1894 |
Élaboré par le 10e Congrès national du Parti ouvrier, tenu à Marseille du 24 au 27 Septembre 1892, et complété par le 12e Congrès national du Parti, tenu à Nantes du 14 au 17 Septembre 1894. |
Programme Agricole du Parti Ouvrier Français
Considérant qu'aux termes mêmes du programme général du Parti, " les producteurs ne sauraient être libres qu'autant qu'ils seront en possession des moyens de production ".
Considérant que, si, dans le domaine industriel, ces moyens de production ont déjà atteint un tel degré de centralisation capitaliste qu'ils ne peuvent être restitués aux producteurs que sous la forme collective ou sociale, il n'en est pas de même actuellement, en France du moins, dans le domaine agricole ou terrien, le moyen de production, qui est le sol, se trouvant encore sur bien des points possédé, à titre individuel, par les producteurs eux-mêmes.
Considérant que, si cet état de choses, caractérisé par la propriété paysanne, est fatalement appelé à disparaître, le socialisme n'a pas à précipiter cette disparition, son rôle n'étant pas de séparer la propriété et le travail, mais, au contraire, de réunir dans les mêmes mains ces deux facteurs de toute production, dont la division entraîne la servitude et la misère des travailleurs tombés à l'état de prolétaires.
Considérant que, si au moyen des grands domaines repris à leurs détenteurs oisifs, au même titre que les chemins de fer, mines, usines, etc., le devoir du socialisme est de remettre en possession, sous la forme collective ou sociale, les prolétaires agricoles, son devoir non moins impérieux est de maintenir en possession de leurs lopins de terre, contre le fisc, l'usure et les envahissements des nouveaux seigneurs du sol, les propriétaires cultivant eux-mêmes.
Considérant qu'il y a lieu d'étendre cette protection aux producteurs qui, sous le nom de fermiers et de métayers, font valoir les terres des autres, et qui, s'ils exploitent des journaliers, y sont en quelque sorte contraints par l'exploitation dont ils sont eux-mêmes victimes.
Le Parti ouvrier, qui, à l'inverse des anarchistes, n'attend pas de la misère étendue et intensifiée la transformation de l'ordre social et ne voit de libération pour le travail et pour la société que dans l'organisation et les efforts combinés des travailleurs des campagnes et des villes s'emparant du gouvernement et faisant la loi, a adopté le programme agricole suivant, destiné â coaliser dans la même lutte contre l'ennemi commun, la féodalité terrienne, tous les éléments de la production agricole, toutes les activités qui, à des titres divers, mettent en valeur le sol national.
Article premier – Minimum de salaire fixé par les syndicats ouvriers agricoles et par les conseils municipaux, tant pour les ouvriers à la journée que pour les loués à l'année (bouviers, valets de ferme, etc.) ;
Art. 2. – Création de prud'hommes agricoles ;
Art. 3. – Interdiction aux communes d'aliéner leurs terrains communaux ; amodiation, par l'état, aux communes des terrains domaniaux, maritimes et autres, actuellement incultes; emploi des excédents des budgets communaux à l'agrandissement de la propriété communale ;
Art. 4. – Attribution par la commune des terrains concédés par l'Etat, possédés ou achetés par elle, à des familles non possédantes, associées et simplement usufruitières, avec interdiction d'employer des salariés et obligation de payer une redevance au profit du budget de l'assistance communale ;
Art. 5. – Caisse de retraite agricole pour les invalides et les vieillards, alimentée par un impôt spécial sur les revenus de la grande propriété ;
Art. 6. – Organisation, par canton, d'un service gratuit de médecine et d'un service de pharmacie à prix de revient ;
Art. 7. Indemnité, pendant les périodes d'appel, aux familles des réservistes, à la charge de l'Etat, du département et de la commune ;
Art. 8. – Achat par la commune, avec le concours de l'Etat, de machines agricoles, ou location de ces machines, mises gratuitement à la disposition des petits cultivateurs ; création d'associations de travailleurs agricoles pour l'achat d'engrais, de drains, de semences, de plants, etc., et pour la vente des produits ;
Art. 9. – Suppression des droits de mutation pour les propriétés au-dessous de 5.000 francs ;
Art. 10. Abolition de tous les impôts indirects et transformation des impôts directs en un impôt progressif sur les revenus dépassant 3.000 francs ; en attendant, suppression de l'impôt foncier pour les propriétaires cultivant eux-mêmes et diminution de cet impôt pour ceux dont la terre est grevée de dettes hypothécaires ;
Art. 11. – Réduction du taux légal et conventionnel de l'intérêt de l'argent ;
Art. 12. Abaissement des tarifs de transports pour les engrais, les machines et les produits agricoles ;
Art. 13. – Réduction par des commissions d'arbitrage, comme en Irlande, des baux de fermage et de métayage, et indemnité aux fermiers et aux métayers sortants pour la plus-value donnée à la propriété ;
Art. 14. – Suppression de l'article 2102 du Code civil donnant aux propriétaires privilège sur la récolte et suppression de la saisie-brandon, c'est-à-dire des récoltes sur pied ; constitution pour le cultivateur d'une réserve insaisissable comprenant tes instruments aratoires, les quantités de récoltes, fumiers et têtes de bétail indispensables à l'exercice de son métier ;
Art. 15. – Révision du cadastre et, en attendant la réalisation de cette mesure générale, révision parcellaire par les communes ;
Art. 16. – Mise à l'étude immédiate d'un plan de travaux publics, ayant pour objet l'amélioration du sol et le développement de la production agricole ;
Art. 17. – Liberté de la chasse et de la pêche, sans autre limite que les mesures nécessitées pour la conservation du gibier et du poisson et la préservation des récoltes ; – interdiction des chasses réservées et des gardes-chasse ;
Art. 18. – Cours gratuits d'agronomie et champs d'expérimentation agricoles.
