1948 |
L'EMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L'ŒUVRE DES TRAVAILLEURS
EUX-MÊMES |
Voix des Travailleurs nº 45
5 mai 1948
M. Kravchenko est ce dignitaire russe qui a préféré "l'hospitalité américaine" aux incertitudes du régime stalinien. Ce régime, s'il ne manque pas de faire à ses favoris un sort matériel aussi doux que le premier pays capitaliste venus, a la fâcheuse tendance de rejeter toutes ses fautes et tous ses échecs sur des boucs émissaires que seuls désignent les hasards du moment. Il n'y a pas que les faux "procès" de Moscou destinés à noyer dans le sang les opposants de gauche, ou ceux destinés à la répression des agents des puissances capitalistes qui effraient le fonctionnaire soviétique. C'est quotidiennement que la répression administrative frappe, à gauche et à droite, en bas et en haut. Pour justifier son "infaillibilité", il faut au totalitarisme stalinien rejeter sur des INDIVIDUS les fautes du SYSTEME et expliquer par des défaillances individuelles le gaspillage, les malfaçons, les manques et les retards de la production, ainsi que les abus de toute sorte.
M. Kravchenko a voulu échapper à un tel sort et nous comprenons très bien les motifs qui l'ont amené à vouloir s'échapper du paradis stalinien.
Ce que nous comprenons moins bien, c'est le titre de son livre : J'ai choisi la liberté. M. Kravchenko et deux ou trois de ses prédécesseurs sont-ils les seuls à s'être aperçus de la liberté qu'offre le monde capitaliste, ou bien le monde capitaliste n'offre-t-il sa liberté qu'à quelques-uns ? M. Kravchenko ne l'explique pas, et pour cause. Haut dignitaire, instruit, capable d'écrire un livre contre le régime qu'il a soutenu de son mieux, sûr ainsi de gagner la protection des banquiers américains et les revenus nécessaires à une existence aisée, il n'avait pas à craindre le sort que les "pays de la liberté" avaient réservé... aux ouvriers républicains espagnols, par exemple.
Mais qu'aurait trouvé de différent le métallo de Moscou ou le mineur du Donetz si l'idée lui était venue de chercher la liberté pour lui tout seul, en émigrant ? Les bas salaires et le chômage, la persécution chauvine et une vieillesse sans pain, voilà la liberté qu'il trouverait de l'équateur aux pôles nord et sud, à Paris comme à Washington. Mais, heureusement pour lui, il ne pourrait pas en faire l'expérience. "Les pays de la liberté", comme se plaît à les appeler M. Kravchenko, sans doute par reconnaissance du ventre, n'offrent pas de refuge aux exploités. Des millions de victimes de la dernière guerre, parquées dans les camps de concentration, en Europe et en Asie, attendent en vain qu'on leur permette de trouver asile et liberté dans la zone dominée par les impérialistes américains, anglais et français !
Et si M. Kravchenko a trouvé la liberté dans les vieux pays capitalistes, pourquoi donc la cherchent-ils au dehors, les centaines de milliers de citoyens anglais, français, belges, hollandais et autres qui quittent ou désirent quitter leur pays natal ?
La presse capitaliste a donné une large publicité au procès qui va opposer M. Kravchenko à l'hebdomadaire stalinien Lettres françaises ; M. Kravchenko veut prouver la véracité de ses affirmations, à savoir qu'au pays de Staline la presse n'est pas libre, que la police a la haute main sur tout, etc.
Il aurait du mérite si, en même temps, dans un procès qui ne manquera pas d'attirer l'attention d'une foule de gens, il mettait le doigt sur la plaie que représente "la liberté de la presse" au pays de la liberté du capital. Faute de quoi, il n'aura fait qu'épauler la propagande pour la troisième guerre mondiale. C'est, en effet, à quoi ont servi, jusqu'à maintenant, toutes les polémiques de ce genre. C'est par le nazisme ou par le stalinisme que la démocratie bourgeoise pourrissante tend depuis longtemps à justifier ses crimes. C'est par la pourriture de la démocratie bourgeoise que le stalinisme d'un côté ou le fascisme de l'autre justifient leur barbarie.
