1898 |
Article paru dans The Workers’ Republic, ler novembre 1898, titre du MIA |
En parlant de ceux qui étudient la langue gaélique, je suis amené tout naturellement à évoquer la grande renaissance celtique à laquelle nous assistons ces dernières années.
Je pense que celle-ci comporte de bons et de mauvais aspects. Les mauvais, à mon avis, n’entachent pas essentiellement le mouvement, et il serait aisé de s’en débarrasser.
Ces défauts tiennent à ceci : on s’efforce d’exclure toute autre forme d’expression culturelle, de dénier toute valeur aux autres littératures, de nier le mérite de tous les autres peuples et, d’une façon générale, d’inculquer aux jeunes Irlandais et Irlandaises une vision trop égocentrique des choses.
Je crois que le mouvement gaélique est riche de potentialités vivantes, mais ces potentialités ne seront convenablement réalisées que lorsqu’il s’insérera naturellement dans la vie de la nation, luttant côte à côte avec toutes les autres forces qui travaillent à la régénération de notre peuple.
L’ennemi principal d’une renaissance celte aujourd’hui est la violence écrasante du capitalisme qui détruit irrésistiblement toute originalité nationale ou raciale et, par la simple pression de sa prépondérance économique, réduit Galway ou Dublin, la Lituanie ou Varsovie à une médiocre copie de Manchester ou Glasgow.
Karl Marx a dit : « Le capitalisme crée un monde à son image ; et l’image du capitalisme est celle des centres industriels de Grande-Bretagne.
Une image des plus répugnantes, à vrai dire.
On ne peut pas enseigner le gaélique à des hommes qui se meurent de faim ; et le trésor de notre littérature nationale demeurera à jamais inaccessible aux misérables esclaves salariés que notre système social amène à se satisfaire de travailler des premières heures tu jour aux heures avancées de la nuit pour un salaire de pure misère.
Pour cette raison, je dis à nos amis du mouvement gaélique : votre véritable place est dans les rangs du Parti socialiste républicain qui lutte pour l’abolition de ce système social exécrable qui nous écrase à un tel point ; qui dégrade le caractère et avilit les idéaux de notre peuple d’une façon suffisamment effrayante pour que, selon le jugement de la majorité de nos travailleurs, le plus inestimable manuscrit rédigé en ancien celtique ne soit qu’une chose secondaire par rapport à une tranche de lard.
Aidez-nous à assurer à tous nos compatriotes une vie libre, pleinement développée et heureuse ; à leur assurer la conquête d’une existence rationnelle, humaine, ni dégradée par le travail, ni débilitée par la faim, et vous verrez alors s’épanouir et se développer tous les nobles traits de notre race. Et lorsque tout ce qui existe de bon dans la littérature, l’art et la science sera identifié comme le bien de tous, vos idéaux recevront l’adhésion sans réserve de tous les véritables Irlandais.
Je ne vous demande pas de cesser temporairement de vous consacrer aux tâches d’éducation que vous avez entreprises, mais simplement de reconnaître en nous vos alliés naturels, de la même façon que vous devez reconnaître que celui qui, sous quelque prétexte, le plus trompeur fût-il, vous demanderait de l’aider à perpétuer la domination du capitalisme britannique — obstacle permanent à la réalisation de vos desseins — est votre ennemi et l’ennemi de votre cause.
Notre cause l’emportera à coup sûr, tôt ou tard. Mais la lumière bienvenue du printemps de la liberté peut frapper nos yeux à tout instant, et, si votre aide nous était acquise, nous ne craindrions pas la tempête qui peut précéder l’aube.