AUX TRAVAILLEURS DES CAMPAGNES
Travailleurs, depuis bientôt 50 ans nous possédons le suffrage universel, et depuis tantôt 30 ans, nous sommes en République, et la République qui devait être le bien de tous n'appartient qu'aux grands propriétaires, aux gros industriels et commerçants et aux riches financiers ; si cela est ainsi, c'est qu'au lieu de choisir des cultivateurs pour vous représenter à la Chambre des députés, vous avez nommé de grands propriétaires.
Qu'est-il arrivé ? C'est que la République, au lieu d'être gouvernée par des ouvriers et par des cultivateurs et de faire le bonheur de tous ceux qui travaillent, a été gouvernée par des propriétaires et des capitalistes ; ces messieurs ont fait les lois à leur seul avantage,
Tous les impôts qu'ils ont votés ont été mis sur les travailleurs qui paient toujours et ne reçoivent jamais rien.
Quand les députés du Parti socialiste demandent des secours pour les travailleurs, le Gouvernement répond qu'il n'y a pas d'argent pour eux ; cependant, les députés propriétaires et capitalistes trouvent toujours des centaines de millions pour les riches Compagnies de chemins de fer et pour les expéditions au Tonkin et à Madagascar.
Les députés propriétaires et capitalistes sont tous membres des Conseils d'administration ou actionnaires des Compagnies de chemins de fer, de mines et autres sociétés financières. Les agents de ces sociétés vont dans les campagnes ramasser vos épargnes en vous faisant des promesses mensongères; et souvent ces sociétés finissent comme le Panama, en ruinant les malheureux qui avaient été assez naïfs pour leur confier leurs économies.
Le Panama, qui a été la plus gigantesque des escroqueries, avait été vanté par les journaux capitalistes ; des curés et des vicaires plaçaient des actions et recevaient 20 francs par titre qu'ils vendaient.
Les députés propriétaires et capitalistes récoltent de si gros bénéfices à soutenir les voleurs de la finance, que lorsqu'un député radical-socialiste, le citoyen Raspail, proposa de défendre aux députés et aux sénateurs d'appartenir aux sociétés financières, sa proposition fut repoussée à une énorme majorité. Le Parti ouvrier est le seul Parti en France qui interdise à ses élus de faire partie d'une société financière quelconque,
Les députés qui devraient vous protéger contre les fabricants et les marchands qui achètent vos produits agricole, les laissent tranquillement s'entendre entre eux pour fixer au-dessous de leur valeur les prix qu'ils vous donnent pour vos grains, vos raisins, vos vins, vos betteraves et vos bestiaux.
Pendant que les députés, que vous avez élus trahissent vos intérêts, l'hypothèque et les dettes vous dévorent ; la concurrence des grands propriétaires qui peuvent employer les machines et qui possèdent des capitaux pour faire de la culture intensive, vous ruine ; aussi, le nombre des petits propriétaires diminue tous les jours et leurs terres vont grossir la propriété des riches. Aujourd'hui, en France, 29.000 gros propriétaires ont accaparé la moitié des terres cultivables, c'est-à-dire 12.000.000 d'hectares, tandis que 7.000.000 de petits propriétaires se partagent l'autre moitié ; et ce sont ces 29.000 gros propriétaires qui font la loi aux 7.000.000 de petits propriétaires qui restent encore.
Ces petits propriétaires sont chassés tous les jours de leurs propriétés, et il leur arrive bien souvent d'être forcé, pour gagner leur vie, de cultiver pour un gros propriétaire la terre qu'ils possédaient de père en fils depuis des générations.
Il est temps que vous, les travailleurs de la terre, vous cessiez ce rôle de dupe ; il est temps que vous nommiez les députés qui défendent vos intérêts.
Travailleurs des campagnes, étudiez le programme agricole qui a été voté dans les Congrès du Parti ouvrier, discutez-le entre vous, complétez-le si vous croyez qu'il ne contient pas toutes les réformes dont vous avez besoin et imposez-le à vos députés et aux candidats qui demandent vos suffrages. Ce n'est qu'en vous occupant vous-mêmes de vos intérêts que vous obligerez le Gouvernement à faire quelque chose pour vous, et que de la République des capitalistes, vous ferez la République des travailleurs.
