1908 |
Traduit de l'allemand par Gérard Billy, 2015, d'après la réédition en fac-similé publiée par ELV-Verlag en 2013 |
Les origines du christianisme
IVème partie. Les débuts du christianisme.
5. L'évolution de la communauté chrétienne
e. Le monachisme
1908
Si l’Église catholique, surtout depuis qu'elle avait été officiellement reconnue, avait transformé les tendances de la communauté messianique des débuts en son exact contraire, cela ne s'était pas fait paisiblement, sans résistances ni luttes. Les conditions sociales qui avaient donné naissance au communisme démocratique du christianisme primitif continuaient à exister, elles devenaient même de plus en plus harassantes et révoltantes au fur et à mesure que l'empire se décomposait.
Nous avons vu comment dès le début des voix s'exprimèrent pour protester contre la nouvelle orientation. Après que celle-ci fut devenue dominante et officielle dans l’Église et que celle-ci ne voulut plus en tolérer d'autre dans ses rangs, de nouvelles sectes démocratiques et communistes ne cessèrent de se constituer en marge de l’Église catholique. Par exemple, après la reconnaissance officielle par Constantin, l'Afrique du nord vit se propager largement la secte des circoncellions, des mendiants exaltés qui radicalisèrent la lutte des donatistes contre l’Église d’État et l’État lui-même et prêchaient la guerre contre les classes supérieures et les riches. Comme en Galilée à l'époque du Christ, au quatrième siècle, la population paysanne nord-africaine se souleva pleine de désespoir contre ses oppresseurs, et ses protestations s'organisèrent sous la forme de nombreuses bandes de brigands. Comme en leur temps les zélotes et probablement aussi les premiers partisans de Jésus, les circoncellions donnèrent à ces bandes un but, la libération et la fin de toute oppression. D'une audace extrême, ils affrontaient même les troupes impériales qui, main dans la main avec des ecclésiastiques catholiques, tentaient de réprimer cette révolte, qui dura des dizaines d'années.
Comme celle-là, toutes les autres tentatives de renouvellement communiste de l’Église échouèrent, qu'elles aient été pacifiques ou violentes. Elles échouèrent toutes pour les mêmes causes, celles qui avaient finalement transformé la toute première tentative en son contraire, et qui se perpétuaient comme se perpétuait le besoin de les renouveler. Si ce besoin était accentué par l'aggravation de la pauvreté, il ne faut pas oublier qu'en même temps augmentaient les moyens dont disposait l’Église pour multiplier les œuvres d'assistance et ainsi préserver des révoltes de la misère une partie toujours plus grande du prolétariat, pour aussi le mettre sous la dépendance du clergé, pour le corrompre, pour étouffer en lui tout enthousiasme et toute idée plus noble.
Quand l’Église devint Église d’État, un outil de despotisme et d'exploitation vigoureux et immense comme on n'en avait encore jamais vu dans l'histoire, il sembla bien que fût désormais scellée la fin de toutes tendances communistes. Et pourtant, celles-ci devaient ressurgir dotées d'une nouvelle vigueur précisément de l'intérieur de l’Église officielle.
Jusqu'à sa reconnaissance officielle, la vie communautaire chrétienne avait été pour l'essentiel le fait des grandes villes. Seules les grandes villes pouvaient lui permettre de se maintenir dans les périodes de persécutions. A la campagne, où il est facile de contrôler tout un chacun, les organisations secrètes ne peuvent subsister que si elles sont portées par l'ensemble de la population, comme cela a été par exemple le cas, au cours des derniers siècles, des sociétés secrètes irlandaises dressées contre le joug anglais. Les mouvements sociaux d'opposition propres à une minorité se sont jusqu'ici toujours heurtées aux plus grandes difficultés à la campagne. Cela vaut aussi pour le christianisme des trois premiers siècles.
Les difficultés à s'étendre à la campagne s'évanouirent quand le christianisme cessa d'être un mouvement d'opposition et fut officiellement reconnu. A partir de ce moment, rien ne s'opposa plus à l'organisation de communautés chrétiennes aussi à la campagne. Pendant trois siècles, le christianisme avait été – comme le judaïsme – presque exclusivement une religion urbaine. C'est seulement maintenant qu'il commença à devenir aussi une religion de paysans.
