1965

"(...) de toute l'histoire antérieure du mouvement ouvrier, des enseignements de toute cette première période des guerres et des révolutions, de 1914 à 1938, analysés scientifiquement, est né le programme de transition sur lequel fut fondée la IV° Internationale. (...) Il est impossible de reconstruire une Internationale révolutionnaire et ses sections sans adopter le programme de fondation de la IV° Internationale comme base programmatique, au sens que lui conférait Trotsky dans la critique du programme de l'I.C. : définissant la stratégie et la tactique de la révolution prolétarienne."


Stéphane Just

Défense du trotskysme (1)


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L’économisme et la théorie de l'état

La révolution politique met à l'ordre du jour les Etats-Unis socialistes d'Europe

La réalité est très différente des conceptions germano-pablistes (ou germano-non pablistes). Même s'il s'est assoupli (et c'est là un sous-produit de la révolution hongroise), le contrôle de la bureaucratie du Kremlin demeure. Le mur de Berlin est l'expression la plus évidente et la plus accentuée des contradictions économiques, sociales et politiques qui s'accumulent en Europe orientale. Aucun des problèmes qui ont été à l'origine des mouvements révolutionnaires de 1953-1956 n'est résolu. Les bureaucraties autochtones, même si elles s'efforcent d'obtenir du Kremlin un meilleur traitement, ne lui sont pas moins indissolublement liées par leur origine et leur histoire. Cela est particulièrement évident dans le cas de l'Allemagne orientale, dont l'économie est bien plus déséquilibrée encore que celle des autres démocraties populaires, à cause de la division de l'Allemagne : le décalage entre les niveaux de vie des ouvriers d'Allemagne orientale et d'Allemagne occidentale, les liens historiques, culturels et humains entre les deux moitiés de l'Allemagne rendent l'oppression bureaucratique insupportable et font du problème de la réunification allemande une question essentielle pour le prolétariat européen.

Mais ce qui s'exprime de façon si aiguë en Allemagne, c'est, en dernière analyse, l'impossibilité de perpétuer la coupure de l'Europe en deux. La conception de l'assimilation structurelle de ces pays à l'U.R.S.S., comprise à la façon de Germain, n'est qu'une rêverie métaphysique : l'Europe orientale n'est pas l'U.R.S.S. et ne saurait le devenir. L'oppression nationale que subissent les peuples d'Europe orientale s'exprime aussi dans le fait que ceux-ci demeurent artificiellement séparés du reste de l'Europe par la bureaucratie du Kremlin, à l'encontre de l'histoire; loin de s'atténuer avec le temps, les effets de cette séparation deviennent de plus en plus intolérables, en raison même du développement économique. Le développement harmonieux des forces productives et la marche vers le socialisme en Europe orientale sont conditionnés par plusieurs facteurs qui se combinent : libre détermination des peuples de ces pays, harmonisation de leurs économies par une planification commune, coopération volontaire sur cette base avec l'U.R.S.S., renaissance des liens économiques, culturels et autres noués par l'histoire avec les autres pays d'Europe - particulièrement, réunification de l'Allemagne !

La victoire de la révolution politique dans ces pays est indispensable à la solution de ces problèmes. Elle jouerait un rôle déterminant dans l'extension de la révolution politique en U.R.S.S., mais aussi de la révolution sociale en Europe, et particulièrement en Allemagne de l'Ouest. De ce point de vue également, elle est capitale pour le développement harmonieux de l'économie de ces pays et leur marche vers le socialisme, étroitement dépendants de la liaison avec l'Europe occidentale. Leur libération de la tutelle de la bureaucratie du Kremlin est décisive, et est une des tâches majeures de la révolution politique dans ces pays - et non leur «  assimilation structurelle  » directe à l'U.R.S.S. Cette question se trouve au cœur du programme de la révolution politique dans ces pays. Les trotskystes doivent lui donner des réponses concrètes. Germain, comme Pablo, s'en garde bien, car, loin d'identifier les pays d'Europe orientale à l'U.R.S.S., un programme authentique de la révolution politique pour ces pays doit commencer par : A bas le partage de l'Europe en zones d'influences ! A bas Yalta  ! A bas Potsdam ! Retrait de toutes forces d'occupation, publication de tous les accords, aussi bien militaires et économiques que politiques ! Pas de diplomatie secrète entre la bureaucratie du Kremlin et l'impérialisme, pas plus qu'entre « états ouvriers ».

Le programme de la révolution politique en Europe orientale doit unir dialectiquement la lutte contre la bureaucratie oppressive du Kremlin à la perspective des Etats-Unis socialistes soviétiques d'Europe. «  L'assimilation structurelle » directe des pays d'Europe orientale à l'U.R.S.S. ne fait que camoufler l'oppression nationale qu'ils subissent, et la subordination à la bureaucratie du Kremlin de ses protagonistes.


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