COMMENTAIRES DU PROGRAMME AGRICOLE
ARTICLE PREMIER. – Minimum de salaire fixé par les syndicats ouvriers agricoles et par les conseils municipaux, tant pour les ouvriers à la journée que pour les loués à l'année (bouviers, valets de fermes, filles de fermes, etc.)
L'ouvrier des champs qui ne possède pas un pouce de terre, sait combien la vie est durci et difficile, combien il faut travailler pour gagner bien peu ! Si encore l'on pouvait avoir de l'ouvrage tous les jours de l'année, il n'y aurait que demi-mal ; mais non. Pendant des semaines et des mois, impossible de se livrer aux travaux de la culture ; il faut chômer, il faut rester à rien faire en s'endettant chez le boulanger, ou il faut abandonner les siens et aller à la ville, bien loin, chercher du travail qu'on ne trouve pas toujours.
Le travailleur, pourtant, devrait, pendant la bonne saison, gagner de quoi vivre et faire vivre sa famille durant toute l'année c'est ça le minimum de salaire que demande, pour lui, le Parti ouvrier.
Ce salaire minimum serait établi par les Conseils municipaux et les syndicats ouvriers agricoles, là où il serait possible d'en créer.
Ce ne serait que justice. Quand les grands propriétaires trouvent qu'ils ne peuvent affermer leurs terres à de bons prix, ils font mettre des droits protecteurs sur Ie vin, le blé, le bétail : ces droits ne profitent qu'à eux et non aux fermiers, aux métayers et aux travailleurs loués à l'année ou à la journée. La journée des bûcherons et celte des laboureurs n'a pas augmenté quoique les droits d'entrée aient permis de vendre plus cher le bois et le blé.
Ce que l'on fait pour le profit des grands propriétaires, le Parti ouvrier veut qu'on le fasse pour le salaire des journaliers, des bouviers, des valets de fermes, des filles de fermes et des autres prolétaires agricoles, au nombre de 3 millions et demi.
Mais pour cela, il faut que les cultivateurs s'unissent aux ouvriers des villes pour envoyer des leurs dans les Chambres et fonder la République du travail.
ART 2. – Création de Prud'hommes agricoles.
Un Conseil de Prud'hommes est un tribunal composé par moitié de patrons et d'ouvriers. Les patrons élisent les prud'hommes patrons et les ouvriers les prud'hommes ouvriers.
Quand un différend se produit entre un ouvrier et un patron sur une question de salaire ou de travail les deux parties vont devant le tribunal des prud'hommes, qui prononce entre eux. Chacun expose ses raisons. L'ouvrier voyant devant lui pour le juger des camarades d'atelier, n'a pas peur de parler, sûr qu'il est de trouver des défenseurs et d'obtenir justice s'il a été lésé. L'ouvrier n'a pas d'avocat ni de frais à payer.
Ce qui est bon pour le travailleur des villes est bon également pour le travailleur des campagnes; c'est pourquoi le Parti ouvrier demande que l'on installe, dans chaque commune, un Conseil de prud'hommes nommé par les propriétaires, fermiers ou métayers d'une part et par les ouvriers agricoles de l'autre. Ce conseil siégerait tous les dimanches et plus souvent si c'était nécessaire.
Employés et employeurs leur soumettraient leurs contestations. Etant composé d'hommes au courant de tout ce qui a rapport à la culture, le tribunal arbitral résoudrait toutes les difficultés sans perte de temps et sans dépense d'argent.
ART. 3. – Interdiction aux communes d'aliéner leurs terrains communaux ; amodiation par l'Etat aux communes des terrains domaniaux, maritimes et autres actuellement incultes ; emploi des excédents des budgets communaux à l'agrandissement de la propriété communale.
Les biens communaux sont les biens de ceux qui n'en ont pas. Là où ils existent en assez grande quantité, comme par exemple dans les Pyrénées, tous les habitants, quelque pauvre qu'ils soient, pourvu qu'ils possèdent une étable, peuvent avoir moutons, vaches, cochons, qui vent pâturer sur les prairies communales. Dans certaines communes il y a un berger communal, c'est-à-dire payé par la commune, qui est chargé de mener paître dans la montagne le bétail de chacun et de tous. D'autres communes possèdent des forêts qui fournissent du bois de chauffage et même de construction à tous les habitants.
Autrefois, toutes les communes possédaient de grands biens communaux qui aidaient le pauvre monde à vivre ; la vache, les porcs, et les moutons nourris sur les terres communales procuraient à la famille du cultivateur de la laine que les femmes filaient, du lait, du beurre, du fromage et de la viande.
Depuis longtemps on fait tout au monde pour détruire les biens communaux, aussi beaucoup de communes n'en possèdent-elles plus miette,
Le Parti ouvrier reconnaissant toute l'utilité des terrains communaux pour le bien-être des petits cultivateurs et des pauvres, veut que l'Etat s'oppose à leur suppression, là où il en existe encore, et que l'on en crée là où il n'en existe pas. A cet effet, il demande que les excédents des budgets communaux soient employés à agrandir la propriété communale.