Avec le christianisme, la campagne vit arriver aussi ses tendances communistes. Mais ici, elles trouvaient des conditions très différentes et bien plus favorables qu'à la ville, comme nous l'avons vu avec l'essénisme. Celui-ci reprit aussitôt vie sous un emballage chrétien, dès qu'exista à la campagne la possibilité d'organisations communistes publiquement connues, ce qui indique la profondeur du besoin auquel il répondait. Exactement à l'époque où le christianisme est officiellement reconnu, au début du quatrième siècle, apparaissent en Égypte les premiers monastères, lesquels ne tardèrent pas à être suivis par d'autres dans les régions les plus diverses de l'empire.
Les autorités ecclésiastiques et civiles, non seulement ne dressent aucun obstacle devant ce type de communisme, mais même les favorisent : de la même façon, dans la première moitié du siècle passé, les autorités françaises et anglaises ne voyaient pas non plus d'un mauvais œil les expérimentations communistes en Amérique. Ils ne voyaient que des avantages à ce que les trublions communistes des grandes villes aillent dans des déserts à l'écart du monde pour y planter paisiblement leurs choux.
Mais à la différence des expérimentations communistes des owéniens, des fouriéristes et des cabétistes en Amérique, celles du paysan égyptien Antoine et de ses disciples réussirent brillamment, comme aux dix-huitième et dix-neuvième siècles les colonies communistes paysannes, très proches d'elles, établies aux États-Unis. On en attribue souvent le mérite à l'enthousiasme religieux qui les animait et qui aurait manqué aux partisans de l'utopisme moderne. Sans religion, pas de communisme. Mais l'enthousiasme religieux qui inspirait les moines avait aussi été présent chez les chrétiens des premiers siècles dans les grandes villes, et pourtant leurs expérimentations communistes n'avaient été ni radicales ni de longue durée.
Ce n'est pas la religion qui explique la réussite à un endroit, et l'échec à un autre, mais la différence des conditions matérielles.
Par comparaison avec les expérimentations communistes du christianisme primitif des grandes villes, les monastères ou les colonies communistes des contrées sauvages présentaient l'avantage que l'agriculture exige l'union de l'entreprise et de la famille, et que l'agriculture sur grande échelle, unie à l'exploitation industrielle, était déjà devenue possible, et avait même atteint un haut niveau de développement avec l'économie domestique autarcique des grands propriétaires fonciers. Mais cette autarcie avait été assise sur l'esclavage. Cela fixait des limites à sa productivité et à son existence même. L'apport en esclaves s'amenuisant, la grande entreprise du grand latifundiaire disparaissait. Les monastères prirent le relais, remplaçant le travail des esclaves par celui d'associés libres, ils purent même la développer davantage. Au vu de la décadence générale de la société, les monastères devinrent finalement les seuls lieux de l'empire en décomposition à garder les derniers restes de la technique antique et à les sauver au milieu des bourrasques des grandes invasions, voire à les perfectionner sur de multiples aspects.
Mis à part les influences orientales, notamment celles venues des Arabes, ce furent les monastères qui constituèrent le point de départ du renouveau de la culture en Europe pendant le Moyen-Âge.
Le mode de production coopératif des monastères convenait particulièrement bien aux conditions de production rurales de l'Antiquité finissante et du Moyen-Âge commençant. D'où leur succès. Dans les villes par contre, les conditions de production contrecarraient le travail coopératif, le communisme ne pouvait être qu'un pur communisme de consommation, or, c'est le mode de production, pas celui de la répartition ou de la consommation qui détermine en dernière analyse le caractère des relations sociales. C'est seulement à la campagne, dans les monastères, que la communauté des moyens de consommation à laquelle aspirait le christianisme primitif trouva un fondement durable dans la communauté de la production. C'était elle qui avait permis aux coopératives des esséniens de connaître pendant des siècles une prospérité qui ne fut mise à mal que par la destruction violente de l’État juif, et pas par des difficultés internes. C'est elle qui fut maintenant à la base de l'imposant édifice du monachisme chrétien qui s'est maintenu jusqu'à aujourd'hui.