Nous sommes dans un pays de la liberté, bien que nous ne l'ayons pas fait exprès, comme M. Kravchenko. Mais il a suffi, en septembre 1939, du trait de plume d'un Daladier pour qu'un flot de répression et de terreur submerge la liberté. On ne peut pas crier en Russie : "A bas Staline !", mais peut-on davantage, en France, "porter atteinte au prestige du chef de l'Etat" ? Si on pouvait encore bien plus avant la guerre, comme par exemple désigner, au propre et au figuré, le président de la République par deux énormes pieds, aujourd'hui, il reste bien peu de la liberté conquise par les prolétaires français pendant tout un siècle.
Et ce n'est nullement de la faute des capitalistes, ni grâce aux Kravchenko s'il en subsiste encore un peu. Ces messieurs les capitalistes ont fait de leur mieux pour la supprimer totalement. S'ils n'y ont pas réussi, c'est uniquement grâce aux travailleurs qui ne se résignent pas à la "liberté" des Kravchenko, c'est-à-dire à l'esclavage capitaliste.
LA VOIX DES TRAVAILLEURS
Depuis plus de deux semaines, les journaux commentent largement la guerre de Palestine, mais n'en éclairent pas le sens.
Alors que les Anglo-Américains soutiennent la Ligue arabe, l'opinion officielle en France s'est montrée plutôt favorable aux sionistes. De quel côté se trouve la "cause juste" ?
Pour les centaines de milliers de Juifs qui cherchent un "foyer" : c'est-à-dire la sécurité, l'Etat-nain de Palestine n'est pas une solution. Mais si les nationalistes juifs, en se basant sur les traditions de l'histoire, ont fait de ce morceau de terre l'objet de tous leurs espoirs, ce sont précisément les impérialistes anglais, les combattant aujourd'hui à mort, qui avaient dès 1917 (déclaration Balfour), promis aux sionistes cette terre se trouvant sous leur domination. Ils n'ont pas tardé à mentir à leurs promesses, car pour eux l'immigration juive, organisée au compte-goutte n'était qu'une machination destinée à introduire un nouvel élément de trouble et de division dans le monde arabe, suivant la formule "diviser pour régner". Cependant que des milliers de jeunes juifs donnaient le meilleur de leurs forces pour fertiliser cette terre, l'occupant anglais jouait, au mieux de ses propres intérêts, tantôt les Arabes contre les Juifs, tantôt contre les Arabes, les quelques Juifs qui avaient pu immigrer au prix des plus grands efforts.
Après la guerre de 1940, avec les milliers d'hommes et de femmes traqués et sans foyer, le problème palestinien prit une acuité encore plus grande. Devant les conflits croissant, la Grande-bretagne annonça brusquement son intention de se retirer de Palestine... mais y resta. Car cette "menace" de se retirer n'était en réalité, pour des raisons stratégiques, qu'un biais permettant l'immixtion des "Nations Unies", c'est-à-dire de l'Amérique. Celle-ci se déclara favorable au découpage de l'Etat palestinien en deux : un morceau pour les Juifs, l'autre pour les Arabes. Mais cette décision, qui aggrava les conflits judéo-arabes, n'eut même pas le temps d'être appliquée, que l'on vit brusquement les Etats-Unis faire des déclarations en faveur de la Ligue arabe. Washington veut renforcer ces derniers de façon à constituer, avec la Grèce, la Turquie et l'Iran, un bloc pour contenir ce qu'il est convenu d'appeler l'expansion soviétique, écrivait le 15 avril, le journal capitaliste français Le Monde.
Il est clair que "les grandes puissances" ne sont pas intervenues en médiateurs dans le conflit palestinien ; ce sont elles les véritables instigateurs des troubles : soutenant tantôt l'un tantôt l'autre, suivant les exigences du moment de leur politique extérieure, abusant tout à tour les peuples juif et arabe de leurs promesses (qu'elles ne tiennent jamais), attisant les haines et entretenant un foyer permanent de luttes intestines. N'est-ce pas ainsi qu'à travers toutes les manœuvres, la "décision" de l'Angleterre de se retirer de Palestine a abouti aujourd'hui à un débarquement en force de troupes et de tanks.
C'est aussi de ce même point de vue impérialiste, qui n'a rien d'idéaliste, que s'explique l'attitude de "défense" des Juifs par les capitalistes français : si les Anglo-Américains soutiennent les seigneurs arabes dans leur expansion nationaliste, n'est-ce pas là un danger qui peut donner le branle à tout le monde musulman, à cette Afrique du Nord où "l'ordre" est si péniblement maintenu ?