La Parti ouvrier demande, de plus, que là où l'Etat possède des biens domaniaux et dos terrains incultes, comme sur les bords de la mer, au lieu de les louer à des capitalistes pour des prix ridicules, il les cède aux communes, qui les transformeraient en biens communaux.
ART. 4. – Attribution par la commune de terrains concédés par I'Etat, possédés ou achetés par elle, à des familles non possédantes, associées et simplement usufruitières, avec interdiction d'employer des salariés et obligation de payer une redevance au profit du budget de l'assistance communale.
Le Parti ouvrier demande que les terrains possédés par la commune ou concédés par l'Etat, là où ils peuvent être mis en culture, soient cultivés sous le contrôle de la commune par des associations de familles pauvres, qui se partageraient entre elles les récoltes d'après la quantité de travail fourni par chacune; en abandonnant toutefois une partie à déterminer au profit du budget de l'assistance communale.
Ce que le Parti ouvrier réclame est en voie de réalisation partielle à Narbonne où, sur la proposition du maire Ferroul, membre du Conseil national du Parti ouvrier, le Conseil municipal socialiste a décidé de céder une certaine quantité des terrains communaux à des familles non possédantes, pour les planter en vignes.
Dans d'autres communes, les familles associées que l'on installerait sur ces terres défrichées pourraient y faire venir du blé, des légumes, suivant le climat et la nature du sol.
Les travailleurs des campagnes comprendront, sans qu'on leur en dise davantage, quelle importance auraient pour leur bien-être les biens communaux, s'ils étaient considérables, et s'ils étaient mis en valeur comme le propose le Parti ouvrier.
ART. 5. – Caisse de retraites agricole pour les invalides et les vieillards, alimentée par un impôt spécial sur les revenus de la grande propriété.
Quand les laboureurs et les ouvriers agricoles, après une vie de pénibles travaux et de continuelles privations, arrivent à la vieillesse, ils se trouvent sans ressources et perclus de rhumatismes. Après avoir nourri les autres ils sont plongés dans la plus affreuse misère et réduits à mendier leur pain.
Ils sont, sous ce rapport, plus malheureux encore que les ouvriers des mines et les employés de l'Etat et des chemins de fer qui, eux, ont des caisses de retraite leur permettant de ne pas mourir complètement de faim, quand ils sont estropiés ou trop âgés pour gagner leur vie.
Le travailleur de la terre n'a jamais vu personne s'intéresser à son triste sort et s'occuper d'assurer sa vieillesse contre le besoin. Le Parti ouvrier, qui prend toujours la défense des pauvres et des opprimés, entend faire constituer par l'Etat une caisse de retraites agricole qui allouerait au moins deux francs par jour aux invalides et aux vieillards.
Le gouvernement, à la veille des élections de 1893, a bien proposé la création d'une caisse de retraites pour tous les travailleurs, mais son projet n'était qu'une manœuvre destinée à faire voter pour les candidats officiels.
Il veut que ce soit les ouvriers des villes et des campagnes qui fournissent en grande partie les fonds de cette caisse. Comment tee laboureurs et les journaliers pourraient-ils trouver l'argent nécessaire, eux qui gagnent à peine de quoi vivre et à qui il ne reste jamais un sou à mettre de côté ? Et puis cette caisse du gouvernement ne serait que pour l'avenir ; ce ne serait que dans des 20 et 30 ans qu'elle commencerait à distribuer des pensions ; les nécessiteux d'aujourd'hui auraient le temps de mourir cent fois de misère.
Le Parti ouvrier n'entend pas ainsi la caisse de retraites : au lieu de demander aux pauvres de la remplir avec leurs sous, il veut que l'Etat la remplisse immédiatement avec les pièces de cinq francs des grands propriétaires, sur lesquels on mettrait un impôt spécial. On pourrait, de la sorte, secourir de suite les invalides et les vieillards. Cet impôt serait le plus juste de tous puisque les ouvriers agricoles, quand ils sont jeunes et vigoureux, se tuent au travail pour faire produire les terres des grands propriétaires, il est de toute justice que lorsqu'ils sont vieux et perclus de douleurs, ils soient secourus par ceux qu'ils ont enrichis.
ART. 6. – Organisation par canton d'un service gratuit de médecine et d'un service de pharmacie à prix de revient.
Il ne suffit que de lire cet article pour en comprendre l'importance.
Le Parti ouvrier a demandé davantage. Le citoyen Lafargue déposa à la Chambre des députés, en 1893, un projet de loi réclamant une indemnité pour les femmes et filles mères un mois avant et un mois après leurs couches.
Les socialistes considèrent que la femme qui met au mobile un enfant, remplit un devoir social et doit être récompensée. Les députés, gros propriétaires et capitalistes repoussèrent le projet de loi du député socialiste, sous prétexte qu'il n'y avait pas d'argent pour les femmes et les enfants de France, ce qui ne les empêcha pas de trouver, cette année-là, 106 millions pour les riches actionnaires des chemins de fer.
