1920

 

N. Boukharine

Économique de la période de transition

I : la structure du capitalisme mondial

L'économie politique théorique est une science concernant l'économie sociale fondée sur la production marchande, c'est-à-dire une science portant sur l'économie sociale non organisée [1]. C'est seulement dans une société où la production est anarchique, tout comme est anarchique la répartition des produits, que le processus objectif de la vie sociale se manifeste sous la forme de lois « naturelles », « élémentaires », indépendantes de la volonté des individus ou des collectivités, de lois qui agissent avec la même nécessité « aveugle » que la loi de la pesanteur « se fait sentir à n'importe qui lorsque sa maison s'écroule sur sa tête » [a]. Marx a souligne le premier cette propriété spécifique de la production marchande ; et il a fourni dans sa conception du fétichisme de la marchandise une introduction sociologique brillante à l'économie théorique, en fondant celle-ci comme discipline historiquement limitée [b]. En effet, dès que l'on envisage une économie sociale organisée, tous les « problèmes » fondamentaux de l'économie politique disparaissent : le problème de la valeur, du prix, du profit, etc. Les « rapports entre les hommes », ne s'expriment pas alors par des « rapports entre les choses », et l'économie sociale n'est pas réglée par les forces aveugles du marché et de la concurrence, mais par un plan élaboré et réalisé consciemment. C'est pourquoi on peut trouver dans ce cas, d'un côté un système descriptif déterminé, et de l'autre un système normatif. Il n'y aura plus place ici pour une science qui étudie les « lois aveugles du marché » puisque le marché lui-même aura disparu. Nous aboutirons ainsi à la fin de la société capitaliste marchande et de l'économie politique [2].

L'économie politique étudie donc l'économie marchande [3]. De ce point de vue, la société qui produit des marchandises n'est nullement la simple somme des économies individuelles. Dans sa polémique avec Bastiat, Rodbertus avait déjà expliqué de façon brillante l'existence d'un milieu économique particulier, d'un lien spécifique, qu'il appelle la « communauté économique ». Si nous n'avions à faire qu'à une simple addition d'économies, il ne pourrait s'agir d'une société. La « somme » est une unité purement logique, mais non un complexe existant réellement.

L'importance, l'étendue d'une économie sociale déterminée, apparaît comme indifférente à la théorie pure. C'est ainsi que [4] Marx a raillé l'expression d'« économie nationale » (Volkswirtschaft), chère à tous les professeurs allemands patriotes. La question de savoir qui représente le sujet d'une économie particulière est aussi relativement secondaire, sur le plan de la théorie abstraite. En premier lieu, ce qui est important est de savoir quel est le type de lien qui unit ces économies c'est-à-dire le type de lien non organisé par l'échange. Tous ces problèmes ont au contraire leur plus grande signification pour une recherche concrète qui ne se contente pas d'une déduction de lois générales.

Le capitalisme contemporain est un capitalisme mondial. Cela signifie que les rapports de production capitalistes dominent dans le monde entier [5] et que toutes les parties de notre planète sont liées entre elles par un lien économique solide. A notre époque l'économie sociale trouve son expression concrète dans l'économie mondiale. Celle-ci est une unité existant réellement. C'est pourquoi des définitions comme celles d'un chercheur récent, le Dr Karl Tyszka, sont tout à fait erronées. Celui-ci écrit [c] : « Tout comme l'économie nationale se compose de la somme des économies des individus de cette nation, qu'il s'agisse d'économies individuelles ou de corporations, l'économie mondiale est constituée d'une somme d'économies nationales ». « La somme des économies nationales qui sont essentiellement influencées par la situation du marché mondial, constitue l'économie mondiale. » La première définition ne s'accorde pas avec la seconde; la seconde recouvre une contradiction interne, puisque le concept de la simple addition exclut celui de lien organique. Une somme de crabes dans un panier ne constitue pas une unité réelle. Le nombre des enfants nés dans une année « groupé » dans un « ensemble » statistique, ne représente pas une unité réelle. C'est l'existence d'une connexion organique particulière qui constitue la simple somme globale en une totalité réelle. Mais cette totalité exclut entièrement le concept de somme arithmétique, puisqu'elle est bien plus grande et complexe que celle-ci.

