de la coop�ration ; aussi donn�t-il mandat � ses d�l�gu�s de se montrer les adversaires irr�conciliables du parti prol�tarien � la Conf�rence D�mocratique et de ne reculer devant rien pour assurer le maintien du pouvoir de coalition antisovi�tiste.
Avant r�ussi, avec l'appui des mench�viks et des socialistes-r�volutionnaires, � faire accepter le maintien du gouvernement de K�rensky et la convocation d'un parlement, les coop�rateurs se r�unirent encore une fois, dans le but d'�tablir un plan de la campagne pour les �lections � la Constituante, de fa�on � jouer au sein de cette derni�re le m�me r�le qu'� la Conf�rence D�mocratique.
La coop�ration commune ne fut pas d'ailleurs seule un centre de lutte contre les communistes : le 1er Congr�s de la coop�ration ouvri�re, qui se r�unit en ao�t 1917, se d�roula, comme celui de la coop�ration publique, sous l'h�g�monie des mench�viks et d�fendit la coop�ration ind�pendante de tout pouvoir y compris �ventuellement le pouvoir des Soviets.
La r�volution d'octobre donna le pouvoir au parti du prol�tariat, contre lequel les coop�rateurs avaient men� une lutte si acharn�e.
Quels rapports devaient s'�tablir entre les vainqueurs et les vaincus ? Ind�pendamment de nos vues sur l'organisation de la r�partition dans une soci�t� communiste d�velopp�e, nous comprenions, nous, communistes, que la construction socialiste de la soci�t� ne pouvait �tre bas�e que sur les formes cr��es par le d�veloppement du r�gime ant�rieur, c'est-�-dire du capitalisme.
Dans le domaine de la production, nous ne d�truisons naturellement pas les fabriques et les usines, ni les grands groupements industriels, mais nous nous bornons � les d�clarer propri�t� commune de la soci�t� et � changer leur mode de direction. De m�me, dans le domaine de la r�partition, nous avons d� construire nos appareils de r�partition en nous inspirant des appareils de l'ancien commerce priv� ou utiliser la coop�ration de consommation qui �tait d�j� devenue une force.
On ne peut en politique, se laisser guider par le sentiment ; c'est pourquoi, malgr� l'hostilit� qui s'�tait cr��e entre nous et les couches sup�rieures de la coop�ration, nous n'avons pas h�sit� � pr�f�rer l'appareil de la coop�ration � celui du commerce priv�. Malheureusement l'attitude des coop�rateurs n'a pas r�pondu � la n�tre. Ils n'ont pas voulu accepter le fait de la r�volution ouvri�re. Caressant l'espoir que le triomphe des bolcheviks serait de courte dur�e et attendant chaque jour notre chute, ils ont contribu� autant qu'ils le pouvaient, au d�sarroi de l'industrie et du ravitaillement et ils se sont abstenus d'entrer en pourparlers avec le gouvernement. Il ne nous resta alors qu'� organiser, � c�t� de la coop�ration et du commerce priv�, notre propre appareil de r�partition et nos magasins sovi�tistes.
Mais, ce faisant, nous n'avons pas cess� d'escompter un revirement de la part des coop�rateurs, c'est-�-dire leur disposition � entamer des n�gociations ; notre attente se justifia, lorsque les coop�rateurs eurent compris, avec tout le monde d'ailleurs, que la dur�e du pouvoir des soviets devait �tre �valu�e non en jours, ni m�me en semaines, mais au moins en mois.
