A propos des « 25 thèses sur "La révolution mondiale" » d'E. Mandel

Stéphane Just

La croissance des forces productives dans ces pays et la révolution politique

Mais ce ne sont pas là de pures données économiques. Sous cette forme s'expriment des rapports sociaux et politiques, des rapports de classes. La mort de Staline, l'émergence de la révolution politique ont fait apparaître au grand jour la place que la bureaucratie du Kremlin, les bureaucraties satellites, et en dernière analyse celle de Chine, occupent dans la lutte des classes mondiale : formations sociales de nature petite-bourgeoise, elles sont les agents de la réaction bourgeoise dans les pays où le capital a été exproprié et qu'elles contrôlent. Au lendemain de la guerre, la puissance politique de la bureaucratie du Kremlin, de son appareil international lui permettait, tout en se mettant au service de l'ordre bourgeois international. de discuter de puissance à puissance avec l'impérialisme américain. Le prolétariat de l'URSS épuisé par la guerre, les prolétariats de l'Europe de l'Est étroitement contrôlés et soumis, elle n'était pas directement menacée. Elle et les PC jouissaient d'un énorme capital de confiance aux yeux de parties décisives du prolétariat d'Europe. Elle était en mesure de négocier son action contre‑révolutionnaire, de finir d'exproprier le capital en Europe de l'Est pour mettre en correspondance les rapports de production en URSS et dans ces pays. L'émergence de la révolution politique a modifié profondément les rapports entre l'impérialisme, l'impérialisme américain en particulier, et la bureaucratie du Kremlin et son appareil international. Désormais, l'impérialisme dicte ses volontés à la bureaucratie du Kremlin. La révolution politique menace directement la bureaucratie du Kremlin et les bureaucraties satellites. Elles ont un besoin absolu du concours économique des principaux pays capitalistes. L'impérialisme pose ses conditions et juge de la nécessité ou non d'accorder son concours. Il est indispensable d'aller plus loin.

Les rapports politiques traduisent les rapports fondamentaux économiques et sociaux, leur modification, et l'exigence de leur transformation. La révolution prolétarienne résulte de la nécessité d'en finir avec la propriété privée des moyens de production et l'étroitesse des frontières nationales. La révolution prolétarienne a commence en 1917 en Russie. Elle a exproprié le capital sur le territoire de l'URSS. En conséquence de la vague révolutionnaire qui a déferlé en Europe à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le capital a été exproprié en Europe de l'Est.

Le retard et les défaites de la révolution prolétarienne ont isolé la révolution russe. L'URSS isolée, le prolétariat de l'URSS épuisé, une bureaucratie parasitaire et contre‑révolutionnaire a germé sur le terrain que la révolution russe avait labouré. Plus tard, cette bureaucratie assujettissait les pays de l'Europe de l'Est, finissait d'y exproprier le capital pour mettre en correspondance les rapports de production de ces pays et ceux de l'URSS. Les rapports politiques qui existent en URSS et en Europe de l'Est sont la négation des rapports de production, les contredisent. La planification sur la base de la propriété collective des moyens de production exige la pleine participation des producteurs à l'élaboration et à la réalisation de cette planification. C'est‑à‑dire le plein exercice par les masses, et d'abord par le prolétariat, du pouvoir politique, la démocratie prolétarienne la plus profonde et la plus étendue, le total exercice des libertés en tous les domaines de la vie quotidienne, de la science, de l'art, de la culture.

Ces rapports de production exigent non moins impérativement l'égalité économique, sociale et politique entre les peuples, leur coopération, c'est‑à‑dire la fin de toute discrimination et oppression nationale.