ART. 7. – Indemnité, pendant la période d'appel, aux familles des réservistes, à la charge de l'Etat, du département et de la commune.
L'Etat, tous les ans, appelle sous les drapeaux, pendant 28 et 13 jours, des travailleurs, sans s'occuper si leurs femmes et leurs enfants ont de quoi manger pendant ce temps, lorsqu'ils reviennent de l'armée, il retrouvent leur place dans l'atelier, qui est souvent occupée par d'autres.
Les gros propriétaires et les capitalistes, qui parlent toujours de patriotisme, devraient au moins songer aux défenseurs de la patrie et les indemniser des pertes qu'ils subissent pendant les périodes d'appel : mais ils se moquent bien de cela.
ART. 8. – Achat par la commune, avec le concours de l'Etat, des machines agricoles, ou location de ces machines, mises gratuitement à la disposition des petits cultivateurs. – Création d'associations de travailleurs agricoles pour l'achat d'engrais, de drains, de semences, de plants, etc., et pour la vente des produits.
Les petits propriétaires ne sont pas assez riches pour acheter les machines agricoles et leurs terres ne présentent pas assez d'étendue pour qu'ils puissent en faire l'achat, alors même qu'ils en auraient les moyens [1]. Ils sont obligés, soit de louer très cher les machines, juste au moment où ils en ont besoin, soit de demander au travail des bras ce que le grand propriétaire obtient, à bien meilleur marché, de la machine.
Ce que le petit propriétaire, livré à ses propres forces, ne saurait faire, la commune le pourrait le Parti ouvrier demande que chaque commune achète, avec le concours de l'Etat, selon les besoins de sa culture, une série de machines agricoles, qu'elle mettrait à la disposition des petits propriétaires.
Les cultivateurs sont toujours volés par les marchands qui leur vendent des engrais, des semences, des plants, pour renouveler leurs vignes, des tuyaux pour drainer leurs terres, etc. Le Parti ouvrier demande qu'on les encourage à imiter les grands propriétaires et se former en syndicats qui, achetant en gros, obtiendraient meilleure qualité et meilleur prix.
Ces syndicats de petits cultivateurs pourraient également se charger de la vente de leurs récoltes et de leur bétail, qui seraient alors vendus dans de meilleures conditions qu'ils ne le sont aujourd'hui.
Et, en attendant, le Parti ouvrier demande que l'État et la commune appointent des fonctionnaires pour surveiller les ventes afin d'empêcher les cultivateurs d'être volés, comme le sont les cultivateurs de betteraves par les fabricants de sucre.
Les municipalités agricoles pourraient, de leur côté, servir d'intermédiaire soit pour l'achat des semences, engrais, etc., soit pour la vente des produits, en traitant dans ce dernier cas, directement avec les municipalités urbaines, ainsi que le demandait l'élu du Parti ouvrier, le citoyen Paul Lafargue.
ART. 9. – Suppression des droits de mutation pour les propriétés au-dessous de 3.000 francs.
Les petits cultivateurs acquittent la plus grosse partie des impôts, sans en tirer aucun bénéfice. Par exemple, ils paient pour l'entretien des routes plus que le grand propriétaire, alors que ce ne sont pas eux qui abîment les routes défoncées par les charrettes lourdement chargées des grands propriétaires.
L'impôt est impitoyable pour les petits ; sous prétexte d'égalité, il les frappe d'autant plus qu'ils possèdent moins de ressources. Un cultivateur qui acquiert ou reçoit en héritage une petite propriété d'une couple de cent francs est obligé de payer proportionnellement autant de droits qu'un richard qui se rend acquéreur ou hérite d'une propriété de plusieurs centaines de mille francs. Car les droits de mutation et de succession sont égaux pour le riche comme pour le pauvre.
Les actes qui constatent une mutation de propriété sont soumis à un droit de 4 % plus 1,5 % de droit de transcription, ce qui fait 5,50 frs. pour chaque cent francs. Mais 5,50 frs. pour cent constituent une toute petite somme pour celui qui possède des centaines de mille francs, tandis qu'ils représentent une forte dépense pou celui qui n'a que quelques mille francs et qui, trop souvent, achète à crédit. C'est de l'égalité à rebours que de faire payer le pauvre autant que le riche.
Le Parti ouvrier, qui veut établir la vraie égalité, demande que l'on supprime les charges qui pèsent sur les petits cultivateurs, en commençant par les droits de mutation entre vifs et de succession pour les propriétés d'une valeur inférieure à 5.000 francs.
En Allemagne, les successions qui ne dépassent pas 187 francs ne paient pis de droit : en France, si on hérite, ne fût-ce que d'une étable à cochons valant cinquante ou vingt-cinq francs, il faut payer un droit à l'Etat [2].
Le Parti ouvrier réclame, pour les petits propriétaires, ce que les socialistes ont déjà réussi à établir dans beaucoup de villes pour les petits loyers qui ont été exemptés de la cote mobilière et personnelle.