Le premier accord entre le gouvernement des Soviets et la coop�ration intervint en avril 1918. Il �tait important pour nous que la coop�ration cess�t d'�tre le groupement libre d'un nombre relativement faible d'individus. Nous voulions arriver � ce qu'elle embrass�t toute la population de la Russie sovi�tiste et rend�t ainsi inutile l'existence des autres organes de r�partition. La seconde t�che que nous assignions � la coop�ration �tait de r�aliser les points essentiels de notre politique en mati�re de ravitaillement. Mais l'une et l'autre de ces deux conditions parurent inacceptables aux coop�rateurs. C'est pourquoi le d�cret du 12 avril ne fut qu'un compromis. Au lieu de l'affiliation obligatoire de la population enti�re aux coop�rations, le d�cret stipula seulement que les coop�ratives desserviraient, non seulement leurs membres, mais la population enti�re. La distinction entre les membres, ma�tres des coop�ratives, et les non-membres, qui n'ont rien � voir dans la gestion de ces derni�res, continue � subsister. Le d�cret se borne � donner des facilit�s d'affiliation (la cotisation des adh�rents est abaiss�e pour les indigents � 50 kopecks) et pr�voit des primes pour les coop�ratives qui auront r�ussi � rallier, en qualit� de membres, tous les habitants de leur rayon. Pour fortifier la situation des coop�ratives dans la lutte contre le commerce priv�, celui-ci est frapp� d'un imp�t �gal � 5 % du chiffre d'affaires, imp�t dont les coop�ratives sont exempt�es. Le d�cret interdit d'�lire dans les conseils d'administration des coop�ratives du premier degr� ainsi que des groupements de soci�t�s coop�ratives, des commer�ants et directeurs d'entreprises commerciales priv�es ; leur pr�dominance dans ces conseils avait mis en effet jusqu'alors la coop�ration sous l'influence du parti bourgeois.
Le d�cret fait bien encore une autre restriction ; il d�clare les dispositions l�gales du pouvoir des Soviets au sujet de la constitution de stocks et de la r�partition des produits de premi�re n�cessit� obligatoires pour les organisations coop�ratives comme pour les organes sovi�tistes et les commer�ants priv�s (c'est l� une concession des coop�rateurs au pouvoir des Soviets). Par contre il �tablit la repr�sentation de la coop�ration dans les organes du ravitaillement, nationaux aussi bien que r�gionaux, tandis que la r�ciprocit� n'est pas accord�e aux organes du pouvoir des Soviets vis-�-vis de la coop�ration.
Ainsi donc, apr�s le 12 avril 1918, la coop�ration continue d'�tre un organe ind�pendant, parall�le aux organes de l'Etat et qui n'entre avec le pouvoir qu'en rapports contractuels temporaires. Et, chose tr�s caract�ristique, ce contrat, qui r�alise dans une si faible mesure nos vis�es dans le domaine de la coop�ration, constituait de notre part, non seulement pour la coop�ration publique g�n�rale, purement bourgeoise, mais aussi pour la coop�ration dite ouvri�re, le maximum des concessions possibles. C'est bien dans ce sens que se pronon�a tout � fait nettement le 2e Congr�s g�n�ral extraordinaire de la coop�ration ouvri�re (commencement d'avril 1918).
L'acte subs�quent du pouvoir des soviets � l'�gard de la coop�ration fut le d�cret du 8 ao�t 1918, sur l'�change des marchandises.
Ce d�cret confie � la coop�ration le ravitaillement en produits manufactur�s de la population rurale qui aura remis l'exc�dent de ses c�r�ales � l'Etat, repr�sent� en l'occurrence par ses organes d'approvisionnement. �videmment, la coop�ration n'�tait pas � m�me de remplir d'embl�e ce r�le, d'abord � cause de la grandeur de cette t�che, et surtout parce que les leaders de la coop�ration �taient �trangers au principe de classe qui se trouve � la base du d�cret sur l'�change des marchandises.
Les petits bourgeois, c'est-�-dire les coop�rateurs, n'admettaient en aucune fa�on qu'il fall�t r�partir les tissus, les allumettes, le fer, etc. entre les paysans, non pas proportionnellement � la quantit� de c�r�ales remise par ceux-ci, mais suivant leurs besoins et donner davantage aux pauvres, quoiqu'ils n'eussent pas remis de c�r�ales du tout, tandis qu'il ne fallait rien donner au paysan riche qui tient cach� une grande quantit� de produits manufactur�s acquis par lui pr�c�demment.
Quoi qu'il en soit, les coop�ratives ont fourni la campagne en articles manufactur�s et en r�partissant ces marchandises, bien qu'elles se soient �cart�es du d�cret, elles ont effectu� une �uvre utile � la Russie sovi�tiste. La pression exerc�e par la masse, qui constitue les couches inf�rieures de la coop�ration, sur les couches sup�rieures de celle-ci for�a ces derni�res � faire des concessions et le 2 novembre il a d�j� �t� possible de faire un grand pas en avant dans la voie du rapprochement avec la coop�ration.
