1965

"(...) de toute l'histoire antérieure du mouvement ouvrier, des enseignements de toute cette première période des guerres et des révolutions, de 1914 à 1938, analysés scientifiquement, est né le programme de transition sur lequel fut fondée la IV° Internationale. (...) Il est impossible de reconstruire une Internationale révolutionnaire et ses sections sans adopter le programme de fondation de la IV° Internationale comme base programmatique, au sens que lui conférait Trotsky dans la critique du programme de l'I.C. : définissant la stratégie et la tactique de la révolution prolétarienne."


Stéphane Just

Défense du trotskysme (1)


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Reconstruire la IV° Internationale

Le programme de la IV° Internationale et l'unité de la lutte des classes mondiale

Le programme de fondation de la IV° Internationale est le produit de l'expérience, scientifiquement analysée, de la première période de l'ère des guerres et des révolutions, qui s'étend de la première guerre impérialiste à la seconde, et où tous les problèmes de la révolution prolétarienne furent posés : ceux d'une révolution victorieuse résultant d'une vague révolutionnaire mondiale, mais isolée et dégénérant ; ceux de la révolution prolétarienne dans les pays capitalistes avancés ; ceux de la révolution dans les pays économiquement arriérés sous la coupe de l'impérialisme. Mais le Programme de transition ordonne toutes ces formes diverses comme des aspects partiels d'un processus général, la révolution prolétarienne mondiale, et exprime leur unité organique comme leur continuité historique. En même temps, il n'isole pas les processus de la lutte des classes de ceux de la conscience. Tout en se gardant de faire du développement de la conscience une chose en soi, située au-­dessus de la lutte des classes, il précise la forme organique sans laquelle elle ne peut se cristalliser : l'Internationale et ses partis. Enfin, c'est du point de vue de la lutte, du combat, qu'il se situe : « Notre tâche n'est pas d'interpréter le monde, mais de le transformer. » C'est pourquoi il n'expose pas une doctrine, mais une stratégie, un programme.

La croissance du capitalisme n'a pas été régulière. La crise de la société bourgeoise n'est pas non plus rectiligne. La première guerre impérialiste manifesta l'impasse du mode de production capitaliste, les forces productives étouffant dans le cadre de la propriété privée des moyens de production et des frontières nationales. Ainsi s'ouvrait l'ère des « guerres et des révolutions » . Le simple fait que Lénine ait défini de cette façon notre époque historique démontre qu'il ne concevait pas la révolution prolétarienne comme un processus rectiligne. La révolution russe, première révolution prolétarienne victorieuse, fut confinée à l'U.R.S.S. et dégénéra, non en raison de conditions purement objectives - elle était un anneau dans la chaîne des révolutions qui ébranlèrent une première fois l'impérialisme à l'issue de la première guerre impérialiste -, mais par suite de l'absence de partis et d'une Internationale capables, en Allemagne et ailleurs, de conduire à la victoire le prolétariat. Il est vrai que l'absence de partis et d'une Internationale révolutionnaires avait des racines historiques dans l'histoire du développement du capitalisme et du mouvement ouvrier. Tout cela n'empêche pas que c'est l'absence de tels partis et d'une telle Internationale qui furent à l'origine de l'isolement de la révolution russe, de sa dégénérescence, et du sursis accordé à l'impérialisme. Aborder la question de cette façon est d'une importance décisive. Ainsi seulement peut être engagée la lutte pour la construction des partis et de l'Internationale. Et c'est bien. ainsi que procédèrent les bolchéviks, sous l'impulsion de Lénine et de Trotsky, en constituant la III° Internationale.

La III° Internationale a été, en fait, la première tentative de constituer l'instrument de la révolution prolétarienne mondiale. N'ayant notamment pas pu conduire à la victoire la révolution allemande, l'instrument se brisa avant que d'être trempé : «  l'arrière-train plombé de la révolution russe  » , pour reprendre l'expression de Trotsky, l'entraîna tout entière dans la dégénérescence. La formation de l'avant-garde révolutionnaire n'est pas, elle non plus, un processus rectiligne.

De la lutte contre la dégénérescence de la III° Internationale devaient naître la IV° Internationale et son programme. La conscience procède de la lutte des classes. Elle n'y est pas liée mécaniquement. Au centre du programme de la IV° Internationale se trouve cette question de la direction révolutionnaire que la III° Internationale n'a pu résoudre. Toute la période ultérieure allait vérifier, aussi bien les conceptions stratégiques du Programme de transition qui reposent sur l'unité de la lutte des classes mondiale, que la nécessité de l'organisation dont la fonction est d'exprimer consciemment cette unité, sans laquelle il ne saurait y avoir de victoires que partielles, nullement décisives, sans cesse remises en question de l'intérieur comme de l'extérieur. Les transformations des structures économiques et sociales des pays d'Europe orientale et de la Chine, le cours des mouvements révolutionnaires dans les pays coloniaux, les fluctuations au cours de ces vingt-cinq années de la lutte des classes dans les pays économiquement développés, l'attestent : «  La crise historique de l'humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire du prolétariat. »


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