Paru dans le Bulletin communiste n°1 (23 octobre 1925). |
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Exclus mais communistes
Il ne se trouva qu'une poignée d'hommes, en 1914, pour tenir contre le déchaînement du chauvinisme bourgeois et ouvrier, l'abdication de l'Internationale, la faillite du socialisme, du syndicalisme et de l'anarchisme, l'affaissement de la solidarité internationale du prolétariat.
Il ne se trouva qu'une poignée de révolutionnaires, en 1917, pour soutenir le bolchevisme honni et traqué, lui témoigner une sympathie agissante avant sa victoire, lui demeurer fidèles aux heures les plus sombres.
Il ne se trouve aujourd'hui, dans la crise du communisme international, qu'une poignée d'irréductibles pour maintenir l'esprit vital de la critique marxiste, continuer la tradition vivante du communisme, affermir la conscience prolétarienne dans sa fierté de classe - contre les déviations de l'organisation révolutionnaire, contre l'abandon des intérêts généraux du prolétariat au profit de coteries bureaucratiques, contre les dangers mortels de l'aventurisme, du servilisme, et de la corruption.
La tâche est ingrate - et rude le quart d'heure. Les initiateurs de la résistance et du mouvement salutaires sont submergés d'outrages. La classe ouvrière, encore une fois trompée, ne reconnaît plus les siens. Mais les hommes du prolétariat et de la révolution en ont vu d'autres. Ils tiennent. La certitude du devoir accompli les anime, la conviction de servir immuablement la même cause et d'être armés de vérités communistes vérifiées les fortifie. S'ils ont eu besoin, en 1914 et en 1917, “ d'espérer pour entreprendre ”, ils ont pu se passer " de réussir pour persévérer ”. A plus forte raison, en 1924, ont-ils fait leur choix sans regret, riches de l'édifiante expérience des dix dernières années qui assure à leur maigre équipe initiale le destin de devenir légion.
L'issue de la tentative menée sous le nom de “ bolchevisation ” et en vertu d'un prétendu “ léninisme ” fabriqué après la mort de Lénine ne fait pas le moindre doute : elle sera - elle est déjà - un désastre. Le bolchevisme russe, invaincu sous les attaques de l'univers capitaliste, amoindri seulement par ses dernières luttes intestines, a renoncé à temps aux exagérations les plus nocives des méthodes instaurées après la mort de Lénine. Quant au néobolchevisme européen, caricature monstrueuse du bolchevisme véritable, il a déjà fait banqueroute un an après son apparition, et il serait rayé du nombre des doctrines (?) actuelles - à supposer qu'on puisse appeler doctrine un ensemble de tristes pratiques -, s'il n'était artificiellement soutenu par la révolution soviétique, dont la vigueur n'est pas le moins démontrée par le nombre de ses parasites.
Et l'issue du travail entrepris par les redresseurs du mouvement communiste dévié n'est pas davantage douteuse. Mais le succès ne couronnera nos efforts qu'à une condition : celle de rester fidèles aux conceptions éprouvées qui ont fait la grandeur du communisme contemporain. L'assimilation des connaissances et de l'expérience acquises au cours des dix dernières années de guerres et de révolutions est indispensable à la progression de l'idée communiste. Les traditions originales du prolétariat de chaque pays y sont incorporées. Mais le retour à de vieilles notions évincées par la science de la révolution en marche serait une véritable régression, quelque révolutionnaires que ces notions aient pu être en leur temps. Il s'agit de savoir si l'organe de nos compagnons de lutte pour le redressement du mouvement révolutionnaire dévoyé, La Révolution prolétarienne, en arborant l'étiquette “ syndicaliste communiste ”, fait un pas en avant ou un pas en arrière.
Le syndicalisme (révolutionnaire) a emprunté les éléments de sa doctrine partie au marxisme, partie au bakounisme, partie à l'héritage mêlé d'utopisme, de réformisme, et d'insurrectionalisme héroïque transmis de génération en génération dans le prolétariat des pays latins. Bien que la disparité de sa formation l'ait voué à une extinction rapide, il a pourtant représenté un stade de pensée communiste supérieur au socialisme dégénéré de la II° Internationale : non pas seulement parce que celui-ci, en déclinant, lui conférait un prestige facile, mais essentiellement du fait que sa pratique valait beaucoup mieux que sa théorie. C'est pourquoi les bolcheviks, avant même que d'avoir fondé la III° Internationale, considéraient les syndicalistes comme des alliés, voire comme une variété de communistes destinés à se fondre tôt ou tard dans les organisations du communisme.