Comme la société se présente non comme productrice de produits, mais de marchandises, elle est une unité non organisée. Le caractère social du travail et du processus de production se manifeste ici dans l'incessant mouvement des marchandises échangées, dans les oscillations de prix de marché. Ce caractère social du travail n'apparaît cependant d'une façon aussi simple et claire qu'avec une organisation sociale rationnelle du travail.

La société marchande est un système comportant un type particulier de relations, dont le caractère engendre des catégories tout ci fait spécifiques à l'univers des marchandises. Ce système n'est pas une « unité téléologique »; c'est-à-dire un système dirigé consciemment selon un plan déterminé. Un pareil plan n'existe pas. Il n'existe même pas de sujet du processus économique. A proprement parler, dans ce cas-là il n'y a pas de « société qui produit » mais « on produit dans la société ». Ce ne sont donc pas les hommes qui dominent les produits, mais le produit qui domine les hommes, et la « force élémentaire » du développement économique n'entre pas dans les cadres souhaités. Si la société tout entière quant au processus de production marchande - processus de ce fait capitaliste - apparaît aveugle; et si l'on n'y trouve aucune unité téléologique, il n'en va pas de même pour ses différents éléments constitutifs. La société se compose de ces éléments liés entre eux. Les sujets économiques de cette société marchande sont précisément ces éléments-là tandis que leur système est impersonnel et aveugle et, en ce sens, irrationnel.

Cette « irrationalité » constitue aussi la prémisse fondamentale de l'existence d'une économie politique. C'est ce qui, justement, n'a pas été compris par la plupart des économistes bourgeois. Ainsi selon Harms [d] l'économie mondiale n'existerait pas si n'était conclu aucun traité commercial à l'échelle internationale. Kobatsch [e] pour sa part est d'avis qu'il n'existe aucune économie mondiale mais qu'il y en aura une dès que se formera un État mondial. Calwer parle du « marché économique mondial » (Weltmarktwirtschaft). Dans une polémique entre Harms et C. Dielh [f], on ne trouve pas trace une seule fois d'une approche correcte de la question. La recherche d'une quelconque « régulation » comme trait constitutif de l'économie provient précisément d'une conception tout à fait erronée de la nature de l'organisme social capitaliste. Pour fonder une science on recherche un principe qui signifie la mort de cette science.

C'est à présent que se pose la question de savoir quels sont les éléments constitutifs de l'économie mondiale capitaliste qui agissent consciemment. En théorie, on peut concevoir un capitalisme mondial en tant que système d'entreprises privées particulières. Toutefois, la structure du capitalisme moderne est telle que ce sont les organisations collectives-capitalistes - les « trusts capitalistes d'État» - qui apparaissent en tant que sujet de l'économie [6] [g].

Le capital financier a éliminé [7] l'anarchie de la production à l'intérieur des grands pays capitalistes. Les associations monopolistes d'entrepreneurs, les groupes d'entreprises et la pénétration du capital bancaire dans l'industrie ont créé un nouveau type de rapports de production, en transformant le système capitaliste marchand non organisé en une organisation du capitalisme financier. Au lien non organisé unissant une entreprise à une autre par l'intermédiaire d'actes d'achat et de vente, se substitue de plus en plus un lien organisé grâce au « contrôle de paquets d'actions », à la « participation » et au « financement », qui trouvent leur expression dans la personne des « dirigeants » communs aux banques et à l'industrie, aux groupes (Konzerns) et aux trusts. De même, le rapport d'échange qui exprimait la division sociale du travail et le clivage de l'organisation sociale de la production, est remplacé par la division technique du travail à l'intérieur de « l'économie nationale » organisée.

La fragmentation de la production capitaliste, son essence « anarchique », s'étendent toutefois bien au-delà des limites de la division sociale du travail. Sous le concept de division du travail, on entend toujours la désintégration de l'ensemble du travail en « tâches » différenciées [h]. En particulier, on comprend toujours sous le concept de division sociale du travail, la répartition du travail entre des entreprises différentes. Les entreprises capitalistes, devenues « indépendantes » les unes des autres, n'ont pas moins besoin l'une de l'autre puisqu'une branche de production fournit des matières premières et des ressources indispensables, etc. aux autres.