ART. 10. Abolition de tous les impôts indirects et transformations des impôts directs en un impôt progressif sur les revenus dépassant 3.000 francs. – en attendant la suppression de l'impôt foncier pour les propriétaires utilisant eux-mêmes, et diminution de cet impôt pour ceux dont la terre est grevée de dettes hypothécaires.
L'impôt indirect prélevé sur les objets de consommation est un moyen da plumer le travailleur sans le faire crier et de l'obliger, sans qu'il s'en doute, à subvenir aux dépenses qu'occasionnent la protection des biens des grands propriétaires. En effet, quand le cultivateur achète une livre de sucre ou de café, il ignore ou oublie que plus de la moitié de la somme qu'il donne à l'épicier est un impôt : s'il grommelle pour les douze et quarante sous qu'il doit débourser, il ne pense pas à maudira les députés gros propriétaires et capitalistes qui ont mis des impôts sur le sucre, le café et les autres objets de consommation.
Le Parti ouvrier qui tient à ce que le travailleur se rende compte de tous les impôts qu'il paie, demande à ce que tous les impôts indirects soient convertis en impôts directs et que ceux-ci soient exclusivement mis sur les propriétaires et les capitalistes qui ont un revenu dépassant 3.000 francs. Jusqu'ici la masse des impôts a pesé sur les travailleurs, sans qu'ils le sachent; grâce au système des impôts indirects ; c'est le tour des riches d'abandonner une partie de leur superflu et de payer pour les pauvres : ce n'est que justice, puisque c'est le travail du pauvre monde qui fait vivre les gros propriétaires et les capitalistes dans l'abondance.
Le citoyen Jaurès, au nom du Parti socialiste, a demandé à la Chambre des députés que les petits propriétaires qui cultivent eux-mêmes leurs champs fussent déchargés de l'impôt foncier, parce qu'à peine s'ils peuvent vivre avec ce qu'ils font produire à leurs petits biens.
L'impôt foncier a été cause de ruine pour les petits propriétaires dans les pays ravagés par le phylloxéra ; ces malheureux ne récoltaient plus une seule grappe de raisin et cependant ils étaient obligés de payer l'impôt foncier quand ils n'avaient pas d'argent, ils étaient forcés de vendre leurs terres pour s'acquitter envers le fisc. Il ne s'est pas trouvé un seul député capitaliste pour demander la suspension de l'impôt foncier des terres phylloxérées, car ça faisait l'affaire des gros propriétaires et des financiers qui achetaient pour rien les biens que les vignerons vendaient à n'importe quel prix.
ART. 11. – Réduction du taux légal et conventionnel de l'intérêt de l'argent.
Les gros propriétaires qui réclament toujours le crédit agricole dont ils seraient seuls à bénéficier, n'ont jamais songé à demander l'abaissement du taux légal de l'intérêt. C'est un député, socialiste, le citoyen Rouanet, qui le fit en 1893 : puisque le gouvernement, les Etats étrangers et les sociétés financières, dit-il, peuvent trouver en France à emprunter à 3 % autant de millions qu'ils le désirent, le moment est venu d'abaisser le taux légal de l'intérêt qui est de 6 % pour les prêts commerciaux et de 5 % pour les prêts entre particuliers. Mais cet abaissement ne ferait pas la joie dos gros propriétaires et de leurs compères, messieurs les usuriers, qui font payer au petit cultivateur 6 % l'argent qu'ils leur prêtent, tandis qu'ils l'empruntent à 3 et 3,1 %
L'argent est tellement abondant que les capitalistes ne savent où le placer ; ils sont en ce moment en train de l'expédier dans le Transvaal, au sud de l'Afrique ; ils out envoyé onze milliards en Russie, Quand le gouvernement russe qui depuis des années, n'équilibre son budget qu'avec des emprunts contractés à l'étranger, ne trouvera plus à emprunter, et cela arrivera fatalement il sera obligé de faire banqueroute : il y aura alors une crise financière dans toute l'Europe. Les petits propriétaires et les petits capitalistes qui, trompés par les réclames patriotiques des brigands de la finance, ont mis leurs épargnes dans les fonds russes, comprendront alors combien les socialistes étaient prudents et clairvoyants quand ils se déclaraient courageusement les ennemis du Czar, dont le gouvernement despotique torture le peuple russe et vole le peuple français.
ART. 12. – Abaissement des tarifs de transport pour les engrais, les machines et les produits agricoles.
Les gros propriétaires, sous le faux prétexte de protéger l'agriculture, ne s'occupent que de mettre des droits d'entrée sur le blé, le vin et autres objets de nourriture ; ces droite qui font augmenter le prix de vente de ces objets, ne profitent pas aux petits cultivateurs qui sont obligés d'en acheter pour vivre, ni aux fermiers car s'ils vendent plus cher leurs blés, les gros propriétaires augmentent leurs baux ; eux seuls tirent profit de ces tarifs. Mais les grands propriétaires qui veulent que l'on vende le pain cher ne se sont jamais remués pour obtenir le bon marché des transports sur les chemins de fer, afin de faire profiter les petits cultivateurs des avantages dont jouissent les gros expéditeurs. Ce qui serait autrement utile à l'agriculteur, car cela permettrait aux cultivateurs de payer bien moins cher pour le transport de leurs engrais et de leurs produits ; ils pourraient entrer en concurrence avec les gros expéditeurs et tout en gagnant davantage vendre et acheter à meilleur marché.