Bien plus : les bolcheviks ont su se comporter, vis-à-vis des anarchistes proprement dits, comme envers des combattants de la révolution prolétarienne, des auxiliaires, des renforts possibles. Lénine écrivait L'État et la Révolution à la fois pour rétablir la notion marxiste de l'abolition de l'État et montrer que les communistes se différencient des anarchistes, à ce sujet, sur les moyens, non sur le but.
En pleine faillite du socialisme international, pendant la guerre impérialiste, la renaissance de l'Internationale prolétarienne s'accomplissait avec l'aide de syndicalistes et d'anarchistes. Zimmerwald et Kienthal furent notre volonté commune. Lénine était là, qui menait cette politique. Les exclus du congrès de Londres de 1896 rentraient dans l'Internationale, sous l'égide des social-démocrates de gauche, des marxistes radicaux, des bolcheviks.
La première section française de l'Internationale communiste, qui s'appelait Comité de la III° Internationale, était formée de trois sous-sections : socialiste de gauche, syndicaliste et anarchiste. Elle fut consacrée comme telle ramification française de la nouvelle Internationale. Si des anarchistes et des syndicalistes nous quittèrent, ce fut de leur propre volonté, non de la nôtre. A plusieurs reprises, Zinoviev éprouva même le besoin d'adresser des félicitations à Péricat, en quoi, selon son habitude, il exagérait...
Le Congrès constituant de l'Internationale communiste, mars 1919, déclarait dans sa “ Plate-forme ” :
“ Il est nécessaire de réaliser un bloc avec les éléments du mouvement ouvrier révolutionnaire qui, bien que n'ayant pas appartenu auparavant au parti socialiste, se placent maintenant en tout et pour tout sur le terrain de la dictature prolétarienne sous sa forme soviëtiste, C'EST-A-DIRE AVEC LES ÉLÉMENTS CORRESPONDANTS DU SYNDICALISME. ”
En janvier 1920, l'Internationale communiste adressait un message aux syndicalistes révolutionnaires et anarchisants des États-Unis, les Industrial Workers of the World (I. W. W.) et s'exprimait ainsi :
“ Notre but est le même que le vôtre: une communauté sans Etat, sans gouvernement, sans classes, dans laquelle les travailleurs administrent la production et la répartition dans l'intérêt de tous.
“ Nous vous invitons, vous, révolutionnaires, à vous rallier à l'Internationale communiste, née à l'aurore de la révolution sociale universelle. Nous vous invitons à prendre la place A LAQUELLE VOTRE COURAGE ET VOTRE EXPÉRIENCE RÉVOLUTIONNAIRE VOUS DONNENT DROIT, au premier rang de l'armée rouge prolétarienne combattant sous la bannière du communisme. ”
Spécialement à propos des syndicalistes français, voici comment parlait Zinoviev, en 1922, au IV° congrès mondial, quand Lénine était encore là pour lui donner des instructions :
“ L'observation politique la plus importante faite par l'Exécutif et par ses représentants, dont plusieurs, comme Humbert-Droz, ont passé près de six mois en France, c'est que - et il nous faut le dire franchement - nous devons chercher un grand nombre d'éléments communistes dans les rangs des syndicalistes, des meilleurs syndicalistes, C'EST-À-DIRE DES SYNDICALISTES COMMUNISTES. C'est bizarre, mais c'est ainsi. ”
Le même Zinoviev, la même année, au II° congrès de l'Internationale syndicale rouge, tenait le langage que voici :
“ Comme nous le savons tous, la II° Internationale a frappé d'ostracisme et exclu de son organisation quiconque était plus ou moins anarchiste. Les chefs de la II° Internationale ne voulaient rien avoir de commun avec ces éléments-là. Même attitude à l'égard des syndicalistes. La III° Internationale A ROMPU AVEC CETTE TRADITION. Née dans les tempêtes de la guerre mondiale, elle se rend parfaitement compte qu'il est nécessaire d'avoir une attitude toute différente à l'égard des syndicalistes et des anarchistes. ”