Il ne faut cependant pas confondre deux choses : le fractionnement du travail social engendré par la division sociale du travail, d'une part, et la parcellisation du travail social qui nie cette division du travail, d'autre part. En effet, les divers producteurs de marchandises ne tiennent pas seulement leur existence des différentes formes de travail. Dans le cadre de chaque branche de production particulière, et même dans le cadre des subdivisions productives, les plus petites et spécialisées, on trouve simultanément un grand nombre de producteurs de marchandises indépendants. Autrement dit, la structure anarchique de la société productrice de marchandises trouve son expression dans l'existence « d'entreprises » distinctes. Ces « entreprises », à leur tour, ont entre elles des rapports différents : ou elles sont liées l'une à l'autre par l'intermédiaire de l'achat et de la vente (au sein d'une branche), ou elles sont concurrentes entre elles (au sein d'une industrie).

Le propriétaire d'un atelier de confection est lié au fabricant d'étoffes lorsqu'il lui achète du drap, mais par rapport à un entrepreneur de la même industrie il est un concurrent non relié par une opération d'échange quelconque. L'existence simultanée d'une entreprise de confection et d'une entreprise textile exprime la division sociale du travail. A l'inverse, la coexistence de plusieurs entreprises de confection n'exprime aucune division sociale du travail.

Cette différence doit être examinée de près.

D'ordinaire, l'anarchie de la production capitaliste se présente en liaison avec la concurrence du marché, et non autrement. Or, on observe que la concurrence du marché exprime seulement un aspect, un seul type de «l'être » des divers producteurs de marchandises c'est-à-dire un type de rapports réciproques qui n'a aucun lien avec la division sociale du travail.

Et cela d'autant moins que, par la suite de la dépendance mutuelle de tous les éléments de l'économie sociale même les entreprises d'une même branche mènent une lutte entre elles. La société capitaliste est une société qui produit de la plus-value. En outre, le processus de répartition est le processus de répartition de la plus-value entre les sujets de l'économie capitaliste. Chaque entreprise ne réalise en aucune façon la plus-value qu'elle a elle-même produite. Déjà la loi la plus élémentaire du capitalisme - la tendance à la péréquation du taux de profit - « altère » fortement cette conception simpliste, des rapports [i]. Le tableau se complique encore avec la constitution de toutes les formes possibles de monopoles capitalistes. Il en découle que la lutte pour la répartition de la plus-value entre les différents sujets économiques (qu'il s'agisse de personnes ou de corporations, ce qui revient au même) doit avoir un caractère différent. C'est pourquoi il nous faut distinguer trois sortes de luttes concurrentielles.

  1. Nous désignerons sous le terme de concurrence horizontale la concurrence entre entreprises d'une même industrie. Dans ce cas l'anarchie qui survient dans la lutte concurrentielle ne peut prendre appui sur aucune division sociale pour s'exprimer.
  2. Par concurrence verticale, nous entendrons la lutte entre entreprises d'une même branche, dont l'existence distincte manifeste la réalité de la division sociale du travail.
  3. Enfin, par concurrence combinée (composite) nous entendrons la lutte que mènent des entreprises d'un groupe, à savoir des unités capitalistes qui embrassent différentes branches de la production, et qui transforment ainsi la division sociale du travail en une division technique [8].

C'est le type d'entreprise que l'on prend ici comme critère de classification des types de concurrence; ce critère découle pour sa part de telle ou telle relation à la division sociale du travail, c'est-à-dire aux rapports fondamentaux de production du monde de la marchandise.

Une définition des différentes méthodes de la lutte concurrentielle découle aussi de cette classification. En effet, il est tout à fait clair que tandis que la concurrence horizontale peut agir par des prix de marché peu élevés (c'est le type « le plus classique » de concurrence), dans la concurrence verticale la méthode du prix à bon marché doit faire place à d'autres méthodes. Et en effet, on constate que dans ce cas les méthodes de pression directe, d'une certaine action directe de la part du capital, commencent à jouer un rôle prédominant, en premier lieu le boycottage qui en est la forme la plus élémentaire.