Mais les grands propriétaires qui sont actionnaires des chemins de fer ne veulent pas diminuer leurs profits, ni nuire au commerce des gros expéditeurs ; ces messieurs ne sont que les domestiques des financiers panamistes et des commerçants qui exploitent les cultivateurs et volent leurs épargnes.
ART. 13. – Réduction, par des commissions d'arbitrage, comme en Irlande, des baux de fermage et de métayage, et indemnité aux fermiers et aux métayers sortants pour la plus-value donnée à la propriété.
Dans la monarchique Angleterre, il n'y a que quelques années, on a dû instituer des commissions d'arbitrage, devant lesquelles les fermiers irlandais ont été appelés à produire leurs réclamations. Et lorsqu'ils ont pu établir, soit qu'ils ont été victimes de mauvaises récoltes successives, soit que le taux auquel ils avaient affermé était exagéré, ils ont vu leurs baux révisés et réduits quelquefois de moitié.
Le Parti ouvrier demande que la République intervienne de la même façon au profit des fermiers français pour les empêcher de se ruiner en enrichissant les fainéants de la grande propriété. Il préconise, à cet effet, la formation dans tous les départements, de semblables commissions qui seraient composées de cultivateurs et d'un juge de paix.
Leur réaction est d'autant plus nécessaire que bien souvent les fermiers, pour ne pas rester inoccupés, ou par la concurrence acharnée qu'ils se font entre eux, sont entraînés à payer bien au-delà de leur valeur les terres qu'ils font valoir.
Le métayer et le fermier, d'autre part, sont obligés, pour cultiver la terre qu'ils ont prise à bail, de faire des dépenses en engrais, en travaux de drainage et de constructions, en plantations, etc. Et quand le bail expire, toutes ces améliorations faites à prix d'argent et de travail retournent au propriétaire qui n'a pas dépensé un sou, ni remué une pelletée de terre ; il en profite pour affermer plus cher.
Le Parti ouvrier demande que l'on crée dans tous les départements, des commissions qui seraient chargées d'évaluer les plus-values réalisées pendant le contrat de louage de la terre et de forcer le propriétaire à en tenir compte au fermier ou au métayer sortant.
ART. 14. – Suppression de l'article 2102 du code civil donnant aux propriétaires un privilège sur la récolte et suppression de la saisie-brandon, c'est-à-dire des récoltes sur pied ; restitution pour le cultivateur d'une réserve insaisissable comprenant les instruments aratoires, les quantités de récoltes, de semences, fumiers et têtes de bétail indispensables à l'exercice de son métier.
L'article 2102 du Code civil, dont le Parti ouvrier demande la suppression, donne au propriétaire le droit d'un roi de l'ancien régime sur tous les biens de son fermier ou son locataire, sur les fruits de la récolte de l'année, sur le prix de tout ce qui garnit la maison ou la ferme et de tout ce qui sert à l'exploitation de la ferme.
Personne, dans la Société, ne possède un droit aussi absolu que le propriétaire: un créancier ordinaire ne peut saisir les biens de son débiteur qu'après avoir obtenu un jugement contre lui.
Le propriétaire, sans aucun jugement, peut saisir tous les meubles qui garnissent la maison ou la ferme même lorsqu'ils sont sortis de chez lui, pendant quarante jours s'il s'agit du mobilier qui garnissait une ferme, et pendant quinze, s'il s'agit des meubles garnissant une maison.
Son droit est si absolu qu'il peut saisir et faire vendre les meubles et instruments qui n'appartiennent pas à son fermier, mais qui lui sont prêtés ou vendus à crédit.
Tant que cet article ne sera pas abrogé, le fermier touera difficilement du crédit, car il ne peut offrir de garanties au préteur, puisque le propriétaire commence par se payer, avant tout autre créancier sur la récolte, les meubles et les instruments d'exploitation de la ferme.
La saisie-brandon est un autre droit qu'il n'est pas moins important d'abolir dans l'intérêt des cultivateurs, car un créancier porteur d'un titre exécutoire peut saisir dans les six semaines qui précèdent leur maturité les fruits pendants par racines, tels que blés, raisins, foins, légumes, en un mot toutes les récoltes de son débiteur et ne lui rien laisser pour vivre et faire vivre sa famille. C'est le dépouillement complet.
Le Parti ouvrier, afin de sauver d'une pareille ruine et de protéger le petit propriétaire contre l'usurier, et le fermier et le métayer contre Ie grand propriétaire, demande dans cet article de son programme agricole qu'on constitue au profit du cultivateur une réserve insaisissable comprenant les instruments aratoires, les machines, les quantités de récoltes, de semences, de fumier et de têtes de bétail indispensables à son existence et à l'exercice de son métier.