Et Zinoviev se référait avec raison au I° congrès de la nouvelle Internationale :
“ Au I° congrès de l'I.C., nous disions: “Personne ne pose la question : t'appelles-tu anarchiste ou syndicaliste? Nous te demandons : Es-tu partisan ou adversaire de la guerre impérialiste, pour une lutte de la classe implacable ou non, pour ou contre la bourgeoisie? SI TU ES POUR LA LUTTE CONTRE L'ENNEMI DE CLASSE, TU ES NÔTRE... ”
Ce n'est pas tout. Zinoviev disait encore :
“ Nous estimons que tous les anarchistes et TOUS LES SYNDICALISTES QUI SONT PARTISANS SINCÈRES DE LA LUTTE DE CLASSE SONT NOS FRÈRES. ”
Et enfin, ce qui ne laisse place à aucune sorte d'équivoque :
“ Les anarchistes ont organisé contre nous toute une série d'attaques. Malgré cela, NOUS NE PROPOSONS PAS DE RÉVISER NOTRE ATTITUDE à l'égard des anarchistes et des syndicalistes. Nous restons sur nos positions. En tant que marxistes, NOUS NOUS ARMERONS DE PATIENCE jusqu'à ce que le cours même de la lutte de classe amène dans nos rangs les éléments prolétariens qui restent encore en dehors de notre organisation. ”
Inutile de citer davantage pour fixer la politique traditionnelle de l'Internationale communiste vis-à-vis des syndicalistes communistes.
Cette politique a porté ses fruits. L'Internationale communiste a recruté dans les milieux syndicalistes, voire syndicalistes anarchistes, a fortiori syndicalistes communistes, des éléments qu'elle a toujours considérés comme “ les meilleurs ”, et sans lesquels certaines de ses sections n'existeraient pour ainsi dire pas.
En Amérique, c'est chez les syndicalistes (William Foster, Andreytchine, Bill Haywood, Crosby), chez les socialistes de gauche du Liberator sympathisant avec le I. W. W. (John Reed, Max Eastman), chez les anarchistes (Robert Minor, Bill Chatov), qu'elle a trouvé la plupart de ses communistes.
En Angleterre et en Irlande, c'est chez les syndicalistes (Tom Man, Jim Larkin, Jack Tanner) et dans le mouvement des shop stewarts committees, d'esprit syndicaliste (Murphy, Tom Bell, etc.) qu'elle a recruté.
En Espagne, c'est chez les syndicalistes et les anarchistes qu'elle a trouvé Joaquim Maurin, Arlandis, Andrès Nin, Casanellas et tant d'autres.
En France, enfin, elle s'est appliquée à puiser dans les rangs syndicalistes ceux qui devaient, selon elle, avec les militants neufs nés de la guerre, exercer l'influence décisive, et graduellement éliminer celle des social-démocrates hérités du vieux parti, du jauressisme périmé et du guesdime caduc. C'est sous l'autorité incontestée de Lénine que Rosmer est devenu le premier représentant français à l'Exécutif. C'est Zinoviev, c'est Lozovski, c'est Manouilski, qui accordaient le plus haut prix à l'adhésion de Monatte au Parti. Certes, Trotski n'était pas le dernier à soutenir cette politique, mais jamais il ne renonça à faire partager aux syndicalistes communistes la conception purement marxiste du communisme, et sa dernière discussion avec Louzon est restée dans la mémoire de tous.
Aujourd'hui encore, quand le parti communiste français est diminué, vidé, affaibli, après un an de régime pseudo-léniniste, ce sont des syndicalistes d'hier, anarchistes d'avant-hier, comme Monmousseau et Dudilleux, que l'Exécutif est obligé d'aller chercher.
Comment donc expliquer le dénigrement spontané et systématique auquel se sont livrés les néo-léninistes de 1924 dès l'apparition de cette revue “ syndicaliste communiste ”, alors que tout, dans l'Internationale communiste, plate-forme, résolutions, commentaires, tradition, recrutement, leur commandait de traiter ses fondateurs en amis, en alliés, en communistes qui s'ignorent, et même en “ frères ” - Zinoviev dixit?