Cependant, face à cette guerre de Palestine qui constitue l'un des foyers de la 3ème guerre mondiale, jamais aucun des journaux capitalistes n'a relaté, et pour cause, que les peuples – le véritable peuple ouvrier et paysan – les peuples juif et arabe, ont montré qu'ils pouvaient s'entendre. Le mouvement de pacification est sorti du sein de la classe ouvrière. Les syndicats ouvriers juifs et arabes conclurent des ententes et organisèrent la fraternisation dans des grèves communes. Ce sont les impérialistes, entretenant leurs agents dans les deux camps nationalistes, qui ont fait assassiner dans la seule année 1947 (comme nous l'avions relaté dans La Voix, n° 21) 13 leaders des syndicats arabes travaillant pour le rapprochement entre les deux peuples.
Les impérialistes, aidés en cela par les agents nationalistes
des deux camps, font tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher
l'union entre les ouvriers et les paysans juifs et arabes.
Mais "c'est l'essence du mouvement ouvrier lui-même, pour défendre
ses intérêts, de défendre aussi la fraternité
entre les peuples. En luttant contre les excitateurs de guerre qui entretiennent
la division entre les peuples, le mouvement ouvrier lutte pour la paix".
(La Voix, n° 21).
Aussi, vis-à-vis de la guerre de Palestine, les ouvriers de tous les pays n'ont qu'une position à prendre : appuyer le mouvement d'union et de fraternité des ouvriers juifs et arabes contre l'impérialisme. Ils lutteront ainsi contre les provocateurs de guerre.
Alors que la majorité des conducteurs du métro, groupés dans le syndicat autonome, a décidé la grève, la C.G.T. a donné l'ordre à ses adhérents, qui sont la minorité, de continuer le travail.
Tous ces temps derniers, la C.G.T. défendait "l'action directe" ; elle vantait chaque "victoire", aussi minime fût-elle, obtenue par des débrayages.
Pourquoi cette attitude de briseurs de grève vis-à-vis des conducteurs du métro ? Les dirigeants de la C.G.T. n'ont pu donner d'autre explication que celle-ci : "Il faut d'abord épuiser toutes les possibilités de discussion". Mais le fait, qu'à leur avis, il aurait fallu continuer encore à discuter, justifie-t-il le sabotage d'une action décidée par la majorité des ouvriers ? Ou le fait que les dirigeants cégétistes n'en soient pas les instigateurs autorise-t-il la trahison ?
Mais il n'y a pas plus de raisons, dictées par l'intérêt ouvrier, dans leur action de briseurs de grève, que dans les grèves dont ils prennent la tête.
Pourquoi plus antigrévistes ici que progrévistes ailleurs ? Nulle part leur action n'exprime la volonté de la majorité ouvrière.
Depuis plusieurs semaines, nous relatons des débrayages partiels chez Renault. La C.G.T. qui en a eu la direction, n'a jamais consulté les ouvriers, ni sur les revendications qui ont été élaborées par les bureaucrates, ni sur les moyens d'action. Des ouvriers réclament la suppression du travail au rendement, d'autres ont demandé le paiement des heures de grève ; aucune de ces revendications n'a été posée à la direction par les délégués cégétistes. Dans un département, le mot d'ordre est d'une heure de grève ; dans l'autre, d'un quart d'heure ; et dans un autre encore, "il ne faut pas faire le jeu de la direction en se mettant en grève !"
Dans la grève qu'ils brisent ou dans la grève qu'ils font, les bureaucrates syndicaux ont la même attitude. Ils veulent pouvoir agir en "représentants" des ouvriers sans se soumettre à leur contrôle. Et, pour pouvoir mieux manœuvrer les ouvriers, ils doivent les déshabituer de décider eux-mêmes de leurs propres affaires.
Les ouvriers ne surmonteront jamais la démoralisation que ces méthodes entraînent parmi eux, s'ils n'obligent pas les organisations syndicales à les laisser s'exprimer et à se soumettre à leur volonté.
Au sein du parlement bourgeois, les députés qui se prétendent ouvriers se soumettent bien à la majorité réactionnaire ; les députés du P.C.F., qui se disent contre les crédits militaires régulièrement votés, n'ont pas, pour cela, "brisé" la légalité parlementaire.