Pourquoi alors les colonies du communisme moderne, du communisme utopique ont-elles échoué ? Elles étaient édifiées sur une base analogue à celle du communisme des monastères, mais le mode de production avait depuis lors totalement changé. A la place des entreprises dispersées de l'Antiquité qui développent l'individualisme au travail, rendent difficile le travail coopératif pour l'ouvrier de la ville et lui inoculent une mentalité anarchiste, nous trouvons aujourd'hui dans l'industrie urbaine de gigantesques entreprises dans lesquelles chaque ouvrier n'est qu'un rouage qui doit fonctionner en accord avec une infinité d'autres. Les habitudes du travail coopératif, de la discipline au travail, de la subordination de l'individu aux besoins de la collectivité remplacent l'état d'esprit anarchiste du travailleur isolé.
Mais seulement dans la production.
Il en est autrement dans la consommation.
Les conditions de vie étaient autrefois si simples et si uniformes pour la masse de la population qu'il s'ensuivait également une uniformité de la consommation et des besoins, qui ne rendait nullement insupportable un mode permanent de consommation collective.
Le mode de production moderne qui brasse toutes les couches de la population et toutes les nations, qui rassemble dans les centres commerciaux les produits du monde entier, qui crée sans cesse du nouveau, produit de façon ininterrompue de nouvelles méthodes de satisfaction des besoins, et même de nouveaux besoins, introduit dans la masse de la population une diversité de penchants et de besoins personnels, un « individualisme » comme on n'en rencontrait autrefois que dans les classes riches et supérieures de la société. Donc aussi une diversité dans la consommation, le mot étant pris dans son sens le plus large. Les moyens de consommation les plus grossiers, les plus matériels, la nourriture, la boisson, les vêtements, sont certes sous bien des aspects uniformisés dans le mode de production moderne. Mais la nature même de ce mode de production fait qu'il ne restreint pas la consommation, même des masses, à ces moyens-là, qu'il éveille aussi dans les masses travailleuses un besoin croissant de biens culturels, scientifiques, artistiques, sportifs et autres, un besoin de plus en plus différencié qui se manifeste différemment dans chaque individu. L'individualisme de la consommation, qui était jusqu'ici un privilège de possédants et de gens instruits, se répand ainsi dans les classes travailleuses, d'abord dans les grandes villes, puis de là, gagne progressivement le reste de la population. Autant l'ouvrier moderne se plie à la discipline quand il travaille avec ses camarades, autant il regimbe contre toute prétention à lui imposer une façon de consommer. Dans ce domaine, il devient de plus en plus individualiste, ou si l'on veut, anarchiste.
On voit maintenant ce que peut ressentir un prolétaire urbain moderne installé dans une petite colonie communiste située dans quelque contrée sauvage, et qui n'est au fond rien d'autre qu'une grande entreprise agricole avec annexes industrielles. Nous l'avons déjà dit plusieurs fois, dans cette branche de production, exploitation et ménage domestique sont étroitement liés. C'était un avantage pour le communisme chrétien qui partait de la communauté de consommation. Dans les monastères de la campagne, cela contraignait ce communisme à se combiner avec un communisme de production, ce qui lui donnait une force de résistance et une capacité de développement énormes.
Le communisme utopique moderne, qui avait comme point de départ la communauté de production et ainsi un fondement très solide, était en revanche contraint par le lien étroit existant entre consommation et production dans ses petits établissements, d'ajouter au communisme de production le communisme de consommation, ce qui, vu l'influence des conditions sociales générales, ne pouvait agir que comme de la dynamite en provoquant d'incessantes querelles de l'espèce la plus détestable et ce pour des broutilles.
Seules des populations restées à l'écart du capitalisme moderne, des paysans ignorants du monde, pouvaient encore au dix-neuvième siècle, au milieu de la civilisation moderne, fonder des colonies communistes avec succès. Leur religion n'a à voir avec leur réussite que dans la mesure où l'enthousiasme religieux, comme phénomène social, pas comme bizarrerie individuelle, ne se trouve plus aujourd'hui que dans des couches extrêmement retardataires.