La réponse s'impose avec une logique, une force irrésistible, dégagée des textes communistes officiels cités plus haut : ces faux “ léninistes ” se conduisent comme les plus vulgaires des social-démocrates. Ils ont tout naturellement adopté l'attitude de la II°. Internationale - condamnée par la III° à laquelle ils sont profondément étrangers, où ils sont intrus. Ces gens ne savent rien de notre mouvement, de nos idées, de notre histoire. Mis en présence d'une question inattendue, dont la solution ne leur avait pas été préparée par la bureaucratie affectée à cette besogne et dont leur inaptitude au travail leur interdit de trouver l'éclaircissement dans une documentation accessible à tous, ils ont improvisé une réponse de leur cru et, à leur habitude, ont proféré une énormité.
Leur réaction spécifiquement social-démocrate devant le “ syndicalisme communiste ” caractérise toute une politique.
“ Comment peut-on être Persan? ” plaisantait agréablement Montesquieu. Comment peut-on être syndicaliste communiste? demandent les faiseurs du “ léninisme ” de 1924. L'Internationale communiste, du temps de Lénine et de Trotski, a répondu par avance. Et il a fallu la mort du premier, l'absence du second, pour qu'en cette question comme en tant d'autres le bolchevisme véritable soit mis au rancart, supplanté par le retour offensif du socialisme dégénéré masqué de néoléninisme.
Mais si La Révolution prolétarienne est très au-dessus des commentaires de ses détracteurs, elle est à portée de la critique de ses amis, de ceux qui, d'accord en ceci avec Zinoviev, considèrent les syndicalistes communistes comme “ des frères ”. Et nous devons dire nettement que nous sommes plusieurs à ne pas approuver son étiquette.
Comment la justifie-t-on? Dix numéros de la revue ont paru et nous n'y avons rien trouvé qui légitimât l'abandon de ce que nous appelons simplement le “ communisme ”. Monatte et Rosmer ont dit après leur exclusion : “ Nous retournons d'où nous sommes venus. ” Cela ne démontre rien. Pourquoi ne pas rester ce qu'ils étaient devenus - des “ communistes? ” Ils le sont, c'est entendu. Mais cela devrait suffire. A moins que l'expérience ne les ait conduits à introduire du nouveau dans leurs conceptions? Car, pour ce qui est du vieux, ils ne l'avaient pas abandonné sans mûre réflexion?
On a exclu Monatte, Rosmer et Delagarde du Parti en leur jetant des accusations insensées - avec l'espoir secret de les pousser sur une pente qu'on ne remonte plus. Cet espoir, ils l'ont aussitôt déçu, et nul de ceux qui les connaissent n'attendait autre chose : seuls, des gens étrangers au mouvement ouvrier communiste pouvaient espérer les en éliminer. Ils sont restés eux-mêmes, mais en changeant de nom. Comme s'ils avaient voulu seulement se différencier des démagogues qui discréditent le nom de communiste. Mais l'appellation de syndicaliste n'est pas plus vierge que celle de communiste; les taches en sont moins récentes, voilà tout.
Ils restent fidèles à la conception marxiste de la lutte de classe, la dictature prolétarienne, de l'État. Et à la notion léninienne du Parti et de l'Internationale? Ils ont dit à nos camarades, lors de leur exclusion : “ Restez dans le Parti, vous y êtes à votre place. ” Et ils évoquaient le jour où celui-ci deviendrait véritablement communiste, où la masse des communistes non adhérents y viendrait, eux avec. Tout cela n'a rien de syndicaliste.