La modification des méthodes de la lutte concurrentielle apparaît encore mieux dès que cette lutte commence à déborder de la sphère des rapports de marché, même si elle a eu pour point de départ les rapports de ce marché. Le prix est la catégorie universelle de la société marchande, et c'est pour cela que toute perturbation de l'équilibre s'exprime dans un mouvement déterminé des prix. La catégorie du profit est impensable sans celle du prix. En bref, tout phénomène économique du monde capitaliste est lié, d'une façon ou d'une autre, au prix et, par suite, au marché. Cela ne signifie pas que n'importe quel phénomène économique soit un phénomène de marché. La même proposition vaut pour la concurrence. Jusqu'à présent, nous avons surtout considéré la concurrence du marché, généralement caractéristique pour le type de concurrence horizontale. Mais la lutte concurrentielle, c'est-à-dire la lutte entre entreprises capitalistes, peut aussi se mener à l'intérieur du marché au sens propre du terme. C'est le cas, par exemple, de la lutte pour les sphères d'investissement de capitaux, c'est-à-dire pour les possibilités mêmes d'extension du processus de production, Il devient alors évident qu'il faut appliquer d'autres méthodes de lutte que dans le cas « classique » d'une concurrence horizontale sur le marché.

Il nous faut maintenant revenir au capitalisme mondial contemporain.

Nous avons déjà noté que les unités constituantes du système de l'économie mondiale contemporaine ne sont pas les entreprises individuelles, mais des ensembles complexes, les « trusts capitalistes d'État ». Il existe aussi, bien entendu, des liens internationaux entre les entreprises de « pays » différents, et la nature de ces liens peut dans chaque cas concret s'opposer directement au type de relations qui unissent ces « pays » entre eux. Cependant, ces derniers temps ce sont les rapports entre des ensembles complexes tout entiers qui deviennent prépondérants. « L'économie nationale » capitaliste est devenue, d'un système irrationnel, une organisation rationnelle; elle est passée d'une économie sans sujets, à un sujet économique. Cette transformation est due à la croissance du capitalisme financier et à la fusion entre les organisations économique et politique de la bourgeoisie. Mais ni l'anarchie de la production capitaliste, ni la concurrence entre les producteurs capitalistes de marchandises, ne disparaissent pour autant. Ces phénomènes non seulement sont toujours présents, mais ils se sont approfondis en se reproduisant à l'échelle de l'économie mondiale. Le système de l'économie mondiale est tout aussi aveugle, irrationnel et « privé de sujet » que l'ancien système de l'économie nationale.

L'économie marchande ne disparaît en aucune façon complètement, bien qu'à l'intérieur du pays elle dépérisse ou s'atrophie, faisant place à une répartition organisée. Le marché devient effectivement un marché mondial, et cesse d'être « national ». On observe ici précisément le même processus que lors de la fusion de deux ou plusieurs entreprises de différentes branches en une unité combinée, où les matières premières sont transformées en produits semi-finis puis en produits finis, mais de telle sorte que le mouvement correspondant des produits ne s'accompagne d'aucun mouvement opposé de l'équivalent monétaire; les « biens économiques » à l'intérieur du groupe d'entreprises combiné sont mis en circulation non comme marchandises mais comme produits, et ne représentent des marchandises que dans la mesure où ils sont jetés sur le marché par l'unité de production tout entière. De même le produit réparti de façon organisée à l'intérieur du pays ne devient marchandise que dans la mesure où son être est lié à l'existence du marché mondial. La différence - par rapport à l'économie nationale - tient simplement à l'étendue du système économique et au caractère des éléments constitutifs de celui-ci.