ART. 15. – Révision du cadastre et, en attendant la réalisation de cette mesure générale, révision parcellaire par les communes.
Depuis des années on réclame en vain la révision du cadastre qui, cependant, serait urgente pour une équitable répartition de l'impôt foncier.
Lorsqu'on a dressé le cadastre, il y a plus de quatre-vingt ans, beaucoup de terrains étaient boisés, incultes ou considérés impropres à toute culture, qui sont aujourd'hui déboisés et en plein et bon rapport. Et cependant ils ne paient pas d'impôt ou acquittent des impôts dérisoires.
La révision générale du cadastre, nous le savons, demanderait des années et coûterait des millions, mais ce n'est pas une raison pour ne pas l'entreprendre. En attendant, ce qu'il faut exiger, c'est que la commune procède, comme la loi l'y autorise, à une révision parcellaire des terres comprises dans son périmètre afin de rectifier l'assiette des impôts et de dégrever par conséquent les petits cultivateurs si lourdement et si injustement imposés.
ART. l6. – Mise à l'étude immédiate d'un plan de travaux publics ayant pour objet l'amélioration du sol et le développement de la production générale.
Les députés propriétaires et capitalistes votent des expéditions coloniales au Tonkin, à Madagascar, qui sont des expéditions de brigands, où l'on gaspille des millions et où l'on fait mourir des milliers de paysans et d'ouvriers, déguisés en soldats. Ces millions pourraient être consacrés utilement à de grands travaux pour améliorer le sol et développer l'agriculture, tels que reboisement des montagnes, construction d'aqueducs, créations de vastes réservoirs, où l'eau serait emmagasinée pour être distribuée aux époques de sécheresse, etc.
ART. 17. – Liberté de la chasse et de la pêche, sans autre limite que les mesures nécessitées par la conservation du gibier et du poisson et la préservation des récoltes ; interdiction des chasses réservées et des gardes-chasse.
Un des plus grands griefs des paysans contre les nobles avant la Révolution, a été l'impossibilité de chasser et surtout les ravages causés par le gibier dans les moissons. Ce grief fut exploité très habilement par la bourgeoisie pendant la Révolution. On sait que Robespierre s'élevait même "contre le principe qui restreignait le droit de chasser aux propriétaires seulement " et voulait "la liberté illimitée de la chasse en prenant toutefois les mesures nécessaires pour la conservation des récoltes et pour la sécurité publique". Après le 11 août 1789 tout le monde avait le droit de chasser. Et la bourgeoisie fut elle-même obligée longtemps de revendiquer ces droits pour les paysans, qui la soutenaient durant la Restauration dans sa lutte contre les grands propriétaires.
Mais aujourd'hui, les bourgeois, gros propriétaires, s'entendent avec les anciens nobles pour interdire la chasse à tous ceux qui ne possèdent pas de grands biens. Pour préserver le gibier de leurs réserves et de leurs chasses gardées, ils ont organisée une gendarmerie privée composée de gardes assermentés qui font de vrais procès et même de faux, et sont toujours prêts à tirer des coups de fusils sur les chasseurs qui leur échappent.
Les bourgeois d'avant la révolution démontraient que le gibier appartenait à tout le monde, parce qu'il se nourrissait sur les terres de tout le monde ; maintenant que les capitalistes ont accaparé des centaines et des milliers d'hectares, ils disent que le gibier ne doit appartenir qu'aux grands propriétaires ; et tant pis pour les cultivateurs dont il mange les semailles et abîme les récoltes.
ART.18. – Cours gratuits d'agronomie et champs d'expérimentation agricoles.
Le cultivateur doit aujourd'hui être un homme instruit pour connaître les engrais chimiques et la manière de les employer d'après la qualité des terres et des cultures, pour connaître les meilleures semences, celles qui donnent le plus fort rendement et qui sont les mieux appropriées à la nature du climat et du sol ; il a besoin d'être aussi tenu au courant des nouvelles machines agricoles et de leur maniement.
Le Parti ouvrier demande qu'il y ait, dans chaque département, plusieurs professeurs d'agronomie qui parcourraient les communes, les unes après les autres, pour instruire les cultivateurs des derniers résultats de science culturale et des perfectionnements de la mécanique agricole. Les instituteurs et les institutrices seraient invités à suivre ces cours agronomiques afin de pouvoir renouveler l'enseignement du professeur après son départ ; la commune et le département, pour les récompenser de ce surcroît de travail, élèveraient leur modique traitement.
Le Parti ouvrier demande également l'établissement, dans chaque département, d'un ou plusieurs champs d'expérimentation pour l'instruction pratique : on y essaierait les cultures, les semences et les plants nouveaux, ainsi que les engrais chimiques ; on y enseignerait la taille et la conduite des arbres fruitiers et la culture maraîchère.
Notes
[1] Les petits propriétaires (de 1 à 5 hectares) sont au nombre de sept millions trois cent mille, et ils ne possèdent à eux tous que 11 millions d'hectares, en chiffre rond, alors que 23.000 gros propriétaires en possèdent plus d'un million.