Il reste qu'ils sont profondément déçus de l'abaissement de ce Parti que nous avons ensemble essayé de rendre communiste et qu'ils ne désirent pas renouveler leur tentative, préférant que d'autres s'y mettent. Sentiment compréhensible, mais sentiment seulement, et tout personnel. Ils peuvent d'autant moins le théoriser qu'ils ont dit justement : “ Camarades, restez dans le Parti. ”
En fait de syndicalisme véritable, nous n'en avons guère trouvé que dans un article d'Allot. Et ce syndicalisme-là, ce n'est pas du nouveau, c'est du vieux, et pas du meilleur. L'article d'Allot, si remarquable à bien des égards, sérieux, documenté et instructif, se terminait sur une critique principale de l'intervention du Parti dans une grève. Mais que démontrait Allot? Exactement le contraire de son intention. Il prouvait que le Parti avait bien fait d'intervenir dans la grève en question. A qui la faute si “ les organisations syndicales ont paru bien effacées ” ? Si les faits établissent que le syndicalisme ne suffit pas à tout? Critique bien représentative de l'impuissance de la théorie syndicaliste, que celle qui justifie les actes critiqués. Depuis quand une grève a-t-elle pour objet de sortir les organisations syndicales de leur “ effacement ”? Est-ce que la grève est faite pour le syndicat ou celui-ci pour celle-là? La grève a pour objet la satisfaction de revendications : si le but est atteint, tout est bon qui y contribue. Si le Parti y concourt, tant mieux pour les ouvriers, d'abord, pour le Parti ensuite. Rien de plus légitime que le bénéfice tiré par le Parti du service rendu à la classe ouvrière. Ce qui serait condamnable, c'est une tentative de profiter d'une situation au détriment de la classe ouvrière; mais rien de tel n'eut lieu à Douarnenez : “ Les communistes, disaient Marx et Engels, n'ont point d'intérêts distincts de ceux du prolétariat en général. ” Ce principe impérissable reste notre loi : le parti communiste qui s'y conforme agit bien, celui qui le méconnaît perd sa qualité de communiste.
I1 arrive que le Parti manque de sens politique, de conscience de son rôle, intervienne en desservant le mouvement qu'il prétend soutenir. La maladresse, l'incapacité ou l'indignité des responsables ne met nullement en cause le principe de l'immixtion. Il est possible qu'à Douarnenez, certains communistes aient dit des bêtises mais nul n'en a le monopole et cela ne démontre pas que le Parti ne doit pas se mêler aux luttes ouvrières. Critiquer les fautes commises sans avoir spécialement en vue de mettre en relief soit le syndicat, soit le Parti, simplement en recherchant l'intérêt de la grève, c'est servir la classe ouvrière et du même coup, sans le faire exprès, le syndicat et le Parti lui-même. Car le syndicat et le Parti n'ont d'autre intérêt bien compris que celui du prolétariat.
Ce qui déconsidère notre Parti et notre Internationale, c'est une tendance à méconnaître l'intérêt de la classe ouvrière pour servir des intérêts de coteries. Mais quand le Parti travaille réellement pour le prolétariat, nous devons être avec lui. Cela nous est d'autant plus facile que c'est nous, y compris Monatte et Rosmer, qui avons eu tant de mal à accréditer cette idée que le Parti doit s'occuper un peu moins de politique vulgaire et beaucoup plus des luttes ouvrières. Si les députés communistes traînent moins dans les couloirs de la Chambre et fréquentent plus les réunions de grévistes, c'est tant mieux.
Les survivances du vieux syndicalisme doctrinaire, l'essai de ranimer des idées qui n'ont plus qu'une valeur historique, ne sont pas un progrès sur l'étape franchie par les syndicalistes devenus communistes. Et elles ajoutent à 1a confusion déjà grande qui trouble la conscience de l'avant-garde ouvrière. Moins on en trouvera dans La Révolution prolétarienne, plus celle-ci sera forte dans sa besogne de redressement révolutionnaire.
La question du retour au syndicalisme aurait pu se poser si le communisme de 1919-1923, le vrai, celui des quatre premiers congrès de la III° Internationale, celui de Lénine et de Trotski, avait fait faillite. Une telle catastrophe aurait remis en question toutes les théories, toutes les pratiques. Mais heureusement, rien de tel ne s'est passé. Ce qui a fait faillite, ce n'est pas le communisme, c'est sa caricature, le “ léninisme de 1924 ”. Ce qui a fait faillite, ce n'est pas le bolchevisme, c'est sa parodie, la prétendue “ bolchevisation ”.
Le communisme de Marx et d'Engels, de Liebknecht et de Rosa Luxemburg, de Lénine et de Trotski, suffit à guider les militants de l'émancipation ouvrière. Le dernier mot n'en est pas dit. D'autres viendront qui ajouteront aux enseignements des plus grands d'entre les communistes. Mais l'esprit en sera immuable et nous servirons dignement notre cause si nous savons nous en inspirer.