Le caractère particulier des trusts capitalistes d'État nous explique aussi le type particulier de lutte concurrentielle. Le trust capitaliste d'État est à proprement parler une entreprise combinée géante. Placés face à face, les trusts capitalistes d'États'opposent non seulement comme unités produisant la même « marchandise mondiale », mais aussi comme éléments du travail social réparti à l'échelle mondiale complémentaires sur le plan économique. En conséquence, leur lutte se déroule en même temps sur le plan horizontal et sur le plan vertical : cette lutte est une concurrence combinée.

Le passage au système du capitalisme financier accentue toujours le processus de transformation de la concurrence de marché horizontale simple en concurrence combinée. Comme les méthodes de lutte correspondent au type de concurrence, il s'ensuit inévitablement une « exacerbation des rapports » sur le marché mondial. Les concurrences verticale et combinée s'accompagnent de méthodes d'intervention à force ouverte. C'est pourquoi le système du capitalisme financier mondial conduit inévitablement à la lutte armée des concurrents impérialistes. C'est là que réside la racine de l'impérialisme [9].

La lutte entre les organisations capitalistes-financières d'État est l'expression la plus vive des contradictions et de l'anarchie du mode de production capitaliste, où le travail socialisé à l'échelle mondiale se heurte aux sujets étatiques-« nationaux » de l'appropriation. Le conflit entre le développement des forces productives et les rapports capitalistes de production doit - pour autant que le système entier n'a pas explosé - réduire provisoirement les forces productives, afin qu'un nouveau cycle de leur développement puisse reprendre sous la même enveloppe capitaliste. Cette destruction des forces productives représente la condition sine qua non du développement capitaliste, et de ce point de vue les crises représentent les coûts de la concurrence, et les guerres - cas spécial de ces coûts - sont des faux-frais [j] nécessaires de la reproduction capitaliste. Un équilibre passager se rétablit dans ce cas de deux façons : d'abord grâce à une réduction directe des forces productives qui se traduit par une destruction de valeurs; ensuite par une élimination partielle des frictions parmi ces différents éléments du système économique. Celle-ci se manifeste dans la centralisation du capital.

La centralisation du capital détruit la concurrence, mais en même temps elle la reproduit constamment sur une base élargie. Elle anéantit l'anarchie des petites unités de production, mais elle aggrave ensuite les rapports anarchiques entre les grands complexes de production. Les « frictions » dans le système économique d'ensemble ne disparaissent dans un endroit que pour s'épanouir ailleurs plus largement : elles se transforment en frictions entre les parties fondamentales du grand mécanisme mondial.

La centralisation du capital s'accomplit suivant les mêmes trois lignes fondamentales par lesquelles se développe la lutte concurrentielle : il s'agit, ou d'une centralisation horizontale lorsqu'il y a une absorption entre entreprises d'une même industrie, ou d'une centralisation verticale lorsqu'il se produit une fusion d'entreprises d'une même branche, ou finalement d'une centralisation combinée quand se produit un rapprochement de groupes ou une union d'entreprises complexes ou indépendantes, La centralisation du capital dans l'économie mondiale trouve son expression dans les annexions impérialistes où l'on peut également discerner avec précision les trois lignes fondamentales de la lutte concurrentielle [k].

On observe comme conséquence de la guerre les mêmes phénomènes que ceux qui suivent les crises : en même temps qu'une désorganisation de forces productives, il se produit un anéantissement de groupes internationaux petits et moyens (disparition d'États indépendants) [l], et la naissance de combinaisons encore plus vastes qui s'étendent au détriment des groupes en déclin.

Les rapports de production du monde capitaliste ne se limitent pourtant pas aux rapports entre « producteurs de marchandises », c'est-à-dire aux rapports entre capitalistes individuels ou leurs associations (cartels, trusts, États). L'économie mondiale contemporaine n'est pas seulement une économie marchande, mais aussi une économie marchande capitaliste. Les contradictions entre les divers éléments de cette économie se présentent sur deux plans principaux : celui du rapport réciproque anarchique entre les entreprises, et celui de la construction anarchique de la société en tant [11] que société de classes. En d'autres termes : il existe autant de contradictions « purement économiques » que de contradictions « sociales », Il est tout à fait évident que la première catégorie de relations agit directement sur la seconde. La destruction des forces productives et le processus de centralisation capitaliste aiguisent considérablement les antagonismes entre les classes et la combinaison définie des deux facteurs entraîne l'écroulement du système entier; celui-ci commence par les maillons du système les plus faibles du point de vue organisationnel. C'est alors le début de la révolution communiste.