Pourquoi, au sein du mouvement ouvrier lui-même, ces gens agiraient-ils à leur guise et ne seraient-ils pas contraints de consulter les ouvriers et de se soumettre à la volonté de la majorité ?
La Régie Renault condamnée aux dépens
Le juge de paix de Boulogne-Billancourt vient de rendre son jugement dans le conflit qui opposait M. Lefaucheux, au nom de la Régie Renault, au secrétaire du S.D.R., Pierre Bois.
Le S.D.R. réclamait l'annulation des élections du 24 février et du 9 mars aux départements 18 et 6. En effet, au département 18 le candidat cégétiste, avec 46 voix sur 195 inscrits, avait été élu grâce à un savant et arbitraire découpage électoral ; cent vingt-six électeurs de ce département avaient chargé en conséquence le S.D.R., par une pétition, de défendre leurs droits. D'autre part, au département 6, des fraudes avaient été constatées au cours du scrutin.
Le juge de paix rejette la demande de M. Lefaucheux qui, par l'intermédiaire de son avocat, contestait la représentativité du S.D.R. Il annule les élections des deux départements et en ordonne de nouvelles. Il condamne la Régie aux dépens.
Ce procès achève de démasquer la complicité des "trois larrons" : M. Lefaucheux, la section syndicale et l'inspecteur du travail, qui n'ont reculé devant aucun arbitraire pour empêcher les travailleurs des départements 6 et 18 de marcher ensemble et d'avoir des représentants de leur choix. Mais la peur que des représentants authentiques des ouvriers inspire à ces messieurs leur avait fait perdre toute retenue.
P.Faynsilberg
M. Lefaucheux, président directeur de la Régie nationale des usines Renault, vient d'expliquer, dans son bulletin de mars-avril à quoi ont servi les efforts des ouvriers pendant les trois dernières années.
Nous avons là un exemple typique de la politique patronale et des résultats néfastes de la collaboration de classe qui vaut qu'on s'y arrête.
Après la "Libération", direction patronale et direction syndicale se sont mises à entonner en chœur l'hymne à la production. Le pays était à plat ; il fallait produire. Et, pour stimuler l'effort des travailleurs, personne ne manqua de faire des promesses. Les prix avaient augmenté au marché légal, mais il fallait surtout résorber le marché noir en produisant en abondance. Mais on s'est aperçu rapidement que le marché légal disparaissait, tandis que les prix du marché noir devenaient les prix normaux. Et pourtant on a produit. La production de 1938 a été rattrapée, et dans beaucoup d'endroits dépassée. M. Lefaucheux nous apprend qu'il fallait quinze ouvriers pour fabriquer un véhicule par mois, en 1945, et que ce véhicule, en 1947, est fabriqué avec seulement six ouvriers. En 1945, M. Lefaucheux faisait des bénéfices et en distribuait une petite partie au personnel, sous forme de "prime de persévérance dans l'effort commun". Maintenant, plus de bénéfices, et même plus de quoi payer normalement les ouvriers, puisque M. Lefaucheux est obligé de jongler avec les textes d'application des salaires pour donner un salaire de base inférieur au minimum légal.
A qui ont profité les efforts des travailleurs ? Telle est la question que pose M. Lefaucheux et à laquelle il répond :
A personne ; ni aux ouvriers (il serait difficile de faire admettre cette thèse quand on avoue par ailleurs que le pouvoir d'achat des ouvriers a baissé), ni aux clients. M. Lefaucheux ne parle pas des actionnaires et, en particulier, du plus gros des actionnaires : l'Etat. Mais M. Lefaucheux avoue : le gouffre qui a englouti l'effort des travailleurs, c'est la CONCURRENCE.
La Régie s'est remontée, mais elle est encore au-dessous des concurrents étrangers.
Mais alors où va nous mener cette politique du produire ? Si on produit en France, les ouvriers des autres pays ne chôment pas et leurs capitalistes savent aussi trouver des slogans et des complicités dans les syndicats pour les faire "travailler d'abord".
On ne travaille pas pour pouvoir satisfaire les besoins de la consommation ; on travaille pour pouvoir produire à un prix inférieur au concurrent étranger.