Il est vrai que le nouveau d�cret ne pr�voit pas encore l'affiliation obligatoire de la population enti�re � la coop�ration, mais il oblige chaque consommateur � s'inscrire � un centre de r�partition sovi�tiste ou coop�ratif ; or, si l'on prend en consid�ration que dans la plupart des villages de Russie il n'existait pas de magasins sovi�tistes, cet article du d�cret �quivaut pour l'immense majorit� de la population, � l'affiliation obligatoire � la coop�ration.
Le d�cret contient une s�rie d'articles assurant � la coop�ration la possibilit� d'un large d�veloppement ult�rieur. Il en ressort notamment que les d�p�ts et magasins des coop�ratives sont inclus dans le r�seau g�n�ral des points de r�partition et que le commissariat de l'approvisionnement fournit � ces d�p�ts et magasins des marchandises et produits alimentaires sur le m�me pied qu'aux magasins sovi�tistes et enfin que les magasins et d�p�ts des coop�ratives ne peuvent �tre ni nationalis�s, ni municipalis�s. Ceux m�mes qui ont �t� municipalis�s avant la publication du d�cret, contrairement � l'esprit et � la lettre des d�crets ant�rieurs doivent �tre r�tablis dans leur situation ant�rieure.
Tous les d�crets ci-dessus indiqu�s aboutissaient � l'�largissement de la sph�re d'activit� de la coop�ration et transformaient celle-ci en branche importante et indispensable de l'�uvre de construction socialiste.
Cette nouvelle situation ne put cependant triompher des dispositions hostiles des couches sup�rieures. Tout en faisant preuve (ext�rieurement) d'une enti�re loyaut�, elles continu�rent � opposer une r�sistance passive aux entreprises du pouvoir. R�pondant alors � l'appel du Parti Communiste, les ouvriers entreprirent la conqu�te de la coop�ration par l'int�rieur. Un grand nombre de militants organisateurs, dans les capitales comme en province, s'attel�rent � l'�uvre coop�rative (en suivant d'abord la ligne de moindre r�sistance, c'est-�-dire en commen�ant par la coop�ration ouvri�re) et conquirent, aux nouvelles �lections, la majorit� des grands centres coop�ratifs ouvriers, si bien qu'au 3e congr�s de la coop�ration ouvri�re (d�cembre 1918), ils inflig�rent une d�faite d�cisive aux mench�viks qui r�gnaient encore � cette �poque dans la coop�ration ouvri�re. Le centre moral de la coop�ration ouvri�re, le Conseil G�n�ral de la Coop�ration Ouvri�re, devint communiste.
A partir de ce moment, nous p�mes travailler � l'organisation de la coop�ration en agissant sur elle de deux c�t�s, par en-haut, au moyen de d�crets, par en bas en faisant entrer dans les coop�ratives les masses des travailleurs des villes et de la campagne et, par l'int�rieur, en favorisant l'entr�e et en utilisant l'influence des coop�ratives ouvri�res dans les groupements locaux des coop�ratives et dans l'Union Centrale des coop�ratives o� elles poursuivirent la politique trac�e par le Conseil de la Coop�ration Ouvri�re.
Le dernier coup fut port� a l'opposition par le Conseil sup�rieur de l'Economie populaire, qui avait � cette �poque la direction de la coop�ration. Un arr�t� pris par ce Conseil d�barrassa les organes dirigeants de la coop�ration de tous les �l�ments qui, par la classe � laquelle ils appartenaient, �taient hostiles aux ouvriers et aux paysans travailleurs.
Outre les restrictions formul�es par le d�cret du 12 avril, le nouvel arr�t� prive du droit de suffrage, actif et passif, dans les coop�ratives, tous ceux qui emploient des travailleurs salari�s dans un but de lucre, ceux dont les moyens principaux d'existence sont un revenu autre que celui de leur travail ou une propri�t� autre que celle d�rivant de leur travail, tous les anciens commer�ants ayant liquid� depuis moins de trois ans, les ministres du culte n'ayant pas t�moign� jusqu'� ce jour d'une adh�sion sinc�re au renouvellement de l'�uvre coop�rative, les moines, les anciens policiers, etc.
L'acte suivant de la l�gislation coop�rative sovi�tiste fut le d�cret du 20 mars 1919 sur les communes de consommation.
