"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale." |
Défense du trotskysme (2)
L'Impérialisme, la bureaucratie du Kremlin, les États-Unis Socialistes d'Europe
Nos bons apôtres argueront que l'impérialisme américain dut bien sûr modifier sa politique, qu'il fut contraint de remettre en selle les bourgeoisies européennes, dont la bourgeoisie allemande, en raison de la division du monde en “ blocs ”. L'Alliance Atlantique et le plan Marshall allaient de pair, comme éléments de la guerre froide, préparatoire à la guerre ouverte contre l'U.R.S.S. Une fois encore, une pareille augmentation inverse les données et la marche réelle des évènements. L'armée américaine était militairement en mesure d'occuper l'Allemagne jusqu'à l'Oder avant l'armée rouge. Elle pouvait précéder l'armée rouge à Prague. L'impérialisme a respecté les accords passés avec la bureaucratie du Kremlin. Son armée s'est arrêté sur l'Elbe et n'a pas occupé Prague. Il a laissé l'armée rouge occuper Berlin et atteindre l'Elbe, occuper entièrement la Tchécoslovaquie. La foi jurée pèse bien peu en ce cas. Ou plutôt, la foi jurée s'inspire de considérations qui n'ont rien à voir avec l'honneur. Le spectre de la révolution prolétarienne hantait l'Europe entière. Les bourgeoisie et les appareils d'Etat bourgeois étaient décomposés à l'Est de l'Europe, les syndicats avaient pris le pouvoir à Prague. Seul le prestige et la force de l'appareil militaire et bureaucratique du Kremlin était en mesure de rétablir “ l'ordre ” en Europe de l'Est. Le concours de l'appareil international du Kremlin, des P.C. d'Italie, de France et d'ailleurs, étaient indispensables au maintien et à la reconstruction des appareils d'Etat et de l'économie bourgeoise en Europe de l'Ouest.
Au cours des premières années de l'après‑guerre, la fidélité de l'impérialisme aux accords passés avec la bureaucratie du Kremlin, comme son impuissance vis‑à‑vis de la révolution chinoise, des mouvements révolutionnaires des peuples coloniaux, a une origine précise : la puissance du prolétariat européen, la vague révolutionnaire d'après‑guerre. C'est elle qui contraint l'impérialisme américain à abandonner l'Est de l'Europe à la bureaucratie du Kremlin, comme à injecter massivement des crédits aux bourgeoisies européennes afin qu'elles puissent, avec le concours politique de l'appareil international du stalinisme, restructurer leurs appareils d'Etat, reconstruire leurs économies. Il ne pouvait agir autrement sans alimenter la crise révolutionnaire en Europe et faire finalement sauter le verrou du stalinisme. Au sommet de sa puissance politique ‑ le prolétariat de l'U.R.S.S. saigné par la guerre, le prolétariat allemand fractionné et sous tutelle militaire ‑ bénéficiant du prestige immense acquis par l'armée rouge auprès des secteurs décisifs du prolétariat européen, la bureaucratie du Kremlin mit tous ses moyens en œuvre pour contenir et limiter la vague révolutionnaire d'après‑guerre. Avec un sûr instinct de conservation, elle savait que la révolution victorieuse dans les principaux pays d'Europe donnerait une impulsion formidable à la révolution prolétarienne dans le monde, qu'elle ferait exploser son appareil international, qu'elle impliquerait l'unité de l'Europe sur le plan de classe du prolétariat, donc une force qui la désagrégerait et serait un pôle attractif d'une puissance invincible pour les prolétariats de l'Europe de l'Est et le prolétariat d'U.R.S.S. C'est pourquoi, avec ses moyens, elle concourt à remettre en selle les principales bourgeoisies de l'Ouest de l'Europe, comme l'impérialisme américain s'y employait avec ses propres moyens.
La classe ouvrière européenne n'a pas été battue pour autant : elle a été contenue, ses conquêtes furent limitées, mais importantes. Parmi celles‑ci, il faut intégrer la transformation des rapports sociaux de production en Europe de l'Est, même s'il apparut aux pablistes, et à bien d'autres, que c'était une victoire du stalinisme. Il faut aussi intégrer le fait que le prolétariat européen s'est protégé comme classe. Sans cela, le prolétariat européen, dans son ensemble, eût connu, sous la botte de l'impérialisme américain, le sort (et peut‑être pire) qu'il aurait subi en cas de victoire de l'impérialisme allemand en Europe, et les conquêtes d'Octobre auraient été détruites. Germain‑Mandel, les pablistes de toutes nuances, les “ tiers-mondistes ” et le reste, sont d'infectes menteurs lorsqu'ils affirment que le prolétariat européen a lié son sort à celui de l'impérialisme, comme lorsqu'ils parlent de la croissance des forces productives : c'est par sa lutte de classe, notamment en s'appuyant sur les acquis de la vague révolutionnaire de la fin et de l'issue de la deuxième guerre mondiale impérialiste, que le prolétariat européen ‑ et le prolétariat est la principale force productive ‑ s'est protégé et renforcé comme classe. Sans elle, l'Europe aurait été transformée en une simple colonie de l'impérialisme américain, et le prolétariat européen décomposé, déchu, réduit à sa plus simple expression, détruit. L'impérialisme américain eut fait l'unité de l'Europe à sa manière : en y détruisant les acquis de vingt siècles de civilisation. A l'époque de l'impérialisme, seule la lutte de classe du prolétariat va à l'encontre de la destruction des forces productives.