Notes de Lénine

[1] Deux inexactitudes : 1) un certain pas en arrière par rapport à ENGELS, 2) Production, ouf ! marchande et aussi une « organisation » de l'économie.

[2] Inexact. Même dans le communisme pur, au moins v1 + pl1 = C2 ? et l'accumulation ?

[3] Pas seulement !

[4] Ce n'est pas ainsi.

[5] Pas entier.

[6] Pas seulement.

[7] N'a pas « éliminé ».

[8] Ouf ! jeu de définitions.

[9] Par la violence ? (« plus important »), pas « c'est pourquoi » ni « là ». Les colonies existaient avant l'impérialisme et même avant le capitalisme industriel.

[10] Jeu d'analogies, parfois la constitution d'États « indépendants » signifie le renforcement de l'impérialisme.

[11] Pourquoi ce « en tant.» ? ? ?

Notes de l'auteur

[a] K. MARX, Le Capital, Livre 1, Paris, Editions sociales, 1969, tome I, 87.

[b] Henrich DIEZEL développe les mêmes idées mais de façon bien plus médiocre et saugrenue, dans Theoretische Sozialoekonomik. Cf. aussi P. STROUVE, Khoziaitsvo i tsena (Economie et prix).

[c] Karl von TYSZKA. Der Weltwirtschajtliche Problem der modernen Industriestaaten, Iena, Gustav Fischer, p. 1.

[d] J. Bernard HARMS, Volkswirtschaft und Weltwirtsschaft, Iena, Gustav Fischer, 1912.

[e] Rudolf KOBATSCH, La Politique économique internationale, Paris, Giard et Brière, 1913. VII, 496 p.

[f] Carl DIEHL, Privatwirtschaftlehre, Volkswirtschaftlehre, in Conrads Jahrbucher. B. HARMS, Volkswirtschaft und Weltwirtschaft, (Antikritische Darlegungen) in Weltwirtschaftliches Archiv, 1914, 1, p. 196 et sqq.

[g] Ce concept a été introduit par l'auteur du présent ouvrage. Cf. N. BOUKHARINE, L'Economie mondiale et l'impérialisme, Paris, Anthropos nouv. ed. 1970 (Petrograd, 1918).

[h] La question de la division du travail est relativement peu étudiée, mais il y a complète unanimité quant aux différents caractères du travail. Cf. (Wiiliam PETTY), The economic Writing of Sir William Petty, London, C.H. Hull, éd. 1899, Vol. I, Political Arithmetick, p. 260 et sq. ; du même, un des Essays on Political Arithmetick, Vol. II, p. 473 et sq., Adam SMITH, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, (London, 1776), Livre I, ch. I, « De la division du travail », Paris, Guillaumin, 1843, T. I p. 13. K. MARX Le Capital, Livre I. Parmi les auteurs récents, cf. Gustav ScHMOLLER, « Die Tatsachen der Arbeitsteilung », Jahrbücher, 1889. Du même, « Das Wesen der Arbeitsteilung und der sozialen Klassenbildung », Jahrbücher, 1890. Emile DURKHEIM, La division sociale du travail, Paris, 1893 (travail unique en son genre, consacré particulièrement à cette question). J.B. CLARK, The distribution of wealth, New York, 1912, p. 11-13. Irving FISHER, Elementary princip les of economics, New York, 1912, p. 193. Franz OPPENHEIMER (Theorieder reinen und politischen Oekonomik) s'imagine être original quand il introduit une division du travail ... entre l'ouvrier et la machine ! (pp. 115 et sq.). Les classifications de Wilhelm LEXIS, dans Allgemeine Volkswirtschaftslehre, sont intéressantes.

[i] K. MARX, Le Capital, Livre III, section I, Paris, Ed. sociales, t. VI.

[j] En français dans le texte.

[k] Cf. notre travail, L'Economie mondiale et l'impérialisme, op. cit.

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