Voici le texte int�gral du d�but de ce d�cret :
La situation difficile dans laquelle se trouve l'approvisionnement n�cessite des mesures urgentes pour sauver le pays de la famine ainsi qu'une stricte �conomie des forces et des moyens qu'exige cet approvisionnement. Pour atteindre ce but, il faut que le domaine de la r�partition soit pourvu d'un appareil unique. Cette mesure est d'autant plus imp�rieuse et urgente que tous les organes de r�partition (r�partis principalement en 3 groupes : organes d'approvisionnement, coop�ration ouvri�re et coop�ratives publiques g�n�rales) re�oivent la plus grande partie des produits d'une source unique et que les frottements entre ces groupes sont d�j� devenus dans la pratique un obstacle qui doit �tre supprim�.
L'union des organes de r�partition existants doit �tre effectu�e sans d�truire ni rejeter l'appareil principal de r�partition r�guli�re en masse, c'est-�-dire la coop�ration, qui est l'unique appareil, cr��, il est vrai, par le r�gime capitaliste, mais �prouv� par un d�veloppement de plusieurs ann�es ainsi que par l'exp�rience pratique. L'ancien appareil, appel� � servir de base au nouveau, doit �tre maintenu, d�velopp� et perfectionn�.
Comme on le constate par cette citation, l'apparition de ce d�cret fut h�t�e par la crise aigu� de l'approvisionnement. En s'effor�ant d'introduire le maximum d'organisation et d'�conomie des forces dans l'�uvre de la r�partition, on voulait pouvoir employer un nombre d'autant plus grand de militants � l'approvisionnement et � la constitution de stocks de c�r�ales.
Mais le nouveau d�cret en lui-m�me ne fait que compl�ter les premiers et il est enti�rement conforme aux d�clarations de principe d�finitivement fix�es dans le programme adopt� dans le courant du m�me mois, au 8e congr�s de notre parti.
Le d�cret met en effet � la base de tous les organes de r�partition, non pas l'appareil du commerce priv� ni les magasins sovi�tistes, mais bien la coop�ration.
Il lui remet, non seulement, toute l'�uvre de la r�partition mais aussi les appareils (magasins, d�p�ts, boulangeries) cr��s par les comit�s locaux d'approvisionnement. Ce faisant, il devait emp�cher toutefois que les couches sup�rieures de la coop�ration pussent se servir de l'immense force ainsi acquise par les coop�ratives pour combattre le pouvoir des Soviets ; et il devait faire en sorte que la remise aux coop�ratives de toute l'�uvre de r�partition about�t � l'am�lioration de cette �uvre de r�partition, c'est-�-dire � l'am�lioration du ravitaillement des ouvriers et des paysans, qui souffrent de la faim dans les provinces du Nord, ainsi qu'� la juste r�partition des produits de l'industrie urbaine entre tous les travailleurs ; il devait couper court � toute tentative des coop�rateurs pour essayer, en d�sorganisant le ravitaillement qui leur �tait confi�, de provoquer le m�contentement des masses pour le diriger contre le pouvoir des soviets : pour cela il �tait indispensable de proc�der en m�me temps � une modification radicale du caract�re de l'ancienne coop�ration. Les mesures pr�vues par le d�cret assurent cette modification n�cessaire. En effet, elles font entrer dans les rangs des membres de l'unique coop�rative qui subsiste dans chaque ville, dans chaque r�gion rurale, la population enti�re, y compris les couches les plus pauvres et suppriment toute esp�ce de cotisations, pr�c�demment obstacle principal � l'entr�e de ces couches pauvres dans les coop�ratives. Provisoirement, en attendant l'�lection de nouveaux conseils d'administration, qui refl�teront les vues et les aspirations, dans ce domaine, des grandes masses des travailleurs adh�rant dans leur immense majorit� � notre parti, les repr�sentants des organes d'approvisionnement entrent dans les conseils d'administration des organisations coop�ratives, avec tous les droits de membres de ces conseils, dans le but de contr�ler et de diriger l'�uvre coop�rative. Des repr�sentants analogues du Pouvoir Central des Soviets et de la coop�ration ouvri�re unie se voient �galement introduits au sein du centre dirigeant de la Coop�ration, c'est-�-dire � l'Union Centrale des Coop�ratives.
Actuellement, toute la Russie se pr�pare aux �lections des organes dirigeants de la coop�ration, et dans deux mois ou deux mois et demi la r�organisation de la Coop�ration russe sera une chose faite.