En France, M. Lefaucheux ne craint pas la concurrence dans l'automobile. Il a ses trente-cinq mille esclaves bien en main, soit directement, soit indirectement, par l'intermédiaire des organisations syndicales. Il pourra donc sortir des voitures sans crainte d'être brûlé par un rival. Mais s'il ne craint pas la concurrence des autres firmes d'automobiles (du moins le prétend-il), il craint la concurrence par fer...
Le directeur de la Régie Renault voudrait associer les travailleurs à la lutte que se livrent les différents trusts sur le plan économique (route et fer, par exemple). Mais où le problème prend toute son ampleur, c'est quand il se pose sur le plan international.
La lutte pour briser la concurrence étrangère, additionnée d'une bonne petite propagande patriotique, arrive automatiquement à cette conclusion : la guerre.
Jusqu'à maintenant la bourgeoisie a fait s'entre-tuer les travailleurs en leur bourrant le crâne avec des slogans et des mensonges sur la liberté, le droit des peuples, la victoire de la démocratie, etc. Réussira-t-elle a faire admettre aux travailleurs qu'ils doivent s'entr'égorger en poussant le cynisme jusqu'à leur avouer le véritable motif de la guerre : la lutte pour les débouchés économiques et pour le partage des zones d'influence et des sources de profits ?
En attendant de les entraîner dans une lutte militaire contre les autres trusts, le directeur de la Régie veut, avec la complicité du comité d'entreprise, faire supporter aux ouvriers les frais de la lutte économique qu'est la concurrence (surexploitation, bas salaires).
Plutôt que de suivre leurs patrons dans cette voie, les ouvriers sauront s'unir aux travailleurs des autres usines et des autres pays contre les capitalistes.
P. BOIS.
Pour convaincre les ouvriers de participer en masse au défilé du 1er mai, Hénaff en personne avait pris la peine d'aller jusqu'à la porte des usines. Mais, chez Renault, si nombreux furent les ouvriers qui refusèrent d'aller écouter le grand chef (qu'ils ne se gênèrent pas de qualifier d'épithètes peu flatteuses !), trop peu sans doute surent rendre hommage à son effort pour se rapprocher des ouvriers.
"Je connais vos souffrances...", lança Hénaff, gros et gras, aux quelques dizaines d'ouvriers présents, harassés de fatigue et de privations. Daniel Mayer ou M. Lefaucheux ne se seraient pas exprimé autrement !
Vous connaissez peut-être les souffrances des ouvriers, M. Hénaff (seul un aveugle pourrait ne pas les voir) mais vous ne les partagez pas. Voilà toute la différence entre les ouvriers et vous et vos semblables.
Depuis combien d'années êtes-vous encroûté dans votre fauteuil de
"Secrétaire-général-de-l'Union-des-Syndicats-de-la-Région-Parisienne" ? Depuis combien d'années bénéficiez-vous d'une bonne paye et de multiples avantages et commodités pour pouvoir apprendre aux ouvriers à accepter leurs souffrances ?
De vos protestations de sympathie, les ouvriers n'ont que faire ! Les bourgeois aussi, quand ils l'ont sous les yeux, savent voir la misère et trouver des paroles de pitié ; mais, une fois revenus à "leurs affaires", dans leur propre milieu, ils n'y pensent plus. C'est ce que vous faites également, en digne bureaucrate, M. Hénaff !
Car le terme de bureaucrate ne désigne pas les délégués élus par les ouvriers pour remplir les fonctions syndicales, mais cette catégorie de parasites qui, s'affublant toujours du titre de "représentants ouvriers", se sont éloignés, de par leur mode de vie, de la masse des ouvriers pour s'ériger en une caste inamovible ayant ses propres intérêts.
C'est pourquoi le S.D.R., s'inspirant des traditions démocratiques de la Commune, a inscrit dans ses statuts :
4° Les fonctions exercées par les responsables locaux ne donnent lieu à aucune rétribution, sinon exceptionnellement, après décision en assemblée générale.
5° Au cas où, pour l'ensemble des syndiqués de l'usine, des personnes seraient appelées à exercer, par décision des assemblées générales, une fonction administrative permanente, leur rétribution ne pourra en aucun cas dépasser le salaire d'un O.S.
[Suite de l'article sur la grève Renault d'avril 1947, reproduit en entier avec le numéro 43 de la Voix des Travailleurs]
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