Pour les populations modernes liées à la grande industrie, le communisme de production n'est plus réalisable qu'à une échelle tellement vaste qu'il est compatible avec un très large individualisme de consommation – le mot étant pris dans son sens le plus général.
Ce n'est pas le communisme de la production qui a échoué dans les colonies communistes non-religieuses du siècle passé. Le capital pratique depuis longtemps ce communisme avec le plus grand succès. Ce qui a échoué, c'est un communisme uniformisant la consommation personnelle, ceci allant à contre-sens de la modernité.
Dans l'Antiquité comme au Moyen-Âge, il n'était nullement question, dans les masses populaires, d'une individualisation des besoins. Le communisme conventuel ne se heurtait pas à ce genre de barrière, et il prospéra d'autant plus que son mode de fonctionnement était supérieur à celui qui était dominant par ailleurs, que sa supériorité économique était manifeste. Rufin d'Aquilée (345-410), qui fonda lui-même un monastère sur le Mont des Oliviers près de Jérusalem, affirme qu'en Égypte, presque autant de gens vivaient à la campagne dans les monastères que dans les villes. Il faut sans doute soustraire la part d'exagération due à une pieuse imagination, mais cela indique en tout cas un nombre de moines et de nonnes qui paraissait extraordinairement élevé.
C'est ainsi que le monachisme revivifia l'enthousiasme communiste dans le monde chrétien, et il y trouva une forme qui ne le contraignait pas à se dresser comme opposition hérétique contre la bureaucratie régnante de l’Église, au contraire, il sut très bien s'en accommoder.
Mais cette nouvelle forme de communisme chrétien ne pouvait elle non plus devenir la forme générale de la société, elle aussi ne concernait que certaines couches de la population. Aussi ce nouveau communisme était-il condamné à sans cesse basculer du côté opposé, et cela d'autant plus que sa supériorité économique creusait l'écart. Celle-ci faisait de ses acteurs une aristocratie s'élevant au-dessus du reste de la population et finissant par la dominer et l'exploiter.
Le communisme monacal ne pouvait devenir la forme générale de la société, d'abord parce que, pour réaliser la maisonnée commune qui était son fondement, il ne pouvait accepter le mariage, pas plus que les esséniens avant lui ni les colonies communistes religieuses d'Amérique du nord au siècle passé. La prospérité de la maison commune n'interdisait certes que les couples individuels ; une sorte de mariage communautaire aurait été possible, comme le montre l'exemple de certaines de ces colonies. Mais ce type de relations entre les sexes contredisait trop les mentalités de l'Antiquité finissante pour être admis et pratiqué ouvertement. Et dans l'atmosphère cafardeuse de cette époque, le renoncement à toute espèce de plaisir, l'ascèse, était une issue qui semblait beaucoup plus accessible, sans compter l'auréole de sainteté qui ornait ceux qui pratiquaient cette abstinence. Mais le célibat condamnait à priori le monachisme à rester une minorité. Cette minorité pouvait certes périodiquement grossir, comme on le voit avec les affirmations de Rufin d'Aquilée, mais tout en se livrant à une indéniable exagération, celui-ci n'allait pas jusqu'à prétendre que la population des monastères représentait une majorité. Et l'enthousiasme monacal des Égyptiens de l'époque de Rufin ne tarda pas à se calmer.
Plus le communisme monacal s'affermissait et faisait ses preuves, plus les monastères s'enrichissaient. La grande entreprise monacale se mit à livrer les meilleurs produits, et au meilleur marché, ses coûts de production étant réduits grâce à la mise en commun de la vie quotidienne. Comme l'entreprise autarcique du grand latifundiaire, les monastères produisaient eux-mêmes presque tout ce dont ils avaient besoin en matière de nourriture et de matières premières. La main-d’œuvre était bien plus active que ne l'avaient été les esclaves des grands propriétaires, car c'étaient eux qui récoltaient tout le produit de leur travail. En outre, chaque monastère disposait de tant de main-d’œuvre que pour les différentes branches d'activité, il pouvait choisir les ouvriers les plus aptes, et réaliser donc une division poussée du travail. Enfin, le monastère avait, face à l'individu, l'éternité pour lui. Les inventions, les secrets de fabrication, qui d'ordinaire se perdaient avec l'inventeur et sa famille, étaient ici, au monastère, connus de nombreux associés qui les transmettaient aux successeurs. En outre, le monastère, personnalité perpétuelle, était à l'abri des fractionnements liés aux droits d'héritage. Il concentrait la propriété sans jamais être obligé de la partager entre des héritiers.