Nos adversaires en Russie et surtout � l'�tranger, ont accus� et accusent la Russie sovi�tiste (et nous accusent en particulier nous, communistes), de d�truire la coop�ration ; dans les journaux de la coop�ration m�me, il est question de nos pers�cutions contre cette derni�re.
Mesquine calomnie, pure invention d�mentie par la vie elle-m�me ! C'est ce que je montrerai pour terminer, en me reportant � quelques donn�es statistiques. Il a d�j� �t� indiqu� plus haut qu'au 1er janvier 1918 le nombre des soci�t�s coop�ratives de consommation en Russie s'�levait � 25 000. En septembre 1919 soit un an et demi plus tard, leur nombre s'�levait (selon des renseignements incomplets) � 50 000 avec un nombre d'affili�s �gal � 17 ou 18 millions (bien que le d�cret sur l'affiliation obligatoire de la population enti�re n'e�t pas encore �t� appliqu�), c'est-�-dire qu'il avait doubl� sous le pouvoir dtes soviets.
Le chiffre d'affaires de la coop�ration s'est accru dans une plus grande proportion encore. Je n'ai pas � ma disposition les chiffres pour 1919 et je dois me borner � comparer les chiffres de 1917 et de 1918. En 1917, le chiffre d'affaires de la coop�ration s'�tait �lev�, en roubles, � 6-7 milliards. En 1918, il �tait de 12 � 15 milliards.
Plus frappantes encore sont les donn�es relatives au travail d'approvisionnement de l'Union Centrale ; elles sont d'ailleurs beaucoup plus compl�tes et pr�cises. En 1917, il est pass� par l'Union centrale 6 000 wagons de marchandises ; en 1918, ce chiffre s'�levait d�j� � 32 000 wagons, soit plus du quintuple, ce qui s'explique par le fait que l'Union Centrale est devenue l'un des fournisseurs principaux des organes sovi�tistes d'approvisionnement.
La coop�ration n'a donc pas �t� pers�cut�e ni, � plus forte raison, d�truite mais elle a acquis au contraire un d�veloppement �norme, qu'elle n'avait pu atteindre ni sous le tsarisme, ni sous le gouvernement de K�rensky.
Ces faits n'ont sans doute pas emp�ch� un petit nombre de coop�rateurs, � savoir les mench�viks, les socialistes-r�volutionnaires de droite et des socialistes plus mod�r�s encore dans le genre de Prokopovitch et de Kouskova, d'entreprendre une campagne contre le d�cret du 20 mars. Mais leur furieuse agitation n'a pas rencontr� d'�cho dans les grandes masses des consommateurs.
D�sormais celui qui commence � se sentir le ma�tre, dans la coop�ration, ce n'est plus l'ancien membre privil�gi�, qui a vers� jadis sa part d'associ� et est habitu� � recevoir de � sa � coop�rative plus de produits que les autres, mais la masse des ouvriers et des paysans. Aucun d'eux ne peut plus se cr�er une situation privil�gi�e, ni chercher � se s�parer du voisin. Chacun doit d�sormais songer, non plus aux moyens de s'attribuer le meilleur morceau (ce qui n'est possible qu'� une minorit� privil�gi�e) mais aux moyens d'am�liorer la situation de tous.
Ce nouveau ma�tre de la coop�ration (le prol�taire communiste et le paysan qui combat avec l'ouvrier contre l'ennemi int�rieur et ext�rieur de sa classe) comprend parfaitement notre d�cret sur la coop�ration ; il le sent proche de ses int�r�ts et c'est pourquoi la lutte entreprise par les anciens leaders de la coop�ration n'a pas trouv� d'�cho chez lui et a pris fin.
Ainsi la coop�ration, qui �tait au d�but l'union, anim�e de sentiments hostiles � notre �gard, de groupes surtout bourgeois de la population, apr�s une p�riode de neutralit� temporaire, se transforme � nos yeux et s'est d�j� transform�e, dans une large mesure, en organisation sovi�tiste, qui partage notre mani�re de voir, qui voit ses ennemis et ses amis l� o� nous les voyons nous-m�mes et qui collabore chaque jour avec nous � l'�dification de la soci�t� nouvelle.
Il devait en �tre et il en a �t� ainsi, parce qu'une organisation de masses des travailleurs ne peut rester longtemps �trang�re au mouvement d'ensemble du prol�tariat luttant pour la conqu�te de ses droits.