C'est ainsi que s'accumulait la richesse de chaque monastère et des associations de monastères unies sous une même direction et par les mêmes règlements, les ordres monastiques. Mais dès qu'un monastère était devenu riche et puissant, se déclenchait le même processus que celui qui s'est reproduit dans bien d'autres associations communistes quand elles ne réunissaient qu'une petite parcelle de la société et qu'on peut observer aujourd'hui encore dans les coopératives de production prospères. Les propriétaires des moyens de production trouvent alors plus commode de faire travailler les autres plutôt que de travailler eux-mêmes, s'ils trouvent la main-d’œuvre nécessaire: des travailleurs salariés dépourvus de tout, des esclaves ou des serfs.
Si à ses débuts, le monachisme insuffla une nouvelle vie à l'enthousiasme communiste dans le monde chrétien, il dériva finalement quand même en s'engageant dans la voie qu'avait suivie le clergé de l’Église avant lui. Il devint comme lui une organisation exploiteuse et dominatrice.
Une organisation, certes, qui ne se laissait pas réduire au rôle d'instrument docile des chefs de l’Église, c'est-à-dire des évêques. Économiquement indépendants, rivalisant de richesse avec eux, comme eux organisés internationalement, les monastères avaient la capacité de s'opposer aux évêques là où personne d'autre ne pouvait s'y aventurer.
Ils ont ainsi aidé parfois à modérer un peu le despotisme épiscopal. Mais cette atténuation du despotisme allait finalement se renverser en son contraire.
Après la scission en une Église orientale et une Église occidentale, l'empereur devint dans la première le souverain des évêques. En occident, aucun pouvoir d’État ne couvrait toute l'étendue du territoire de l’Église. C'est pourquoi ce fut ici l'évêque de Rome qui obtint d'abord la prééminence sur les autres évêques, en raison de l'importance de son diocèse, mais qui, au cours des siècles, étoffa de plus en plus cette primauté au point d'en faire une souveraineté sur les autres évêques. Dans cette lutte contre les évêques, les ordres monacaux lui furent un puissant appui. De la même façon que la monarchie absolue des temps modernes se constitua dans la lutte de classes entre la noblesse féodale et la bourgeoisie, la monarchie absolue du pape se constitua dans la lutte de classes opposant l'aristocratie épiscopale et les moines, les propriétaires des grandes entreprises monacales.
La consolidation de la papauté marque l'achèvement de l'évolution ascendante de l’Église. A partir de là, toute évolution ultérieure touchant l’État et la société signifie pour elle un recul, l'évolution devient son ennemie, et elle l'ennemie de toute évolution, elle devient une institution réactionnaire de part en part et nuisible à la société.
Même après s'être renversée pour aboutir à l'opposé de ses débuts et être devenue une machine de domination et d'exploitation, elle a été capable pendant encore toute une période de faire de grandes choses. Mais avec les croisades, l’Église était arrivée au bout de ce qu'elle était capable de faire pour l'humanité. Son rôle, depuis qu'elle était devenue religion d’État, consistait à sauver et développer les restes de la culture antique qui lui préexistaient. Mais quand, sur les fondements qu'elle avait préservés et perfectionnés, se développa un nouveau mode de production bien supérieur à celui de l'Antiquité, celui du capitalisme, et qu'avec lui se formèrent les préconditions d'un communisme de la production universel, l’Église catholique ne pouvait plus représenter qu'un obstacle au progrès social. Née du communisme, elle compte parmi les ennemis les plus acharnés du communisme moderne.
Est-ce que ce communisme ne va pas maintenant à son tour développer la même dialectique que celle par laquelle est passé le communisme chrétien, et se renverser également en un nouvel organisme d'exploitation et de domination ?
C'est la question à laquelle il nous faut maintenant répondre.